4 avril 2021

À la merci des grands fourbes de l’ombre

«Un mensonge ne tient debout qu'en s'appuyant sur un autre.» – Anne Barratin (De toutes les Paroisses, p.4, Ed. Lemerre, Paris, 1913)

On pourrait aussi dire : «un menteur ne tient debout qu’en s’appuyant sur un autre menteur».

À quoi peuvent bien penser des cerveaux branchés exclusivement sur le cash, le rendement, l’investissement, les gains et les pertes, l’enrichissement personnel...? À des manigances pour arriver à leurs fins, coûte que coûte.

 

En ce moment, nous avons plusieurs politiciens (et des ex) à l’œil, en raison de présumés manques d’éthique, de mensonges, de dissimulations et autres; ils semblent évoluer dans un système à la Corleone.  

 

«Ne me raconte plus que tu es innocent parce que c'est une insulte à mon intelligence et ça me rend de mauvaise humeur.» – Michael Corleone à Carlo Rizzi (Le Parrain)

 

 

Commençons là où ça sent le plus mauvais, du côté de l’ex-premier ministre libéral, Jean Chrétien, qui en passant est membre du groupe Bilderberg. On sait que l’arriviste de haut calibre, particulièrement tordu, a toujours volontairement ignoré les conséquences désastreuses de ses manigances organisées derrière des portes closes. Le scandale Shawinigate et celui des commandites ne sont que deux exemples parmi une multitude d’autres qui ont jalonné sa vie politique publique et dans l’ombre post retraite.

   L’étrangleur de Shawinigan. L’homme est apparemment violent. En 1996, à Gatineau, Jean Chrétien avait sauté à la gorge d’un militant qui, pour dénoncer la réforme de l’assurance-chômage, scandait «Chrétien en chômage». Ce geste a été baptisé Shawinigan Handshake. Les agents de la GRC ont empêché Chrétien de l’étrangler et jeté le manifestant par terre qui s’en est tiré avec quelques contusions et une couronne  dentaire brisée. Imaginez qu’en 2012, Jean-René Dufort, alias Infoman, et le populaire animateur de CBC Rick Mercer ont eu droit à un Shawinigan Handshake! Bon, ce sont de malheureuses anecdotes.

 

Mais là, ce champion de la corruption dépasse les bornes. II devrait être suivi par un psy; l’appétit insatiable de pouvoir et de richesse, ça se soigne. À moins qu’il ne soit trop tard, vu ses 87 ans... les tares sont bien ancrées. Je fulmine quand j’entends cet hypocrite dire que nous sommes responsables de l’usage que font les pays consommateurs de nucléaire parce que nous leur avons vendu de l’uranium. Quelle absurdité! Il prône la responsabilité mais se déresponsabilise des risques que présente un tel site d’enfouissement au Labrador. Quel cynisme!

 

Jean Chrétien au cœur d’un projet secret pour enfouir des déchets nucléaires étrangers au Labrador

 

Enquête a obtenu des courriels de 2019 à 2020 qui lèvent le voile sur un projet de stockage de déchets nucléaires étrangers au Labrador et qui mettent en lumière le rôle clé de l’ancien premier ministre du Canada.

 

Par Marie-Maude Denis, Jacques Taschereau et Daniel Tremblay

Émission Enquête, publié le 1er avril 2021

 

Jean Chrétien au cœur d’un projet secret pour enfouir des déchets radioactifs étrangers

Enquête a obtenu des courriels de 2019 à 2020 qui lèvent le voile sur un projet de stockage de déchets nucléaires étrangers au Labrador et qui mettent en lumière le rôle clé de l’ancien premier ministre du Canada.

   Au printemps 2020, la pandémie a bousculé les plans d’un groupe d’hommes d’affaires et d’avocats qui planifiait une rencontre au Canada avec de potentiels partenaires japonais.

   La réunion devait réunir un ex-conseiller du gouvernement américain en matière d’énergie nucléaire, Tim Frazier; un homme d'affaires montréalais, Albert Barbusci; ainsi que des personnalités influentes de l’industrie nucléaire et des relations publiques au Japon.

   Mais le plus connu des invités à cette rencontre sans cesse repoussée par la fermeture des frontières est Jean Chrétien. Il agit depuis plusieurs années à titre d’avocat-conseil pour les promoteurs du projet, des clients de son cabinet Dentons.

   Selon des courriels obtenus par Enquête, le but de la rencontre était de discuter d’un projet de construction d’un «dépôt géologique en profondeur». ...

