Mais qui donc aujourd’hui, en politique et en affaires, veut répondre de ses actes et en assumer les conséquences? Hum…
Je pense, donc je suis… responsable!
Alain Etchegoyen* (1951-2007)
Répondre de ses actes et de leurs conséquences, devant sa famille et ses enfants, tel sera le principe moral de l’après 2000. Jamais le métier de parent n’a été plus difficile. À cause de la multiplicité des influences extérieures : télévision, cinéma, Internet, école… Mais aussi parce que les familles sont de plus en plus recomposées. Résultat, il faut improviser, quand ce n’est pas tout réinventer, car il n’y a pas de modèle de ce que nous sommes actuellement ni de ce nous sommes en train de devenir.
De quoi et de qui est-on responsable? Le premier territoire, c’est la famille. Qu’elle soit traditionnelle, décomposée, recomposée, c’est la première responsabilité que l’on a parce qu’elle est immédiate. On est responsable de ses enfants et de ses proches.
Éduquer les enfants à la responsabilité, cela veut dire de ne pas se contenter de leur imposer des recettes de comportement, mais leur en montrer en permanence le sens par rapport aux conséquences de ce comportement.
La responsabilité c’est pouvoir répondre de ses actes et de leurs conséquences devant autrui. Être responsable de ses actes devant soi-même également.
Les femmes sont plus responsables que les hommes. C’est la raison principale pour laquelle les femmes, en général, ne font pas de politique. Elles sont beaucoup plus sensibles à leurs responsabilités familiales que les hommes.
Certains s’occupent des problèmes mondiaux et peu de leurs enfants. Souvent ceux qui recherchent une responsabilité veulent en réalité un pouvoir. Dans une démocratie, tout le monde clame : «Moi je désire assumer un poste à responsabilités». Personne ne dit : «Je veux du pouvoir». Pourtant, lorsqu’il s’agit d’assumer des responsabilités… il n’y a plus personnes en vue.
Le risque est inséparable de la responsabilité, il en constitue même l’un des premiers ingrédients.
L’enfant devient adolescent en s’échappant, en vous échappant. Il grandit sans étayer sur un tuteur unique. Il agit et réagit à des sollicitations qui viennent de tous les côtés et de tous les horizons. Combien de fois on entend «il faut éduquer les enfants à l’écologie, à la paix». Il faut se méfier de souhaiter pour les autres une pratique que nous ne sommes pas capables de nous imposer. La responsabilité s’enseigne dans la pratique.
La vraie morale se moque des traditions qui donneraient des solutions toutes faites du genre «Ça ne se fait pas!».
Le contraire de la responsabilité c’est la lâcheté.
On n’est pas responsable de tout. On est d’abord responsable de soi-même devant les autres, de ce qu’on fait et de ce qu’on décide les concernant. Ensuite, on est responsable sur un territoire sur lequel on a un pouvoir. Chacun doit avoir un espace sur lequel il exerce une responsabilité. Et ce principe aujourd’hui fonctionne dans tous les domaines.
Dans la responsabilité ce qui compte, c’est la notion de progrès. Il est essentiel dans notre société que chacun ait conscience qu’il joue un rôle, que l’impact de ses actes personnels a un effet sur un collectif.
Quand nous sommes désorientés face à une décision ou une action, il faut faire subir à celle-ci l’épreuve de la responsabilité : de cette décision ou de cette action, voudrons-nous répondre devant ceux qui sont concernés par elle ou par ses conséquences? Ce principe exprime notre époque. Ce n’est ni du prêt-à-penser ni du prêt-à-agir. Il ne donne pas des réponses clés en main. C’est en ce sens que la vraie morale se moque de la morale. Elle se moque des traditions qui donneraient des solutions toutes faites. C’est pourquoi je la compare à la cuisine. Il ne s’agit pas de suivre des recettes mais de perpétuellement improviser. C’est une morale plus exaltante que celle de l’ordre et de la conservation.
La vraie morale se moque de la morale, Être responsable
Éd. Du Seuil, 1999
* Écrivain, philosophe, il a publié de nombreux ouvrages dont La Valse des éthiques, qui a obtenu le prix Médicis Essai.
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