J’ai lu la
plupart des ouvrages de Douglas Kennedy – j’aime son humour, son humanisme, son
appréciation de la philosophie et de la culture, ainsi que ses portraits non
édulcorés de la société américaine. J’ignore pourquoi, mais «Au pays de Dieu» [1]
m’avait échappé. Dans son livre Toutes
ces grandes questions sans réponse,
Kennedy revient sur ce thème.
Je
suis donc en train de lire l’édition française de 2004, car bien que l’original
ait été publié il y a 30 ans (1989), j’y trouverai sûrement des explications/réponses au tsunami chrétien
évangéliste qui caractérise l’ère Trump.
En 1996, Kennedy écrivait :
«La droite
chrétienne est devenue une force spécifique, et hautement influente, sur la
scène politique du pays. Une force électorale qu’il est impossible de qualifier
de ‘marginale et illuminée’ lorsqu’on brigue un siège au Congrès, ou un poste
de gouverneur et, bien entendu, la présidence elle-même.»
Et dans l’avant-propos de l’édition 2004 :
«Bien que le conservatisme et la religiosité
se soient accrus aux États-Unis durant les deux dernières décennies écoulées,
et même si des chrétiens évangélistes occupent désormais des postes-clés au
plus haut niveau de l’administration, il faut toutefois souligner que la
séparation de l’Église et de l’État y demeure une réalité. D’ailleurs, des
millions de mes compatriotes éprouvent une sincère inquiétude face à la montée
de la droite religieuse. Ils redoutent aussi que, au cas où il serait élu et où
certains juges de la Cour suprême prendraient leur retraite, Bush soit en
mesure de faire entrer dans la plus haute instance juridique du pays des «compagnons
de route» idéologiques et religieux susceptibles de priver les femmes du droit
à l’avortement, ou d’introduire la prière dans les écoles.»
Chose faite. La nomination du juge d’extrême
droite Brett Kavanaugh à la Cour suprême des États-Unis, en dépit des allégations
d’agressions sexuelles à son endroit (par la Dr Christine Blasey Ford), laissait
présager la mort des droits acquis que le juge Anthony Kennedy avait appuyés :
abolition de la peine de mort, protection de l’environnement, droit à
l’avortement, droits des gays, etc. Pour Kavanaugh, les libertés religieuses (chrétiennes s’entend) passent devant les
enjeux constitutionnels! «L'affaire du juge Kavanaugh, ce n'est pas tant
l'intrusion du politique dans le système judiciaire américain, mais plutôt
l'intrusion du religieux dans le politique. On ne mesure pas la force du
fondamentalisme chrétien dans la vie politique de ce pays tant qu'on ne l'a pas
vu en action, sur place.» ~ Yves Boisvert (La Presse, le 6 octobre 2018)
Un mème datant de 2004. Hum... le Jesusland a débordé de ses frontières depuis l'élection de Trump.
Caricature : Serge Chapleau, La Presse 31 mai 2019
Les Canadiens auraient intérêt à lire Au pays de Dieu car nous subissons de
fortes répercussions de ce fléau mondial terrifiant, et des coups de boutoir de
la part de nos partis politiques conservateurs et des militants antiavortement.
Les groupes évangéliques mettent en place une stratégie offensive
internationale très agressive. Les bénéfices économiques générés par les
Églises évangéliques se comptent en millions de dollars.
«Le capitalisme est nataliste. Les pays avec
une population importante bénéficient d'avantages économiques : les gens sont
les matériaux bruts de la croissance économique.» (The Economist 20/04/2019) Et
tous les chrétiens fondamentalistes sont des «natalistes» invétérés.
