«Après l’extase, la lessive.» ~ Jack
Kornfield
Illustration :
Nadine Boughton, années 50
Depuis trois ans, j’ai publié plusieurs articles au sujet de l’intelligence ou de la maîtrise émotionnelle et mentale, néanmoins sans exhorter à la répression ou au déni. Il faut les avoir essayés pour savoir que ça ne marche pas… Et se battre contre nos moulins à vent n’apporte aucun soulagement non plus.
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Alors, que faire de nos pensées et émotions «négatives»?
Beaucoup de gens essayent d’éliminer les pensées dérangeantes en leur substituant des «pensées positives». En surface, cette tactique peut apporter quelques améliorations.
Il est possible de contraindre le mental à s'identifier uniquement à des choses agréables ou édifiantes. Mais avec le temps, les pensées redoutées réapparaitront, et d’ici là, il faudra s’astreindre à un effort épuisant pour essayer de maintenir une constante maîtrise de soi.
Beaucoup de gens, dans un effort bien intentionné d’accentuer leur positivisme, n'échappent pas à leurs problèmes, et ne font que les empirer en réalité. Ils veulent mettre un terme à leur souffrance, mais choisissent par erreur la tactique qui consiste à nier leurs sentiments jugés «trop négatifs» pour être exprimés.
La plupart des gens se sentent coupables de s’attarder à leurs peurs et à leurs souffrances car cela ressemble à de l'apitoiement, une attitude que nous jugeons malsaine. Mais refuser d’avoir de la compassion envers nous-même, alors que nous en éprouvons envers les autres, ne vaut pas mieux. Nous avons tous des souffrances cachées en nous, et essayer de les supprimer n'est pas vertueux. C'est tout simplement impossible.
Vous pouvez considérer qu’il est important de maintenir une attitude positive, mais l’attitude positive, en soi, n'est pas très fiable. Qui donc veut être positif? Tout ce qui EST à l'intérieur de vous, c’est vous, tant votre peureux que votre brave qui veut défier ou vaincre ses peurs et sa souffrance.
S’opposer aux pensées négatives diminue-t-il leur pouvoir? Cela ne fait que repousser le jour où elles rejailliront d'une manière ou d'une autre. Nous perdons toujours à ce jeu d’opposition aux pensées jugées inacceptables. La question à se poser est la suivante : «puis-je abandonner totalement ce jeu?». Très peu de gens considèrent cette option.
~ Deepak Chopra
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Dans le même ordre d’idée vous aimerez peut-être «Point de bascule, Le syndrome shenpa» par Pema Chödrön :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2013/02/point-de-bascule.html
Dans les années 80, je fréquentais différents centres de méditation pour découvrir diverses techniques, sans m’accrocher à aucune puisqu’en définitive le fond était toujours le même. À cette époque, j’ai rencontré des méditants tous azimuts qui utilisaient la méditation comme panacée à tous leurs problèmes. Plusieurs réussirent à se déconnecter totalement de leurs émotions, tel que le décrit Jack Kornfield ci-après. Et en effet, lorsque les émotions revenaient à la surface éventuellement, c’était catastrophique. Certains avaient des comportements similaires aux schizophrènes – ce que j’ai vu également chez les consommateurs d’antidépresseurs tels que les benzos et les Ativans.
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Jack Kornfield : Une psychologie bouddhiste
Par Virginie Gomez
[Extraits]
Jack Kornfield est l’un des enseignants principaux du bouddhisme en Amérique. Pratiquant depuis plus de quarante ans, psychologue, sa présentation laïque de la méditation a ouvert la voie à des milliers d’occidentaux.
La famille dans laquelle Jack Kornfield naît en 1945 est loin d’un idéal de paix : le père violent et tyrannique terrorise sa femme et ses quatre enfants. Jack apprend vite à se protéger, s’enfermant dans une forme de paix certes artificielle, mais vitale. Cette enfance laisse des séquelles. Trouver le moyen de se libérer de sa souffrance intérieure devient une quête. À 22 ans, l’esprit confus mais plein d’ardeur, le jeune homme s’engage dans l’humanitaire en Thaïlande, après un diplôme en études orientales.
Une souffrance tenace
C’est en Thaïlande qu’il rencontre Ajahn Chah (1919-1992), reconnu pour avoir été l’un des plus grands maîtres bouddhistes du XXe siècle. […] Lors de leur première entrevue, Ajahn Chah dit à Jack Kornfield : «J’espère que vous n’avez pas peur de souffrir.» – «Que voulez-vous dire par là?» lui demande Kornfield étonné. «Il y a deux sortes de souffrance» lui répond le méditant, «la souffrance que vous essayez de fuir, qui vous suivra partout, et la souffrance que vous acceptez de regarder en face, trouvant la libération que le Bouddha nous a enseignée.»
