4 mars 2013

Tous à la rue

Crédit photo : La Presse

Si tous les politiciens (et aspirants politiciens) expérimentaient six mois de survie avec les prestations minimum d’assurance-emploi et d’aide-sociale, je crois qu’ils verraient les réformes sous un autre angle et feraient preuve de plus de compréhension envers les démunis. Pierre Côté**, consultant en marketing, suggère l’exercice aux directeurs d’entreprise.

Quant aux travailleurs qui méprisent les bénéficiaires, ils ne devraient pas attendre de passer de l’autre côté de la clôture pour réviser leurs jugements superficiels. En ce moment, c’est partout sur la planète que les gens perdent leur emploi et se retrouvent en difficulté.

En 2011, Radio Canada diffusait une série documentaire au sujet de l’aide-sociale. Si vous n’avez jamais vécu ce genre de scénario et aimeriez «comprendre», c’est à voir. Il ne faut pas oublier que les deux cobayes savaient qu’au bout de deux mois ils retourneraient à leur zone de confort… c’était donc moins désespérant que pour les personnes incapables de voir de la lumière au bout du tunnel. 

Si vous n’avez pas accès à la zone vidéo de Radio Canada vous pouvez lire les descriptions des épisodes :
http://naufrages.radio-canada.ca/emissions_episode.aspx?id=2  

Synopsis

Bien qu’il soit considéré comme le 4e meilleur pays au monde pour sa qualité de vie selon les Nations Unies, le Canada compte encore aujourd’hui plus de 3 millions de personnes vivant en situation de pauvreté. Mais que signifie être pauvre au Canada en 2010?

Naufragés des villes propose d’aller à la rencontre de ceux dont on ne parle jamais qu’en statistiques. Au-delà des idées reçues et des clichés, qui sont-ils? Comment fait-on pour s’épanouir quand on est pauvre? Est-ce seulement possible?

C’est ce que nous découvrons alors que deux volontaires – un homme et une femme gagnant très bien leur vie – laissent derrière eux leur statut, leur CV, leur réseau d’amis et leur carte bancaire… Pendant les deux mois que dure l’expérience, ils n’ont aucune ressource financière, outre les 592,08$ par mois qu’on leur verse – soit l’équivalent de la prestation d’aide sociale pour une personne vivant seule. Sous l’œil analytique d’experts et d’intervenants sociaux triés sur le volet, le périple des deux cobayes est le fil conducteur d’une série de dix épisodes qui documente leurs efforts pour se loger, se nourrir, se soigner, se vêtir, trouver un emploi… et se heurter aux préjugés.

À travers leur expérience et leurs rencontres, on réalise que la pauvreté n’est pas une tare héréditaire. Elle est souvent la conséquence de simples mauvais coups du sort – maladie, séparation, dépression, perte d’emploi – qui peuvent, du jour au lendemain, aspirer quiconque dans une spirale infernale.

Épisodes [extraits des condensés] 

Pauvreté 101
[…] Être pauvre, ça signifie quoi, au juste? C’est ce que deux volontaires vont découvrir. Ils s’apprêtent à tout quitter pendant deux mois pour vivre l’expérience de la pauvreté. Sans rien d’autre qu’un sac à dos et un chèque d’aide sociale de 592,08 $ en poche, ils appréhendent un avenir incertain en milieu inconnu. Pierre Côté, 53 ans, un consultant en marketing de Québec, et Emmanuelle Chapados, 27 ans, une diplômée en communications de Moncton, doivent s’organiser rapidement alors qu’ils sont parachutés dans Montréal, coupés de leur passé.

L’itinérance
L’itinérance est un phénomène qui dérange et qu’on voudrait cacher. Le cliché évoque instantanément le vieux clochard ivrogne. Mais, la réalité est différente. L’itinérance révèle bien d’autres visages…
       Nos deux volontaires sont immergés dans leur nouvelle réalité. Emmanuelle est toujours itinérante. Après plusieurs appels infructueux pour trouver un logement qui cadre dans son budget, elle se résout à dormir dans un refuge pour femmes. Quant à Pierre, il apprécie ses nouveaux colocataires, même si l’appartement n’est pas très propre. Avec l’un d’eux, il part chercher de la nourriture dans une banque alimentaire. Chaque dollar compte.

Le logement
Le logement est un besoin de base. Pourtant, au Canada, beaucoup de gens vivent, soit dans la rue, soit dans des logements insalubres, ou encore ils payent beaucoup trop cher et doivent amputer leur budget consacré aux autres besoins essentiels. Nous ne devrions pas consacrer plus de 30 % de nos revenus au logement.
       Alors, lorsqu’on vit de l’aide sociale ou qu’on touche un salaire dérisoire, impossible de ne pas excéder ce ratio sans devoir couper ailleurs! À travers la réalité d’Adrienne, puis de Gaëtan, nous verrons qu’avoir un simple toit est un privilège coûteux pour les plus défavorisés.

Les travailleurs pauvres
En 2005, 14 millions de Canadiens ont gagné moins de 20 000 $. Ils représentent ce qu’on appelle des «travailleurs pauvres», des gens qui travaillent sans nécessairement arriver à joindre les deux bouts.
       Pierre et Emmanuelle se trouvent temporairement dans cette situation. Au mieux, ils espèrent travailler au salaire minimum. Mais, après une deuxième entrevue dans une chaîne de restauration rapide et un test psychologique sur Internet, Pierre est toujours sans emploi. Quant à Emmanuelle, elle investit 20 $ dans un vieux vélo. Une folie qui lui procurera cependant plus de mobilité dans sa recherche de travail.

