16 septembre 2016

Encan de patrimoine naturel et bâti

La privatisation résulte de la mauvaise administration des fonds publics par les gouvernements. «L’État est propriétaire de toutes les ressources y compris l’air! Le peuple doit en devenir le propriétaire», dit un Irlandais dans le documentaire Europe à vendre.

Je n’ai jamais oublié les propos du politicien québécois Pierre-André Paré (alors sous-ministre au Ministère du Revenu) : «Tout est privilège concédé par l’État : votre voiture, votre maison, votre profession, bref votre vie; et ce que l’État donne, il peut le reprendre si vous n’êtes pas un contribuable docile.» (Journal Le Devoir, 6 avril 1996) Avait-il oublié que ce sont les contribuables qui engagent et payent les élus avec leurs taxes pour qu’ils administrent le bien commun à leur avantage, non pas l’inverse? Diable! 

Le parallèle entre ce qu’on voit dans Europe à vendre et ce qui se passe ici est ahurissant. Je pensais à l’Île d’Anticosti, entre autres. Ainsi qu’aux citoyens de Saint-Adolphe-d'Howard qui ont perdu leur bataille :
La Régie de l'énergie autorise Hydro-Québec à aller de l'avant avec son projet de ligne de transport de Grand-Brûlé-Dérivation Saint-Sauveur, qui doit passer en plein cœur de la municipalité de Saint-Adolphe-d'Howard. 
     Le tracé proposé avait soulevé l'indignation de la mairesse de Saint-Adolphe-d'Howard, Lisette Lapointe. «La solution prônée par la société d'État n'a pas été étudiée et optimisée selon les méthodologies applicables en la matière». Elle craignait des «effets négatifs et irréversibles» sur le paysage, l'environnement et le développement économique du territoire. «Le mandat de la régie, c'est de s'assurer que l'investissement d'Hydro-Québec soit le plus rentable possible, que la solution proposée soit économiquement la plus intéressante. Ce n'est pas dans leur mandat de tenir compte des aspects environnementaux.» ~ Lisette Lapointe (ICI Radio-Canada Info, août 2016)




Photo : Panoramio Google Map. Vue sur le lac de la Cabane à partir du sentier du Calvaire à Saint-Adolphe-d'Howard; un sentier en boucle offrant des points de vue sur les lacs Saint-Joseph et Théodore.

Espérons que Saint-Adolphe ne subira pas le même sort que Mont Tremblant. Ce site était d’une beauté remarquable avant que l’entreprise américaine Intrawest (siège social à Denver, CO) acquiert plusieurs hectares de terrains pour y construire son village touristique. On dirait un quartier de parvenus. On peut certainement moderniser une station de ski sans tomber dans le gigantisme et la pollution environnementale lumineuse, visuelle, sonore, etc. (1)  

Mont Tremblant (avant) :


Mont Tremblant (après) :




Heureusement, le Domaine Saint-Bernard, à quelques kilomètres de distance, a échappé aux bulldozeurs par un Acte de fiducie : La Fiducie du Domaine Saint-Bernard, première fiducie d’utilité sociale au Québec créée en novembre 2000, est investie de cette mission de «Protéger à perpétuité le territoire, la faune, la flore et les processus naturels ainsi que permettre aux utilisateurs de bénéficier d’un site naturel, accessible à prix modéré pour des activités éducatives, culturelles, récréatives, sociales, sportives et scientifiques.» Une initiative dont beaucoup de gens pourraient s’inspirer partout dans le monde : http://domainesaintbernard.org/

Domaine Saint-Bernard (un havre de paix et de beauté) :




(1) Les consolidations «mondialisantes» entre grandes sociétés privées se multiplient. L’industrie du tourisme de luxe fonce à plein régime. C’est terrible de regarder la dépossession qui s’opère actuellement. De voir les pays se dépouiller de leur richesse au détriment des populations et petites entreprises locales. Quelle sorte de planète restera-t-il à la fin? Un couvert d’infrastructures de béton, de métal et de plastique? D’énormes colisées pour le spectacle et le sport? Des mégacentres d’achat? Du toc à la Disney World? Que des clouds de photos souvenir de la nature et des animaux? C’est vraiment fou.

En 1986, Intrawest acquiert de la Banque fédérale [canadienne] de développement (une société de la Couronne) Blackcomb Mountain en Colombie Britannique. En 1996, l’entreprise fusionne avec Whistler Mountain Ski Corporation pour créer Whistler Blackcomb Resort, qui servira aux Jeux Olympiques d'hiver de Vancouver en 2010. En 2012, Intrawest vend (transfert?) toutes ses actions à Whistler Blackcomb Holdings
     Intrawest est le plus grand développeur et exploitant en Amérique du Nord offrant : ski, snowboard, golf, randonnée cycliste, hébergement et possibilités de développement immobilier dans chacune de ses stations. La société est propriétaire de Canadian Mountain Holidays, la plus grande opération d'héliski au monde. En outre, le Club Intrawest détient neuf centres de villégiature privés situés au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

