Crédit :
Aurélien R.R. Bonnetaud, Parodie d’un
monde sans failles
«Ils
vécurent une période de transition où les différences devinrent élastiques» ...
un regard humoristique sur certaines absurdités du monde moderne. Les attitudes
de masse, les rites et codifications que nous créons et auxquels nous devenons
soumis nous amènent quelquefois dans le non sens le plus total.
Toutes les images :
Bibliosurf :
La bourse ou la vie; Philippe
Labarde / Bernard Maris; Éditeur Albin Michel (19/04/2000)
Résumé
:
Quel
type de société nous réservent les chantres des fonds de pension, des
stock-options et de la Bourse pour tous? Que se cache-t-il derrière l'avenir
radieux promis par la nouvelle économie? Le capitalisme, toujours en quête de
nouveaux marchés, ne risque-t-il pas de dissoudre le modèle démocratique?
Autant de questions auxquelles Philippe Labarde et Bernard Maris, déjà auteurs
de Ah Dieu! Que la guerre économique est
jolie!, ont choisi de répondre sur un ton résolument polémique. Et ce en
analysant les récentes évolutions du capitalisme mondial et en éclairant la face
cachée de notions chères aux libéraux comme les privatisations, les fonds de
pension, la «création de valeur» ou encore le «capitalisme populaire». L'objectif
principal de l'ouvrage est clair : déconstruire le discours économiste
dominant, repris en choeur par les médias et les puissants, en repérant ses
contradictions et ses hypocrisies. Caricaturale à dessein, nourrie d'exemples
précis, l'argumentation est souvent percutante et contient des passages
particulièrement savoureux (sur l'illusion que constitue la «transparence»,
tant prônée par les fonds américains ou la mystification opérée par les fonds
d'investissement «éthiques», par exemple). Très accessible, ce pamphlet séduira
tous ceux qui ne veulent pas vivre au sein d'une «République des actionnaires».
– Arnaud
Stephanopoli
«Quel
imbécile peut croire à la transparence,
cette qualité des entreprises à peu près aussi partagée que la virginité dans
une maison de passe? Qui ne sait que l'honneur, la vertu, sont toujours brandis
par ceux qui en ont le moins?
Il n'arrive pratiquement jamais qu'un grand
patron se retrouve au chômage : on le voit toujours réapparaître, et très
rapidement, à la tête d'une autre entreprise, nouvelle parfois. Pourquoi? Parce qu'un grand patron, c'est un réseau,
un carnet d'adresses, des amitiés, des relations, des tractations, des jeux
d'alliance, et que la transparence,
il n'y a que les cyniques du néolibéralisme pour feindre d'y croire.» (La bourse ou la vie)
En
avril dernier François Legault et Pierre Fitzgibbon défendaient la nomination
de Guy LeBlanc à la tête d’Investissement Québec en des termes similaires.
«Le monde des affaires est petit, et notre
ministre de l'Économie, Pierre Fitzgibbon, a ‘beaucoup d'amis’, et les relations
d'affaires et amicales qui l'unissent avec Guy LeBlanc ne devraient pas
suffire à l'écarter de la société d'État. ... Le but, c'est de faire exploser les investissements des entreprises au
Québec. Et on veut les meilleurs. Il faut ajuster la rémunération en
fonction du marché.» (François Legault)
Jusqu’à tout récemment M. LeBlanc brassait
des affaires personnelles avec M. Fitzgibbon. La rémunération totale du nouveau
PDG d'Investissement Québec pourrait augmenter de 277 000 $ afin d'atteindre
près de 800 000 $ annuellement. Le dernier PDG de la société d'État touchait une
rémunération totale de 523 000 $.
En
2019, le Canada (toutes provinces incluses) est toujours un parfait cancre en matière
d’environnement et de respect des droits de la personne, même si l’on prétend
le contraire. J’ai honte d’être canadienne.