   Pour Mycle Schneider dont l’expertise est recherchée partout dans le monde, l’origine de la démarche est problématique, puisque ce genre de projet doit être mené par des gouvernements. ... Cette perspective a fait sursauter le consultant indépendant en énergie nucléaire. «La première réaction a été une stupéfaction à quel point des gens qui, extrêmement haut placés, se rassemblent dans une espèce de conspiration incroyable, destinée à garder au secret un plan et de le faire avancer suffisamment loin pour confronter les décideurs avec des faits accomplis. Ça ne s'est jamais fait et il y a de bonnes raisons», explique Mycle Schneider. Par définition, ce sont des questions qui doivent être gérées dans l’intérêt public et en aucun cas par les intérêts privés de quelque société que ce soit. Ce sont des matières extrêmement radioactives. Pour donner une idée, à un mètre de distance, si un combustible irradié n'est pas protégé, la dose létale pour un humain, c'est en moins d'une minute.»

   C’est dans la lettre de Jean Chrétien à Hisafumi Koga, patron d’une grande agence de relations publiques japonaise qu’on apprend où les clients de son cabinet d’avocats veulent faire ce projet.

   «Le granit sec du Labrador serait parfait pour cette utilisation.» – extrait lettre de Jean Chrétien à Hisafumi Koga, 2019

   Nous avons communiqué avec l’un des promoteurs du projet, l’homme d’affaires montréalais Albert Barbusci. Avant d’apprendre que nous avions obtenu les courriels échangés avec ses potentiels partenaires japonais, il a coupé court à nos questions en nous assurant qu’il n’y avait pas de projet, tout au plus une idée dont on avait discuté seulement 20 minutes avec Jean Chrétien. M. Barbusci ajoute qu’il n’est pas question spécifiquement du Labrador, puisqu’aucun site n’a vraiment été étudié.

   Pourtant, d’autres indices laissent croire que le projet est en marche depuis plusieurs années et que les promoteurs se concentrent effectivement sur Terre-Neuve-et-Labrador.

   Par exemple, en 2017, Greg Mercer qui était le chef de cabinet du premier ministre provincial d’alors, Dwight Ball, s’est fait pincer pour une affaire de lobbying. Mercer n’avait pas déclaré, dans les délais prévus par la loi, ses activités de lobbying notamment pour l’entreprise Terravault. Elle est inscrite au registre des entreprises du Québec et du Canada à l’adresse du cabinet Dentons à Montréal.

   Terravault, c’est l’entreprise qui mène le projet de site de stockage de déchets nucléaires au cœur des courriels que nous avons obtenus. L’un des principaux actionnaires est Tim Frazier, un ancien conseiller en nucléaire du département de l’Énergie aux États-Unis. Il a refusé de nous parler.

   «Il faut empêcher la fuite des informations avec le plus grand soin.» – extrait lettre Hisafumi Koga à Jean Chrétien, septembre 2019

   Lorsque nous avons contacté Jean Chrétien à la fin février pour discuter du projet de site de stockage de déchets nucléaires des clients de son cabinet d’avocat, l’affaire semblait vague et lointaine.

   «On m'a consulté, mais là, je sais pas où ils en sont rendus. Vous parlez des Japonais? J'ai pas entendu parler de ça.» – Jean Chrétien

   Dans sa lettre au Japonais Hisafumi Koga, Jean Chrétien écrit «bien qu’il serait inapproprié pour moi à ce stade-ci d’endosser le projet d’une entreprise en particulier, j’ai toujours été favorable à l’énergie nucléaire et au concept d’un dépôt géologique en profondeur dans le nord-est du Canada». Mais il promet quand même d’y travailler activement.

   «J’organiserai et participerai à des discussions au Canada, dans ses provinces et dans des pays partenaires éventuels pour faire avancer le projet d’un dépôt en profondeur dans le Nord-Est canadien.» – extrait lettre Jean Chrétien à Hisafumi Koga, 2019

   «Ce que je trouve incroyablement scandaleux c’est que quelqu’un avec ce profil-là utilise son nom pour ouvrir des portes à un projet qui est totalement clandestin, un projet en dehors de tout contrôle public.» – Mycle Schneider

   «On appelle ça de la politique silencieuse, ça se fait exactement tel que décrit dans les courriels. Eux, ils auront le temps d’aligner leurs pions sur trois, quatre, dix ans, ils vont aller s’en chercher des autochtones favorables à leur projet, ils vont aller chercher des certifications de Greenpeace ou d’autres organismes mondiaux qui vont dire que c’est beau, et que oui, c’est dans l’intérêt national canadien et dans l’intérêt mondial de le faire.» – Denis Saint-Martin, professeur de science politique à l’Université de Montréal

   Lorsque nous avons recommuniqué avec Jean Chrétien pour lui dire que nous avions cette lettre, il a accepté notre demande d’entrevue et nous a reçus à sa résidence d’Ottawa.

