L'altruisme véritable existe-t-il?
Matthieu Ricard
Le 1/9/2010
Comment remédier à ce culte de l'égoïsme qui sous-tend tant de courants de pensée dans des domaines aussi différents que la théorie de l’évolution, la psychologie et l’économie, et ce alors même que cette tyrannie du moi n’est pas corroborée par les données expérimentales?
L'acharnement avec lequel de nombreux penseurs cherchent à retrouver un intérêt personnel au fondement de tous nos actes n’a-t-il pas de quoi surprendre? L’égoïsme universel a non seulement ses théoriciens mais aussi ses champions, comme la philosophe américaine Ayn Rand, dont les écrits continuent d’avoir une influence considérable aux USA, qui soutient que l’égoïsme est éminemment désirable et que nous ne devons pas nous sentir coupables de ne penser qu’à nous, ou encore Sigmund Freud, pour qui l’altruisme est une compensation dysfonctionnelle de notre agressivité naturelle.
D'autres chercheurs en revanche, montrent clairement que l’hypothèse de l’égoïsme universel ne rend correctement compte ni de la réalité, c'est-à-dire de l'expérience vécue, ni des résultats de l'investigation scientifique. Daniel Batson, de l'Université du Kansas, fut le premier psychologue contemporain qui s'attacha à démontrer à l'aide de protocoles scientifiques élaborés que l'altruisme véritable existait bien et qu’on ne pouvait le réduire à n’être qu’une forme d’égoïsme déguisée.
De nombreux exemples, tel celui des hommes et des femmes qui, au risque de leur vie et de celle de leurs proches, ont protégé et caché des juifs persécutés et menacés de mort durant l'oppression nazie, semblent déjà indiquer qu'un altruiste parfaitement désintéressé peut exister.
Des économistes de talent, comme Ernst Fehr a montré qu’il fallait également cesser d’ignorer l’influence de l’altruisme sur l’économie et qu’il convenait dorénavant de tenir compte de ce facteur dans l’élaboration des modèles économiques.
Dans le domaine de l’évolution, les travaux de Boyd et Richerson montrent que chez les humains, l'évolution des cultures est plus rapide que celle des gènes individuels, et que ce phénomène pourrait permettre l'émergence d'une société plus altruiste, dans laquelle la coopération jouerait un plus grand rôle.
L'expérience des sciences contemplatives et les recherches récentes en neurosciences montre en outre qu'il est possible de cultiver l'altruisme par l'entraînement de l'esprit. La méditation en particulier est un puissant moyen d’effectuer cette transformation.
Source : http://www.matthieuricard.org/
Aucun commentaire:
Publier un commentaire