2 avril 2017

Le libre-échange peut-il être équitable?

Suite logique aux articles : Gros malaises au PLQ et Les poissons ne rient pas  

Dans le contexte actuel de la mondialisation, le libre-échange est un ogre omnivore qui mange tout : les humains, les animaux, la nature.

«Ne scie pas la branche sur laquelle tu es assis, à moins qu’on ne veuille t’y pendre.» ~ Stanislaw Jerzy Lec, écrivain polonais (1909-1966)

Caricature : Signe Wilkinson

Dans son ouvrage De quoi Total est-elle la somme?, Alain Deneault (1) confirme ce que la plupart d’entre nous savons ou pressentons depuis longtemps. Il suffit d’observer les crises politiques, le vol des terres arables au profit de l’exploration minière, pétrolière et gazière, la mise en péril de populations entières en de nombreux pays, le varlopage environnemental grandissant et l’extinction du vivant, pour constater que les multinationales industrielles ont les caractéristiques d’un régime totalitaire. Qu’un pays soit à l’intérieur ou à l’extérieur des alliances mondialistes telles que l’Union Européenne, l’ALÉNA ou autres, ne change rien au problème : chaque pays est déjà la propriété d’un réseau de souverains financiers. De sorte que le libre-échange n’a rien d’équitable puisque le but des multinationales n’est pas d’améliorer le sort de l’humanité et de la planète, mais uniquement d’accroître leur propre richesse. Quel recours avons-nous?

Si le mur est indestructible, creuse en dessous...

Photo : Radio-Canada

Entrevue à Plus on est de fous, plus on lit (ICI Radio-Canada Première)

«C'est un cas d'école qui nous montre que les multinationales sont devenues des pouvoirs autonomes, des formes particulières de souveraineté. [...] Les multinationales ne sont plus des entreprises : ce sont des pouvoirs autonomes qui s'ajoutent aux États», dit Alain Deneault, auteur de l'ouvrage De quoi Total est-elle la somme? Multinationales et perversion du droit. Le philosophe y montre comment l'état de droit et la complicité de certains États ont permis à la firme pétrolière française, présente aujourd'hui dans 130 pays, d'agir à sa guise un peu partout sur la planète.
     Au-delà du cas de Total, Alain Deneault souhaite mettre en lumière l’existence et le mode de fonctionnement de plusieurs autres de ces multinationales, qui réussissent à pervertir le droit par toutes sortes de moyens pour arriver à leurs fins.
     «Ce qui m’a intéressé, c'est le rapport qu’elles entretiennent au droit et la façon qu’elles ont de créer de la loi, indépendamment de l’activité des législateurs.» 
     Selon Alain Deneault, le pouvoir des multinationales est néfaste, en ce sens qu’il établit avec les États un rapport de force avantageux sur le mode de la collusion, de la corruption et du chantage. 
     «Soit on fait peur, soit on séduit et on flatte, selon qui est face à nous. De toute façon, on arrive à établir un rapport qui est au profit de structures – les multinationales», observe-t-il.

«On pourrait bien s'en passer»

Alain Denault qualifie de véritables «problèmes» les multinationales. «La solution est dans la dissolution des multinationales. […] On n’en a pas besoin. On n’a pas besoin de multinationales pour boire des boissons sucrées, pour manger des sandwichs, pour s’habiller et pour avoir de l’énergie. On pourrait bien s’en passer», dit-il.
     «La seule perspective qu’on peut se donner, c’est de se dire que ces pouvoirs sont des géants au pied d’argile, ce sont des structures fragiles aux à-coups et aux ressacs boursiers. [...] Il y aura peut-être un moment dans l’histoire où une fenêtre de tir se dégagera, et on pourra développer sur un mode majeur des formes de partage et de solidarité et d’entraide plutôt que de se livrer à cette idéologie de la concurrence qui concourt à notre perte.»

AUDIOFIL :
http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/plus-on-est-de-fous-plus-on-lit/saison-2016-2017/segments/chronique/19352/multinationales-pouvoir-alain-deneault-total-critique

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(1) Philosophe, Alain Deneault est l’auteur de Noir Canada (ce livre fut retiré du marché après une poursuite bâillon); Offshore; Paradis sous terre; «Gouvernance»; Paradis fiscaux : la filière canadienne; Médiocratie et Une escroquerie légalisée. Chercheur au Réseau pour la justice fiscale, il enseigne la théorie critique à l’Université de Montréal et tient une chronique dans la revue Liberté.
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De quoi Total est-elle la somme?
Multinationales et perversion du droit
Alain Deneault 
Les Éditions Écosociété, 2017 ǀ 440 pages
Postface d'Association Sherpa

Résumé  

Comploter, coloniser, collaborer, corrompre, conquérir, délocaliser, pressurer, polluer, vassaliser, nier, asservir, régir : autant de moyens employés par les multinationales pour faire et défaire les lois et asseoir leur domination sur nos régimes politique et économique. Faire la somme d’une société pétrolière comme Total, c’est faire la cartographie de cette institution qui domine nos sociétés en ce début de XXIe siècle. 
     En se penchant sur le cas d’école de la multinationale Total, active dans plus de 130 pays, Alain Deneault montre comment l’état du droit et la complicité des États ont permis à une firme, légalement, de comploter sur la fixation des cours du pétrole ou le partage des marchés, de coloniser l’Afrique à des fins d’exploitation, de collaborer avec des régimes politiques officiellement racistes, de corrompre des dictateurs et des représentants politiques, de conquérir des territoires à la faveur d’interventions militaires, de délocaliser des actifs dans des paradis fiscaux ainsi que des infrastructures dans des zones franches, de pressurer des régimes oligarchiques en tirant profit de dettes odieuses, de polluer de vastes territoires au point de menacer la santé publique, de vassaliser des régimes politiques pourtant souverains en théorie, de nier des assertions de façon à épuiser des adversaires judiciaires, d’asservir des populations et de régir des processus de consultation. Chacun de ces verbes fait l’objet d’un chapitre. Ils représentent une série d’actions sidérantes que l’ordre politique actuel ou récent a permis à des multinationales de mener en toute impunité, indépendamment des textes législatifs et des institutions judiciaires, voire grâce à eux. 
     À un totalitarisme psychotique qui a marqué de son empreinte le jeu politique jusqu’au milieu de XXe siècle s’est substitué un totalitarisme pervers. Puisqu’il est toujours plus aisé de combattre une entité que l’on comprend, De quoi Total est-elle la somme? nous rappelle que les peuples doivent urgemment reconquérir leur souveraineté politique.

Publié en collaboration avec les éditions Rue de l'Échiquier (pour la parution européenne).

Vidéo conférence – HEC Montréal :
http://ecosociete.org/livres/de-quoi-total-est-elle-la-somme
http://ecosociete.org/livres

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