7 septembre 2016

«La nef humaine, ce navire perdu» *


«Que feraient les victimes si le naufrage du Titanic se déroulait aujourd'hui?» C’était le thème choisi par le caricaturiste Pierre Brignaud au Concours international d'arts visuels Juste pour Rire 2015, catégorie humour noir (3e place sur 200 participations).

L'exemple du Titanic sert à démontrer l'agressivité des icebergs (perle du bac).
Afin de prévenir une autre tragédie comme celle du Titanic, des patrouilleurs furent chargés de briser les icebergs à l'aide d'explosifs. Cependant, les tentatives de bombardement ont généralement connu un succès bien relatif... Heureusement pour les bateaux, les glaciers fondent à vue d’œil en ce moment!

Le naufrage du Titanic ressemble à une répétition générale du naufrage planétaire qui se déroule sous nos yeux en temps réel.
Après 160 minutes, l’insubmersible paquebot a disparu.
Après 160 ans d’industrialisation à toute vapeur, pouvons-nous faire demi-tour et éviter le mur? Comme pour le Titanic, nos vigiles n’ont pas de jumelles, nos opérateurs radio ne transmettent pas les avertissements de danger imminent et le bateau file trop vite... Prenons des photos tandis qu’on le peut.

Depuis les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), on s'est rendu compte que les émissions de gaz à effet de serre par la civilisation industrielle constituent un facteur commun du développement des sociétés actuelles. C'est en effet depuis la révolution industrielle que les sociétés humaines extraient des énergies fossiles (charbon, puis pétrole et gaz naturel), dont la combustion rejette dans l'atmosphère des quantités très importantes de dioxyde de carbone, dont l'accumulation dans l'atmosphère est responsable de l'effet de serre et du réchauffement climatique global. Même si les diverses formes de combustion d'énergies fossiles constituent la source des émissions les plus évidentes, elles ne sont pas les seules : il y a aussi la combustion de la biomasse, la déforestation, la concentration urbaine (déchets), l'agriculture (émissions azotées causées par les engrais), l'élevage, etc. Même si certains facteurs préexistaient à la révolution industrielle, il est indéniable que l'augmentation des émissions du carbone fossile depuis 1860, et surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, a provoqué une accélération du changement climatique. Le réchauffement climatique n'est pas la seule conséquence environnementale. Il faut citer également la perte de biodiversité, liée en grande partie à la déforestation, et aux diverses formes de pollution de l'eau, de l'air ou des sols. (Source : Wikipédia)

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Parmi les choses renversantes à propos du naufrage c’est le nombre insuffisant de canots de sauvetage. Au départ, Alexander Carlisle, le directeur général des chantiers Harland & Wolff prévoyait installer 64 embarcations. On réduisit ce nombre à 48. Puis,  par souci d’esthétisme, Joseph Bruce Ismay, président de la White Star Line, limita ce nombre à 20 embarcations, soit 14 canots standards en bois (d’une capacité de 65 personnes chacun), deux chaloupes en bois (d’une capacité de 40 personnes chacune) et quatre canots pliables (d’une capacité de 47 personnes chacun). De sorte que seulement 1178 passagers pouvaient monter à bord des canots en cas de naufrage, Carlisle insista durant la construction pour que le paquebot soit équipé de 64 canots. Malgré ses nombreuses demandes, il ne parvint pas à modifier l'avis de la direction et fut contraint d’accepter leur décision. (Wikipédia)

Les chiffres restent approximatifs puisqu’il n’existe aucune liste officielle de toutes les personnes présentes au moment du naufrage.

492 passagers ont survécu (certains rapports indiquent 499)
37 % des passagers ont survécu
61 % des passagers de première classe ont survécu; 203 sur 325 (ou 337)
42 % des passagers de deuxième classe ont survécu; 118 sur 285
24 % des passagers de troisième classe ont survécu; 178 sur 706 (ou 721)
214 membres d’équipage ont survécu; 212 sur 885 selon certains rapports (24 %).






Source : http://www.titanicfacts.net/

Ainsi, 706 (ou 713?) sur 2223 (ou 2228?) passagers et membres d’équipage ont quitté à bord de canots de sauvetage. Deux des 14 canots standards sont tombés à l’eau sans passagers et ont dérivé. Le premier canot mis à l’eau, le no 7 (capacité de 65), comptait 28 passagers : 24 de première classe dont onze hommes, un homme de deuxième classe et trois membres d’équipage. Le canot no 1 (capacité de 40) comptait 12 personnes : le couple Duff Gordan avec leur domestique, deux hommes de première classe, et sept membres d’équipage. Le couple a refusé de laisser monter des naufragés à bord. Plusieurs bateaux à moitié remplis n’ont pas fait demi-tour non plus une fois l’arrière du bateau englouti.