Alissa Golob (issue d’une famille de 9
enfants) et son groupe RightNow travaillent fort. Moins de manifestations, plus
de porte-à-porte. Voilà comment on pourrait résumer la stratégie des pro-vie à
l’approche des élections fédérales d’octobre. Ils souhaitent faire élire des
dizaines de députés opposés à l’avortement, ce qui inquiète bien des femmes au
pays. «Vous êtes-vous déjà impliqués politiquement?», demande la femme de 32
ans lors d’un meeting avec un groupe d’étudiants. Eva, qui a entendu parler de
la rencontre sur les médias sociaux, fait signe que non. Elle n’est pas
intimidée pour autant : «Quand la
vérité est de son côté, il n’y a aucun problème», assure-t-elle.
Source :
Il est clair
qu’on ne peut pas demander à des fanatiques de tolérer quoi que ce soit qui va
à l’encontre de leurs croyances religieuses. La communauté LGBTQ reste une
cible de prédilection pour les Églises évangéliques, qui la représente comme le mal
personnifié :
Le pasteur Grayson Fritts (All Scripture
Baptist Church, Tennessee) a réclamé l’exécution des LGBTQ lors d’un sermon le
2 juin 2019. L’homme est détective au bureau du sheriff de Knox County
District.
Referring
to LGBTQ as “freaks and animals,” he said that the LGBTQ community should be
“put to death”. Have a trial for them, and if they are convicted then they are
to be put to death ... do you understand that? It's a capital crime to be
carried out by our government.”
Un prêche de macho homophobe d’une extrême violence qui d’une façon détournée encourage
l’assassinat civil! – jugez vous-même :
Vidéo publiée par The
Freedom From Religion Foundation https://ffrf.org/
who is calling on the Knox County Sheriff's Department to probe Deputy Grayson
Fritts’ wrathful demand for the government to execute LGBTQ citizens.
Toutes ces grandes questions sans
réponse
Douglas
Kennedy
Belfond (2016)
Chapitre ‘La
spiritualité se trouve-t-elle entre les mains du Tout-Puissant... ou juste au
coin de la rue?’ (p. 209 ...)
[Extrait]
Laissez-moi
vous parler de thérapie de groupe chrétienne pour personnes en surpoids. J’ai
découvert ses principes dans une salle de classe de l’une des institutions
pédagogiques les plus étranges de tout le continent nord-américain :
l’université Oral Roberts de Tulsa, dans l’Oklahoma. [...] Oral Roberts a été
un précurseur de la vague populaire du «télévangélisme» aux États-Unis. Avant
de ce venir une star du petit écran, il avait sillonné, les États du Sud
américain avec le mouvement Chautauqua, prêchant, enseignant et guérissant
selon les préceptes de la tendance «revival» du christianisme américain.
Évangéliste ultramédiatisé, il se targuait donc aussi d’avoir l’inspiration
divine nécessaire pour débarrasser d’une tumeur cancéreuse ou d’une infirmité
quelconque les participants à ces grands rassemblements exaltés où la prière se
transforme en transe.
[...]
L’histoire du mouvement évangéliste dans
l’Amérique de la fin du XXe siècle abonde d’escrocs soi-disant mystiques, qui
tout en brandissant la doctrine du puritanisme le plus strict, s’adonne au
stupre et à la prévarication. Jim Bakker, fondateur d’un parc thématique
chrétien en Caroline du Sud, s’est retrouvé derrière les barreaux pour
détournement de fonds de sa propre église, et plusieurs témoignages prouvant
qu’il trompait assidûment son épouse, Tammy Faye – une chanteuse de country
ringarde à blondeur hyperperoxydée et au visage maintes fois refait –, ont
terni sa réputation. Il y a aussi Jimmy Swaggart, un prédicateur qui promettait
sans cesse le feu et le soufre à tous dont la vie sexuelle ne se limitait pas
au strict cadre de la monogamie chrétienne, mais qui avait la bizarre habitude
de payer des prostituées rien que pour leur montrer ses parties génitales,
comme si regarder sans toucher était pour lui la déviance le plus pure. Une
fois démasqué, il s’est répandu en pleurnicheries télévisées, suppliant ses
fidèles de lui pardonner et pontifiant de plus belle sur le péché de la chair
auquel, bien entendu, il est si difficile de résister...