Dans
un article publié dans La Presse en 2012 on rapportait les scandales
des industriels canadiens à l’étranger qui s’adonnent au pillage des
ressources : évictions forcées en Papouasie-Nouvelle-Guinée; massacre en
République démocratique du Congo; viols collectifs au Guatemala. En Argentine, au
Guatemala, au Mexique, en Bolivie, etc., partout sur la planète, des sociétés
minières canadiennes sont accusées d'engendrer de la violence et des dommages
écologiques.
Mines canadiennes à l'étranger : or,
sang et feuille d'érable
Agnès
Gruda, Isabelle Hachey | La Presse 20 octobre 2012
En
Tanzanie, des dizaines de personnes se ruent chaque jour sur les débris
recrachés par une gigantesque mine d'or à ciel ouvert. Elles espèrent y
grappiller les pépites qui leur permettront de nourrir leur famille -au péril
de leur vie.
Au Honduras, les habitants d'une vallée
soutiennent avoir été empoisonnés à petit feu par les activités d'une mine
aurifère. Amers, ils parlent de leurs rivières asséchées, de leurs maladies de
peau, de leurs puits contaminés à l'arsenic et au mercure.
Au Salvador, quatre opposants à un projet
minier ont été assassinés depuis 2009. De mystérieux meurtres en série qui ont
ébranlé ce petit pays d'Amérique latine.
Trois pays, trois conflits sociaux. Et un
point commun : les entreprises impliquées dans ces affaires sont toutes trois
canadiennes.
Les
trois quarts des sociétés minières de la
planète ont leur siège social au Canada. Elles y sont attirées par de
généreux congés fiscaux – et par des contrôles réglementaires minimaux. La ruée
vers l'or, toutefois, les pousse à exploiter des mines dans des pays pauvres,
où la police est corrompue et les droits de la personne, pas toujours
respectés.
Trop
souvent, le résultat est explosif. Et la réputation du Canada en souffre. Dans
certains pays, la feuille d'érable est même devenue synonyme de négligence et
de violation de droits.
De l'Afrique à l'Amérique latine, voici
l'histoire de gens ordinaires dont la vie a été bouleversée par une industrie
aussi lucrative que controversée.
La politique du Canada à l'égard des pays du
tiers-monde ne tient absolument pas compte de leur souveraineté. On ne se
préoccupe pas du respect des droits de la personne. Il n'en a que pour le
respect de ses intérêts économiques.
Dans plusieurs pays du tiers-monde, la
diplomatie canadienne est pratiquement devenue un lobby minier officieux.
Chaque année, des ambassades du Canada organisent des ateliers dans une cinquantaine
de capitales. Elles invitent des ministres, des fonctionnaires, des financiers.
Officiellement, c'est pour faire la promotion de la responsabilité sociale des
entreprises, mais en réalité, on y fait surtout la promotion des sociétés
minières canadiennes.
Les projets miniers sont par définition
éphémères. Les entreprises viennent et s'en vont. Mais les communautés touchées
par ces projets restent, pour le meilleur ou pour le pire.
Le projet de loi C-300 du député McKay
prévoyait de retirer le financement gouvernemental aux entreprises qui auraient
été reconnues coupables de violations à l'étranger.
Le
lobby minier a dépensé des centaines de milliers de dollars pour le combattre,
en embauchant les meilleures firmes de relations publiques et en multipliant
les rencontres avec les ministres, députés et hauts fonctionnaires. Le
projet de loi a été battu de justesse, en troisième lecture, en octobre 2010.
Et les sociétés minières ne sont toujours soumises à aucune règle, mis à part
celles, souvent très faibles, des pays dont elles exploitent les ressources.
Un
grand reportage à lire, signé Agnès Gruda, Isabelle Hachey, David Boily et
Ivanoh Demers :
«Les
pays riches ne se contentent pas de consommer dix fois plus de ressources par
habitant que les pays pauvres. Cette consommation, d’eau, de minerais, de
pétrole ou de produits agricoles, se fait aussi au prix de dégradations
environnementales et de violations des droits humains, générées par les
multinationales qui (sur)exploitent ces ressources. Des entreprises qui ne sont
jamais tenues légalement responsables des conséquences de leurs activités, en
raison de leur poids économique et politique et de l’attentisme des
gouvernements et des populations.» (Le Monde, 20 octobre 2010)
Aucune poursuite pénale pour les ignobles saccages environnementaux.
