23 juin 2019

Aucune morale, aucune conscience, aucune honte

Est-il possible de s’identifier à une société, une «civilisation», voire à une espèce prétendument supérieure, aussi malade?!

La vie politique est soumise aux lois du marché boursier sur lesquelles les gouvernements n’ont aucun pouvoir. De vastes réseaux de lobbyistes influencent le milieu politique et économique.
   En 1983, en préparation à l’établissement de l’Union Européenne, les patrons de Volvo, Philips et Fiat ont créé La Table ronde des Industriels européens (The European Round Table of Industriels) – un lobby de 45 PDG des plus grands groupes industriels européens de l’époque. Ils avaient exprimé leur but dans un rapport intitulé ‘RECHAPING EUROPE‘ : «L’ERT s’est donné pour objectif de stimuler la compétitivité mondiale de l’industrie européenne, notamment par la baisse du salaire minimum, la réduction des dépenses de sécurité sociale et la privatisation des services publics.» Un monde caché caractérisé par un manque total de transparence. Aujourd’hui, l’UE contrôle la vie de 500 millions d’Européens. La recette du succès : croissance, profits, consommation, concurrence, déshumanisation, destruction des peuples et de leurs cultures, encouragement de l’immigration qui permet de casser les lois du travail, d’exploiter la main-d’œuvre au plus bas prix possible quand elle n’est pas simplement réduite à l’esclavage.
   On retrouve la même conduite chez tous les groupes industriels et financiers sur les sept continents. But à moyen et long terme : un seul marché, une seule devise. Ajoutons le brevetage du vivantgènes, cellules, plantes, animaux, organes humains, embryons génétiquement modifiés ou clonés, prêts à emporter sur Mars...


Tous les partenariats inéquitables du libre-marché mènent les pays à la ruine. Mais, ce faisant, ils pavent l’Autoroute de la soie de Xi Jinping. Merveilleux, non? En tout cas, pour les naïfs qui croient encore à l’acceptabilité sociale et au développement durable, le réveil sera être brutal.
   «Les gouvernements sont en train de mettre un nombre important de pays en faillite, dans un contexte où les inégalités ne font que grandir et où les entreprises paient de moins en moins d’impôts. Pourrons-nous éviter que la révolte qui s'ensuivra devienne violente? Partout, la clameur des citoyens se fait entendre face à cette perception que les États ont cessé de s'intéresser aux problèmes des pensionnés, des chômeurs, des malades, des personnes handicapées et d'autres défavorisés.» ~ George Ugeux  (in La descente aux enfers de la finance)

«Cette expérience dont, en fait, nous faisons partie, est dépourvue d’éthique. Les preuves, les archives de scientifiques, d’historiens, de spécialistes en santé publique, d’ONG, d’avocats ou de journalistes en débordent. À chaque scandale sanitaire, à chaque bouffée d’inquiétude environnementale, pourtant, une lancinante impression de déjà-vu vient nous tourmenter. Car cette connaissance a beau avoir été produite et partagée, elle est restée telle quelle, inutilisée, et s’est systématiquement délitée pour devenir méconnaissance, ignorance, déni. Les leçons sont toujours trop tardives quand la mémoire est si courte. Et ce n’est pas faute de le savoir, ou de l’avoir vu.
   Depuis des décennies, dans le seul but de maintenir sur le marché des produits parfois mortels, des firmes sont engagées dans une entreprise de destruction de la connaissance et de l’intelligence collective. Elles font commerce de la science, créent le conflit d’intérêts, disséminent leur propagande : la mise en œuvre de ces stratégies pernicieuses est au cœur d’une gigantesque manufacture du doute. Devenue rouage essentiel de l’économie de marché et du monde moderne, la manipulation de la science a progressivement redessiné jusqu’aux contours de la démocratie. Pourtant, dans les cercles du pouvoir, on semble faire peu de cas de ce détournement des prérogatives publiques. Mais les citoyens, eux, souhaitent-ils être administrés en fonction du programme politique de multinationales du désherbant, du pétrole ou du biscuit? Rien n’est moins sûr. Mais encore faudrait-il qu’il leur soit permis de participer à la discussion. Car ces choix de société dont on les a largement dépossédés sont, pour beaucoup, issus de délibérations d’experts inaccessibles à leurs demandes autant qu’à leurs véritables besoins.» ~ Stéphane Horel (Prologue)
Source :
Lobbytomie, Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie

«Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie.»
~ Jacques Prévert

«La tuerie s’étend partout. Presque du jour au lendemain, les anciennes cultures sont balayées; et l’efficience, la cruauté et tous les moyens de destruction sont soigneusement alimentés et renforcés. La paix ne dépend ni de l’homme d’État ni de l’homme d’Église non plus que de l’avocat ou du policier. La paix est un état d’esprit. L’instinct biologique est très puissant; et c’est probablement la peur de l’extinction, non pas l’amour ou la compassion, qui sauvera l’humanité.» ~ Jiddu Krishnamurti (Commentaires sur la vie)

Les victimes ainsi que les journalistes d’enquête qui dénoncent les pratiques mafieuses et délétères des grandes compagnies industrielles subissent de la violence, du harcèlement, de l’intimidation, des persécutions, des poursuites judiciaires, et sont aussi incarcérés, voire, assassinés.