Comparé à ces lamentables imposteurs, Oral
Roberts (en dépit des pratiques sexuelles suggérées par son prénom) était la
probité personnifiée – du moins n’a-t-il pas eu à souffrir d’un scandale public
de son vivant. C’était aussi un homme d’affaires avisé qui, faisant fructifier
son galimatias de rebouteux évangélique, s’était constitué un petit empire dont
faisait partie le campus de Tulsa en question.
Je m’étais rendu là-bas, persuadé que j’allais
me retrouver plongé dans la plouquerie obscurantiste la plus profonde, et je
dois donc admettre que j’ai été agréablement surpris de constater que mes
préjugés étaient en partie injustifiés. Nous étions au cœur de la «Bible belt»,
et la ville comportait bien sûr des églises géantes à l’architecture on ne peut
plus kitsch au milieu des centres commerciaux et des stations-service
habituels. L’Oklahoma demeure l’un des États les plus conservateurs de l’Union,
affichant fièrement ses valeurs religieuses et son attachement sans faille au
Parti républicain, mais j’ai aussi découvert à Tulsa des quartiers à l’ambiance
bohème et détendue, une vie culturelle assez dynamique et des restaurants
étonnamment bons. Des exceptions bien visibles dans un paysage urbain dominé
par l’université Oral Roberts.
[...] il était possible de suivre divers
cours sur la vie des Apôtres, l’Amérique en tant que nation chrétienne et
autres variantes du créationnisme et, dans l’annexe au bâtiment principal, on
pouvait participer à des ateliers de «développement personnel» d’inspiration
biblique, parmi lesquels ce «Weight Watchers» évangéliste visiblement très
fréquenté.
Il faut ici préciser qu’en 1988 – année de
ce voyage destiné à préparer Au pays de
Dieu, mon livre sur le fondamentalisme religieux en Amérique –, je venais
de renoncer à la cigarette. En dix-huit mois, j’étais passé de
soixante-dix-sept kilos mon poids habituel, à quatre-vingt-cinq. Cette petite
surcharge pondérale ne me donnait toutefois pas l’aspect d’un tank, et c’est
sans doute pourquoi, lorsque je suis entré dans la salle où se trouvaient déjà
une demi-douzaine de dames plus que corpulentes, l’une d’elles a lancé : «Sûr
que vous ne vous êtes pas trompé de porte, mon garçon?»
Comme je leur expliqué que je n’étais là qu’en
observateur, en quête de matériau pour mon essai, une autre a demandé :
– Un livre
sur notre cher Oral?
– Euh... Il y
apparaîtra sûrement, ai-je répondu.
– Soyez le
bienvenu, frère.
Les participantes présentaient toutes un
stade d’obésité avancé et semblaient bien se connaître entre elles. Elles se
sont levées d’un bloc lorsque leur «conseillère spirituelle» est entrée, une
femme mince et vive portant un pantalon rose et un chemisier blanc sur lequel
étaient épinglés un petit crucifix en faux diamants et un badge à son nom. [...]
Une fois assises, elles se sont tenues chacune par la main et ont baissé la
tête, tandis que Bobbi entamait une prière, les invitant à demander au
Tout-Puissant de leur donner le courage de ne pas succomber à la tentation et
de trouver la «force intérieure» qui leur permettrait de résister au diable. Son
invocation terminée, elle a demandé :
– Qui
voudrait «partager» la première, aujourd’hui?
[Note : Kennedy
relate ici les confessions publiques des femmes (semblables à
celles du mouvement Alcooliques Anonymes) scandées par des «Louons le
Seigneur!», «Louanges à Jésus!», etc. Une des participantes sanglote parce qu’elle
a succombé à la tentation...]
