4 décembre 2019

Tout comme celle de la terre, notre santé a mauvaise mine

Globalement, les humains consomment 179 000 litres de pétrole par seconde.

Nos gamelles sont remplies de poisons chimiques. Rien d’étonnant puisque les industriels et les biochimistes mettent des dérivés pétroliers et miniers dans tout – nourriture, cosmétiques, dentifrice, produits ménagers, vêtements, objets, gadgets, appareils électroniques, etc., littéralement dans TOUT. Ajoutons les pesticides comme le glyphosate et ne nous demandons plus pourquoi le cancer est «la» maladie du 21e siècle.
   Nous sommes ainsi devenus dépendants du pétrole et des minerais bien souvent sans le savoir ni le vouloir. Nous mangeons dans la main des écocideurs, et comme des otages atteints du syndrome de Stockholm, nous leur faisons confiance et refusons d’être secourus...

Alors, bonne chance COP25, surtout en l’absence de contraintes. Les opportunités de faire rayonner le capitalisme radical vert sont illimitées – plusieurs industries du secteur des énergies fossiles (pétrole, gaz, minerai, charbon) financent l’événement car le gouvernement espagnol ne disposait pas des fonds nécessaires. Le renard s’occupe du poulailler.

L’exploitation minière est une source de pollution (air, eau, sol) des plus nocives. Quand les barrages des bassins de rétention cèdent, c’est l’enfer. Et les haldes minières, ces montagnes de résidus rocheux toxiques, causent de sérieux problèmes car personne ne sait quoi en faire, comme à Asbestos et à Thetford Mines.

Photo : Résidus miniers sur les rives d'un affluent du Rio Doce au Brésil après l'effondrement du barrage de minerai de fer de Samarco, le 5 novembre 2015. Le 28 octobre 2019 : Vale et BHP sont à nouveau autorisés à extraire le minerai de fer de Samarco. Vale indiquait que sa division Samarco Mineração SA a reçu l'autorisation de redémarrer ses activités d'exploitation après la mise en place d'un système de filtration dans son complexe de Germano, dans le Minas Gerais, au Brésil, environ quatre ans après avoir cessé ses activités à cause de la rupture du barrage.

Photo : Jonathan Hayward / Dossiers de la Presse canadienne. En 2014, la rupture du barrage de rétention des résidus de la mine Mount Polley d'Imperial Metals, située au nord-est de Williams Lake, a entraîné la coulée de millions de mètres cubes de boue,  d'eau souillée et de résidus toxiques dans Hazeltine Creek, puis dans le lac Quesnel, l'un des principaux bassins hydrographiques de frai du saumon du fleuve Fraser. Trois ans après le déversement, les autorités de la Colombie-Britannique avaient décidé de ne pas porter d'accusations. Dimanche, le 5 août 2019, était la date limite pour porter plainte contre les propriétaires de la mine, Imperial Metals. C'est l'une des plus grandes catastrophes environnementales de l'histoire du Canada et l'entreprise n'a pas eu à payer un seul sou d'amende. (Vendredi, 2 août 2019)

Mount Polley: Cover up instead of cleaning up.

Les grands prédateurs financiers qui contrôlent la planète minière multiplient les «poubelles chimiques», avec la bénédiction de nos décideurs. Il y aurait moins de trous dans le ventre de la terre si les tyrans industriels détenaient un «Advanced Degree in AWARENESS». Il est même trop tard pour un «crash course» d’immersion dans leurs propres soupes de poisons, car évidemment les propriétaires et les patrons n’habitent jamais à proximité de leurs mines... 

Le cratère de la mine d’amiante Jeffrey à Asbestos, et son bassin de rétention de résidus toxiques d’un bleu magnifique – 6 km2 de superficie et 350 m de profondeur!

Asbestos (nom anglais du minerai) changera de nom, d’autant plus que le cratère – cet horrible symbole de cupidité industrielle – est devenu une attraction touristique.  

