«Le favoritisme est un raccourci qui échoue toujours sur les résultats.» (Édith Boukeu, journaliste)
Certains internautes prétendent que Marie Grégoire est victime de médisance. Il s’agit plutôt de dénoncer une manigance politique véreuse. En tout cas la contestation généralisée pointe vers des erreurs de jugement dignes d’apostasie politique pour les membres de la CAQ!
Image via le site du Syndicat canadien de la fonction publiqueLe député péquiste Pascal Bérubé a dit trouver «surprenant que parmi toutes les candidatures reçues, il n’y avait personne de plus qualifiée et qui répondait aux attentes des acteurs du milieu qu’une fondatrice de l’ADQ proche de la CAQ». À ses yeux, il s’agit ni plus ni moins que d’une «nomination partisane faite en catimini juste avant le début des vacances».
La bonne
maman positiviste chantera la Mélodie du Bonheur avec la famille Trapp CAQ.
Comme c’était touchant d’entendre Marie Grégoire promouvoir les organismes de
bienfaisance et les OBNL... mais, tout n’est pas bleu poudre – voyez qui sont
ou étaient les clients de la firme TACT Intelligence-Conseil dont elle a été vice-présidente
(1).
Si elle était qualifiée, les gens du milieu se réjouiraient, de même que le public. Or vu que ce n’est pas le cas, il faudra sans doute embaucher quelqu’un de plus compétent qui dirigera l’institution à sa place (dans l’ombre). Ce qui coûtera double salaire au gouvernement – bravo, une manière originale de créer des emplois à plus de 30 dollars de l’heure et d’assainir les finances!
Le 30 octobre 2019, François Legault déclarait : «Le grand défi dans les cinq prochaines années, c'est de s'assurer que cet argent-là est bien utilisé, bien géré, de façon efficace, sans p'tits amis.» C'est dans ces termes que le premier ministre a entériné le nouveau pacte fiscal avec les municipalités, en leur lançant un avertissement à peine voilé sur la corruption en milieu municipal.
«Tout est grand dans le temple de la faveur, excepté les portes qui sont si basses, qu’il faut y entrer en rampant.» ~ Duc de Lévis (Maximes et Réflexions)
Un beau résumé de l’affaire par Jean-François Nadeau qui ne craint pas de dire les choses telles qu’elles sont.
La consternation
Jean-François Nadeau / Le Devoir Chronique, 12 juillet 2021
La volonté du gouvernement de nommer Marie Grégoire, une ancienne députée de sa famille politique, à la tête de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), en a laissé plus d’un pantois. Peut-être est-ce vouloir être trop délicat que de résumer en un seul mot – celui de consternation – le flot de commentaires suscités jusqu’ici par cette nomination.
À mesure que, depuis quelques années, BAnQ se voit amputée de son horizon de sens, l’institution apparaît basculer du côté de la nuit et de son silence. Pour ceux qui observent en s’en désolant cet amoindrissement, pareille nomination n’annonce rien de bon. Les pâles rayons qui éclairent l’arrivée de la nouvelle patronne des lieux n’ont mis en lumière jusqu’ici que des yeux révulsés par cette nouvelle. Est-ce sans raison?
BAnQ se trouve placée, depuis des années, sous perfusion. Ses budgets de misère ne lui suffisent pas à assurer sa mission. Que des esprits étriqués veuillent réduire celle-ci aux simples dimensions d’un programme de numérisation et de redressement de ses finances, voilà qui n’aide en rien à ragaillardir le rôle social et culturel que doivent jouer les bibliothèques publiques et les archives dans les sociétés d’aujourd’hui.
Aucun candidat n’est parfait pour occuper des fonctions aussi importantes. Cependant, il est difficile de concevoir, en scrutant le parcours de Mme Grégoire, en quoi on se trouve ici devant quelqu’un à même de relever une institution qui a sans cesse été piétinée.
Il apparaît fort difficile de soutenir que personne au Québec n’était mieux préparé, qualifié et disposé, sur le plan des idées et de la formation, à assurer l’avenir de cette institution qui montre d’inquiétants signes de perdition. Et le rapport à l’administration de la nouvelle directrice de BAnQ a beau s’étaler comme de la confiture dans le déroulé de son curriculum vitæ, il tient en vérité à fort peu de choses.
Marie Grégoire a été présidente du congrès de fondation de l’ADQ de Mario Dumont, le parti que finira par digérer la CAQ. C’est à cette époque que, sur les bancs de l’université, j’ai connu son conjoint, Éric Montigny. Il comptait parmi la garde rapprochée de Dumont, astre guide de cette formation qui s’enthousiasmait pour Margaret Thatcher. Le couple Grégoire-Montigny a signé ensemble un ouvrage : Le cœur des Québécois. À l’aide de sondages et d’un sondeur, Youri Rivest, ils y expliquent ce que pensent les Québécois. Rien de moins. Ils en viennent à nous dire, en gros, que les Québécois, voyez-vous, sont déjà en quelque sorte indépendants et qu’il faut envisager l’avenir autrement... Les sondages, en politique, sont toujours pratiques : ils donnent l’impression de révéler des traits de société, alors qu’ils ne font que projeter les formules des sondeurs en essentialisant des populations entières. Cette mascarade permet ensuite de réduire la politique à des variables de comportement, facilement exportables en slogans publicitaires. Lors de la dernière campagne électorale, Youri Rivest était désormais consultant de l’«opinion publique» pour la CAQ. L’élection en poche, il s’est félicité de ce qu’il a appelé «la victoire du Québec moyen». Pareille rhétorique, qui confond les outils de communication avec des idées et un projet de société, ne peut en venir qu’à justifier des choix qui n’en sont pas. Dans cet esprit, en Angleterre, le publicitaire Saatchi avait créé le fameux slogan de Margaret Thatcher – There is no alternative («Il n’y a pas d’autre choix») – avant de devenir l’un des plus grands promoteurs et collectionneurs d’art contemporain, comme si du marketing politique à la culture il n’y avait qu’un petit pas à franchir...