À ce stade,
je sais ce que vous devez vous dire : Kennedy exagère, c’est trop absurde,
trop ridicule pour être vrai. Pourtant, je jure, la main sur le cœur, que ce
qui précède correspond presque mot pour mot à ce que j’ai entendu ce mardi
matin d’août étouffant, en 1988, à l’université Oral Roberts. Je n’exagère pas
non plus en vous racontant qu’à la suite de la confession d’Amy qui avait
englouti son litre de Häagen-Dazs, une autre participante, Marge, s’est levée
pour avouer que, prise d’une envie irrésistible alors qu’elle circulait sur une
autoroute et avait dévoré un poulet frit entier. [...]
Étant né à Manhattan, je suis non seulement
sceptique par nature et laïque convaincu dès lors qu’il est question de
l’organisation de la société, mais surtout enclin à prendre les choses au
second degré. L’idée d’un Lucifer plongeant la tête d’une malheureuse dans un seau
de glace rhum-raisins, celle-ci quémandant ensuite le pardon divin, m’a donc
plutôt fait sourire. [...] Ce matin-là, tout en écoutant les autres
témoignages, j’ai souvent reporté mes yeux sur Amy. En dépit des consolations
de Bobbi, et malgré la garantie que Jésus lui avait déjà pardonné, elle restait
avachie sur sa chaise pliante, son corps boursouflé reflétant un accablement
tel que je n’en avais jamais vu de semblable. À la faveur de leurs échanges,
j’ai appris qu’elle était caissière dans l’une des nombreuses pharmacies
Walgreen disséminées dans les stations de métro de Tulsa, gagnant à peine plus
que le salaire minimum garanti, tandis que son mari volage, qui collectait les
tickets au péage de l’autoroute, arrivait difficilement à lui octroyer deux
cent cinquante dollars par mois pour les enfants. Elle n’avait jamais eu accès
à une vie culturelle trépidante, comme on peut en trouver à New York, aussi son
univers se bornait-il à sa famille et à son église; et maintenant, à l’approche
de la cinquantaine, elle se répétait inlassablement : «Je suis une grosse
mocheté qui ne connaîtra plus jamais l’amour.» Ses coreligionnaires lui
assuraient qu’elle pouvait au moins compter sur celui de sa communauté
évangéliste et, bien entendu, sur l’amour de Jésus.
Mais
le ressentait-elle vraiment, cet amour divin? Lui apportait-il quelque
réconfort dans le marasme où elle se débattait, une logique infernale la
poussait à s’empiffrer pour oublier son chagrin, dont son poids excessif?
Avait-elle été heureuse avant l’éclatement de son mariage? Était-ce son obésité
qui avait amené son mari à se jeter dans les bras d’une femme plus mince? [...]
En la voyant là, tête baissée, les larmes coulant sur ses jours, je me suis
demandé à quel point les paroles apaisantes de Bobbi et de ses camarades
l’avaient convaincue. [...]
Alors, même si je n’aurais jamais pu savoir
ce qui se passait vraiment dans la tête d’Amy, j’ai eu une sorte de révélation
en la voyant si seule, si accablée par les coups du sort. Jamais encore je n’avais
aussi clairement perçu que la foi individuelle est avant tout une recherche
d’une consolation face à l’assourdissant mutisme des cieux. Bien sûr, j’avais
déjà compris que, à travers la religion, beaucoup de gens tentaient de résoudre
les questions métaphysiques les plus insondables, mais l’idée que la croyance
religieuse réponde au besoin d’une certaine empathie ne m’était jamais venue à
l’esprit. Jusqu’à ces trois mois passés dans l’Amérique la plus profonde, à
écouter tous ces récits de vie, à rencontrer ces gens qui par le biais de la
foi cherchaient à surmonter le deuil, l’échec, la déception, la solitude en se
réfugiant dans la promesse d’amour inconditionnel de Jésus. [...]