Les mythes du BS
Il existe pire que la misère. Il y a les clichés qui l’entourent et qui assombrissent le quotidien des 1,7 million de prestataires d’aide sociale du Canada. Plusieurs considèrent ces derniers comme des paresseux qui profitent du système, en perpétuelles vacances, assis sur leur galerie en attendant leur chèque…
       Pierre déplore qu’on mette tous les bénéficiaires de l’aide sociale dans le même panier. L’expérience l’a amené à voir de ses propres yeux qu’au-delà des clichés, bien des gens n’ont que cet ultime recours et souhaitent véritablement s’en sortir. Pierre et Emmanuelle reçoivent le montant de l’aide sociale, mais ils n’ont pas dû faire les démarches pour l’obtenir. Alors, pour le bénéfice de l’expérience, Pierre se soumet à cet exercice fastidieux en remplissant tous les documents. Il se rend vite compte que la vie d’un demandeur d’aide sociale est comme un livre ouvert au regard des agents de la Sécurité du revenu.

Grandir pauvre
La pauvreté n’a pas d’âge. On peut la croiser très tôt, lorsqu’on est enfant, parce que nos parents sont pauvres. Mais, il y a aussi les aînés pauvres, sans aucune chance de se refaire. Et, enfin, il y a les immigrants pauvres. La pauvreté n’a donc ni âge ni frontières...
       Dans cet épisode, Pierre se démène pour aller chercher le supplément de revenu de 200 $ auquel il a droit comme assisté social. Il fait appel à un ancien ami qui dirige une entreprise de sondage et obtient un emploi temporaire d’interviewer, au bas de l’échelle. Quant à Emmanuelle, elle donne de son temps dans une soupe populaire qui aide beaucoup d’immigrants à faire la transition dans leur nouveau pays d’accueil.

Exister économiquement
Pas facile de se tenir à flot financièrement. Qu’à cela ne tienne, il existe des baguettes magiques comme les cartes de crédit! Qu’on soit pauvre ou riche, ça règle un paquet de problèmes. Enfin, jusqu’à preuve du contraire...
       Subsister. Passer à travers. C’est le but de nos deux naufragés. Emmanuelle s’est enfin trouvé un emploi : vendeuse de crème glacée. La voilà soulagée, elle qui se trouvait sur la corde raide. En deux jours, elle atteint les 200 $ de revenus supplémentaires que l’aide sociale lui permet de toucher en sus de sa prestation. Ça mérite bien une petite bouteille de vin! Quant à Pierre, il ressent l’urgence de recevoir son chèque de paie. Dans l’attente et l’incertitude, il visite la boutique d’un prêteur sur gages...

Se soigner
Quand on est pauvre, la santé devient secondaire. Sans assurances, adieu dentistes, opticiens et psychologues! Il faut d’abord manger, se loger et se vêtir. Survivre est la première considération; si la santé vient avec, tant mieux...
       Affligée par une sinusite, Emmanuelle réalise en pharmacie que 15 $ pour des médicaments sans ordonnance, c’est trop. Les 35 $ la veille pour un concert lui laissent un goût amer. Quant à Pierre, il doit absolument se rendre au chevet de sa fille, à Québec, où elle subit une chirurgie importante. Pour notre apprenti assisté social, la dépense fait mal. Montréal-Québec, aller-retour : 64 $. On ne s’en sort pas. L’argent, c’est le nerf de la guerre. Peu importe les circonstances.

[…] Enfin, nos deux naufragés arrivent au terme de l’expérience. Après son bref retour à Québec, Pierre a pu mesurer le fossé entre sa vie d’emprunt et le confort vers lequel il retourne. Il ressasse toute la privation vécue, sachant pertinemment qu’il laisse derrière lui des gens pour qui c’est le lot quotidien. De son côté, Emmanuelle plie bagage. Elle fait don d’une partie de ses effets à un refuge pour femmes. Elle aussi réalise désormais que notre société comporte sa part d’inacceptable, souvent cachée, et bien loin de son Nouveau-Brunswick natal.

L’engagement (émission bilan)  
Les naufragés reviennent à Montréal pour témoigner de leur expérience de la pauvreté. Que leur a-t-elle laissé comme bagage? A-t-elle changé leur perception? Les a-t-elle changés, eux? Avec un recul de quatre mois, ils refont le voyage en notre compagnie…
       Le retour des naufragés en sol montréalais ravive les souvenirs. Ceux-ci sont remplis d’images vives de petits bonheurs, de grandes détresses, de paniques intérieures et de tous les autres sentiments de survie liés à leur situation précaire. Pierre et Emmanuelle revivent leur parcours de deux mois, étape par étape. Un parcours tissé de choses simples, qui leur ont pourtant souvent compliqué la vie : se loger, se nourrir, trouver du travail. Entre les images passées et leur vision actuelle se dessine le carnet de bord d’une expérience humaine marquante, toujours vivante.

Crédit photo: Express Ottawa

** Quelques citations de Pierre Côté, qui à la suite de son expérience, a publié «Parenthèse : deux mois d’errance urbaine».  

Il recommande à chaque dirigeant d’entreprise de faire ce genre de stage 
«Ça a contribué à faire de moi une meilleure personne, plus sensibilisé, compréhensif. Ce n’est pas vrai que les BS sont tous des abuseurs et des profiteurs. Personne ne veut rester sur le BS. C’est impossible d’avoir une estime de soi.»

«J’ai vu plus d’histoires d’horreur en deux mois que dans les 10 dernières années de ma vie. L’instinct de survie est très fort. J’ai réussi à contrôler ma faim.»

«Quand t’as plus une cenne dans tes poches et que t’en as juste assez pour finir le mois, le temps qu’il te reste, tu ne peux pas le passer au musée, ni au cinéma, ni au restaurant. Par chance, il a fait beau. J’ai roulé en bécane et j’ai pris beaucoup de notes. Ma maison, c’était les parcs et les rues.»

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