Le débat sur
la restriction de la vente et la possession de certaines armes à feu et le
possible retour d’un registre pancanadien suscite la grogne chez les opposants.
Caricature :
André-Philippe Côté / Le Soleil, 6 octobre 2019
Définitions
sommaires
- Arme d’épaule – carabine ou fusil de
chasse; certaines présentent des caractéristiques qui correspondent à ce qui
est décrit comme une arme d’assaut.
- Arme de point parfois semi-automatique utilisée pour le tir sportif; arme à feu à canon court.
Dans la famille : le revolver et le pistolet.
- Arme d’assaut : arme d’épaule semi-automatique et automatique pourvue d’un grand chargeur configurée pour le tir rapide. Dans
la famille : la mitrailleuse et le pistolet mitrailleur. Les fusils
d’assaut sont prisés par les tueurs de masse. Le fusil d’assaut est une arme à tir sélectif (qui utilise le tir au coup par coup, le tir
automatique et parfois le tir en rafale). Il est polyvalent et c'est l’arme
personnelle de base dans quasiment toutes les armées. Ils sont à différencier
des fusils de bataille (Battle rifle) qui sont des armes d’épaule à tir
semi-automatique uniquement, de calibre parfois légèrement plus grand. Ceux-ci
sont aujourd’hui moins utilisés que les fusils d’assaut mais restent des armes
de choix pour les tireurs de précision (tireur d’élite). Le pistolet-mitrailleur
est généralement une arme d'épaule et parfois une arme de poing. Il possède
certaines caractéristiques du fusil d’assaut, comme le tir sélectif.
Si le gouvernement canadien entend mieux
contrôler les armes d’assaut militaires, il doit modifier son système de
classification. Il devra tenir compte de l’ensemble des caractéristiques afin
d’y inclure la panoplie d’armes qui se trouve sur le marché, les fabricants
contournant sans cesse les législations basées strictement sur une simple
caractéristique physique.
«Faire taire
les armes à feu» ne veut pas dire exiger des utilisateurs qu’ils mettent un
silencieux sur leurs guns, n’est-ce pas?!
Les
statistiques récentes de la Gendarmerie royale du Canada révèlent que 900 000 armes de poing sont la propriété de
Canadiens, en toute légalité. De ce nombre, 282 110 appartiennent à des
Ontariens et 19 798 d'entre elles sont la propriété de résidents de la région
de Toronto.
Ce nombre est impressionnant, selon le
fondateur de l’organisme de sensibilisation Silence
the Violence, Shun the Guns, Robert, qui préfère taire son nom de famille
pour des raisons de sécurité. Il s’inquiète du nombre d’armes qui se retrouvent
entre les mains de criminels ou de personnes en détresse. «Nous ne savons même
pas combien sont sur le marché noir, c’est très préoccupant.»
Selon les données de la police de Toronto,
environ la moitié des armes utilisées pour commettre des crimes dans la
métropole ont été achetées légalement au Canada.
Certaines peuvent toutefois avoir changé de
mains, par exemple en raison d’un vol. D’autres peuvent avoir été revendues
illégalement par des procédés d’achat fictif au cours desquels des personnes au
dossier criminel vierge obtiennent des permis pour acheter des armes, dans le
but de les revendre à des groupes criminalisés.
En 10 ans, Toronto a vu son nombre de
fusillades augmenter radicalement, ainsi que celui des victimes. En 2010, la
ville comptait 259 fusillades et 343 victimes. Le 14 novembre 2019, la ville
atteignait le sommet des fusillades enregistrées en 2018, soit 428 et 613 victimes, mais avec un nombre de victimes plus élevé, soit 642.
[Mise
à jour 20 décembre 2019 (Toronto) : 460 fusillades, 717
victimes.]
Des élus, des militants et des proches de
victimes de fusillades à Toronto reviennent à la charge en matière de contrôle
des armes à feu, pressant les libéraux fédéraux récemment réélus d'interdire
les armes de poing, et ce, partout au pays.
Durant la campagne électorale, Justin Trudeau a promis de bannir les armes
d'assaut et de collaborer avec les municipalités cherchant à restreindre la
vente et la possession des armes de poing.
«Les armes de poing n'ont pas plus d'utilité
en campagne qu'en ville. Les tireurs sportifs et les collectionneurs vont
protester, mais nous avons atteint un point où il faut choisir entre le
passe-temps de certains et la vie de nos enfants.» Wendy Cukier, président de
la Coalition pour le contrôle des armes
Selon Mme Cukier, les Canadiens possèdent
légalement plus de 1 million d'armes de poing actuellement. (ICI Radio-Canada
nouvelle / Toronto, novembre 2019)
Néanmoins, le
premier ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford, a déjà manifesté son opposition à l’interdiction des armes
de poing malgré le soutien du maire de Toronto, John Tory.
