14 décembre 2019

Portrait du meneur d’affaire

«Il est aussi facile de se tromper soi-même, sans s’en apercevoir, qu’il est difficile de tromper les autres sans qu’ils s’en aperçoivent.» – La Rochefoucauld

L’autre jour, je feuilletais un vieux livre au hasard. Diable! en lisant le passage reproduit ci-après, j’ai reconnu quantité de personnalités publiques de divers milieux : politique, financier, entrepreneurial, artistique, etc. Plusieurs sont en lice pour un trophée «Pire Ennemi de la Terre» – catégorie pillage planétaire / pollution atmosphérique. À chaque année, on trouve une liste partielle des récipiendaires sur Forbes.
   Dans la première partie de cet ouvrage * (Une méthode pour connaître le caractère d’autrui; V. Par la conversation) l’auteur écrit :
   «On n’étudie pas un homme comme on suppute la qualité d’un cheval, simplement en tournant autour, en lui tâtant les muscles et en examinant ses dents. Il faut bien vous décider à lui parler.»
   Les personnalités publiques sont rarement abordables. Mais il n’est pas nécessaire de parler directement au proprio d’Amazon, Jeff Bezos, pour savoir que les profits «pléthoriques» de ses entreprises, tel le commerce en ligne, n’empêcheront pas l’ambitieux milliardaire d’inventer autre chose pour combler son appétit insatiable de profit.

