7 juin 2011

Nuire ou ne pas nuire, big question

«Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse» ou «Fais aux autres ce que tu veux qu’on te fasse». 

La deuxième option a fait dire à George Bernard Shaw, avec raison :
«Ne fais pas aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent. Leurs goûts peuvent être différents.»

Parfois je me dis que tous nos efforts, individuellement et collectivement, ne sont motivés que par la crainte qu’on nous nuise, plutôt que par la crainte de nuire aux autres. On n’a qu’à penser à «l’effort de guerre»…

Archives de l'Office National du Film du Canada

Certains messages de ce blog semblent parfois porter la bannière «donneur de leçons». En réalité je vulgarise ce que j’ai le plus besoin de développer moi-même, encore, encore et encore. A lifetime work in progress

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Ne pas nuire à autrui
Pema Chödrön

Apprendre à ne pas nuire à soi ni aux autres est un enseignement bouddhiste primordial. La non-agression possède le pouvoir de guérir. Le fondement de la société éveillée est cette capacité à ne pas nuire ni à soi-même ni à autrui. C’est ainsi qu’on peut avoir un monde sain. Ça commence avec des citoyens sains, c’est-à-dire nous. L’agression la plus basique envers soi-même, le dommage le plus fondamental qu’on puisse se faire à soi-même, c’est de rester ignorant parce qu’on ne trouve pas le courage ni le respect nécessaire pour se regarder avec honnêteté et douceur.

Pour ne pas nuire, il faut d’abord être attentif, voir clairement, avec respect et compassion, ce qui est sous nos yeux. C’est ce que nous apprend la pratique de base. Mais l’attention ne s’arrête pas à la méditation formelle. Elle aide à entrer en contact avec tous les détails de sa vie, elle aide à voir, à entendre et à sentir sans fermer ses yeux ni ses oreilles ni se boucher le nez. C’est le voyage d’une vie entière pour entrer en rapport avec l’immédiateté de l’expérience, en toute honnêteté, et se respecter suffisamment pour ne pas porter de jugements. À mesure qu’on met tout son cœur dans ce voyage de douce honnêteté, ce n’est pas sans un certain choc qu’on se rend compte à quel point on a refusé de voir quelques-uns des moyens auxquels on a recours pour nuire.

Il est douloureux de faire face à sa manière de nuire à autrui, et ça prend un certain temps. C’est un voyage qui a lieu parce qu’on est déterminé à être doux et honnête, à rester éveillé, attentif. Parce qu’on est capable d’attention, on voit ses désirs et son agression, sa jalousie et son ignorance. On ne passe pas à l’acte, on se contente de les voir. Sans attention, on ne peut les voir, et ils se multiplient.

Bien-être et incertitude
Cent huit enseignements
Pocket Spiritualité

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Sagesse et compassion
La sagesse et la compassion sont deux des qualités innées de l’esprit qu’il convient de développer pour pleinement réaliser son potentiel d’éveil. Le bouddhisme met l’accent sur l’absolue nécessité de les développer conjointement, sous peine de déséquilibre et d’erreur : on a besoin de la sagesse pour comprendre la réalité relative du monde qui nous entoure et la nature ultime de toute chose. Mais cette qualité d’intelligence risquerait de devenir sèche et purement intellectuelle, désincarnée, si elle n’était pas constamment arrosée par les eaux de la compassion qui donne à la connaissance sa dimension humaine et chaleureuse. À l’inverse, la compassion a besoin de la lucidité et du recul de la sagesse pour éviter de devenir un amour aveugle ou de tomber dans la sensiblerie et l’inefficacité. Ces deux qualités se complètent donc et sont aussi inséparables que les ailes d’un oiseau, ou que les yeux (sagesse) et les jambes (compassion) d’un voyageur. ~ C. Joko Beck