Quelle heureuse coïncidence : les sièges sociaux d’Intrawest / Whistler Blackcomb Holdings et de Vail Resorts sont situés au Colorado CO : 
     Nous apprenions récemment que Whistler Blackcomb Holdings passera aux mains de l'américaine Vail Resorts dans le cadre d'une transaction amicale évaluée à près de 1,4 milliard $. L'entente devrait être clôturée cet automne. 
     Vail Resorts, établie au Colorado, exploite neuf stations de montagne et deux aires de ski aux États-Unis et en Australie. Whistler Blackcomb, le centre de ski le plus grand et le plus visité en Amérique du Nord, deviendrait son premier actif au Canada. 
     «Nous croyons que le fait de travailler avec Vail va accélérer notre plan d'affaires et nous sommes excités d'aller de l'avant (avec cette entente)», a expliqué David Brownlie,  président et chef de la direction de la populaire station. Whistler Blackcomb Holdingd avait dévoilé, plus tôt cette année, un ambitieux projet d'expansion de 345 millions $, surnommé «Renaissance», pour construire des installations moins vulnérables aux conditions météorologiques, améliorer les infrastructures sur la montagne et augmenter l'offre immobilière. 
     Le chef de la direction de Vail Resorts, Rob Katz, a indiqué s'être engagé envers l'expansion du centre de ski, situé environ 125 kilomètres au nord de Vancouver. En outre, il a assuré que la transaction n'avait rien à voir avec la faiblesse du dollar canadien. «L'appui financier de Vail et son large réseau de consommateurs joueront un grand rôle dans l'augmentation des activités de Whistler Blackcomb», a-t-il fait valoir. «Nous sentons depuis longtemps que Whistler Blackcomb est vraiment le mieux positionné des centres nord-américains pour profiter de la croissance à laquelle nous nous attendons (du tourisme chinois), particulièrement dans le contexte où la Chine commencera à se préparer pour les jeux Olympiques d'hiver de 2022 à Pékin», ajoutait M. Katz.
(Via Le Huffington Post Québec)

Station Whistler BC :  



Photo Dominic Boyer

Qui peut se payer un séjour à Whistler (CB), à Fortress Mountain ou Banff (AB)?
Je vous laisse deviner...

EUROPE À VENDRE
(Documentaire d’enquête, 2014)

Natura-sciences.com | Dernière mise à jour le 26 janvier 2015
http://www.natura-sciences.com/loisirs/europe-a-vendre-arte.html

«La crise aidant l’émergence d’idées farfelues pour réduire les déficits publics, de plus en plus de gouvernements mettent en vente leur patrimoine naturel ou culturel. La tendance est générale : chaque espace ou bâtiment doit désormais être rentable au risque d’être privatisé.» Le documentaire «Europe à vendre», d’Andreas Pichler trace un portrait sans concession de ce nouveau Monopoly.
[...]
L’état des lieux est stupéfiant : partout en Europe, le patrimoine naturel et culturel est mis en vente par des municipalités, régions et gouvernements pour renflouer leurs caisses. L’obsession néolibérale apparaît alors : il faut mettre un prix sur tout. 
     Face aux dettes irlandaises et grecques, notamment contractées pour avoir épongé les dettes des grandes banques, des experts représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international sont chargés d’auditer la situation économique et l’état des finances publiques de ces pays. Ils sont regroupés au sein de la Troïka.

Des états prêts à tout pour éponger leurs dettes

La Troïka a demandé à l’Irlande d’identifier des biens d’une valeur de 3 milliards d’euros et de les mettre en vente pour éponger ses dettes. L’entreprise forestière publique est alors mise en vente grâce à un bail emphytéotique de 99 ans. Là encore, des milliers de manifestants ont défilé en avril 2013 pour demander l’abandon du projet, criant que la forêt est un bien commun. Face à la fronde, le plan a été suspendu, mais pas abandonné. 
     En Grèce, la Troïka exige la vente des principales propriétés d’état et un dégraissage massif du nombre de fonctionnaires. Les plus beaux bâtiments historiques pourraient ainsi être vendus à des investisseurs privés étrangers. La Grèce met d’ores et déjà en vente des terres et îles vierges, convoitées par des chaînes du luxe, des promoteurs et des milliardaires. L’une des rares terres vierges de Corfou a été louée pour 99 ans. Le projet serait un complexe hôtelier et l’installation d’un village de vacances de luxe ...

Que vend-on en France?

En France, c’est l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, que France Domaine souhaitait céder pour un bail de 99 ans à des investisseurs privés, avant de renoncer face à l’opposition au projet. 
     France Domaine, responsable de cette éventuelle vente, dépend du ministère du budget. Cette société de services a pour but de céder du patrimoine, quand les charges pour l’état sont trop importantes. L’ensemble des ventes en cours sont mentionnées sur un site Internet dédié : il s’agit de terrains, immeubles, logements, biens d’exception...  
http://www.economie.gouv.fr/cessions
     Selon la Directrice de France Domaine, l’immobilier représente 8 milliards de dépenses par an pour l’état. Depuis 2004, la politique de cession, a rapporté 5,4 milliards d’euros. 680 millions ont été consacrés au désendettement de l’état ; le reste a été alloué au relogement des ministères. Mais la dette publique s’élève toujours à 2000 milliards d’euros... 

Les vestiges romains deviendront-ils privés?

En Italie, les monuments historiques sont aussi menacés. Berlusconi envisageait même de vendre l’ensemble du patrimoine naturel et culturel italien dès 2002. La situation semble absurde : au Colisée, la billetterie est gérée par une société privée. Elle empoche 70% du prix du billet, ce qui ne laisse pas assez d’argent à l’état pour restaurer le monument. La restauration sera donc sponsorisée par Diego Della Valle, le PDG de Tod’s pour 25 millions d’euros. 
     À Berlin, les vestiges du mur de Berlin peinent à être conservés, sous la pression de la spéculation immobilière. À Barcelone, le parc Güell est devenu payant : les riverains ne peuvent plus en profité. 
     Cette enquête montre à quel point la crise économique menace les biens communs : la forêt, la culture, la nature, etc. Toute chose doit désormais être rentable. Madrid a déjà vendu le nom de ses stations de métro pour quelques millions d’euros. Cette enquête passionnante pose une sombre question : Jusqu’où les états seront-ils prêts à aller pour gagner quelques millions d’euros?

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L'article ne mentionne pas la vente à l’encan de vignobles dans la région de Bordeaux dont les spéculateurs chinois raffolent...

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