20 novembre 2014

Aux chercheurs de «red flags»

«La plupart de mes problèmes n’ont pas de solution, ou bien les solutions sont pires que les problèmes eux-mêmes.»
~ Ashleigh Brilliant

Il faut être à court d’idées pour s’en prendre à une icône aussi respectée et respectable que David Suzuki en matière d'environnement. Franchement.


Des fois j’ai l’impression que certains industriels sont nés entre deux portes, dans un couloir de la Bourse ou d’une tour à bureaux. Je doute qu’ils aient déjà caressé un oiseau vivant dans la paume de leur main. Je doute qu’ils aient eu de réels contacts avec les animaux et la nature sauf peut-être dans un laboratoire biochimique ou à la chasse; ce n’est qu’une supposition due à leur attitude vis-à-vis le vivant, bien sûr.

Parmi les recommandations stratégiques d’Edelman (dont tout le monde a pris connaissance) je retiens celles-ci : 
   - Le document qualifie les professeurs d'université d'influenceurs importants, surtout au Québec. Edelman recommande à TransCanada de tenter de les mettre de son côté avec «une campagne de financement majeure» d'une université québécoise en contribuant à la recherche environnementale. «Cela pourrait aider à montrer le sérieux de TransCanada sur ces sujets et donner une meilleure image». Des discussions sont justement en cours pour le financement d'une chaire de recherche sur le Saint-Laurent axée sur l'étude du béluga à l'Institut des sciences de la mer de Rimouski. 
   - Les médias locaux vont exposer le point de vue de gens de la communauté directement concernés. Souvent, leur position va être plus émotionnelle, moins objective. Comme solution, on propose de traiter les médias locaux aux petits oignons, en leur donnant des informations et des entrevues exclusives. 
   - La compagnie surveille très attentivement les journalistes ainsi que les réseaux sociaux. Elle dispose d'une équipe spécialement dédiée pour trouver tout message négatif qui pourrait survenir sur la toile et qui risquerait de prendre de l'ampleur. Ainsi, tout un processus de réaction («red flag escalation process») est décrit dans le document, selon qu'un sujet concernant TransCanada est partagé 10 fois plus souvent que la normale ou 100 fois plus.

Source : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/national/2014/11/18/001-fuite-strategie-communication-transcanada-pipeline.shtml 

Je ne suis pas une scientifique, mais je suis capable de comparer ce que je vois maintenant à ce que je voyais auparavant. L’idée n’est pas de vivre en hommes des cavernes, bien entendu. J’ignore la tournure finale qu’aura ce combat entre David et Goliath, mais le sort des générations à venir me préoccupe. C’est tout.
       Ce n’est pas une question d’émotivité ni de subjectivité. C’est une question de conscience, d’intelligence et de survie. Ça n'a rien d'ésotérique, c'est particulièrement terre à terre : nous avons besoin d'air, d'eau et de nourriture PROPRES et SAINS. Que des craintes surviennent lorsque notre propre survie se trouve menacée est tout à fait normal et même souhaitable!
       Avons-nous besoin d’études scientifiques biaisées pour nous rendre compte que le fleuve (et la planète entière) est déjà très malade. Il suffit de fournir un échantillon d’eau du fleuve à n’importe quel laboratoire pour constater que ce n’est pas une farce : le fleuve est bourré de résidus industriels se terminant par «cides», comme dans génocide.

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En octobre dernier, George Monbiot (entre autres chroniqueur au Guardian) a publié un article intitulé «The Kink in the Human Brain» (La faille dans le cerveau humain); un point de vue intéressant sur la consommation et la disparition des espèces.

Quelques extraits (traduction libre) :  

