15 février 2013

Point de bascule


Hier soir je réécoutais mes CDs de Pema Chödrön, notamment la série «Getting UNstuck», parce que je suis dans un point de bascule. Et bing! retour à l’enseignement de base. Si ses enseignements vous intéressent, tapez Pema Chödrön dans le bidule de recherche intégré au blog.
 
J’adore son sens de l’humour qui me permet de passer outre le côté protocolaire de la moinesse. Comme elle le dit elle-même : «Le but de la pratique n’est pas de devenir moine bouddhiste, mais de tranquilliser l’esprit et les émotions afin d’être soi-même le maître à bord. J’ai suis devenue moine et j’ai un maître simplement par souci de rigueur, et pour me consacrer à l’enseignement.»
 
Comme je ne suis pas seule à vivre des changements, peut-être aimerez-vous ces quelques extraits d’entretiens de Pema avec des étudiants. Ils proviennent du site Awakin où l’on trouve une excellente sélection d’enseignements bouddhiques de toutes origines – on ressent beaucoup de paix en y entrant. Extraits audio disponibles.

1 Le syndrome shenpa
(14 mars 2005)

Quelqu'un vous critique. On critique votre travail ou votre apparence ou votre enfant. Que ressentez-vous dans ces moments-là? Il y a comme un goût familier dans la bouche, une odeur familière. Une fois que vous commencez à le remarquer, vous avez l’impression que cela se produit depuis toujours.

Le mot tibétain pour décrire cela est Shenpa. On le traduit habituellement par «attachement», mais «accrochage» serait peut être une traduction plus juste. Quand le shenpa nous accroche, nous sommes portés à nous coincer. Nous pourrions appeler le shenpa : «feeling collant». C'est une expérience quotidienne. Une simple tache sur votre nouveau chandail peut l’introduire. À un niveau plus subtil, nous ressentons une crispation, une tension, une impression de fermeture. Ensuite, nous nous replions sur nous-mêmes, car nous ne voulons pas être là où nous sommes. C'est une particularité de l’accrochage. Cette crispation a le pouvoir de nous accrocher au dénigrement de soi, au blâme, à la colère, la jalousie et autres émotions qui mènent à des mots et des gestes qui finissent par nous empoisonner. [...]

Le shenpa vient de l'insécurité sous-jacente au fait de vivre dans un monde en constant changement. Cette insécurité se ressent en arrière-plan sous forme de malaise ou d'agitation. Nous voulons tous une sorte de soulagement à ce malaise, alors nous nous tournons vers ce qui nous fait plaisir – nourriture, alcool, drogue, sexe, travail ou shopping. Avec modération, ce que nous aimons peut être très agréable. Nous pouvons en apprécier le goût et la présence dans notre vie. Mais si nous lui accordons le pouvoir de nous réconforter et de faire disparaître notre malaise, nous devenons accro.

Pour travailler avec le shenpa, il faut d’abord le reconnaître. Le meilleur moyen pour ce faire est de s’asseoir sur un coussin et de méditer. La méditation assise nous enseigne à nous ouvrir et à nous détendre, quoiqu’il arrive, sans trier ni sélectionner. Elle nous apprend à vivre pleinement le malaise, la démangeaison et l’envie de se gratter, et à ne pas interrompre le bénéfice qui suit habituellement. Nous faisons cela en ne nous accrochant pas aux pensées et en revenant au moment présent. Nous apprenons à rester avec le malaise, avec la contraction et la démangeaison du shenpa. Nous nous entraînons à rester assis avec l’envie de nous gratter. Voilà comment on apprend à stopper la réaction en chaîne des patterns habituels qui autrement réglementeront nos vies. Voilà comment nous minimisons les patterns qui nous accrochent à l’inconfort que nous prenons pour du confort. Nous étiquetons la pensée «spin-off » et nous revenons au moment présent.

Ce que nous devons vraiment faire, c’est regarder les choses en face, telles qu’elles sont. Apprendre à reconnaître le shenpa nous enseigne ce que signifie «être détaché du monde». Ne pas être attaché n'a rien à voir avec ce monde. Cela a tout à voir avec le shenpa – c’est-à-dire rester accroché à ce que nous associons au confort. Tout ce que nous essayons de faire c’est de ne pas ressentir notre malaise. Mais ce faisant, nous n'arrivons jamais à la racine de la pratique, c’est-à-dire à reconnaître la démangeaison et l'envie de nous gratter, et puis, à ne pas y répondre.


2 Reste!

Durant la méditation, nous découvrons notre inhérente agitation. Parfois, nous nous levons et partons. Parfois nous restons assis là, mais notre corps bouge et se tortille, et notre esprit fuit très loin. Cela peut être inconfortable au point de croire qu’il est impossible de rester en place. Pourtant ce sentiment peut nous en apprendre non seulement sur nous mais aussi sur ce que signifie être humain. Nous trouvons tous la sécurité et le confort dans le monde imaginaire des souvenirs, des fantasmes et des projections. Nous ne voulons pas du tout rester dans le dénudement de notre expérience actuelle. Et cela va à l'encontre du «rester dans le présent». Pourtant ce sont des moments où seuls la douceur et le sens de l'humour peuvent nous donner la force de nous tranquilliser.