Cette introduction, qui ne manque ni d’humour, ni de chaleur, le marque pour la vie. Jack s’assigne désormais pour tâche d’affronter la souffrance afin de parvenir à s’en libérer. […] Kornfield connaît des expériences d’extase et de lumière, entre en contact avec la vacuité. Mais il se coupe de ses émotions et devient incapable de les connaître. Revenu de ses états méditatifs, il se voit agir comme quelqu’un de confus. Une question le hante : cette tendance à quitter le monde ordinaire pour s’enfermer dans une illusion sans rapport avec la réalité, est-ce cela qu’on appelle spiritualité?
Affronter ses émotions
À son retour en Amérique en 1972, Jack Kornfield est brutalement confronté à l’effondrement de son «nirvana» qui lui apparaît soudain si dépendant des conditions extérieures. Il se trouve face à la nécessité de prendre sa vie en main. «J’étais émotionnellement immature, et tous mes conflits anciens avec ma famille et les amis me revinrent intacts», confie-t-il avec honnêteté.
Après des années de pratique spirituelle, Kornfield découvre en effet qu’il a toujours les mêmes problèmes affectifs, les mêmes troubles émotionnels, les mêmes difficultés relationnelles qu’avant son départ. Ses années de retraite l’ont rendu presque insensible. Lui qui a tant médité sur les principes de générosité, d’amour et de compassion, il ignore ce qu’il ressent. Le voyant si loin de lui-même, une de ses petites amies lui offre un carnet dans lequel il pourra inscrire ses sentiments et ses goûts, afin de commencer à les connaître. «Retrouver un rapport à mes émotions a été un long processus qui bouleversa ma vie», rappelle-t-il dans son livre Après l’extase, la lessive – véritable cartographie des périls de la vie spirituelle, basée sur son expérience et celle de maîtres des nombreuses traditions spirituelles de l’humanité.
Comment intégrer la méditation dans sa vie? Cette question vitale le conduit à de grandes transformations intérieures. […] Abandonnant le combat contre lui-même, il passe de la voie ascétique de la méditation à une manière plus compassionnée de se traiter, tournée vers la guérison intérieure.
Car le fait de vouloir sans cesse s’améliorer tout en refusant d’abord de s’accepter, est un piège qui peut égarer. […] Jack Kornfield comprend le grand danger qui menace les occidentaux dans leur approche de la méditation : elle est utilisée pour demeurer en paix, nier ses émotions et ne plus se confronter aux difficultés et aux exigences de la vie moderne.
La méditation pour l’Occident
Le tournant est décisif. Jack Kornfield devient un bâtisseur de pont entre la méditation bouddhiste et la psychologie occidentale. Il amène certains changements profonds dans l’approche du bouddhisme aux États-Unis, portant notamment sur la reconnaissance des émotions et l’importance de la vie psychologique et affective des pratiquants. Rien ne sert de rêver, les problèmes personnels ne peuvent disparaître seulement avec la méditation. Un travail sur soi est indispensable. […]
Quatre principes qui transforment l’attention
En tant que thérapeute, Jack Kornfield utilise pour soulager les souffrances ce qu’il a appris par la méditation. L’attitude pleine de compassion envers soi-même, ses émotions et ses ressentis, est mise en pratique dans la psychologie bouddhiste via la technique RAIN – reconnaissance, acceptation, investigation et non-identification.
Il s’agit en premier lieu de reconnaître ce qui est présent. «Nous sortons du déni qui sape notre liberté» explique Jack Kornfield. Puis de laisser à l’expérience sa place, de lui donner droit. «Accepter nous permet de nous détendre et de nous ouvrir.» Nous pouvons alors goûter les émotions et les examiner. […]
…Selon Jack Kornfield, la thérapie – comme la pratique de la méditation – est […] un défi constant à l’identité que chacun se forge au fil de sa vie. Parler sans cesse de ses problèmes et se centrer sur son moi blessé n’aide pas, pense-t-il, «ce qui amène la liberté est de faire face à la racine même de cette souffrance, et de la fausse identité qui s’est construite autour d’elle, plonger droit en son coeur jusqu’à ce qu’elle retourne à sa véritable vacuité.»
Accepter son chagrin en profondeur, sans le juger, reconnaître les situations de notre vie qui font mal, avec douceur, constitue un premier pas vers la guérison. L’approche de Kornfield est ancrée dans l’expérience la plus directe, la plus personnelle et la plus humaine; c’est sans doute ce qui fait sa force, et son succès. […]
Lors d’une conférence à New York, il expliquait que «le Bouddha ne cherchait pas à créer une religion, ce qui l’intéressait était de décrire la manière dont les êtres humains sont pris par la peur, l’anxiété, la confusion et la haine (…) La méditation est simplement la compréhension et le développement de l’attention, de la présence et de la tendresse bienveillante du coeur qui existent en chacun de nous.»
Article complet :
http://www.inrees.com/articles/Jack-Kornfield-Une-psychologie-bouddhiste/
Un regard objectif sur de nombreuses questions d’ordre psychospirituel – INREES : http://www.inrees.com/
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