 
Portrait du meneur d’affaire : l’homme voué à une activité sans fin

C’est l’homme qui crée, organise, dirige une entreprise. Son influence dans la vie sociale est considérable. Même quand son activité est contrôlée ou commandée par l’État, «Monsieur le Directeur» est un personnage dont, à chaque instant, beaucoup de citoyens dépendent. Il est donc utile de se faire une opinion sur sa psychologie en tant que «meneur d’affaire».
   En général, c’est un individu qui paraît se complaire en une activité «dévorante», tourbillonnante. Dur, inflexible, exigeant, impitoyable, on le sent tendu par une volonté de réussir. Toujours pressé et cependant maître de lui, il n’a pas le temps de bavarder, ni de s’épancher en confidences sentimentales. On discerne mal le fond de son âme. Sa froideur d’acier déconcerte, rien ne transparaît sur son visage figé en une mimique de commandement. On devine seulement l’homme qui se surveille, prépare ses projets en secret qu’il exécutera avec audace au moment voulu.
   Se trouve-t-il en présence de gens qu’il a intérêt à ménager ou dont il veut conquérir les bonnes grâces? Il sait alors se composer l’attitude convenable qui va parfois jusqu’à l’amabilité. Mais avec ses subordonnés il ne tolère pas la contradiction. Il a un plan mûri; l’entreprise doit produire tant de tonnes de marchandises par an, donner tant de bénéfices; ce but doit être atteint coûte que coûte. Une moins-value de l’affaire, au bilan, est à ses yeux une catastrophe. Pour l’éviter, il mettra tout en œuvre, exigera des exécutants des efforts redoublés, il trouvera des combinaisons, des expédients, stimulera la production, augmentera la publicité, réduira les frais inutiles, etc.
   La prospérité ne ralentira pas son effort, au contraire. Les bénéfices doivent aller en croissant. Toute affaire qui ne progresse pas meurt. Voilà les dogmes qu’il a acceptés, une fois pour toute, comme base de sa conduite.
   Aussi l’usine a beau «tourner» intensément, il faut qu’elle accélère encore son allure; on achète des machines nouvelles, on agrandit les ateliers, on crée des succursales, des filiales; on cherche des débouchés nouveaux.
   L’homme qui «anime» cette ruche ne connaît pas de repos. Il reste à son poste, de plus en plus tendu, secret, machiavélique, adroit, opiniâtre; on dirait le pilote d’un navire en pleine bourrasque. Et pourtant tout va bien, les comptes en banque sont pléthoriques, l’homme règne sur un peuple d’employés, d’ouvriers, de clients, les journaux chantent la gloire de l’affaire!
   Pourquoi ce meneur d’affaire s’impose-t-il un tel effort? – Parbleu, dites-vous, il veut faire fortune pour pouvoir satisfaire tous ses désirs?
   Sans doute voit-on des hommes d’affaires jouisseurs qui, après avoir amassé de l’argent, vont le dépenser au cabaret, achètent des châteaux, un yacht, des autos, entretiennent des danseuses! On en rencontre aussi dont l’idéal est de mener la vie bourgeoise de rentier; ils marient leurs filles richement, se meublent confortablement, deviennent arthritiques pas excès d’alimentation, se glorifient d’appartenir à un club chic ou s’efforcent d’être le grand homme politique de leur canton. D’autres encore se promènent de palaces en palaces, en toutes les parties du monde, des malles de luxe et un ennui distingué; ils visitent, en baillant, tous les musées, tous les sites fameux, goûtent à toutes les cuisines exotiques, assistent à tous les spectacles, achètent de faux ou de vrais tableaux de maîtres, et meurent un beau jour dégoûtés du monde et d’eux-mêmes.
   Mais, dans la mesure où l’homme essaie ainsi de jouir de son argent, il cesse d’être un meneur d’affaire pour devenir un simple bourgeois rentier. Cette perspective déplaît souverainement à celui qui possède vraiment le goût de l’action. Le repos, le loisir, le bonheur, tout cela, à ses yeux, sont des aspects de la déchéance. Il n’est pas au monde pour être heureux, mais pour produire. Âme d’une entreprise mécanisée et emballée, il en est aussi l’esclave. En réalité, l’argent ne l’intéresse qu’en tant que signe, symbole de sa réussite.
   Il faut reconnaître que cette conception de la vie en vaut peut-être une autre. L’activité, en effet, est un plaisir en soi. Notre organisme est une machine productrice d’énergie que nous avons besoin de dépenser. Évidemment, nous pouvons l’employer à nous amuser; c’est ce que font les jouisseurs dont je viens de parler, mais s’amusent-ils vraiment tant que ça? Le métier d’homme riche et oisif est peut-être celui qui use le plus rapidement et qui satisfait le moins, car hélas! le plaisir n’est pas une sensation qu’on trouve à volonté.  
   Le meneur d’affaire sent cette vérité profonde et en tire les déductions logiques. De toutes les manières de jouir, il préfère celles qu’il trouvera dans une activité accrue. C’est même ce qui lui donne une sorte de grandeur désintéressée. On le croit, et il se dit peut-être réaliste, matérialiste; en fait, il tient moins aux choses qu’il conquiert qu’à l’effort qu’il faut faire pour les conquérir.
   Les obstacles s’accumulent-ils devant lui? Tant mieux! En les bousculant il prendra une conscience plus aiguë de sa force. Le risque ne l’effraye pas, au contraire; il en retire une excitation qui est le sel de sa vie. Volontiers, parfois, il s’expose à perdre sa fortune pour avoir le plaisir d’en regagner une autre. Subit-il des échecs? Est-il accablé par les soucis? Son visage peut se rembrunir, mais en lui, l’exaltation de l’instinct de lutte s’accroît.
   – Comment peut-il, demandez-vous, accepter sans frémir tant de responsabilités?
   Mais ce sont elles qui lui donnent le plus mâle plaisir! Ne sentez-vous pas que cet homme, en développant son «affaire», en attirant à lui des capitaux, des confiances, des sympathies, des intérêts; en prenant des engagements dont dépendent la vie d’autres êtres, ne sentez-vous pas, dis-je, que cet homme éprouve une pathétique sensation : celle de la paternité! Voilà le salaire que reçoit cet esclave opulent!
   Il est d’ailleurs probable qu’à tout cela s’ajoute la satisfaction de voir tout un petit peuple de subordonnés obéir à ses ordres. On sait que l’instinct de domination est un des mieux enracinés au cœur de tout homme; l’ascète riche, qui dirige une entreprise, en est peut-être enfiévré plus que tout autre.
   Quoi qu’il en soit, vous pouvez déduire de cette analyse que pour attirer l’attention, l’intérêt, la sympathie, l’amitié, la bienveillance d’un tel homme, il convient en principe, d’apparaître à ses yeux comme un collaborateur dévoué de l’«Entreprise» dont il est le premier serviteur. Cet homme passionné de production est habitué à juger les autres sur leurs capacités de rendement.
   Ce «Patron» n’a pas de temps à perdre aux bagatelles. Si vous écrivez des vers, mieux vaut ne pas lui en parler car, après cette confidence, il vous confierait difficilement un poste important dans son affaire.

* Source : Dictionnaire des caractères Connaître et manier les hommes; [Jean Taboureau dit] Jean des Vignes Rouges; Éditions J. Oliven. Mon exemplaire tout jauni a été imprimé en 1945, mais il n’a pas pris une ride. J’ai découvert que l’auteur avait enseigné la psychologie à Charles de Gaulles...!     

Image : Aurélien R.R. Bonnetaud. Parodie d’un monde sans failles.