La
thèse qui suit a été présentée en 2009 – et ce bouquet de bons vœux n’a malheureusement
pas eu de suite. En outre, ce que la Canada devrait exiger des sociétés
canadiennes à l’étranger, il ne l’exige même pas ici!
Extrait
La responsabilité pénale des sociétés
canadiennes pour les crimes contre l’environnement survenus à l’étranger
Par
Amissi Melchiade Manirabona | Août 2009 | Faculté de droit
(Thèse
présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de
Docteur en droit)
«As a psychopathic creature, the corporation can
neither recognize nor act upon moral reasons to refrain from harming others.
Nothing in its legal makeup limits what it can do to others in pursuing its
selfish ends, and it is compelled to cause harm when the benefits of doing so
outweigh the costs. Only pragmatic concern for its own interests and the laws
of the land constrain the corporation’s predatory instincts, and often that is
not enough to stop it from destroying lives, damaging communities, and
endangering the planet as a whole». (Joel Bakan, The Corporation: The Pathological Pursuit of Profit and Power, New
York / Toronto, Free Press, 2004 à la p. 60).
La Cour pénale internationale (CPI)
instituée pour juger les acteurs non-étatiques n’a malheureusement pas
juridiction pour juger les sociétés commerciales quand bien même celles-ci
commettraient des crimes parmi les plus graves.
Introduction générale
Au
lendemain de la Deuxième Guerre mondiale est apparu un important phénomène de
groupements d’entreprises commerciales. Le besoin de la reconstruction des
États a entraîné des grands travaux qui, souvent, dépassaient les possibilités
matérielles et financières d’une seule entreprise. Afin de faire face à ces
vastes chantiers, il était plus pratique pour les sociétés de nouer des
relations d’alliance, ce qui a conduit à la constitution de groupes de sociétés
qui ont d’abord opéré au plan national avant de délocaliser leurs activités
au-delà des frontières de leurs pays d’origine.
La
délocalisation des entreprises vers les territoires soumis à des souverainetés
étatiques étrangères a permis l’émergence des sociétés en groupements reliées
et obéissant à une stratégie économique commune qu’on appelle couramment les
sociétés multinationales. Selon l’OCDE, les sociétés multinationales sont des
entreprises ou entités «établies dans plusieurs pays et liées de telle façon
qu’elles peuvent coordonner leurs
activités de diverses manières». L’OCDE ajoute que dans leur fonctionnement,
«une ou plusieurs de ces entités peuvent être en mesure d’exercer une grande
influence sur les activités des autres,
mais leur degré d’autonomie au sein de l’entreprise peut être très variable d’une multinationale à
l’autre».
Actuellement, les sociétés multinationales ou transnationales occupent une position
de premier plan dans les relations économiques internationales. Qu’il
s’agisse de la construction, de la manufacture, des services, de la technologie,
de l’extraction minière ou du transport, aucun domaine économique n’est épargné par l’intervention de cette
catégorie d’entreprises. En 2007, on estimait qu’il y avait dans le monde
79000 sociétés transnationales ayant chacune en moyenne 10 sociétés affiliées à
l’étranger.
La présence des sociétés multinationales
dans les pays en développement a ses bons et mauvais côtés. L’intensification des activités de ce genre
de sociétés fait la fierté de leurs actionnaires dans la mesure où elle permet
l’accroissement de leur puissance économique. Les investissements faits par
ces entreprises sont aussi supposés participer au bien-être des populations des
pays d’accueil notamment par la création d’emplois pour les populations
locales. En outre, dans le cas des sociétés d’extraction minière, comme la
majorité d’entre elles sont installées loin des villes, dans des zones isolées
et économiquement défavorisées, la présence des sociétés étrangères assure aux
populations locales un soutien sanitaire important de même qu’un certain nombre
d’autres avantages sociaux tels que les infrastructures routières, l’eau
potable, les écoles, les terrains de jeu, etc. Enfin, dans la mesure où la plupart des travaux d’investissement, comme
l’extraction du pétrole, du gaz et des minerais exigent la mobilisation de la
haute technologie et des capitaux dont plusieurs pays en développement ne
disposent pas, ces derniers ont intérêt à ce que les investisseurs étrangers
interviennent en grand nombre afin de mettre en valeur leurs différents projets
et ainsi encaisser plus de recettes en termes de dividendes, de taxes et
d’impôts.