En avril
2019, un regroupement de médecins
canadiens a formé une coalition baptisée Médecins canadiens pour un meilleur
contrôle des armes à feu (Canadian
Doctors for Protection from Guns en anglais), qui se bat pour l'adoption de
lois plus strictes sur le contrôle des armes à feu, notamment l'interdiction
des armes de poing et de toutes les armes d'assaut. L'été dernier, en opérant
une jeune femme atteinte au cou par un projectile d'arme à feu à Montréal, le
Dr Andrew Beckett, membre de la coalition, a eu une prise de conscience. «Elle
a eu la vie sauve, mais elle restera paralysée jusqu'à la fin de ses jours.
Elle avait seulement 17 ans. Tout ça parce que dans son entourage, il y avait
de mauvaises personnes avec un accès à des armes à feu», déplore le chirurgien
spécialisé en traumatologie. Les ravages causés par les armes à feu ne sont pas
toujours médiatisés, souligne le médecin. Or, le Centre de traumatologie de l'Hôpital général de Montréal, où le
chirurgien pratique, reçoit en moyenne
un patient par semaine blessé par balle.
L'implication
de médecins dans le débat ne plaît pas à tout le monde.
La coprésidente du regroupement, la Dre
Najma Ahmed, fait l'objet de pressions d'une association de propriétaires
d'armes à feu. La chirurgienne torontoise, qui a soigné les victimes de la
fusillade de l'avenue Danforth l'été dernier, a publié plusieurs messages sur
les réseaux sociaux en faveur de l'adoption rapide du projet de loi C-71. Elle
se prononce aussi contre la possession d'armes de poing et d'armes d'assaut.
Or, un groupe de propriétaires d'armes à feu
reproche à la Dre Ahmed d'user de sa crédibilité de médecin pour alimenter un
débat strictement politique.
Des membres de la Coalition canadienne pour
le droit aux armes à feu ont récemment déposé près de 70 plaintes contre la
chirurgienne auprès de son ordre professionnel – plaintes que l'ordre a refusé
de trancher, jugeant qu'on avait ici affaire à un désaccord politique, non à
des reproches liés aux soins cliniques ou au comportement professionnel du
médecin. (La Presse, avril 2019)
Le nombre de
patients admis avec des blessures par balle à l'hôpital Sunnybrook de Toronto a
plus que doublé de 2014 à 2018. Des 64 patients atteints par balle et passés
par les urgences de Sunnybrook en 2014, le nombre est passé à 142 en 2018.
Le Dr Samuel Vaillancourt, qui est chef
d'équipe de traumatologie et urgentologue dans un autre hôpital de Toronto, St.
Michaels, dresse le même constat pour son établissement : En 2014, on a vu 28
[patients atteints par balle], l’an dernier, on en a eu 57, donc plus d’un cas
par semaine.
«Depuis 2010, depuis que le gouvernement
conservateur a commencé à affaiblir le contrôle des armes à feu, on a vu une
augmentation en flèche du nombre d’armes à feu possédées par les Canadiens»,
affirme Francis Langlois, professeur d’histoire au Cégep de Trois-Rivières et
membre de la chaire de recherche Raoul-Dandurand.
Environ 75 % des armes trouvées sur des
scènes de crime au Canada au début des années 2000 étaient d’origine
américaine. «Maintenant, au-dessus de 60 % des armes viennent du Canada», note
M. Langlois.
L’outil est disponible, on l’utilise.
La Coalition pour le contrôle des armes
abonde dans le même sens que M. Langlois. Sur son site web, l’organisme
militant rappelle que le projet de loi conservateur C-19, sanctionné en avril
2012, a éliminé le registre des armes à feu. Mais «peu de gens réalisent que ce
projet de loi a également éliminé les contrôles sur les ventes d’armes à feu
instaurés depuis 1977», écrit la Coalition, qui demande leur rétablissement.
«On a vu une augmentation du trafic d’armes
depuis l’abolition du registre», constate également M. Langlois, qui évoque des
arrestations de trafiquants, notamment dans la région de Vancouver et en
Ontario.