Le documentaire Le monde selon Amazon avait pris l’affiche le 29 novembre dans quelques cinémas de répertoire au Québec. Si vous l’avez manqué, j’imagine qu’il est/sera achetable en ligne... sur Amazon!
   «Cette enquête, tirée du livre éponyme de Benoît Berthelot, tient plus du reportage télévisuel que du documentaire de création. En revanche, elle a le mérite d'exposer, à travers le cas précis d'Amazon, l'avenir que nous réservent les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple). Le début du film donne le ton, avec ses spectaculaires images du désert que Jeff Bezos a acquis pour le lancement de «ses» fusées dans l'espace. Il faut néanmoins attendre le dernier tiers, centré sur l'impuissance des gouvernements à encadrer ce géant, pour voir le film tenir sa promesse militante. La présence sentie de Richard Desjardins à la narration compense l'impersonnalité de la réalisation, qui mixe statistiques-chocs et témoignages informatifs mais neutres.» – Georges Privet

L’infrastructure économique d’Amazon fonctionne à peu près comme une mafia – chantage, écrasement des compétiteurs (petits, moyens et grands) et contrôle des gouvernements. Voilà sans doute pourquoi MM. Justin Trudeau et François Legault hésitent à taxer les géants du numérique. Selon M. Legault, Google a «des projets intéressants» d’investissements au Québec, mais les deux parties ont convenu de garder le tout confidentiel. «On peut parler de beaucoup d’emplois payants potentiels», s’est limité à dire M. Legault. Le gouvernement projette de dézoner un territoire agricole à Beauharnois afin de permettre à Google d’y installer un centre de stockage de serveurs informatiques. Dans la métropole, Google compte déjà un centre de données, un studio de jeux vidéo, un laboratoire de recherche en intelligence artificielle et un bureau de sa filiale DeepMind.
   Qui plus est, en raison des récents vols de données personnelles chez Desjardins et Capital One, les ministres Éric Girard et Éric Caire (ministre délégué à la Transformation numérique qui louche sur les géants américains de stockage numérique) veulent instaurer un processus d’identification numérique – empreintes digitales et/ou reconnaissance faciale – pour tous les Québécois en 2021, pour réduire le risque de fraude d’identité. Éric Caire voit très grand, il désire créer des «citoyens numériques : «Je veux développer une “start-up” du gouvernement en matière de transformation numérique [...] Pourquoi on n’irait pas chercher des gens de chez Amazon qui aimerait travailler chez nous? Il ne faut pas oublier une chose : le gouvernement du Québec, c’est la plus grosse entreprise au Québec.»  
   La biométrie n’éliminera pas les risques. Un expert en cybersécurité invite à la plus grande prudence : «Si on perd l'information biométrique à notre sujet, ça peut avoir de très graves conséquences pour toute notre vie. Qui nous sommes [biologiquement], c'est le facteur d'identification qui est généralement le plus fort, mais c'est aussi le talon d'Achille. » (Pascal Fortin, ex-président de la firme GoSecure)

Ainsi on balancerait toutes nos données personnelles dans la gueule de prédateurs numériques américains, livrées du même coup aux renseignements américains. Totalement inconscient et irresponsable. Découvrez ce qu’est le Patriot Act et le Cloud Act, et ce que pense Edward Snowden du stockage de données chez des pourvoyeurs de nuages (cloud)  étrangers (américains ou autres); une très mauvaise idée...  

– 9 décembre 2019 : Le NHS (système de santé public britannique) donne à Amazon le droit d'utiliser librement les données de santé émanant des utilisateurs d'Alexa. ~ Benoît Berthelot  https://twitter.com/benoitberthelot?lang=fr

Bezos : un digne rejeton d’Edward Bernays... En août 2019, ont estimait la valeur nette de Bezos à 131 milliards de dollars. Les bénéfices boursiers de Bezos en 2018 lui ont rapporté environ 260 millions de dollars par jour.

«Le monde selon Amazon» : l’économie, c’est moi!