La production de l’amiante, qu’on appelait autrefois «or blanc», a longtemps soulevé d’importantes controverses relatives à la santé publique. Et pour cause.

Wikipedia : Le paysage actuel d’Asbestos est indissociable de l'activité industrielle qui s’est développée des suites de la découverte d'un important gisement d'amiante à la fin du XIXe siècle. La mine Jeffrey [exploitée de 1881 à 2011], avec un des puits miniers les plus grands au monde, les haldes minières [montagnes de résidus toxiques], ses infrastructures routières et son parc industriel témoignent de l'importance de cette activité pour la ville et la région. Pendant cette période, Asbestos a produit une grande partie de l’approvisionnement mondial en amiante, un produit maintenant interdit dans de nombreux pays en raison de ses effets néfastes pour la santé.
   L'industrie minière du début du XXe siècle, qui utilisait des moyens et techniques rudimentaires, aura entraîné des accidents ininterrompus aussi bien dans le puits à ciel ouvert que dans les moulins. Les conditions déficientes au niveau de la santé et de l'environnement de travail auront laissé des séquelles mortelles chez de nombreux mineurs affectés par des maladies pulmonaires, couramment appelées amiantose et mésothéliome (une forme de cancer du poumon), et d’autres cancers causés par l’inhalation de fibres d’amiante.
   Les fibres de chrysotile de l’amiante sont responsables de millions de décès dans le monde car il était vendu à des pays en développement où son utilisation n'avait que peu ou pas du tout de restrictions pour la protection des utilisateurs.
   Toutes les fibres d'amiante génèrent une réponse cancérogène au niveau pulmonaire ou pleural. Le chrysotile, tout comme les autres formes d'amiante, se comporte à la fois comme un initiateur, un promoteur et un cocarcinogène. Le chrysotile ne peut donc être considéré comme moins dangereux que les autres types d'amiante et une utilisation dite sécuritaire et responsable de cette fibre ne peut occulter sa dangerosité et la nécessité de l'écarter de tout processus industriel ou usage commercial.
   Médecins et toxicologues dénonçaient depuis des décennies les dangers de l'amiante chrysotile, reconnu comme un cancérigène par les scientifiques et les organismes de la santé publique.
    «Le Canada semble se soucier davantage de son propre bien-être économique et ne pas mesurer le poids des effets horribles de sa cupidité sur la vie d'innombrables personnes à travers le monde qui souffrent et meurent de l'exposition continue à l'amiante», déclarait le Dr Richard Lemen, ancien chirurgien américain.

On retrouve au Québec le même mépris envers la population (ICI Radio-Canada info, 29 juin 2012) :
Le gouvernement annonçait le 29 juin 2012 qu'il accordait un prêt de 58 millions de dollars, permettant l'exploitation souterraine du minerai au lieu d'un puits à ciel ouvert. Mine Jeffrey voulait relancer les activités de sa mine d'amiante et ainsi prolonger la durée du gisement à plus de 20 ans dans le but d'exporter sa production vers des pays en développement. Le président, Bernard Coulombe, n'attendait que l'autorisation finale du conseil des ministres. Le gouvernement du Québec appuyait le projet et promettait une garantie de prêt de 58 millions de dollars si Balcorp* investissait 25 millions de dollars. [* Baljit Singh Chadha est le président fondateur de l’entreprise de trading Balcorp, ainsi que le leader de la communauté Sikh canadienne; la compagnie a des intérêts dans l’agrobusiness, la foresterie et les minerais.]
   En novembre 2011, des familles de travailleurs morts de maladies liées à l'amiante ont tenté de bloquer la relance de la mine. Pour ces opposants au projet, l'amiante cause des cancers dans les pays pauvres vers lesquels le Canada l'exporte.
   La Société canadienne du cancer était du même avis et exhortait le gouvernement Charest à ne pas soutenir financièrement la relance des activités de la mine Jeffrey à Asbestos. Selon l'organisme, le versement de la garantie de prêt pour permettre l'exploitation de la mine souterraine nuirait à la réputation du Canada comme chef de file en matière de santé publique sur la scène internationale.

