18 mai 2014

La valse des sacs en plastique


Journées de grand vent la semaine dernière. Les sacs s’envolaient, s’accrochant aux arbres, bosquets et plates-bandes... sans parler des gobelets à café qui roulaient partout. J’ai de la difficulté à comprendre qu’en 2014 il y ait encore des gens qui balancent leurs déchets n’importe où. Il fut un temps où l’on donnait des contraventions aux automobilistes qui jetaient leurs ordures sur les autoroutes. On devrait y revenir…


Excursion de photo. Je n’ai vu qu’un couple de malards – généralement, il y en a au moins une douzaine. Est-ce à cause de l’hiver prolongé? Sais pas. Première fois que je voyais des poissons morts – ils avaient de bizarres protubérances (la photo n'est pas fameuse, mais ça donne une idée). Et bien sûr, beaucoup d’objets en plastique dans l’eau – bouteilles, jouets, boîtiers, ustensiles et autres gadgets non identifiables. Au lieu d’organiser des corvées de nettoyage des rives du Saint-Laurent par des bénévoles, on pourrait créer une multitude d’emplois bien rémunérés pour nettoyer le fleuve au grand complet; en bout de ligne, ça rapporterait plus à tous les niveaux que les emplois dans les secteurs pétroliers, miniers et forestiers. Mais bon, je rêve là…

«Symbole de la société de consommation, comme le fast-food l’est à la malbouffe, le sac plastique, ce pratique sachet de plastique et donc d'origine pétrolière, s’est progressivement substitué au cours des années 1960 aux paniers en osiers, sacs en papiers et cabas, pour se répandre partout où l’homme se trouve et même au-delà.» (Johann Lucas, Citoyen d’abord!)


Merci aux humains, le fond océanique est officiellement un dépotoir!  

(Source : Care2)

Au plus profond des océans on trouve du corail, du sable … et des vieilles canettes d’Heineken. Eh oui, nos détritus ont envahi de vastes territoires de la planète, selon l'une des plus vastes recherches scientifiques effectuée dans les fonds océaniques. Entre 1999 et 2011, les scientifiques ont analysé et filmé 32 sites situés dans l’océan Atlantique, l’océan Arctique et la mer Méditerranée. Ils ont trouvé de tout : des bouteilles et des sacs de plastique, des vêtements, et des filets de pêche (à plus de 1 200 milles au large des côtes et jusqu’à trois milles pieds de profondeur), rapporte le Guardian. Il n’y a pas un site qui ne contient pas de détritus. Cela signifie que nos déchets voyagent bien au-delà des zones littorales et qu'ils finissent par recouvrir les fonds océaniques – selon l'étude c’est l’endroit où s’accumulent le plus d’ordures.

Les déchets de plastique constituent 41% du dépotoir, et le matériel de pêche (c’est-à-dire filets et lignes) atteint 34%. On a également retrouvé du bois, de la poterie, du verre, du papier, du carton, et même des résidus de charbon provenant de bateaux à vapeur d’il y a plus de 100 ans.

«Cette recherche démontre que notre dépotoir est présent dans tous les habitats marins, des plages les moins fréquentées aux recoins les plus profonds des océans», a déclaré un des chercheurs. «Une grande part du fond marin n’avait pas encore été exploré par les humains et c’est pourquoi nous avons visité bon nombre de ces sites en premier; mais nous avons été choqués de découvrir que nos ordures nous avaient devancés.»

Smithsonian note qu’à chaque année, près de 14 milliards de livres d'ordures entrent dans les océans; certains animaux les mangent ou s’y empêtrent et en meurent souvent.


«En France, chaque année, 15 milliards de sacs de sortie de caisse sont distribués dans les magasins, soit environ 500 sacs par seconde et 83 000 tonnes de déchets à éliminer. 150 millions de ces sacs (soit un sac sur cent) finissent sur le littoral français et sont à l'origine de la mort de certains animaux qui s'étouffent en essayant de les manger, en particulier les tortues et les mammifères marins qui les confondent avec des méduses ou des céphalopodes (des calmars par exemple). À titre d'exemple, en 2002, l'autopsie par le GECC3 d'un petit rorqual trouvé échoué à Lestre a montré que son estomac contenait une vingtaine de sacs plastiques, soit une surface de 3,95 m2 une fois étalés au sol.»
(L'Homme et les mammifères marins : pour une cohabitation durable dans la mer de la Manche [archive] – Groupe d'étude des cétacés du Cotentin, GECC)

Note, 19 mai : je ne voudrais pas avoir l'air de blâmer les Français (j'ai trouvé cette statistique au hasard) car, en Amérique du Nord, je crois que nous battons tous les records en la matière :-(