En voyant ces chiffres on pense «les riches d’abord!», vu le nombre limité de canots et le pourcentage de rescapés de première et deuxième classes. Mais le manque de formation de l’équipage et la mauvaise coordination sont peut-être aussi en cause, puisque la White Star Line, drapée dans sa belle arrogance, croyait son paquebot insubmersible.

Quand la folie des grandeurs s’empare des financiers et des industriels :





Témoignage d’un passager de première classe
Publié par Marc Fourny |13/04/2012 | Le Point.fr

Lorsque le navire sombre dangereusement, John B. Thayer, jeune étudiant de 17 ans, décide de sauter du bastingage à quatre mètres de hauteur dans une mer à zéro degré, en compagnie d'un ami qu'il ne reverra plus. Il ignore que sa mère est déjà dans une chaloupe. Quant à son père, second vice-président des chemins de fer de Pennsylvanie, son corps ne sera jamais retrouvé.

«Ils entendaient les cris et ils ne bougeaient pas...»

«Le froid était horrible. Sous le choc, en atteignant l'eau, mes poumons avaient expulsé tout l'air qu'ils contenaient. Je descendis au fond, très loin, virevoltant en tous sens. Je me mis à nager dans une direction qui me parut être celle qui m'éloignerait du navire. Je parvins à la surface, les poumons en feu, mais sans avoir avalé une goutte d'eau. Ma montre s'était arrêtée et indiquait 2 heures 22... Une sorte de halo entourait le paquebot qui se dressait dans la nuit, comme s'il était en feu. Je le regardais. Je ne sais pas pourquoi, je restais sans nager, fasciné. Le froid et la fatigue commençaient à se faire sentir, mais mon gilet de sauvetage maintenait ma tête et mes épaules hors de l'eau... Soudain, toute la structure du navire parut se scinder en deux et exploser. La seconde cheminée se souleva dans un nuage d'étincelles. Je crus qu'elle allait s'écraser sur moi. Elle s'abattit sur l'eau, me manquant de six ou neuf mètres. Les remous provoqués par sa chute m'entraînèrent au fond, encore plus loin. Je me débattis, à bout de forces. 
     Je remontai à la surface, les bras au-dessus de ma tête pour me protéger de tout ce qui pourrait me blesser. Mes doigts sentirent quelque chose de doux et de ferme, de forme arrondie : un revêtement de liège qui n'était autre que celui dont était recouvert le fond des bateaux pliables. Celui-ci flottait dans l'eau, retourné. Quatre ou cinq hommes tentaient de grimper sur la coque, je donnai à mon tour une poussée pour me lancer hors de l'eau, mais j'étais à bout de forces. Je demandai qu'on me donne la main, quelqu'un le fit, et je me retrouvai sur le fond retourné du bateau, accroupi, en vie et face au Titanic... Il devait rester près de mille cinq cents personnes à bord, et celles qui étaient là s'amassaient en groupes, s'accrochaient par grappes entières qui finissaient par tomber, toutes ensemble ou bien à deux ou trois à mesure que les quatre-vingts mètres formant l'arrière du bateau se levaient dans le ciel... Le paquebot s'enfonça doucement dans l'eau, comme s'il faisait une glissade, et il disparut à nos yeux.
     Une minute s'écoula dans un silence de mort. Puis on entendit un appel au secours, ici ou là, qui peu à peu s'amplifia de la voix des quinze cents personnes tombées à l'eau et se changea en une longue plainte incessante qui nous entoura de toutes parts. Cela ressemblait au crissement des insectes par une nuit d'été. Ce cri terrible et continu se prolongea entre vingt et trente minutes, pour s'éteindre tout à fait quand plus personne n'eut la force de résister davantage à l'eau et au froid... Les canots à moitié remplis que nous voyions à quelques centaines de mètres de nous ne firent jamais demi-tour. Pourquoi? Cela restera toujours un mystère pour moi. Je me demanderai toujours comment un être humain a pu ne pas répondre à ces cris. On dit qu'ils auraient craint d'être submergés par la multitude des gens qui se débattaient dans l'eau. Le plus déchirant dans cette tragédie, c'est peut-être cela : que des bateaux qui n'étaient qu'à moitié remplis ne viennent pas secourir les malheureux. Ils étaient là, à quatre ou cinq cents mètres de nous, ils entendaient les cris et ils ne bougeaient pas. S'ils étaient venus, des centaines de gens auraient pu être sauvés. Personne ne peut expliquer cela... 
     Nous étions vingt-huit sur notre coque retournée, nous flottions très bas sur l'eau. La mer s'était un peu agitée et, par moments, des vagues se déversaient sur nous. Harold Bride, l'assistant radio, était allongé devant moi, les jambes dans l'eau. Et nous chantions des cantiques, nous récitions des prières... C'est à Harold Bride que nous devons de n'avoir pas perdu espoir. Il n'a cessé de nous répéter les noms des bateaux qui avaient répondu à ses signaux de détresse et d'affirmer, dès que quelqu'un commençait à douter, qu'ils n'allaient plus tarder à se montrer. Durant tout ce temps, personne n'osa faire un mouvement de crainte de voir notre périlleux support se renverser et nous jeter à l'eau. La poche d'air sous le fond s'amenuisait inexorablement et nous nous enfoncions de plus en plus. Mais, comme prévu, quelques instants avant 4 heures, nous aperçûmes à l'horizon les feux de tête de mât du Carpathia. Nous lui fîmes une ovation.» (Extraits du livre Le naufrage du Titanic, par John Borland Thayer) 