«Il y a vraiment des ordures dans ce monde qui ne devraient même pas se classer dans la catégorie humaine.» (Commentaire d’un internaute)

Hitler sans les hitlériens :
rien   
~ Jacques Prévert

CHAQUE JOUR, DES JOURNALISTES SONT RÉDUITS AU SILENCE       

Partout dans le monde, des journalistes sont menacés, arrêtés ou tués. Car des groupes criminels, des entreprises ou des gouvernements veulent faire taire leur travail et empêcher la publication des histoires sur lesquelles ils enquêtent.
   Forbidden Stories a une mission : contourner la censure en publiant ces histoires.
   Pour atteindre ce but, nous proposons à chaque journaliste travaillant sur une histoire sensible et se sentant menacé, de pouvoir sécuriser ses informations grâce à l’un de nos moyens de communication chiffrés.
   S’il arrive quelque chose à ce journaliste, nous serons en mesure de terminer son enquête et la publier largement grâce à notre réseau collaboratif de médias internationaux.
   En protégeant et continuant le travail des journalistes qui ne peuvent plus enquêter, nous souhaitons envoyer un signal fort aux ennemis de la liberté de l’information : même si vous parvenez à arrêter un messager, vous n’arriverez pas à arrêter le message. (Forbidden Stories)

Green Blood Project
Scandales environnementaux : une enquête mondiale sur les crimes de l’industrie minière

Le 15-18, ICI Radio-Canada Première, 18 juin 2019

Enquêtes de journalistes disparus, entrevue avec Laurent Richard de Forbidden Stories

Une quarantaine de journalistes du monde entier ont décidé de reprendre le travail de leurs confrères assassinés en enquêtant sur des scandales environnementaux de l'industrie minière. Le Green Blood Project, dirigé par le collectif Forbidden Stories, dont Laurent Richard est le directeur général et fondateur, met au jour les crimes commis par les entreprises minières contre l'environnement et les humains.

«Avec Forbidden Stories, ce qu’on essaie de faire, c’est vraiment d’envoyer un message fort : "Vous avez tué le messager, mais vous n’arrêterez jamais son message"», explique Laurent Richard.

Mine Barrick Gold Corp, Lake Cowal

Au moins 13 journalistes (1) ont été tués dans le monde depuis 2009 parce qu’ils enquêtaient sur des scandales environnementaux de l’industrie minière. Selon Laurent Richard, directeur général et fondateur de Forbidden Stories, peu importe où ils se trouvent, que ce soit en Tanzanie, au Guatemala ou en Inde, les journalistes qui enquêtent sur des entreprises minières sont tous confrontés aux mêmes obstacles :
   «La plupart du temps, les menaces contre les journalistes, voire les cas de violence, sont le fait d’intermédiaires locaux, non pas des entreprises directement, ni même des États, mais des intermédiaires qui profitent de cette corruption faite localement par les entreprises ou les autorités. C’est quand les journalistes commencent à enquêter et à révéler des faits qui mettent en danger une sorte d’écosystème corrompu localement qu’ils sont extrêmement exposés.»
   Laurent Richard soutient que l’industrie minière manque particulièrement de transparence et qu’elle est le théâtre de nombreuses violations des droits de la personne, de scandales de corruption et d’atteintes à l’environnement. C’est pourquoi le Green Blood Project s’est penché sur ce secteur en particulier de l’économie mondiale. «Parmi les sujets environnementaux qui étaient les plus épineux, les enquêtes sur l’industrie minière sont des enquêtes toujours extrêmement dangereuses, où il y a une sorte d’État dans l’État dans les pays», affirme Laurent Richard.
   Pour lui, poursuivre les enquêtes des journalistes qui ont été assassinés, «c’est une façon d’apporter une réponse globale à une menace globale contre la liberté de la presse et contre le devoir d’informer».
   Si le sujet peut sembler loin pour les Occidentaux, Laurent Richard souligne que des entreprises nord-américaines et européennes sont citées dans le Green Blood Project pour leurs atteintes à l’environnement ou aux droits de la personne. L’enquête s’est notamment intéressée à une mine dans le nord de la Tanzanie opérée par une société britannique dont le principal actionnaire est la minière canadienne Barrick Gold Corporation (2).