Caroline Montpetit
Le Devoir, 29 novembre 2019

Vous avez probablement contribué à sa fortune, à un moment ou un autre de votre vie : Jeff Bezos, le fondateur et PDG d’Amazon, est considéré comme l’homme le plus riche du monde. Son empire étend ses tentacules partout. Et son but est de s’infiltrer encore plus, dans toutes les sphères de nos vies.
   Le documentaire Le monde selon Amazon, d’Adrien Pinon et Thomas Lafarge, qui prend l’affiche vendredi, jour du Vendredi fou (Black Friday), effectue une plongée fascinante dans l’univers de ce géant, dont l’idée a germé dans un sous-sol de Seattle, en 1994.
   À l’époque de sa fondation, Amazon livrait une vingtaine de livres par jour, raconte un ancien partenaire de Bezos, interrogé dans le film. Aujourd’hui, l’entreprise livre cinq milliards de colis par année, au rythme de 158 par seconde.
   Et les activités de l’entreprise ne s’arrêtent pas là. 60 % des bénéfices d’Amazon proviennent des stockages de données, dans les 120 centres de données qu’elle gère dans le monde, dont l’un est établi à Varennes, en banlieue de Montréal.
   Les ambitions de Jeff Bezos vont plus loin. Jusqu’où? Par le biais de sa compagnie Blue Origin, il vise rien de moins que la colonisation de l’espace, voire de la Lune, explique en entrevue Alexandre Sheldon, assistant réalisateur du film.
   «La terre suffira-t-elle à combler son appétit?», demande d’ailleurs dans le film Richard Desjardins, qui assure la narration du film pour le Québec. «Que veut Jeff Bezos qu’il n’ait déjà? Quel avenir la multinationale veut-elle nous imposer et à quel prix?», demande-t-il encore.
   Le film, une coproduction entre la compagnie française Little big story, et les productions du Rapide blanc, au Québec, explore avec brio la dynamique mise en place par Amazon au sein de l’économie mondiale, et le pouvoir que la géante exerce auprès des commerçants qu’elle dessert comme auprès de ses clients.
   «On ne veut culpabiliser personne d’acheter par exemple leurs cadeaux de Noël sur Amazon, poursuit Alexandre Sheldon. On veut que tout le monde s’interroge sur les enjeux liés à la présence d’Amazon». Selon Stacy Mitchell, de l’Institut américain pour l’autonomie locale, qui est interrogée dans le film, deux emplois sont perdus pour chacun des emplois créés par Amazon. Le chiffre fait réfléchir, au moment où Amazon s’apprête à ouvrir un nouvel entrepôt dans le secteur de Lachine à Montréal.
   L’équipe de réalisation du film s’est notamment rendue en Inde, où Amazon tente de faire sa place en livrant une concurrence féroce à deux autres géants, Flipkart et PayTm (une filiale d’Alibaba).
   Ses efforts provoquent la colère de boutiquiers indépendants du Vieux Delhi, qui y font commerce depuis des générations.
   Alors qu’un géant comme Amazon peut se permettre de perdre de l’argent durant cinq ans pour se faire une place dans le marché, ces commerçants ne peuvent tenir ainsi que quelques mois, explique l’un d’eux.
   En réponse à ces critiques, le gouvernement de l’Inde, dont ces commerçants forment la base nationaliste, réclame notamment à Amazon que 30 % des produits vendus par l’entreprise soient fabriqués en Inde.
   En Europe, où l’entreprise est déjà bien implantée, l’approche de Jeff Bezos heurte les syndicats, qui critiquent les conditions de travail difficiles de l’entreprise.
   On apprend par exemple que les personnes qui travaillent dans les entrepôts doivent obéir aux ordres d’une machine, qui leur dit quel bras lever pour atteindre l’objet par exemple, ou comment bouger dans l’entrepôt.

Photo tirée du documentaire 

Selon un employé de l’entreprise de Leipzig, en Allemagne, une personne qui effectue ainsi les mêmes gestes, 500 fois par jour, est très à risque de faire un burn out.
   «En Europe, les normes en matière de conditions de travail ne sont pas les mêmes», relève Alexandre Sheldon.
   Le Parlement européen a également décidé d’imposer des sanctions contre Amazon, déclarant illégales des exemptions fiscales dont l’entreprise a bénéficié au Luxembourg. Mais le Luxembourg est en appel de cette décision.
   Toutes ces critiques semblent d’ailleurs glisser sur le dos de Jeff Bezos comme sur celui d’un canard. «Mon impression, c’est que ça ne les inquiète pas du tout ou très peu», dit Alexandre Sheldon.
   Au début du film, il est mentionné que Jeff Bezos s’est porté acquéreur il y a quelques années du Washington Post, l’un des quotidiens les plus influents, aussi considéré comme un adversaire de Donald Trump.
   Or, Amazon espérait récemment décrocher un énorme contrat, nommé JEDI, avec le ministère de la Défense américaine. «Finalement, c’est Microsoft qui a eu le contrat», dit Alexandre Sheldon.
   Reste que Jeff Bezos est décrit dans le film comme un libertarien pur jus, qui déteste se soumettre à quelque réglementation que ce soit.
   À Seattle, où la compagnie a son siège social, une bataille musclée a eu lieu entre l’entreprise et le conseil municipal, au sujet de l’aide que les grosses entreprises devaient apporter aux sans-abri, en finançant la construction de logements abordables.
   Alors que le conseil municipal a tenté d’imposer une contribution obligatoire à ces grosses entreprises par le biais d’un règlement, Amazon a organisé une vigoureuse contestation, forçant le conseil municipal à reculer.
   Quelque temps plus tard, Jeff Bezos a annoncé un don de deux milliards de dollars pour venir en aide aux sans-abri dans l’ensemble du pays.
   Pour la conseillère municipale de Seattle qui avait lutté pour obtenir du financement de logement social par voie de règlement, cette érosion des pouvoirs publics au profit du pouvoir privé, reposant entre les mains d’un seul homme, est inquiétante.
   Jeff Bezos a refusé d’accorder une entrevue aux réalisateurs.