Cependant, les avantages procurés par les sociétés transnationales sont souvent
annihilés par leur comportement irresponsable par rapport à la protection des
droits de la personne en général et de l’environnement en particulier. Cet
état de fait risque de se perpétuer à grande échelle car plusieurs recherches
ont prouvé qu’en l’absence de normes contraignantes, peu de sociétés se
conforment aux politiques
d’internalisation des risques parce que cela a un coût qu’elles ne
veulent pas supporter.
Or, pour l’instant, le droit international
en général et le droit de l’environnement en particulier ne sont pas en mesure
d’encadrer, avec efficacité, les activités des sociétés transnationales. Les commentateurs ont mis au
jour l’inefficacité, voire même l’inapplicabilité, des conventions
internationales dans la régulation des activités de ces sociétés.
Dans le cours normal des choses, il
appartient à l’État, sur le territoire duquel opère une société, de réglementer
ses activités. Malheureusement, dans la plupart des pays en développement où
beaucoup de sociétés multinationales opèrent, il n’existe pas de mécanismes adéquats contraignant les sociétés
transnationales à répondre d’éventuels crimes contre l’environnement qu’elles
sont susceptibles de commettre. En conséquence, dans plusieurs de ces
États, les activités des sociétés transnationales sont peu ou pas réglementées. Comme
conséquence, plus les jours passent,
plus on assiste à une multiplication de cas d’atteintes à l’environnement dus
surtout à l’accroissement du poids financier des entreprises multinationales
qui, avec l’accentuation du libéralisme,
sont de plus en plus présentes dans les pays en
développement. La puissance
économique dont disposent ces sociétés face aux pays en développement, de même que le manque de normes appropriées
et le phénomène de la corruption,
occasionnent alors certains abus qui échappent totalement au droit.
Par ailleurs, les institutions
internationales chargées d’accompagner
le développement comme le Fonds
Monétaire International et la Banque mondiale encouragent les pays en
développement à adopter des législations favorables aux intérêts des
investisseurs étrangers. Bien que ces institutions recommandent l’adoption
de normes minimales de respect de l’environnement par les investisseurs bénéficiant
de leurs financements, ces normes demeurent d’application volontariste et leur
mise en œuvre souffre généralement des défaillances institutionnelles. Quant
aux projets directement financés par les agences gouvernementales des pays
d’origine des sociétés transnationales, ils ne sont quasiment soumis à aucune
norme environnementale obligatoire. Si les exigences d’information
environnementale adoptées dans certains de ces pays ne se heurtent pas à la
problématique de la territorialité, elles manquent de rigueur et la législation
y est relative, bien qu’elle puisse avoir le potentiel d’améliorer la protection
de l’environnement, malgré son champ d’application réduit, n’en est encore qu’à
ses balbutiements.
Les traités conclus pour favoriser les
investissements étrangers laissent généralement peu de place aux normes
environnementales contraignantes. Les tentatives d’imposition de nouveaux standards environnementaux aux
investisseurs étrangers sont souvent
entravées par les obligations contenues dans ces traités
d’investissements qui peuvent assimiler le renforcement de la législation à une
forme d’expropriation susceptible d’entraîner le paiement de dommages-intérêts
par les États hôtes. De même, la majorité des pays en développement
considèrent qu’une législation environnementale contraignante pourrait
décourager les investisseurs étrangers. Dans ces pays, on estime, à tort ou
à raison, que seuls les capitaux étrangers sont susceptibles de permettre des
lendemains meilleurs.