Ouvrir la boîte de Pandore
Charlotte Joko Beck

Extraits

S’il est certain que la pratique spirituelle influe sur le quotidien, avec ses effets de plus en plus évidents au fil du temps, on se fait cependant pas mal d’illusions sur la nature de cette influence. En effet, on a tendance à s’imaginer que la pratique va nous faciliter la vie et qu’on va se sentir mieux dans sa peau, plus calme et plus lucide. Or, rien n’est plus loin de la vérité! Tenez, ce matin, pendant que je buvais mon café, je me suis soudain souvenue de deux contes de fées et, si je vous en parle, c’est parce que je crois que ce n’est jamais par hasard que quelque chose vous trotte dans la tête. Il y a toujours une raison. En l’occurrence, les contes sont une forme d’expression qui véhicule certaines grandes vérités concernant la nature humaine, et c’est ce qui fait qu’ils existent depuis si longtemps.

La première histoire qui m’est venue à l’esprit était celle de la princesse et du petit pois. Il y a bien longtemps, on avait coutume de mettre les princesses à l’épreuve pour prouver leur authenticité. On faisait coucher la jeune fille sur une énorme pile de matelas – trente matelas entassés l’un sur l’autre – et, si c’était une vraie princesse, elle se devait d’être incommodée par le petit pois qu’on avait glissé sous le premier matelas, tout en-dessous de la pile. Je crois qu’on peut transposer cela au plan spirituel en disant que la pratique nous rend semblable à ces princesses délicates, en faisant de nous des êtres plus sensibles qu’avant. Elle nous fait apercevoir des aspects de nous-mêmes et des autres auxquels nous étions auparavant totalement aveugles. Notre sensibilité s’aiguise, quelquefois à l’excès, comme chez les pur-sang trop nerveux qui s’emballent pour un rien.

Le deuxième conte auquel j’ai repensé ce matin était l’histoire de la boîte de Pandore. Souvenez-vous : quelqu’un, qui était dévoré de curiosité à l’idée de ce que pouvait contenir cette mystérieuse cassette, ne put résister à l’envie de l’ouvrir. Aussitôt, toutes les forces maléfiques qu’elle contenait s’en échappèrent, semant un terrible chaos dans leur sillage. Eh bien, il arrive que la pratique nous fasse le même effet, comme si elle nous faisait exploser la boîte de Pandore en pleine figure.

Je crois que tout être humain ressent un sentiment d’isolement et de séparation par rapport au reste du monde dans sa petite tour d’ivoire. Le mur peut être plus ou moins tangible ou évident, selon les cas, mais il n’en n’existe pas moins. Et il restera là tant qu’on se sentira en décalage par rapport à la vie – séparé. Je suis sûre que, pour un être complètement éveillé, tous les murs sont tombés, mais je dois dire que je n’ai encore rencontré personne qui m’ait donné le sentiment d’y être parvenu totalement. Cela dit, plus on pratique et plus le mur se fait mince et transparent.

Ce mur nous rend insensibles à ce qui se passe en nous et autour de nous : par exemple, on ne se rend pas compte des idées noires ou des angoisses qui nous tournent dans la tête. On n’est que le jouet inconscient de ses pensées et de ses émotions. Cependant, sous l’effet de la pratique, le mur se lézarde et des brèches apparaissent, comme si on couvrait une arrivée d’eau avec des planches. Une fois que la pratique a aiguisé notre conscience et notre sensibilité, c’est comme s’il y avait une voie d’eau dans le bois. (…)

Il peut même arriver qu’un morceau de planche se détache et alors, l’eau a vite fait de se précipiter dans la brèche. Évidemment, si nous nous sommes abrités derrière une palissade, c’est parce que nous préférions ignorer certaines zones de nous-mêmes. Et quand soudain il y a une brèche et que l’eau s’y engouffre, c’est un peu comme si la boîte de Pandore s’ouvrait. L’idéal, du point de vue de la pratique, serait de ne pas laisser la boîte s’ouvrir trop brutalement, tout d’un coup. Mais dans la mesure où l’on ne maîtrise pas bien les rythmes de ses bouleversements intérieurs, il est toujours possible d’être pris au dépourvu : d’où certaines surprises désagréables, voire des dégâts. Imaginez que, tout à coup, le couvercle de la boîte vole en éclats et expose au grand jour tout ce que vous avez toujours essayé de vous dissimuler. Il faut bien reconnaître que cela ne risque guère de contribuer à votre bien-être! Vous vous sentirez même sûrement bien plus mal dans votre peau qu’avant.