Le sac en plastique : une invention dont nous aurions pu assurément nous passer – en tout cas il aurait fallu dès le départ limiter son usage au strict nécessaire. Toute bonne idée n’est pas nécessairement bonne à réaliser et à répandre. Mais personne ne se donne la peine d’imaginer des conséquences, du moment que ça rapporte de l’argent, aucun problème…

Le sac d’épicerie

L’inventeur du sac «sortie de caisse» est un petit épicier de Saint-Paul dans le Minnesota aux États-Unis : Walter H. Deubner. En 1912, Deubner remarqua que ses clients n’achetaient dans sa boutique que ce qu’il pouvaient facilement emporter. Il conçut donc un grand sac en papier qui, dit-on, pouvait contenir 30 kilos de marchandises. Deubner vendait ces sacs 5 cents la pièce, soit environ 70 centimes d’euro aujourd’hui.
       Une avance rapide de 40 années nous amène au début de la période étudiée par Heinz, c’est-à-dire à l’apparition du premier sac-cabas en plastique. Celui-ci était fabriqué par soudage et ne comportait pas de poignées. Il faudra attendre le début des années 1960 pour voir apparaître le sac plastique que nous connaissons aujourd’hui. Aux États-Unis, à la fin des années 1970, quatre sacs-cabas sur cinq sont en plastique. (L’affaire est dans le sac, federplast)

Le sac à ordures

Inventeurs : Harry Wasylyk, Larry Hanson, Frank Plomp

Autrefois, les jours de collecte des ordures, il fallait vider des millions de poubelles de métal et les remettre en place, ce qui produisait un horrible vacarme.
       Après la Seconde Guerre mondiale, l'inventeur Harry Wasylyk, de Winnipeg, a entrepris des expériences sur un nouveau matériau appelé polyéthylène. Il a fabriqué ses premiers sacs de plastique dans sa cuisine et les a remis à l'Hôpital général de Winnipeg afin qu'ils soient placés dans les poubelles. Harry a bientôt délaissé sa cuisine pour fabriquer les sacs en usine. Vers la même période, Larry Hanson, un employé de l'usine Union Carbide située à Lindsay, en Ontario, a commencé à fabriquer des sacs à ordures pour les utiliser à l'usine. L'Union Carbide savait reconnaître les bonnes idées : la compagnie a acheté l'entreprise de Wasylyk et a commencé à produire des sacs à ordures en se servant des surplus de polyéthylène qui s'entassaient à son usine de Montréal. Un autre Canadien, Frank Plomp, de Toronto, travaillait aussi sur le même concept dans les années 1950. Il vendait ses sacs à ordures à des hôpitaux et à des entreprises. Curieusement, trois inventeurs ont eu la même idée à peu près au même moment, et tous étaient canadiens!
       Les scientifiques et les consommateurs se préoccupent maintenant du fait que tous les sacs de plastique s'accumulent dans les sites d'enfouissement. Certains plastiques peuvent mettre plus de mille ans à se décomposer! Une autre invention canadienne offre une solution partielle à ce problème. En 1971, le chimiste James Guillet, de l'Université de Toronto, a mis au point un plastique qui se décompose lorsqu'il est directement exposé au soleil. Le plastique dégradable de James Guillet a obtenu le millionième brevet émis au Canada. Il reste maintenant à inventer un plastique qui se décompose une fois enfoui!

Références :
- Bowers, Vivien. Only in Canada!: from the Colossal to the Kooky, Toronto, Owl Books, 2002.
- Spencer, Bev. Made in Canada: 101 Amazing Achievements, Toronto, Scholastic Canada, 2003.

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Citation du jour :

Plus nous consommons, moins nous ressentons de sollicitude… peut-être que notre inutile hyperconsommation étouffe notre sensibilité. Cela pourrait également résulter du bombardement constant par la publicité et le marketing. On cherche à substituer l’attachement aux personnes par l’attachement aux objets. Plus nous sommes riches, plus nous consommons, et plus nous avons tendance à devenir égocentriques et insouciants vis-à-vis des autres, semble-t-il. … Même si l’on met de côté les impacts physiques directs de la hausse de la consommation, il est difficile de comprendre comment quiconque pourrait imaginer que la croissance économique est une formule destinée à protéger la planète. Une étincelle de préoccupation s’allume pourtant lors d'une catastrophe, mais les gens retombent immanquablement dans l’apathie. C’est une conséquence quasi inévitable dans une société structurée autour du shopping, de la mode, des célébrités et de l'obsession de l'argent.

~ George Monbiot (The Guardian, le 9 mai 2014)

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