Un étudiant arrogant explique à un senior pourquoi la vieille génération ne peut pas comprendre la sienne. «Vous avez grandi dans un monde différent, en fait dans un monde quasiment primitif», disait-il assez fort pour que tout le monde entende. «Les jeunes d’aujourd’hui ont grandi avec la télévision, les jets, les voyages spatiaux, l’homme qui marche sur la lune. Nous avons l’énergie nucléaire, des puces et des téléphones cellulaires, des ordinateurs qui fonctionnent à la vitesse de la lumière… et plus encore.»
Après un bref moment de silence, le senior répond ce qui suit : «T’as raison fiston. Nous n’avions pas ces choses quand nous étions jeunes… alors nous les avons inventées. Maintenant petit con, dis-moi, que fais-tu pour la prochaine génération?»
Les applaudissements furent étonnants!
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C’est vrai que les deux générations qui nous suivent nous dénigrent à bras raccourci. Un peu de baume :
Boomers
Par Jacques Languirand
Je suis un des rares de ma génération, si on excepte les démographes et autres experts en matière de population, à avoir pressenti l’impact qu’aurait la montée des boomers. Non seulement l’impact sur la société en général, mais aussi sur mon propre vécu. Si j’ai survécu à cette menace, c’est que j’ai pris la décision de me mettre au service de cette génération exceptionnelle*, du point de vue démographique bien sûr, mais aussi parce qu’elle est apparue à une étape cruciale de l’évolution de l’humanité, alors que nous sommes placés devant la perspective d’une autodestruction massive ou de la percée de la conscience collective. À l’époque d’une crise sans précédents, (je prends ici le mot crise au sens étymologique de krisis en grec, ce qui veut dire choix) la suite du monde dépend pour une grande part de nos choix, plus spécialement, des choix que feront les boomers dans les années qui viennent.
Les boomers forment la génération la plus instruite de l’histoire de l’humanité. C’est comme ça. Ayant fait cette découverte, je me suis dit : «On va enfin savoir ce que vaut l’instruction…» Je cherche encore. À l’horizon, rien à signaler. Quant à moi, je suis fier d’appartenir à la génération qui a contribué à faire la révolution tranquille; qui a amorcé la laïcisation de l’instruction publique – qui n’a pas encore été complétée par les boomers; qui a entraîné notre société dans le virage social-démocrate, remis en question depuis.
Pendant ce temps-là, les boomers vieillissent. Je me dis que ces anciens jeunes qui se sont donné l’illusion d’inventer la vie vont finir, bon gré mal gré, par découvrir, comme s’ils étaient les premiers à le faire, le vieillissement et, éventuellement, la mort! Car c’est un fait qu’au cours des années, les boomers ont vécu toutes les étapes de la vie qu’ils ont traversé jusqu’ici comme si ils les avaient inventées. En particulier, l’adolescence, une étape qu’ils ont réussie comme aucune génération avant eux, au point de s’y attarder sur le tard. Ce dont témoigne, entre autres, le culte des jeans. N’ont-ils pas, à l’époque de leur formation, crié sur tous les toits : «On ne veut pas porter d’uniformes! Tout le monde en jeans! Ils auraient pu ajouter : «Pour toute la vie! ». En effet, j’observe que depuis quelques années, et de plus en plus avec le temps, on trouve des tailles fortes dans les jeans et même la coupe ample.
S’étant emparé du pouvoir des médias, les boomers ont aussi donné l’impression d’être les premiers à vivre le couple et à avoir des enfants. La découverte de la maternité par les boomers a été époustouflante! Personne n’a oublié, j’en suis certain, l’époque où on pouvait assister à au moins un accouchement par jour à la télévision. Comme si vous y étiez! La paternité, de même, a fait l’objet d’une telle découverte par les boomers, que j’avais l’impression de n’avoir jamais vécu cet état privilégié, moi qui pourtant était père de famille à 23 ans.
Tout ce que j’en dis démontre assez que les boomers forment la première génération des médias électroniques : celle qui s’est regardée vivre comme dans un miroir. Ce qui était peut-être d’autant plus nécessaire que les boomers n’avaient aucun modèle de ce qu’ils étaient et surtout de ce qu’ils allaient devenir. C’est la première génération qui ait rompu avec les modèles passés : «Jamais comme ma mère! , ont clamé les filles. «Jamais comme mon père!», ont clamé les garçons. «Avec nous, c’est différent!». Et je dois dire, quant à moi, que cette affirmation s’est avérée tout à fait fondée.
Au bout du compte, il faut bien reconnaître que, si il est vrai que les boomers n’ont inventé ni le couple, ni la maternité, ni l’éducation des enfants … (je pense tout à coup à la découverte qu’ils ont faite ces dernières années de l’adolescence de leur progéniture!), il n’en n’est pas moins vrai qu’ils ont dû découvrir sur le tas toutes les étapes de la vie et les expériences communes de l’humanité, qu’il leur a fallu vivre différemment, sans modèles, en cherchant à tâtons comment être et comment devenir, dans des conditions nouvelles, totalement différentes, qu’il fallait parfois subir et, le plus souvent, inventer.
Les boomers, en somme, ont le mérite d’avoir étrenné pour le reste du monde, la civilisation post-moderne. Ce n’est pas rien.
Archives Par 4 chemins 1998-2001, Radio-Canada :
http://www.radio-canada.ca/par4/
* Jacques Languirand est octogénaire... chut, c'est un secret!
Émission du 7 septembre 2013
Audio : http://www.radio-canada.ca/emissions/par_4_chemins/2013-2014/
Jacques Languirand cite des passages du livre de Lodro Rinzler. Regarder ses pensées, voir monter ses émotions, apprendre à rester calme, extérieur, témoin, même si la vie est difficile. Surtout, ne pas changer sa vie pour devenir bouddhiste. Seulement intégrer un art de vivre bouddhiste dans son quotidien. Une approche décontractée.
(Lodro Rinzler, Prendre un verre avec Bouddha : sagesse moderne et décontractée, Éditions Le jour)
Site de Jacques Languirand : http://www.repere.tv/
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