Notre consommation, désolante et inutile, est en train de détruire les merveilles de notre monde. Le temps est venu de nous arrêter et de nous demander ce que nous sommes en train de faire.
       Nous avons appris que durant les 40 dernières années le monde a perdu plus de 50% de ses animaux sauvages (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons), et si cette nouvelle ne parvient pas à nous faire comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche dans notre façon de vivre, il est difficile d'imaginer ce qui le pourra. Qui peut croire qu'un système économique et social qui a cet effet peut être sain? Qui, en considérant ces pertes, peut appeler cela progrès?
(...) 
       En nous frayant un chemin dans la chaîne alimentaire, nous avons éliminé les petits prédateurs, les herbivores de taille moyenne, et maintenant, avec la destruction des habitats et la chasse, toute la faune de la chaîne alimentaire y passe, toutes classes et hiérarchies confondues. Il semble y avoir une faille dans le cerveau humain qui nous empêche de nous arrêter, qui nous pousse à prendre, à rivaliser et à détruire, même quand ce n’est pas nécessaire. 
       Or maintenant, nous voyons quelque chose de nouveau : la vitesse de destruction dépasse celle de la première colonisation des Amériques, il y a quelque 14000 ans, lorsque tout un pan de l'écologie fut transformé en un brasier d'extinction en quelques dizaines de générations, faisant ainsi disparaître la majorité des grandes espèces de vertébrés. 
       Beaucoup de gens blâment la croissance démographique, et il n'y a aucun doute que ce fut un facteur. Mais deux autres tendances se sont développées encore plus rapidement et sont allées plus loin. La première est l'augmentation de la consommation; la deuxième est son amplification au moyen de la technologie. Chaque année, de nouveaux pesticides, de nouvelles techniques de pêche, de nouvelles méthodes d'exploitation minière et de nouvelles techniques de coupe forestière se développent. Nous sommes en train de livrer une guerre de plus en plus asymétrique contre le monde vivant
       Mais pourquoi sommes-nous en guerre? Dans les nations riches (dont la plupart sont responsables de la destruction à travers l’import/export), une grande partie de notre consommation n'a rien à voir avec la satisfaction des besoins humains. 
       Voilà ce qui me frappe le plus durement : la disproportion entre ce que nous perdons et ce que nous gagnons. Dans un pays où les besoins primaires et secondaires sont déjà comblés, la croissance économique signifie produire toujours plus de choses futiles pour répondre à nos moindres désirs. 
       Par exemple, pour amuser des amis et des collègues (comme lors du Secret Santa*) il faut transformer des milliers de tonnes de métal et de plastique, entre autres pour des nouveautés électroniques complexes – des jouets pour adultes. Après un rire ou deux, ils seront remisés au placard. Ensuite, après quelques semaines, à peine utilisés, ils iront au dépotoir.

[* Secret Santa (ou Kris Kringle au Canada – Kris de bébelles de Nôwel) : échanges de cadeaux de Noël (pas chers) par tirage au sort dans les entreprises, les écoles, les familles... Les repas des Fêtes, les jouets et les cadeaux échangés créent une multitude de déchets. Le lendemain de Noël est l’un des jours les plus chargés de l’année pour la collecte des déchets. La poubelle à doublé de poids en 40 ans, c’est-à-dire 360 kilos de plus par an et par habitant (soit un kilo par jour par personne); faut-il s’en inquiéter? Si vous en doutez, visitez des centres de recyclage et des dépotoirs.]

Dans une société bombardée de publicité et dominée par les impératifs de la croissance, le plaisir est réduit à de l'hédonisme, et l'hédonisme à de la consommation. Nous utilisons la consommation comme remède à l'ennui, pour combler le vide d’une culture insensible, cupide et émoussée, pour essayer d’éclairer le monde gris que nous avons créé
       Nous nous préoccupons de moins en moins des biens que nous achetons, et nous les jetons de plus en plus rapidement. Pourtant, l'extraction des matières premières requises pour leur production, la pollution engendrée par leur fabrication, les infrastructures, le bruit, et la combustion de carburant nécessaire à leur transport, détruisent un monde naturel infiniment plus fascinant et complexe que les objets que nous fabriquons. La disparition de la faune élimine de notre vie l'émerveillement, l'enchantement et la magie du monde vivant.
(...) 
       Voilà comment le Grand Sablage Mondial fait son chemin, détruisant les réserves de la Terre, dérobant tout ce qui est distinctif et inusité (tant dans les cultures humaines que dans la nature), faisant de nous des automates remplaçables au sein d’une main d’oeuvre globale monolithique, transformant inexorablement les richesses du monde naturel en monocultures indifférenciées. 
       N'est-il pas temps de crier STOP et d’utiliser notre extraordinaire savoir-faire et notre expertise pour changer la façon dont nous nous organisons? N’est-il pas temps de contester et d’inverser les tendances qui ont gouverné notre relation à cette planète vivante depuis des milliers d’années, et dont nous sommes en train détruire les dernières caractéristiques à une vitesse ahurissante? N'est-il pas temps de contester la croissance illimitée sur une planète limitée? Si ce n'est pas maintenant, ce sera quand?

http://www.monbiot.com/2014/10/02/the-kink-in-the-human-brain/

Another crash is coming. We all know it …
Why are we wrecking the natural world and public services to generate growth when that growth is not delivering contentment, security or even, for most of us, greater prosperity? Why have we enthroned growth, regardless of its utility, above all over outcomes? Why, despite failures so great and so frequent, have we not changed the model? When the next crash comes, these questions will be inescapable.

http://www.monbiot.com/2014/11/18/the-insatiable-god/

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