Devant cette réalité, les pays en
développement se livrent à une véritable compétition en nivelant, vers le bas,
le seuil d’obligations des investisseurs étrangers envers l’environnement. La
recherche d’un niveau maximal d’investissements étrangers se traduit donc
généralement par un faible niveau de réglementation ou, même, par un abandon
pur et simple de tout contrôle des activités des sociétés transnationales. La
mondialisation économique étant ainsi dépourvue de mécanismes de sauvegarde de
l’environnement, la dégradation de celui-ci ne peut que s’accélérer.
L’état
d’impunité qui entoure les activités des sociétés transnationales dans les
pays en développement connote une
entorse au principe d’égalité de tous devant la loi, ce qui n’est qu’une forme
de discrimination au détriment des faibles. Pourtant, il existe, au sein de la
communauté nationale et internationale, un fort consensus autour de l’idée
selon laquelle la préservation de l'environnement constitue l’une des plus
grandes priorités de notre époque. Dans ces conditions, le manque d’actions concrètes sur le
plan international devrait pousser les
États développés à combler cette lacune par
l’adoption des mesures qui obligent leurs sociétés opérant à l’étranger à se préoccuper de la préservation de
l’environnement dans leurs activités. Le droit pénal apparaît, dans cette
perspective, comme étant un instrument incontournable.
Toutefois, la réalité est que la justice nationale dans les pays riches
est toujours réticente à examiner les
crimes contre l’environnement survenus à l’étranger à cause de l’incertitude qui entoure la question de
la compétence.
L’objectif de cette étude est de chercher
comment les crimes contre l’environnement survenus à l’étranger, dans le cadre
des activités des sociétés canadiennes,
peuvent entraîner des poursuites
pénales au Canada. En l’absence de législations ayant une portée extraterritoriale
explicite en la matière, la recherche se réfère au droit existant et propose
une nouvelle approche d’interprétation et d’adaptation qui tient compte des
récents développements considérant désormais le droit à un environnement sûr
comme l’une des valeurs fondamentales
pour la société canadienne.
Ce sujet de recherche traite d’enjeux
extrêmement importants, que ce soit au niveau pratique, scientifique,
socio-économique ou politico-diplomatique. D’un point de vue pratique d’abord,
le choix d’un sujet qui prône l’extraterritorialité de la compétence des
tribunaux canadiens en matière environnementale a été dicté par le fait que la
lutte contre la dégradation de
l'environnement constitue, plus que jamais, un des grands défis auxquels tous
les pays du monde sont confrontés. Malgré le développement croissant de
normes internationales relatives à la protection de l’environnement consécutive
à l’adoption d’une multiplicité de traités, de conventions et de déclarations, il n'existe pas de mécanisme juridique
capable de les mettre en œuvre de façon contraignante. Au niveau politique
et diplomatique, plusieurs auteurs ont déploré la nature purement symbolique du
travail effectué par les institutions internationales créées pourtant pour
assurer le respect des normes protectrices de l’environnement dont les effets
demeurent, jusque-là, insignifiants. Au plan judiciaire, les quelques fora
internationaux qui tranchent les affaires portant sur l’environnement sont
considérés comme lents, coûteux, non coordonnés, encombrants et incertains. De
plus, ces fora, créés sur base de traités ou de conventions internationales, ne
sont pas compétents pour juger les affaires pénales d’une part, et, d’autre
part, ils ne peuvent se saisir des cas
impliquant les acteurs non-étatiques. La
Cour pénale internationale (CPI) instituée pour juger les acteurs non-étatiques
n’a malheureusement pas juridiction pour juger les sociétés commerciales quand
bien même celles-ci commettraient des crimes parmi les plus graves.
Certes, il existe des Codes de conduite
publics (élaborés par les États ou par les organisations internationales comme
l’Organisation des Nations Unies, l’Union
Européenne, l’OIT ou l’OCDE)
ainsi que des Codes de conduite privés (adoptés par les compagnies elles-mêmes)
qui visent la régulation des activités des sociétés multinationales. Leur portée
demeure toutefois limitée dans la mesure où, de par leur nature volontariste,
ils n’imposent, ni aux sociétés transnationales ni aux États, d’obligations
pouvant être juridiquement sanctionnées. En outre, ces Codes ne prévoient aucun
mécanisme efficace de contrôle et de sanction en cas de violation.