Regard critique sur Amazon

Silvia Galipeau La Presse, 29 novembre 2019
(Extrait)

Le tiers du cloud mondial

C’est l’une des activités les moins connues d’Amazon, et pourtant la plus lucrative : 30 % du cloud mondial appartient à Amazon (Amazon Web Services). «C’est la division la plus profitable d’Amazon», confirme l’assistant-réalisateur québécois. Netflix, Airbnb, Waze, Expedia et la plupart des applications de vos téléphones intelligents transitent par des serveurs qui appartiennent à Amazon. Même le New York Times et, bien évidemment, le Washington Post, ce dernier ayant été racheté récemment par la multinationale. «Le tiers des informations disponibles sont hébergées chez des serveurs appartenant à Amazon», révèle le documentaire.
   Pour chaque emploi créé par Amazon, que ce soit dans un entrepôt en Amérique, en Europe ou en Asie, deux autres sont perdus. On estime qu’en tout, 85 000 petites entreprises ont disparu en 10 ans et 35 000 petites et moyennes usines. Amazon ne serait pas la seule, mais la «principale» cause de ces pertes, signale le documentaire. Et quand des emplois sont créés, encore faut-il s’interroger : «Quels emplois, et de quelle qualité? s’interroge à son tour le recherchiste. Ce sont des emplois au bas de l’échelle, dans des conditions déshumanisantes, avec un rythme de travail imposé par des promesses de livraison rapide.»
   Impossible de rester ici indifférent. Car si Amazon fait déjà partie de nos vies, sa présence et son emprise soulèvent à court, moyen et long terme une foule d’enjeux économiques, mais aussi (surtout?) collectifs. En résumé : «Est-ce qu’on est juste des consommateurs, à la recherche du meilleur deal? Ou est-ce qu’on est aussi des citoyens, qui cherchent un certain tissu social, un milieu, des rencontres?» À voir. À méditer.


Commentaire sur le livre de Benoît Berthelot
Koatiraleur, 24 septembre 2019 (Babelio)
           
Des chiffres qui donnent le vertige! 10,1 milliards de $ de bénéfices... 650 000 employés – 100 millions d'abonnés; Amazon a été créée en 1995 aux USA, le 28 août 2000, la conquête du marché français commence!
   Jeff Bezos, le créateur d'Amazon, est un visionnaire nourri à la Science-fiction... une devise «get big fast»! Indéniablement, c'est un génie qui a au moins dix années d'avance, mais c'est aussi un esclavagiste à l'ego démesuré dépourvu d'empathie, semblable aux robots qu'il s'ingénie à perfectionner chaque jour un peu plus! La terre ne lui suffit pas, une société dédiée à la conquête spatiale a vu le jour. [...] 


On n'imagine même pas les ramifications d'Amazon, ni les projets «démentiels» que nourrit son inventeur! Aujourd'hui il n'hésite pas à se lancer dans la bataille de l'alimentaire avec, en partenariat, en France, une grande enseigne! j'ai d'ailleurs découvert avec stupéfaction ses partenaires français... Aucun pays n'a échappé à Jeff Bezos et à son mastodonte! L'épilogue s'intitule : 2030, selon Amazon... (tout un programme).
   C'est une enquête très documentée, très détaillée et accessible à tous... rien de rébarbatif. Le journaliste a parcouru divers pays sur une durée de trois ans.
   J'ai apprécié ce livre mais j'en suis sortie complètement sonnée par la découverte de ce géant du e-commerce mais aussi par la diversité de ses sociétés satellites, abasourdie par sa manière d'exploiter sa main d'oeuvre; ses milliards le rendent intouchable... pour le moment!

Le Monde selon Amazon, Benoît Berthelot; Éd. Le Cherche midi (22/08/2019) 

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