Métaphoriquement, la boîte de Pandore contient tout un réservoir de sentiments et de pensées à forte charge émotionnelle : toute la gamme des émotions que nous engendrons en poursuivant des buts essentiellement égocentriques. Cela n’arrive pas forcément à tout le monde, mais c’est en tout cas vrai pour certains qui se sentiront tout à coup balayés par un ouragan d’émotions d’une violence folle. Malheureusement, la plupart des gens n’ont plus du tout envie de persister à faire zazen quand ils se retrouvent dans cet état-là : ce qui est bien dommage, car c’est en persévérant malgré tout – qu’on en ait envie ou non – qu’on arrive à résoudre une telle crise dans les meilleures conditions. Je dois dire que, pour ma part, ce processus s’est fait insensiblement; probablement grâce à la pratique très intensive de zazen que j’ai poursuivie à ce moment-là, seule et en sesshin.

La boîte à malice déborde et révèle toutes sortes de choses désagréables : comme, par exemple, quand on voit soudain remonter à la surface la colère qui nous habitait depuis toujours à notre insu! Surtout, abstenez-vous de la laisser retomber sur les autres! En tout cas, nos belles illusions volent en éclat : tout n’est pas toujours rose quand on pratique et qu’on se rend compte que tout n’est pas qu’amour et paix en soi. Tout cela est parfaitement normal, au demeurant : il faut bien que la boîte à malice s’ouvre un jour. Ce n’est ni bien ni mal en soi, c’est comme ça, tout simplement. Une nécessité. C’est une étape indispensable pour qui veut aller au fond des choses et repartir sur des bases saines. En fait, ces épreuves sont très bien comme elles sont; il n’y a rien à jeter, tout est utile, si l’on sait s’en servir à bon escient. L’essentiel est de savoir continuer à pratiquer dans les moments de crise.

Certes, la pratique spirituelle n’est pas chose facile, mais c’est la seule force capable de réellement transformer notre vie. En revanche, ce serait un leurre de s’imaginer que ces changements se feront sans qu’on y mette le prix. (…) Il faut une sacrée dose de vrai courage pour arriver à une pratique authentique : vous devez être prêt à assumer tous les terribles secrets qui vont jaillir de la boîte, révélant au grand jour certains aspects de vous-même que vous auriez préféré continuer à ignorer tranquillement.
(…)

Si nous avons tant de mal à supporter l’ouverture de la fameuse boîte de Pandore, c’est parce que, tout à coup, elle nous lance en pleine figure un sentiment qui se dissimulait en nous sans que nous en ayons conscience : une énorme colère envers la vie. Et il faut bien que ce volcan-là entre en éruption, un jour ou l’autre. Cette rage est l’expression de l’ego, furieux de voir que la vie ne va pas comme il le voudrait : «Cette vie-là ne me convient pas! Elle ne m’apporte pas ce que j’attends. Elle ne pourrait pas me sourire un peu plus, non?» C’est le dépit qu’on éprouve quand la vie, les gens ou les circonstances, ne répondent pas à nos attentes.

~
Le terme de discipline suffit souvent à faire grincer des dents certains d’entre nous qui l’interprètent comme une forme d’obligation ou de répression. Or, dans le contexte du zen, se discipliner veut simplement dire pratiquer de manière à devenir aussi lucide que possible, afin d’y voir un peu plus clair en soi et autour de soi.

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Pratiquer, dans le contexte qui nous intéresse ici, c’est essayer de garder l’œil de la vigilance ouvert, du matin au soir. Grâce à quoi la superstructure perd de sa solidité et on commence à entrevoir la vie telle qu’elle est.

Soyez zen
… en donnant un sens à chaque acte à chaque instant
Pocket

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