Au Canada, bien qu’on ait constaté que les sociétés multinationales d’extraction
des ressources naturelles participent à des atteintes aux droits de la personne
et à l’environnement dans les pays en développement, le Groupe consultatif
des Tables rondes nationales sur la responsabilité sociale des entreprises
extractives s’est contenté de faire des recommandations au gouvernement fédéral
pour l’élaboration de standards qui sont cependant loin d’être contraignants. En
conséquence, dans sa réponse à ces recommandations, le gouvernement fédéral s’est gardé de prendre des mesures obligatoires
à l’encontre des sociétés canadiennes œuvrant à l’étranger. Cela
signifie donc qu’à ce jour, il n’existe toujours pas d’instruments
capables de sanctionner, avec efficacité, la violation des normes protectrices
de l’environnement par les sociétés transnationales présentes dans
plusieurs pays en développement.
Comme nous l’avons déjà souligné, la logique
commande que ce soit la justice de l’État où l’acte criminel s’est produit qui
le réprime. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE)
prévoit par exemple des sanctions pénales contre toute personne physique ou
morale qui se livre à des activités de pollution au Canada. Mais à l’instar
d’autres lois, les lois canadiennes relatives à la protection de
l’environnement n’ont théoriquement
qu’une portée nationale et, selon le principe de la territorialité, leurs effets
ne peuvent pas être étendus aux actes prohibés commis en dehors des frontières
du Canada. De même, l’existence des traités ratifiés dans le domaine de la
protection de l’environnement n’est pas
d’une grande utilité en cette matière puisque ces traités ne régissent pas les acteurs non-étatiques qui
n’en sont pas signataires.
Or, grâce
à sa législation à régime fiscal attractif, le Canada est l’un des États
qui contribuent au développement
croissant des activités des entreprises multinationales. Cet attrait est
par exemple très accentué dans le domaine minier où le Canada est jusqu’ici considéré comme le pays comptant le
plus de sociétés au monde. Or, il est bien connu que les opérations
d’extraction et de raffinage des matières premières sont parmi les sources importantes de la pollution de
l’environnement. Comme nous l’avons déjà
évoqué, la propension de polluer s’accroît énormément lorsque les
sociétés d’extraction et de raffinage opèrent dans des pays où elles ne sont
pas assujetties aux normes environnementales appropriées. Dans ces conditions,
une application efficace des normes
environnementales aux sociétés transnationales faisant affaire à partir du Canada pourrait aider à combattre
sensiblement la dégradation de l’environnement.
D’un point de vue sociopolitique, à l’instar
d’autres peuples du monde, le peuple
canadien s’intéresse de plus en plus à ce qui devrait être fait pour assurer
une meilleure protection de la planète
car les impacts de la destruction de l’environnement sont universels quel que
soit l’endroit où surviennent les atteintes à l’environnement. Tenant compte de cette préoccupation et suite aux
allégations de violations des règles relatives aux droits de la personne et
d’atteinte à l’environnement aux Philippines par la société TVI
Resource Development , le Comité permanent des affaires étrangères du
Canada a, en 2005, appelé à la mise en place, au niveau national, de mécanismes
juridiques pour s’assurer que les entreprises et les résidents canadiens soient
tenus de rendre des comptes pour tout crime contre l’environnement et toute
forme de violation des droits humains à
l’étranger. En réponse, le gouvernement du Canada a toutefois rejeté la
proposition d’adopter des normes contraignantes à l’encontre des sociétés opérant
à l’étranger évoquant des problèmes liés à la courtoisie internationale et à la
procédure.