J’ai eu beau essayer – croyez-moi, j’ai pas
mal cogité sur le sujet –, je n’ai jamais réussi à accepter l’idée d’un Dieu omniscient et
omnipotent. Même l’hypothèse d’une figure céleste moins impliquée dans les
affaires du monde n’a pas réussi à me convaincre : je suis capable d’apprécier
la conception déiste telle que Voltaire – et nombre d’autres – l’a développée,
selon laquelle Dieu a mis en marche la création avant de la laisser fonctionner
sans Son interférence, mais cela me paraît en fin de compte une variation sur
le thème agnostique, une manière élégante de convenir qu’il n’y a pas de
réponses catégoriques mais seulement des spéculations quant à l’origine de
l’univers et de ceux qui le peuplent.
Il est évident que la foi n’a rien à voir
avec les vérités empiriques ou les certitudes démontrables. Le credo religieux est
une théorie parmi d’autres, une façon de raconter l’histoire comme il y en a
tant, une hypothèse pleine de trous, pareille à un habit mité, que les
instruments de la connaissance comme la logique et la science achèvent de
mettre en pièces. Avoir la foi, c’est croire à un récit qui, une fois
scrupuleusement analysé, ressemble à un conte à dormir debout.
Prenons les fondements théologiques de la
confession mormone, qui stipulent que des tribus de l’ancien Israël seraient
parvenues jusqu’au Nouveau Monde sur des radeaux de fortune et que Jésus-Christ
aurait effectué une visite dans ce qui allait devenir les États-Unis d’Amérique
soixante-dix ans après sa crucifixion, pour jouer les bons shérifs. [...] Il se
trouve que l’origine du texte sacré racontant de telles absurdités est aussi
douteuse que les doctrines qu’il contient. [...] Peu importe que les
circonstances à l’origine de cette nouvelle foi soient aussi loufoques (au
point que Mark Twain lui-même dira que le livre de Mormon est tout simplement
du «chloroforme imprimé»), la confession mormone compte aujourd’hui plus de
quinze millions de fidèles, brasse d’immenses fortunes et a une influence
politique considérable aux États-Unis. C’est d’ailleurs un mormon, Mitt Romney,
qui a défendu les couleurs républicaines aux présidentielles de 2012. Un État
américain entier, l’Utah, applique les préceptes de cette religion par ailleurs
représentée dans un très grand nombre de pays du monde entier – à l’exclusion
de Cuba et de la Corée du Nord. Malgré le peu de crédibilité de ses origines et
de ses dogmes, tous les tenants de cette religion que j’ai rencontrés, le plus
souvent quand ils venaient sonner à ma porte avec leurs prospectus, semblaient
avoir une foi inébranlable et considérer le récit fondateur comme absolument
véridique. Sans oublier la récompense suprême que ces missionnaires enthousiastes
vous présentent : «Imaginez-vous rejoindre vos proches au ciel, passer
l’éternité en compagnie de votre famille!»
Je ne pouvais tout de même pas répondre à ce
brave démarcheur mormon que cette perspective résumait assez bien ma vision de
l’enfer. De même, je me suis abstenu de lui faire remarquer que bon nombre de
livres de science-fiction me paraissaient plus plausibles que le dogme qu’il
essayait de me vendre. En fin de compte, à quoi bon se montrer désagréable
envers quelqu’un qui croit si fort aux contes de fées? Si fermement attachés
que nous soyons à la science et à la logique, il n’en reste pas moins que la
majorité de la population mondiale – 73 % de celle des États-Unis, d’après
certaines études – croit en quelque déité, sous une forme ou une autre. [...]
[...] La religion n’a jamais été présente
dans notre famille. Mes parents ne parlaient jamais de Dieu, ni de la promesse
d’aller au paradis. Il y avait là seulement une résignation à vivre ce qui est
le lot de tous, ainsi qu’une capacité particulière à déceler les bons côtés de
l’existence. Mais les discordances permanentes de mon foyer m’ont poussé à
chercher d’autres formes de consolation que la foi, et c’est ainsi que la
culture est devenue mon Église.