Audiofil :

Les histoires  

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(1) Le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) estime que 16 journalistes sont morts durant la dernière décennie. En réalité, le nombre de morts pourrait s’élever à 29, de sorte que le journalisme d’enquête sur l’exploitation mondiale des ressources minières serait le plus dangereux après le reportage de guerre.

(2) Le Canada est incapable de rompre ses liens avec Barrick Gold
(Huffington Post Canada 2017)

La firme torontoise Barrick Gold est accusée d'une fraude fiscale de 10 milliards de dollars en Afrique. En outre, ses agents de sécurité auraient violé ou blessé un millier de personnes, et une centaine de travailleurs auraient perdu la vie dans ses mines.  
   Le fait est que la filiale africaine de Barrick Gold, Acacia Mining [société britannique dont Barrick est le principal actionnaire], est impliquée dans un conflit politique majeur en Afrique de l'Est. En réponse à des preuves de plus en plus accablantes de fraude fiscale et de non-paiement de redevances, le président de la Tanzanie a condamné publiquement Acacia et interdit ses exportations. La firme doit maintenant rembourser un lourd compte de taxes.
   Ian Myles a développé une «passion pour le développement international» à l'âge de 17 ans, indique sa page de profil à l'Université de Toronto. Bien qu'il ait été nommé par Justin Trudeau, ce haut-commissaire reprend à la lettre la stratégie de Stephen Harper. Lors d'un voyage au Chili en 2007, l'ex-premier ministre avait affirmé, en réponse aux critiques concernant le projet Pascua Lama, que «Barrick Gold respecte les normes canadiennes de responsabilité sociale des entreprises».

Photo : Mark Blinch / Reuters

Spécialisée en éthique des affaires, la journaliste tanzanienne Samantha Cole n'a pas du tout apprécié l'intervention du haut-commissaire canadien. Voici sa réponse :
«Que ces Canadiens et Britanniques croient encore nous berner avec leur malhonnêteté et leur discours politique insensé est extrêmement insultant. Quelles sont les véritables valeurs de Barrick Gold? Notre nation n'a-t-elle pas vu assez de meurtres, de viols et d'incendies criminels de ses propres yeux? N'avons-nous pas été témoins de la destruction de notre environnement? De l'empoisonnement de notre eau? De fraudes et de centaines de problèmes légaux impliquant des entreprises locales qui ont été maltraitées et intimidées? La liste est encore longue. De quelles «valeurs» l'ambassadeur Ian Myles vante-t-il les mérites? Il est absolument malhonnête et immoral de nous mentir de la sorte. Myles ferait mieux de se taire, car chaque pays où Barrick Gold est implantée peut dresser une très longue liste de crimes et d'activités illégales.»  

Photo: This boy had a beautiful skin, he enjoyed his happy childhood, attending school and playing with friends, helping family house chores, optimistic for his future. His dreams are gone, after he was affected by the water polluted by Barrick Gold mining Company. (Nikon corporation 2006)

En dépit de ses promesses électorales, le gouvernement Trudeau utilise tout le poids diplomatique du Canada dans le but de défendre sa compagnie minière la plus controversée, y compris dans le pays où celle-ci a commis les violations des droits de la personne les plus flagrantes. Interrogé à ce sujet lors de la dernière campagne électorale, le Parti libéral a répondu ceci :
«Nous partageons les inquiétudes des Canadiens au sujet des pratiques de certaines compagnies minières canadiennes à l'étranger, et nous essayons depuis longtemps de promouvoir la transparence, la responsabilisation et les pratiques durables auprès de cette industrie.»
   Au pouvoir depuis près de deux ans, le gouvernement Trudeau n'a pas encore tenu sa promesse de remettre de l'ordre dans les activités des compagnies minières canadiennes à l'étranger. Dans la plupart des cas, les libéraux ont poursuivi la politique de défense des intérêts miniers instaurée par Stephen Harper.
   Si les libéraux sont prêts à épauler ouvertement Barrick Gold en Tanzanie, il y a lieu de se demander jusqu'où pourrait aller une entreprise avant de perdre le soutien de Justin Trudeau.


Vous aimerez peut-être «Impunité des multinationales : que le profit l’emporte!»
   Dans un article publié dans La Presse en 2012 on rapportait les scandales des industriels canadiens à l’étranger qui s’adonnent au pillage des ressources : évictions forcées en Papouasie-Nouvelle-Guinée; massacre en République démocratique du Congo; viols collectifs au Guatemala. En Argentine, au Guatemala, au Mexique, en Bolivie, etc., partout sur la planète, des sociétés minières canadiennes sont accusées d'engendrer de la violence et des dommages écologiques. 