Le gouvernement fédéral a plutôt opté pour
l’organisation, de mai à novembre 2006,
d’une série de tables rondes sur la responsabilité sociale des
entreprises canadiennes œuvrant à l’étranger dans le secteur minier. En 2007,
le Groupe consultatif des Tables rondes a soumis son rapport au gouvernement
fédéral dans lequel il est recommandé de poser des actes concrets en vue de
s’assurer que les entreprises opérant dans
l’extraction des ressources à l’étranger respectent les normes
protectrices de l’environnement. Tout
juste après la publication des recommandations du Groupe consultatif des Tables rondes sur la
responsabilité sociale des entreprises extractives, la
Chambre du Commerce du Canada et l’Association canadienne des prospecteurs et
entrepreneurs (ACPE) ont mis en garde le gouvernement fédéral contre toute
initiative d’adoption de mesures contraignantes à l’encontre des compagnies
canadiennes à œuvrant à l’étranger, préférant la promotion de la régulation par
le biais des mesures volontaires.
Dans sa réponse aux recommandations du
Groupe consultatif, le gouvernement
fédéral a essentiellement préféré s’en tenir à l’approche non contraignante
dans la régulation des activités que les sociétés canadiennes mènent à
l’étranger. C’est ainsi qu’il a proposé la création d’un bureau du Conseiller
en responsabilité sociale des entreprises de l’industrie extractive chargé
d’aider au traitement des litiges sans toutefois lui donner le pouvoir de formuler
de recommandations contraignantes, ni de recommandations de politique publique
ou législative. Parallèlement à cela, le Parlement n’a toujours pas réussi à
voter le projet de loi C-492 initié par le député Peter Julian et destiné à
assurer le respect des normes relatives aux droits de la personne, aux
travailleurs et à l’environnement par les sociétés opérant à l’étranger. Et
même si ce Projet de loi était adopté, il ne réglerait que les aspects civils
de la responsabilité des sociétés canadiennes à l’étranger. Malgré ses lacunes,
le Projet de loi C-492 semble actuellement relégué aux oubliettes au profit
d’un autre moins contraignant, le Projet de loi C-30051. Bien que ce projet de
loi accorde aux personnes lésées le droit de déposer les plaintes contre les
sociétés canadiennes au Canada, sa principale caractéristique consiste dans le
fait qu’il ne comporte aucun mécanisme
fiable d’indépendance puisque tout
semble reposer sur le bon vouloir des
ministres et autres agents du gouvernement. Le gouvernement fédéral
continue d’appuyer la position des gens d’affaires canadiens qui le trouvent
contraignant et donc inapproprié.
La
position du gouvernement et des gens d’affaires canadiens n’est pas étrangère à
la traditionnelle théorie du droit des compagnies qui stipule que celles-ci
n’ont aucun autre devoir que celui de maximiser les profits pour leurs
actionnaires. L’idée dominante étant que dans un monde en perpétuelle compétition, il n’existe qu’une seule
responsabilité sociale pour l’entreprise à savoir augmenter ses profits.
Actuellement, hormis quelques changements observés ici et là, force est de constater que cet accent mis
sur le profit à tout prix continue de guider les activités de certaines
sociétés. Or, les tribunaux et les auteurs n’ont cessé de nuancer cette
recherche exagérée du profit au détriment de la responsabilité sociale en
affirmant que les entreprises doivent opérer dans le respect de l’intérêt
public. [...]
La préservation de l'environnement étant
devenue l'une des grandes préoccupations de la communauté internationale,
l'absence d'institutions internationales chargées de punir les acteurs privés
responsables de graves atteintes à l'environnement ne devrait pas constituer un
prétexte pour la persistance d’une situation de déni de justice dans un monde
qui devient de plus en plus un village planétaire. [...]
Les affaires impliquant les sociétés
multinationales dans les pays d’accueil ont montré que l’absence de législation
appropriée, associée au haut niveau de la corruption dans les pays en
développement, rendent inefficaces leurs systèmes judiciaires. [...] Du point
de vue socio-économique, il n’y a pas de doute que l’adoption de comportements
responsables améliorera l’image des sociétés multinationales puisque certaines
d’entre elles sont pour l’instant considérées, à tort ou à raison, comme étant
complices de gouvernements corrompus et irrespectueux des droits de la personne
et des normes environnementales. [...]