Pour en finir avec l’amiante (La Presse, 2 décembre 2019) :  
La mine Jeffrey a fermé en 2012. En 2018, le Canada interdisait la vente et l’utilisation de l’amiante et de ses produits dérivés.
   La mine Jeffrey d’Asbestos, dont l’exploitation a commencé à la fin du XIXe siècle, a généré plus de 400 millions de tonnes de résidus.   
   Des résidus miniers, la ville de Thetford Mines, située à 80 kilomètres à l’est d’Asbestos, en a également à revendre. Environ 450 millions de tonnes. Pourtant, ce n’est pas d’emplois ou de retombées économiques dont s’inquiète le maire, mais de la difficulté de composer avec ces résidus amiantés longtemps utilisés comme matériau de remblai : «C’est en dessous de nos rues et de nos maisons, il y en a absolument partout. Ça nous faisait sourire, mais ça ne nous fait plus rire parce que c’est rendu une catastrophe économique», déplore le maire de Thetford Mines Marc-Alexandre Brousseau. La mine a fermé en 2011.


Écoutez ce prospecteur minier. Selon lui, il faudrait nous ruer tou azimut (Azimut est d'ailleurs le nom de sa compagnie) vers les sites contenant des métaux et des minéraux industriels : diamants, argent, or, lithium, terres rares, coltan, etc. – notamment dans le Grand Nord. Le chasseur de minerais considère que le Plan Nord de l’ex premier-ministre libéral Jean Charest était excellent. Et, toujours d’après lui, l’Abitibi recèle des possibilités inexplorées : «Vous êtes encore dans une phase émergente où le ou les centres de gravité potentiels de nouveaux gisements sont encore peu connus.» Il appelle ça des «cibles». Il n’y a pas un recoin de la planète qui n’a pas été ou n’est pas ciblé. Les impacts sur l’environnement et la santé publique ne semblent pas l’alarmer du tout; décevant que Michel Lacombe n’ait pas creusé à fond la question.

Industrie minière : le Québec tire son épingle du jeu, selon le géologue Jean-Marc Lulin

«Les géologues, les géophysiciens et les foreurs québécois ont acquis une expertise qui est mondialement reconnue et qui est très facilement exportable», dit Jean-Marc Lulin, président et chef de la direction de la compagnie minière canadienne Azimut Exploration, au micro de Michel Lacombe. D'origine française, le géologue, qui compte plus de 30 ans d'expérience en Amérique du Nord, en Afrique et en Europe, ne tarit pas d'éloges envers le secteur minier de la Belle Province. [...]

Le 21e, ICI Radio-Canada, vidéo publiée le samedi 7 juillet 2018

Avec tous ses cratères pétroliers et miniers, le Canada ressemblera bientôt à la lune...

Des Albertains demandent au ministre Wilkinson de stopper un mégaprojet minier

ICI Alberta, 22 novembre 2019

Parc national Wood Buffalo 

Des groupes autochtones et environnementaux albertains demandent au nouveau ministre fédéral de l'Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, de rejeter le plus important projet minier de l’histoire des sables bitumineux au pays, le projet Frontier.
   S’il est approuvé, il sera situé à 110 kilomètres de Fort McMurray, dans le nord de l’Alberta, et produira 260 000 barils de bitume par jour.

Une zone vierge menacée
Situé à 30 kilomètres du parc national Wood Buffalo, le projet présente, selon ses opposants, un danger pour la protection des espèces en voie de disparition, telles que des grues blanches et le dernier troupeau de bisons des bois qui habitent la région.

