Les femmes perdent-elles leur sensibilité – que d’aucun appelle sensiblerie ou Syndrome Bambi (compassion et attendrissement exagérés envers les animaux) quand on parle de chasse? Ont-elles oublié qu’elles sont parfois elles-mêmes le gibier?
Possible car selon les dernières statistiques de plus en plus de femmes vont à la chasse après avoir suivi un programme de formation/initiation appelé «Fauniquement femme» (wow!). On en fait aussi une activité familiale : «les femmes veulent passer du temps avec leur conjoint et l’un des seuls temps pour le faire est durant les vacances prises en période de chasse.»
ANNONCE CLASSÉE
(Les hommes peuvent désormais féminiser le texte)
CONJOINT À VENDRE – Pas cher : vient avec équipement complet de chasse et pêche, une paire de jeans, deux chemises, une veste orange, des bottes, un chien Labrador, et 50 lb (22,6 kg) de gibier. Un bon gars, mais absent d’octobre à décembre et d’avril à octobre. Considérerais échange.
Ayant reçu une multitude d’appels, le lendemain, la dame publiait :
RÉTRACTATION «CONJOINT À VENDRE - Pas cher» : tout le monde veut le chien, pas le conjoint!
CHARTE DE LA TERRE (Voyez l’onglet ci-haut)
IV. Démocratie non-violence et paix
Article 15. Traiter tous les êtres vivants avec respect et considération.
a. Empêcher la cruauté envers les animaux domestiques et d’élevage, et atténuer leurs souffrances.
b. Protéger les animaux sauvages des techniques de chasse, de trappe et de pêche qui causent des souffrances extrêmes, prolongées ou inutiles.
c. Éviter ou éliminer dans la mesure du possible la capture ou la destruction d’espèces non ciblées.
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Chasse
Thierry Maricourt (1960- )
Une journée limpide
des balafres d’ajonc
le vent calmit
un coup de feu
deux coups de feu
trois coups de feu
se plaindre à toutes griffes
à toutes dents
à toutes peurs
des pièges des pièges
pattes blanches
pattes rouges sang
s’envoler
galoper
simplement s’enfuir
chaque année
une guerre inédite
la chasse
Délit de vie
Pitié
Géo Norge
(1898-1990) Qui la flèche ou le gibier
Qui la dent, qui l’aloyau.
Pitié pour la chair, pitié!
Qui le mangé, le mangeur,
Le tueur et le tué.
De ces barèmes loyaux,
Un bon sang sait les rigueurs.
Qui la balle, qui la cible.
L’homme est aussi comestible
Que les autres animaux.
Les Coq-à-l’âne
Source :
Cent poèmes pour l’écologie
Choisis par René Maltête
Le cherche midi éditeur; 1991
L’homme, qui aime le gibier faisandé, traite les vautours de mangeurs de charognes.
~ Jules Renard
En guise de conclusion
Le suspense de Claude Chabrol «Une invitation à la chasse» (qu’on dit inspiré d'une nouvelle de George Hitchcock) m’avait marquée au point d’en écrire un condensé. Ce récit n'a pas du tout l'impact du film, mais il peut susciter une prise de conscience. Le film illustrait avec beaucoup de réalisme et d'efficatité la panique que la victime (un humain dans ce cas-ci) d’une traque peut ressentir. Les animaux poursuivis par des chasseurs en mal du «plaisir de tuer» éprouvent la même chose.
Il faut se mettre dans la peau de l’autre pour comprendre… préférablement en imagination.
Dans la mire
Le président d’une illustre compagnie française décide un beau jour d’inviter officiellement son comptable à une chasse à courre qui doit se dérouler à son château.
L’employé, flatté, ne porte plus sur terre. Voilà notre homme qui part visiter les plus célèbres boutiques spécialisées pour dénicher un costume et des accessoires dignes de cet événement grandiose. Tous les rêves sont permis. Doit-il cet honneur à son travail dévoué? Est-ce la promesse d’une promotion? Il a beau questionner ses collègues, impossible de savoir. Il attend donc impatiemment l’éventuelle gloire de cette journée, se demandant sans cesse quel effet produira ce costume dernier cri minutieusement ajusté par son tailleur et qu’il essaye tous les soirs.
Le comptable s’amène donc le jour dit, au volant de sa Peugeot 404 rouge qu’il parque au milieu des Rolls Royce et Mercedes de couleurs sobres. Marchant allègrement vers le château, il croise quelques chasseurs qu’il salue timidement. Il ne récolte que regards condescendants et sourires narquois. Il est vrai que sa veste à carreaux assez voyante détonne parmi les costumes austères des invités.
Venu à pied du parking, il se présente à l’écurie au moment où les derniers cavaliers, déjà en selle, se dirigent vers la forêt. Apercevant le palefrenier, notre ami lui réclame une monture. Le valet répond qu’il ne reste ni cheval ni fusil disponibles. Notre comptable s’inquiète un peu, mais il accepte de participer, ne voulant surtout pas froisser son hôte et ainsi compromettre un quelconque avancement au sein de l’entreprise. D’ailleurs le palefrenier s’empresse de le guider rapidement vers le lieu de départ. On entend déjà au loin les cors d’appel et les aboiements des chiens courants.
Voilà notre homme qui accélère le pas afin de rejoindre la troupe de chasseurs. Il a beau faire, il n’y parvient pas. Bientôt, il a tellement chaud, qu’il retire sa bombe, son foulard de soie et ses gants, puis sa veste. À quoi bon s’en embarrasser? Les ampoules causées par ses bottes neuves le font tellement souffrir à chaque pas, qu’il se résigne à les ôter malgré la rudesse du terrain; une succession d’ornières, de ronces et de marécages. De guerre lasse, il s’assoit par terre. Un répit bien mérité après au moins deux heures de marche harassante à tourner en rond.
Tout à coup, il entend le chien d’arrêt hurler tout près. Le Braque allemand accourt et laisse tomber un gant blanc maculé de boue à ses pieds. «Espoir! se dit le comptable, ils ne doivent pas être très loin.» Derrière lui, le bruit se met à escalader. En effet, la meute libérée, aboie à tout rompre et ne tarde pas à le rejoindre. L’homme tente péniblement de se lever, mais voilà qu’un des chiens le prend à la gorge tandis qu’un autre lui mord le talon. Affolé, il court afin d’échapper aux assauts répétés. Il erre dans tous les sens en vain car ces chiens sont entraînés à courir des heures durant sans lâcher prise, flairant les pistes d’une proie qu’ils amèneront coûte que coûte à leurs maîtres.
Étrangement, notre comptable reconnaît les ornières et les marécages où il était tombé, et retrouve… son autre gant! Le pauvre homme est écorché vif sous les lambeaux de sa chemise, ses pieds saignent abondamment et sa propre sueur l’aveugle. C’est l’épuisement total. Il pue de sa propre odeur et de l’eau corrompue du marais.
Soudain, une pensée effroyable le saisit : «Le gibier, c’est moi?!» murmure-t-il. Il s’écroule par terre dévasté par une peur sans nom; c’est lui qui est aux abois. Il abandonne, envahi par un monstrueux sentiment d’impuissance.
Malgré son désespoir et sa peur, il ouvre lentement les yeux. La meute est là, désormais silencieuse; c’est la culmination : “le hallali”. Les nobles veneurs, du haut de leurs montures, encerclent et visent le «gibier» pour éviter que les chiens ne le déchiquètent.
Le jeu est terminé, c’est le temps de la curée.
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