[...] Il nous paraît fondamental de
réfléchir sur des mécanismes juridiques capables de permettre la répression des
crimes contre l’environnement commis à l’étranger par des sociétés opérant à
partir du territoire canadien. [...] Ne pas étendre la compétence pour réprimer
les crimes contre l’environnement que les ressortissants canadiens commettent à
l’étranger placerait le Canada en violation de ses obligations internationales
tout en le privant de son potentiel à stimuler la protection de l’environnement
à l’échelle internationale. Face aux menaces de dégradation de l’environnement,
les sociétés transnationales ne devraient plus continuer à jouir du vide
juridique qui existe dans les différentes législations des pays en
développement.
[...] Le
principe de la territorialité en droit pénal veut qu’il soit de la
responsabilité de chaque pays de réprimer toute infraction commise sur son
territoire. Autrement dit, d’après ce
principe, tout ce qui se produit sur le territoire d’un État déterminé
relève de la loi de cet État. Le principe de la territorialité répond à deux
considérations juridico-diplomatiques. Il y a d’abord la notion de courtoisie
qui veut qu'aucun État ne puisse s’intéresser aux infractions commises hors de
son territoire. Ensuite, il y a le principe de souveraineté qui donne à chaque État un droit légitime de
refuser à ce qu'un autre État s’ingère dans le règlement des affaires qui
surviennent sur son territoire.
Toutefois, la conception restrictive du
principe de la territorialité présente le risque de favoriser l’impunité surtout en ce qui concerne
les atteintes à l’environnement se produisant à l’étranger dans le cadre des
activités des entreprises multinationales. [...] Pour des raisons d’économie,
ces sociétés ne veulent pas imposer à leurs filiales ou partenaires étrangers,
les standards environnementaux exigés dans leurs pays d’origine. Ces sociétés
continuent ainsi de tirer profit des législations des pays en développement qui
comportent des lacunes relativement à la protection de l’environnement. C’est
pour éviter des cas de déni de justice que cette recherche propose que malgré
l’existence du principe de la territorialité, les sociétés transnationales
répondent, à leur domicile ou résidence, des actes criminels susceptibles de se
produire pendant l’exécution de leurs activités à l’étranger dans la mesure où
la destruction de l’environnement peut provoquer des conséquences néfastes pour l’humanité toute entière.
[...] Devant le poids économique et
politique grandissant des sociétés transnationales, les pays en développement
semblent alors fragilisés de toute part, ce qui ne fait qu’aggraver les cas
d’inégalités sociales. [...] Or, pour l’instant, il n’est plus un secret pour
personne que les sociétés canadiennes continuent de se livrer, à l’instar
d’autres sociétés, à la dégradation des droits de l’homme et de l’environnement
en toute impunité. Même si l’Agence Canadienne
de Développement International affirme qu’elle aide dans la résolution
pacifique des conflits environnementaux dans certains pays en développement,
cela s’avère inefficace lorsque les
atteintes à l’environnement sont le résultat d’une grande criminalité. [...]
La
deuxième partie nous permettra d’aborder les mécanismes par lesquels les crimes
contre l’environnement sont imputés aux personnes morales. Nous verrons dans
quelle mesure une organisation, dont la personnalité juridique repose sur une
fiction juridique, peut pourtant encourir la responsabilité pénale en matière
environnementale. Il sera essentiellement question d’analyser les nouvelles
dispositions du Code criminel relatives à l’imputation de la responsabilité
criminelle aux organisations. Contrairement à
l’ancienne approche de la common
law sur l’attribution de la responsabilité pénale aux personnes morales, les nouvelles dispositions
comportent la potentialité de fonder la
responsabilité pénale des organisations dans plusieurs cas de commission
des crimes que ce soit ceux de mens rea subjective ou ceux de mens rea
objective. Dans la mesure où les nouvelles dispositions du Code criminel
parlent de la participation criminelle en général, nous remarquerons que selon
la nature de la conduite d’un ou
plusieurs cadres supérieurs, une société peut être l’auteur réel ou le
complice des crimes contre
l’environnement.
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