Publicités de
Noël vintage de fabricants d’armes :
À la suite de
la fusillade à Parkland (Floride, É.-U.) en février 2018, des médecins américains
ont publié, à la fin d'octobre, une étude dans laquelle ils pressaient le
gouvernement de resserrer le contrôle des armes à feu. Ils estimaient avoir le
devoir de faire de la prévention contre les armes, qu’ils voient comme un
problème de santé publique. La NRA avait répliqué sur Twitter en leur demandant
de «se mêler de leurs affaires».
“Someone should tell self-important anti-gun
doctors to stay in their lane. Half of the articles in Annals of Internal
Medicine are pushing for gun control. Most upsetting, however, the medical
community seems to have consulted NO ONE but themselves.”
– NRA (@NRA)
November 7, 2018
Les médecins avaient alors riposté en
publiant diverses photos montrant des salles d’opération, des pansements tachés
de sang, accompagnées du mot-clic #StayInMyLane («Je me mêle de mes affaires»)
pour illustrer les conséquences de l’utilisation d’armes à feu. Ils avaient
décidé de répondre avec ce qui frappe : la réalité.
“Since doctors are required to
stay on their lane, maybe NRA members should have their gunshot wounds treated
with thoughts and prayers.”
[Puisqu’on
demande aux médecins de se mêler de leurs affaires, peut-être que les blessures
par balle subies par les membres de la NRA devraient être soignées par des
pensées et des prières.]
Image : Gini Fischer; 10 nov. 2018 #ThisIsMyLane
Je me
souviens qu’on disait aux jeunes étourdis en classe : «on va vous mettre un peu de plomb dans la tête». Avoir du plomb dans la tête signifiait
être réfléchi, calme et raisonnable. Or certains prennent l’expression à la
lettre...
Si les armes
circulent et se vendent librement aux États-Unis, les drogues aussi. Les
drogues (incluant l’alcool) sont des facteurs d’inhibition qui poussent les
individus enclins à la violence à passer aux actes, peu importe le motif et même
si l’assassin n’a aucun antécédent de maladie mentale ou de criminalité. La
vérification des antécédents n’a de valeur que si les armes sont légalement
enregistrées. Or aux États-Unis on peut acheter une arme aussi facilement qu’un
tube de dentifrice. Pour amorcer un véritable changement, le gouvernement
devrait bannir la propagande de la NRA dans l’espace public et les médias, et
son chantage auprès des électeurs. Mais, ce faisant, les sénateurs et les
représentants se mettraient à dos leurs principaux bailleurs de fonds.
La
question est limpide : faut-il modifier la loi sur la possession d'armes à feu
ou sacrifier femmes, enfants et adolescents?
Le discours des promoteurs de la National
Rifle Association tient du délire paranoïaque, un syndrome caractérisé par des
convictions et des jugements dogmatiques, des comportements et des attitudes
gouvernés par des croyances irréductibles qui forment une sorte de vérité et
d’idéal qui ne s'accordent pas à la réalité ni à la coexistence avec autrui.
Fanatisme, moralisme et cléricalisme,
principes rigides, radicalisme, autoritarisme, orgueil, sentiment de
supériorité, méfiance, agressivité et mépris font partie des symptômes. Pensée unique convient parfaitement à la
façon de penser parano, c’est la seule qui peut exister, et tout le monde doit
y adhérer. Le dogme s’appuie sur des arguments et des raisonnements assertifs
au service des postulats de départ dont les thèmes sont idéologiques,
politiques et sociaux (revendication sociale, racisme, peine de mort). Les
faits sont interprétés et distordus pour rendre la démonstration plausible et
convaincante.
Un ancien porte-parole de la NRA, Pat
Aqualino, a déjà déclaré : «Wayne LaPierre a été décrit comme le Darth Vader de
la politique des armes à feu, mais il est plus comme Mère Teresa.» (!!!)
La NRA répète toujours son argument de base
adressé à la multitude de chrétiens qu’elle courtise : «le droit
constitutionnel de posséder et de porter des armes n'est pas conféré par l'homme,
mais accordé par Dieu à tous les Américains, c’est un droit de naissance».
Quelle
brillante découverte : «les armes à feu ne tuent pas les gens, ce sont les gens
qui tuent les gens; les fusils et les revolvers sont des objets totalement
inoffensifs».
En effet, ce
ne sont pas les fusils qui tuent les gens...
Ni les autos
qui roulent en état d’ébriété
Ni les
crayons qui font des fautes
Ni les
fourchettes qui prennent du poids
Etc.
Caricature :
Jim Unger / «Il y en a huit milliards
ici-bas! Assurez-vous qu'aucun d'entre eux ne monte dans le vaisseau d’ici à
qu'on décolle.»
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