   «Nous, le Canada, on a été des vendeurs d'uranium, c'est-à-dire qu'on a profité de ce problème. Parce qu'on a vendu de l'uranium. Alors, on aurait une responsabilité d'aider à régler le problème.» – Jean Chrétien

   Et voici ce qu’il répond lorsqu’on soulève le fait que ces déchets seront encore radioactifs dans 10 000 ans : «Hé bien y'aura peut-être un problème dans 10 000 ans, on laissera aux politiciens de cette époque-là à le régler.» – Jean Chrétien

 

https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/2274/jean-chretien--secret-dechets-radioactifs-labrador

 

En complément :

 

Un prix Darwin pour la piscine radioactive de Chalk River (28 mars 2017)

Cet article inclut l’opinion de l’écrivain Henning Mankell sur l’énergie nucléaire –

À laquelle il s’oppose. L'écrivain craignait que l'instinct de destruction des humains ne les conduise à l'anéantissement. Disons que c’est en bonne voie.

https://situationplanetaire.blogspot.com/2018/03/un-prix-darwin-pour-la-piscine.html

 

Des articles où l’on fait référence à Jean Chrétien :

 

Gros malaise au PLQ (30 mars 2017)

https://situationplanetaire.blogspot.com/2017/03/gros-malaises-au-plq.html

 

Les poissons ne rient pas (1er avril 2017)

Quelques scandales qui nous ont rendus plus lucides https://situationplanetaire.blogspot.com/2017/04/les-poissons-ne-rient-pas.html

 

Poison Papers (suite) : les ingrédients secrets de l’écocide (8 août 2017)

https://situationplanetaire.blogspot.com/2017/08/poison-papers-suite-les-ingredients.html

 

La cambriole de haute voltige – suite logique (2017)

https://situationplanetaire.blogspot.com/2017/11/la-cambriole-de-haute-voltige-suite.html

 

Je ne crois plus en personne (16 décembre 2020)

https://situationplanetaire.blogspot.com/2020/12/je-ne-crois-plus-personne.html

 

~~~

 

Au Québec, avec quelque 125 députés caquistes, nous ne manquons pas de serpents à cravates! Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, se retrouve une fois de plus dans la mire puisqu’il gère le Québec comme une entreprise privée et qu’il se permet d’agir à sa guise avec la bénédiction du padre François Legault.

 

Encore dans l’embarras en matière d’éthique, Fitzgibbon dit être victime d’«acharnement médiatique»

 

Bien qu’il soit visé par quatre enquêtes de la commissaire à l’éthique et encore dans l’embarras en raison de sa participation dans un fonds basé dans un paradis fiscal, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a répété mercredi qu’il n’avait rien à se reprocher en la matière.

 

Photo : Jacques Boissinot / Presse Canadienne  

 

Le Journal de Montréal a révélé que l’élu de la Coalition avenir Québec (CAQ) possède des intérêts dans le fonds White Star Capital, établi dans le paradis fiscal de Guernesey. Deux hauts dirigeants de ce fonds ont été inscrits en 2020 comme lobbyistes auprès de M. Fitzgibbon, puisqu’ils cherchent «un appui politique ou financier» pour un investissement public potentiel de 20 millions de dollars. Le média a aussi publié une photo d’une rencontre organisée en 2019 à Paris entre le ministre Fitzgibbon, le premier ministre François Legault et le cofondateur de White Star Capital, Eric Martineau-Fortin.

 

https://www.msn.com/fr-ca/actualites/quebec-canada/  

 

Aussi :

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1781360/fitzgibbon-white-star-defense-conflit-interet

 

Québec solidaire et le Parti libéral du Québec demandent à Pierre Fitzgibbon de se retirer de son poste de ministre de l’Économie le temps qu’il se conforme au code d’éthique des députés de l’Assemblée nationale, après de nouvelles révélations embarrassantes sur ses liens d’affaires.

 

Sur une photo affichée sur le compte Twitter du premier ministre en janvier 2019, on voyait  le ministre de l'Économie Pierre Fitzgibbon, un cofondateur de White Star, Éric Martineau-Fortin, Patricia Barbizet, une investisseuse dans White Star, le premier ministre Legault et son épouse. Le premier ministre François Legault affirmait avoir eu un dîner notamment avec un des cofondateurs de White Star et le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon à Paris. «Très heureux d’avoir participé à un autre dîner économique hier soir notamment avec Patricia Barbizet de Temaris et Eric Martineau-Fortin de White Star Capital. De bonnes discussions sur l’économie!» affirme-t-il.

 

https://www.journaldemontreal.com/2021/03/31/photo-embarrassante--lopposition-invite-fitzgibbon-a-se-retirer

 

M. Fitzgibbon qui prétendait qu’il s’agissait d’une rencontre de 10 minutes «par hasard», se trouve à contredire pas le premier ministre Legault. 

 

Caricature : Pascal / Le Devoir 01.04.2021 

~~~

 

«Menteur : [...] maintenant les appellations politicien et menteur sont synonymes.» – Albert Brie (Le mot du silencieux, p.237, Fides, 1978)

Aucun commentaire:

Publier un commentaire