En matière de culture en tout cas, force est d’admettre que la feuille de route de Marie Grégoire ne brille pas beaucoup au-delà du spectre du marketing politique et médiatique dont elle est un pur produit. Un de ses principaux faits d’armes, en dehors de son bref rôle de députée d’arrière-ban, a consisté à dire, la plupart du temps, du bien de la CAQ dans le cadre du Club des ex, ces séances de babillages publics télédiffusés sur le mode des émissions sportives. Marie Grégoire fut de cette quotidienne de 2007 à 2015. Loin de constituer un espace d’analyse, comme l’affirmait sa publicité, cette émission offrait essentiellement un découpage de la réalité en vignettes offertes au bénéfice de la vision, souvent indifférenciée, des trois partis provinciaux les plus en vue. De cette exposition quotidienne à fleur d’écran, Marie Grégoire aura tiré l’essentiel de sa petite notoriété. Pareil passé peut bien servir de tremplin pour accéder à la direction du Bloc québécois, mais comment imaginer qu’il puisse suffire à conduire à la direction d’une institution culturelle parmi les plus prestigieuses d’Amérique du Nord?
À l’heure où même le catalogue de BAnQ n’est pas opérationnel depuis des semaines, que nombre de services ont été supprimés au fil des années, dont l’apport des grandes expositions, et sans même parler du mauvais sort fait à l’ancienne bibliothèque Saint-Sulpice lestée de projets insignifiants, à quoi rime en définitive pareille nomination?
Il fut un temps, pas si lointain en vérité, où les élus, dans un commode entre-soi, se jouaient du pouvoir comme s’il s’agissait de leur propriété personnelle, en contrôlant toutes les nominations et en distribuant des faveurs et traitements particuliers dont ils disposaient ensuite à leur gré. Sans présumer à tout moment de la résurrection d’un pareil népotisme, il est toujours signe de bonne santé de se demander périodiquement si ces temps passés sont bel et bien derrière nous et s’il n’y a pas, quoi qu’il en soit, de nouvelles façons de faire société qui devraient s’imposer dans l’intérêt commun.
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/617439/la-consternation
(1) Entre 2011 et 2016, Marie Grégoire a été vice-présidente et associée principale de TACT Intelligence-Conseil, une firme de communications qui fait aussi du démarchage pour des entreprises auprès des gouvernements. En bon français : une firme de lobbyistes qui défend les intérêts privés, ceux-là même qui taraudent et manipulent les gouvernements pour obtenir des faveurs, du cash, des contrats, etc.
TACT offre des services en «affaires publiques et relations gouvernementales», mais aussi d’«accompagnement en vue d’audiences publiques et de commissions parlementaires», de «relations de presse» et de «prévention et gestion de crise». La liste des clients incluait (en 2017) la Banque Laurentienne, Labatt, Ubisoft, St-Hubert, les éleveurs de porcs du Québec, IGA, la pétrolière Valero, Sobey's, Ubisoft, Transat, Energir (ex-Gaz Métro), la Financière Sun Life, la pharmaceutique Merck, Roche Pharma, Cisco (informatique)... des entreprises mondiales locales, québécoises comme le sirop d’érable.
L’ex Marie Grégoire
Stéphane Baillargeon / Le Devoir Chronique, 26 mai 2014
TACT pouvait conseiller la pétrolière Valero tandis que sa vice-présidente commentait le projet d’exploitation des réserves d’Anticosti ou le plan d’électrification des transports. Tact inclut Roche Pharma comme cliente et son associée principale peut juger en ondes le projet Pharma Québec de Québec solidaire. Tact aide Gaz Métro et Marie Grégoire peut parler éolienne ou nucléaire en ondes.
D’où la question répétée il y a quelques semaines à la principale intéressée : Marie Grégoire, êtes-vous en conflit d’intérêts?
«À votre question, je réponds pas du tout, a-t-elle tranché dans un courriel. Mes propos représentent mes opinions personnelles. Elles se sont construites à travers une expérience politique et professionnelle de longue date. Elles sont cohérentes et indépendantes des organisations au sein desquelles j’ai travaillé.»
Elle poursuit en se réclamant d’une position nette et pure. «[...] Mon attitude a toujours été d’agir en toute transparence, écrit-elle encore. Je n’ai jamais caché mon parcours professionnel. Si jamais il y a une zone grise, soyez assuré que [je] n’hésite pas à le mentionner en ondes. D’ailleurs, j’ai justement choisi de faire de la consultation pour garder ma liberté et l’indépendance qui vient avec.»
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/409196/medias-l-ex-marie-gregoire
En ce qi me concerne, c'est la dernière fois que j'en parle, j'ai mieux à faire.
«La plus totalitaire des dictatures jamais connues est celle des marchés, des intérêts économique et de la consommation, qui ne peut s’exercer à la perfection qu’en démocratie.» ~ Romain Guilleaumes
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