6 décembre 2011

Varia poétique

L’amour a fait couler beaucoup d’encre
Et la haine beaucoup de sang  

Faisons donc couler de l’encre ou plutôt ... voguer des pixels sur l'amour    


Christian Mantey, carte postale 

Chanson

Toi, à qui je ne confie pas
mes longues nuits sans repos,
Toi qui me rends si tendrement las,
me berçant comme un berceau ;
Toi qui me caches tes insomnies,
dis, si nous supportions
cette soif qui nous magnifie,
sans abandon ?
Car rappelle-toi les amants,
comme le mensonge les surprend
à l'heure des confessions.
Toi seule, tu fais partie de ma solitude pure.
Tu te transformes en tout : tu es ce murmure
ou ce parfum aérien.
Entre mes bras : quel abîme qui s'abreuve de pertes.
Ils ne t'ont point retenue, et c'est grâce à cela, certes,
qu'à jamais je te tiens.

~ Rainer Maria Rilke
(Sa propre traduction)

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Ave

Très haut amour, s'il se peut que je meure
Sans avoir su d'où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour.
Quand je serai pour moi – même perdue
Et divisée à l'abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l'univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l'esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.

~ Catherine Pozzi
(Qui n'était alors qu'une belle ombre brune se glissant
dans les lettres de Rilke)

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Ô que longues sont les nuits depuis que tu t’es éloignée de moi!
Gazelle qui retardes l’exécution de ta promesse
et qui n’accomplis pas la parole que tu as donnée!

As-tu oublié le temps où nous passions la nuit ensemble dans les roses.

Où nous nous embrassions comme s’emmêlent les branches
Tandis que les étoiles brillaient comme des perles dans du lapis-lázuli.

Entre toi et moi, si tu voulais, il y aurait chose qui ne se perd point,
secret au-dessus des secrets que le temps divulgue, secret caché à jamais.

Que si tu chargeais mon cœur de ce que nul cœur des autres hommes ne peut porter,
ah ! que mon cœur serait aise!

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Nous rencontrer, un jour, toi et moi, dans la plaine;
Nous en aller, toi et moi, seuls hors la ville.
Tu le sais, comme nous serions bien ensemble, toi et moi,
Alors qu’il n’y aurait là que toi et moi.

~ Djami (Abd Er Rahman) – poète persan

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Rencontre de deux mains
Chercheuses d’étoiles,
Dans les entrailles de la nuit!
Dans quelle immense pression
leurs blancheurs se sentent immortelles!

Douces, elles oublient toutes deux
leur recherche inquiète
et trouvent un instant
dans leur cercle fermé
ce qu’elles cherchaient seules.

Résignation de l’amour
infinie comme l’impossible!

~ Juan Ramón Jiménez - poète andalou  

2 commentaires:

  1. La beauté de ces textes me submerge et je ne peux que vous dire pour une millième fois sans doute: merci!

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  2. Ne vous en privez pas… c’est toujours un plaisir de savoir que quelqu’un, quelque part sur l’océan web, apprécie ce que nous publions.

    Poésie
    Je reste fascinée par ces assemblages de mots – pourtant simples – qui nous propulsent dans une dimension de l’être si élevée. Tout un art.

    Bonne journée,
    :o)

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