Credit: John Mckinnon / Canada Parks (whopping crane)  

Le directeur général de Keepers of Waters, Jesse Cardinal, croit que l’objectif commun entre le gouvernement fédéral et les Autochtones devrait être de procéder à une transition qui respecte les droits des Autochtones tout en assurant un avenir vivable à tous.
   Selon lui, le projet est «terrifiant» à cause de ses conséquences sur l'environnement. «C’est maintenant que nous devons agir, pas quand nous nous serons enfoncés dans cette crise», ajoute-t-il.
   Selon Bronwen Tucker, un analyste de Oil Change International, les intentions du gouvernement fédéral dans sa lutte contre les changements climatiques sont contraires à ses actions et nuisent à sa crédibilité sur le plan national et international.


Creuser jusqu'où?
Extractivisme et limites à la croissance
Éditions Écosociété, 2015

Sous la direction de Yves-Marie Abraham, David Murray 
Avec des textes du collectif ALDEAH – Charles Beaudoin-Jobin, Philippe Bihouix, Laura Handal Carvantes, Denis Delestrac, Ariane Gobeil, Alain Gras, Martin Hébert, Normand Mousseau, Manuela Lavinas Picq, Éric Pineault, Bertrand Schepper-Valiquette, Nicolas Sersiron

Partout, l'heure est à l’intensification de l’exploitation industrielle des «ressources naturelles». Forêts, eau douce, minerais, sable, rivières, faune sauvage, gaz de schiste, pétrole, terres fertiles, paysages grandioses : tout y passe! La justification de ces efforts est partout la même : cette exploitation est un facteur de croissance essentiel dont il serait fou de ne pas profiter alors que les emplois manquent et que les États sont endettés. C’est le choix de l’extractivisme. Si ce phénomène suscite des débats, ceux-ci ne portent généralement que sur les conditions de l’exploitation de ces richesses : qui va vraiment profiter de ces ressources? Comment ne pas faire trop de dégâts en les mettant à profit? Est-ce le bon moment de les exploiter?
   Et si, au lieu de se préoccuper de la bonne façon de partager ce «gâteau» (sans trop salir la nappe), on s’interrogeait plutôt sur  la pertinence même de le consommer? Avons-nous vraiment besoin d’harnacher de nouvelles rivières, d’exploiter toujours plus de gisements de pétrole et de minerais, d’ouvrir de nouveaux territoires aux touristes, d’intensifier les cultures et l’élevage animal? Ne s’agit-il pas d’une fuite en avant, sur un chemin qui ne mène nulle part, sinon à la destruction pure et simple de notre habitat terrestre et de nos sociétés? Ne pourrions-nous pas vivre aussi bien, voire mieux, sans pratiquer ce type d’exploitation? Si oui, à quelles conditions?
   Les auteur.e.s s’attaquent à ces questions difficiles en dénonçant la logique de l’extractivisme avant d’en souligner les principales limites physiques. Les effets destructeurs et irréversibles du processus économique sur les ressources naturelles dites «non renouvelables» (énergies fossiles, minerais, etc.) étant déjà à l’œuvre, les auteur.e.s s’attellent à décrire les alternatives possibles à ce «modèle de développement» : low-tech, transition énergétique, résistance autochtone et philosophie du buen vivir... Ils nous invitent à changer de paradigme pour penser les pistes d’actions nécessaires dans un futur post-extractiviste. Car à force de creuser, nous arrivons bel et bien aux limites de notre unique planète.

– Yves-Marie Abraham est professeur à HEC Montréal, où il enseigne la sociologie de l’entreprise et mène des recherches en sociologie de l’économie.
– Historien de formation, David Murray est éditeur aux Éditions Écosociété et gravite depuis plusieurs années autour des milieux de la décroissance.


Citation du jour

If you have the source, you have the resource;
If you have the resource, you’ll have the power;
If you have the power, you’ll have the money;
When you have the money, you’ll have the people.
This is a circle.

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