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Les ultra riches ne savent plus quoi inventer pour dépenser leurs surplus d’argent et se divertir, alors ils ne cessent de construire des monstres énergivores et polluants. Des palaces flottants (que dis-je, des villes!) sillonnent les mers et envahissent les côtes paisibles et les ports de plusieurs pays autour du monde. Et, avec la fonte des glaciers, les croisières de luxe en Arctique reviennent en force...

J’ignorais que les cruisers polluaient autant avant de lire l’article de John Vidal hier (The Guardian, mai 2016); celui-ci a fait l’objet d’une poursuite de la part de Royal Carribean International et certaines données ont donc été corrigées.
https://www.theguardian.com/environment/2016/may/21/the-worlds-largest-cruise-ship-and-its-supersized-pollution-problem


Photographe : Peter Nicholls/Reuters

Le plus grand paquebot de croisière du monde, Harmony of the Seas, gréé de 16 ponts, peut accueillir 6780 passagers et 2100 membres d’équipage. Les gens de Southampton étaient très heureux de le voir quitter le port en mai dernier car la pollution de l’air causée par ces mammouths maritimes augmente à chaque année. Les croisières constituent le secteur touristique dont la croissance est la plus rapide et les paquebots sont de plus en plus énormes. 
   À pleine puissance, les deux moteurs du bateau peuvent brûler jusqu’à 1377 gallons US à l’heure, ou 66 000 gallons par jour, du diésel le plus polluant au monde. Accosté ou près des États-Unis, Harmony doit brûler du combustible faible en souffre ou utiliser des technologies de réduction des émissions. Selon Colin McQueen (du groupe Southampton Clean Air), qui vit à 400 mètres des quais, les émissions des bateaux de croisière contribuent définitivement à polluer l’air de Southampton : «Nous pouvons les sentir, les voir et les goûter. Ces bateaux sont comme des immeubles à logements. Parfois il y en a cinq ou plus installés dans le port en même temps. Le vent transporte leurs émissions directement dans la ville, et il est évident que leur pollution n’est pas contrôlée. Non seulement les bateaux polluent, mais les bouchons de circulation maritime qu’ils créent avec les cargos sont aussi énormes.» 
   Selon des analystes en pollution maritime d’Allemagne et de Belgique, un bateau aussi énorme doit probablement brûler 150 tonnes de carburant par jour et émettre plus de souffre que plusieurs millions d’automobiles, plus de CO2 que tout le trafic d’une ville moyenne et plus d’émissions de particules que les milliers d’autobus à Londres. Selon l’expert maritime de Bruxelles Bill Hemmings (du groupe Transport et Environnement) : «Ces bateaux brûlent autant de combustible que des villes entières. Ils utilisent beaucoup plus de puissance que les porte-conteneurs, et même lorsqu’ils brûlent du carburant à moindre teneur en souffre, c’est 100 fois pire que le diésel routier. 
   L’industrie prévoit accueillir 24 millions de passagers en 2016, soit 9 millions de plus qu’en 2006.


Costa Concordia : un Titanic 21e siècle... qui a fait moins de morts tout de même.

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On comprend pourquoi les industries gazières et pétrolières augmentent leur production au lieu de la réduire, et pourquoi Enbridge vient d’acheter Spectra Energy (basé à Houston/Texas) – ces deux compagnies de pipelines transportent le pétrole et le gaz, d’ouest en est et du nord au sud.

Quant aux gigantesques pétroliers maritimes, porte-conteneurs et sous-marins de guerre gréés de missiles, on éprouve un profond sentiment d’impuissance face à ces mastodontes. Et tout ce qu’on souhaite c’est qu’ils ne s’éventrent pas. Je n’ai rien contre les échanges commerciaux internationaux, mais les nouveaux accords risquent de créer beaucoup de remous : compétition agressive, injustices, dépréciations / surestimations, voracité des investisseurs, guerres d’appropriation, etc. Résultat? Plus de cochonneries Made in... dans nos poubelles et dépotoirs, plus de merde noire et plus d’émissions de carbone.

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* «Le cri» http://artdanstout.blogspot.ca/2016/09/le-cri.html

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