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Le Canada n’échappe pas aux géants qui contrôlent la planète minière, oh que non! Les compagnies privées venant de l’extérieur ramassent les profits et l’argent de poche qu’elles laissent sur la table en quittant ne peut couvrir la restauration des sites d’extraction saccagés. Méchant cul-de-sac.

Un documentaire à voir

TROU STORY
Réalisé par Richard Desjardins et Robert Monderie | 2011
Production ONF

L’histoire minière au Canada est faite de profits faramineux réalisés au mépris de l’environnement et de la santé des travailleurs. C’est une histoire qui passe par le nickel de Sudbury, l’argent de Cobalt, l’or de Timmins, le cuivre de Rouyn...


À noter qu’au tout début, les compagnies engageaient des immigrants car ils étaient les seuls à accepter de faire ce sale boulot. La CAQ, dans sa quête de main-d’œuvre,  va sans doute maintenir la tradition, conformément aux lois du libre-marché...

Commentaire d’un internaute : «Québec : Le plus grand saccageur des terres et de l'environnement, qui s'autodétruit depuis si longtemps que le pays ressemble juste à un désert lunaire... Lamentable! Et ils n'en retirent même pas de profits! Quelle bande d'idiots! Ils auraient dû laisser les terres aux amérindiens, ce serait encore un petit paradis pour la faune et la flore! (ça, c'est pour les dirigeants)... Je plains les habitants, qui ne demandent qu'à vivre tranquillement et en sécurité, et qui sont manipulés, qui n'ont pas le droit parler, qui ne sont au courant de rien, qu'on utilise comme des pions sur un échiquier...»
                                                                                                  
Trou de Rouyn-Noranda 

Commentaire d’un résidant de Rouyn-Noranda : «La pollution à l’état brute!! La senteur sulfureuse qui s’en dégageait était écœurante, imaginez la teneure en minerais, souffre, cyanure et j’en passe... Rien n’était isolé, on trempait pratiquement dedans, pour vous dire. On allait se balader en motocross dans ces fameuses «slams de mine» [bassins de décantation]. Puis un jour, il arriva un accident bête, un ami de mon père est tombé brutalement à en perdre son casque, s’est fendu la tête sur les pédales de son motocross, et cette matière est entrée dans sa plaie. Il est décédé quelques heures après. Je ne peux affirmer que la cause de son décès était la contamination de cette matière ou bien le coup reçu... Certains disent que je mors la main de qui nous a nourris... Moi je dis que je mords les mains qui nous ont bafoués, qui nous bafouent et qui nous bafoueront tant qu’on ne se lèvera pas face à eux, les mains des minières bien sûr!! Les riches mains minières sont loin de cette “merde chimique”, mais nous les Abitibiens, ont vit directement dans cette merde... Aujourd’hui, les soirs de rosée, on sent l’odeur infecte semblable à de l’engrais chimique... Je suis certain que cette senteur émane des fameuses «slams». Je suis un Abitibien, je suis Québécois et je demeure dans le Canada.»

Bibliosurf

Paradis sous terre
Comment le Canada est devenu la plaque tournante de l'industrie minière mondiale

Alain Deneault, William Sacher | 192 pages
Préface de Richard Desjardins

Le Canada est le refuge idéal de sociétés minières qui spéculent en Bourse et mènent à travers le monde des opérations controversées, voire criminelles. Elles y trouvent un système boursier-casino favorable à la spéculation, des exonérations dignes d’un paradis fiscal, des mesures législatives canalisant vers elles l’épargne des citoyens, une diplomatie de complaisance soutenant ses pires desseins, ainsi qu’un droit taillé sur mesure pour la couvrir à l’étranger, comme sur le front de la critique intérieure.
   En six chapitres d’une redoutable efficacité, Alain Deneault et William Sacher retracent l’histoire du Canada et exposent comment cette ancienne colonie est devenue le paradis réglementaire et judiciaire d’une industrie évoluant hors de tout contrôle. Pillage, expropriations violentes de populations, pollution durable de vastes territoires sont le lot des pays qui subissent les méthodes de cette industrie aveuglément tournée vers le profit. La Bourse de Toronto se révèle le pilier de ce système où s’enregistrent 60 % des sociétés minières mondiales, des entreprises protégées par des politiques serviles.
    Grâce à un travail minutieux de recensement de sources internationales, les auteurs nous montrent comment le Canada, trop souvent présenté comme vertueux et pacifiste, est devenu la Suisse des mines.

Écosociété | Septembre 2012
Paru en France aux éditions Rue de l'Échiquier.

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