[...] Le fond du problème, si difficile à
contempler, c’est que le moment viendra où vous, moi, nous ne serons plus là; où
rien n’aura plus d’importance, ni tout ce que nous avons désiré et manqué, ni
nos succès et nos échecs, ni nos triomphes et nos hésitations, ni nos gains et
nos pertes. Tout cela s’évanouira avec notre disparition. Et il s’agit bien de
«disparition». Non de «décès», non de «passage» vers un ailleurs. Je parle de
l’abolissement total qu’est la mort, de ce que nous pouvons tenter d’habiller
d’oripeaux plus acceptables mais qui reste, dans toute sa nudité, la fin
absolue.
Pour ma part, j’ai la conviction que la mort
est l’achèvement de l’état conscient, la non-existence, l’interrupteur qui nous
coupe du monde, sans possibilité de retour. C’est une perspective accablante,
une main glacée toujours prête à s’abattre sur notre nuque, une réalité avec
laquelle il faut simplement apprendre à exister, en assumant la mélancolie qui
l’accompagne de temps à autre. On peut éventuellement accepter la mort d’autrui
– de toute façon, nous y sommes tous confrontés à un moment donné ou à un
autre. Ce qui dépasse l’entendement, c’est la perspective de notre propre
disparition, la chute dans un trou d’où on n’émergera jamais.
~~~
[1] Au pays de
Dieu (In God’s Country: Travels in
the Bible Belt, 1989)
Douglas Kennedy; Pocket 2006
Résumé
Douglas
Kennedy ne fait rien comme tout le monde. Quand il décide de partir en voyage,
il choisit la «Ceinture de la Bible», ce sud si désespérément profond des
Etats-Unis.
Comme Douglas Kennedy est un homme curieux
des autres, il aime les rencontres insolites : un ancien mafieux transfiguré
par la foi, de jeunes musiciens chevelus fans de heavy metal chrétien, un prêtre
guérisseur de paralytiques, un télévangéliste cynique, une redoutable femme
d'affaires qui doit sa réussite à Dieu.
Et comme Douglas Kennedy est un conteur au
talent exceptionnel, cela donne un récit de voyage piquant, grinçant, glaçant
aussi, le tableau édifiant d'un des phénomènes de société les plus frappants de
ces dernières années.
«Douglas
Kennedy a un don exceptionnel pour repérer l'absurde, sans jamais faire preuve
d'arrogance ni porter de jugement. Au pays de Dieu est une réussite parce qu'il
est le fruit d'une expérience vécue.» (The Daily Telegraph)
– «Une
enquête en forme de road movie dans l’Amérique des ‘fous de Dieu’.»
– «Politiciens
prêcheurs, prêtres guérisseurs, mafieux reconvertis en vendeur d'indulgences;
intégrisme, surmédiatisation et abus de confiance comme sainte Trinité... Sous
la plume alerte d'un Douglas Kennedy mordant, l'état des lieux se révèle
glaçant. Baptêmes en blanc et billets verts...»
– «L'actualité
politique récente des États-Unis ne cesse de rappeler le poids considérable que
joue la religion – en particulier les fondamentalistes chrétiens – dans la vie
publique de ce pays.» (Babelio)
– «Le voyage
est en soi assez révélateur sur le pouvoir et l'attraction exercée par la
religion. Certaines rencontres prêtent à sourire, d'autres à la réflexion,
d'autres encore à l'inquiétude. Le pouvoir des croyances est en cela très bien
décrit par Kennedy. À l'heure où les fanatiques de toute obédience portent leur
voix, Au pays de Dieu montre que le
fanatisme religieux est un danger pour la démocratie et la liberté. Instructif.»
(Babelio)
”Now I'm a
pretty hardened atheist ...” ~ Douglas Kennedy, 2001
Site de l’auteur :
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