Le cœur de cette instruction est : reste… reste… reste. Apprendre à rester avec soi dans la méditation c'est comme entraîner un chien. Si nous entraînons un chien en le brutalisant, nous aurons un chien obéissant mais inflexible et plutôt terrifié. Le chien peut obéir quand nous disons : «Reste!» «Viens! » et «Assis!», mais il sera également névrosé et confus. En revanche, l’entraîner avec bonté le rendra flexible et confiant, et il ne sera pas bouleversé lors de situations imprévisibles ou déstabilisantes.

Ainsi, à chaque fois que nous nous égarons, nous nous encourageons à gentiment «rester» et à nous calmer. Nous éprouvons de l’agitation? Reste! L’esprit ratiocine? Reste! Douleurs lancinantes au dos ou aux genoux? Reste! Que mange-t-on au déjeuner? Reste! Qu’est-ce que je fais ici? Reste! Je ne peux pas supporter ça une minute de plus! Reste! Voilà comment nous cultivons la ténacité. [...]

Lorsque nos émotions s'intensifient, nous ressentons habituellement de la peur. Cette peur est toujours aux aguets dans nos vies. Pendant la méditation assise nous nous pratiquons à laisser tomber les histoires que nous nous racontons et à nous pencher sur nos émotions et notre peur. Ainsi, nous nous entraînons à ouvrir le cœur affolé face à notre propre énergie d'agitation. Nous apprenons à vivre avec notre expérience de détresse émotionnelle. [...]

Revenir au moment présent requiert quelques efforts, mais l'effort est très léger. L'instruction est : «effleure et pars». Nous effleurons les pensées en les reconnaissant comme des pensées, et ensuite nous les laissons partir. C'est une façon d’alléger notre combat, c’est comme toucher une bulle avec une plume. C'est une manière non agressive d’être ici.

3 Solitude rafraichissante 

En tant qu’êtres humains, non seulement cherchons-nous des solutions, mais nous pensons également que nous les méritons. Cependant, non seulement nous ne les méritons pas, mais elles nous font souffrir. Nous ne méritons pas les solutions, nous méritons quelque chose de mieux. Nous méritons notre droit d'aînesse : un état d'esprit ouvert qui peut se détendre au milieu du paradoxe et de l'ambiguïté. Selon notre degré d’évitement vis-à-vis de l'incertitude, nous aurons naturellement des symptômes de contraction – contraction car nous pensons toujours qu'il y a un problème et que quelqu'un, quelque part, doit y remédier.

Ce pattern est durable parce qu’il découle d'un ancien pattern névrotique que nous partageons tous. Lorsque nous nous sentons seuls, désespérés, la seule chose que nous voulons faire c’est aller à droite ou à gauche. Nous ne voulons pas nous asseoir et ressentir ce que nous ressentons. Nous ne voulons pas passer à travers la désintoxication. L'expérience de certains sentiments, comme la solitude, l’ennui et l’angoisse, peut être particulièrement submergée par un désir de solution. Si nous ne sommes pas capables de nous détendre au milieu de ces sentiments, il est très difficile de rester en leur présence. Nous voulons la victoire ou la défaite, la louange ou le blâme. [...]

Généralement, nous considérons la solitude comme un ennemi. Le chagrin d'amour n'est pas quelque chose que nous invitons. C’est agité, énorme et rempli du désir d'y échapper et de trouver quelque chose ou quelqu'un pour lui tenir compagnie. Quand nous pouvons nous détendre au milieu de ces sentiments, nous développons une relation avec la solitude qui n’est pas menaçante, une solitude apaisante et rafraichissante qui renverse complètement nos patterns craintifs habituels.

Il y a six symptômes propres à cette solitude rafraichissante : contentement, discipline, moins d’activités inutiles, d’errance dans le monde du désir et de recherche de sécurité à travers la pensée discursive. [...]

Cette solitude rafraichissante nous permet d’observer notre propre esprit honnêtement et sans agressivité. Nous pouvons progressivement laisser tomber nos idéaux : ce que nous pensons que nous devrions être, ou ce que les autres pensent que nous voudrions ou devrions être ou ne pas être. Nous y renonçons et nous regardons simplement et objectivement ce que nous sommes avec compassion et humour. Ainsi, la solitude n’est plus une menace, ni le chagrin d'amour une punition.

Quand vous vous réveillez le matin et que le chagrin de la séparation et la solitude surgissent de nulle part, pouvez-vous voir ça comme une occasion en or? Plutôt que de vous torturer ou d’avoir le sentiment que quelque chose de terrible se passe – là pendant ce moment de tristesse et de nostalgie, pourriez-vous vous détendre et toucher l'espace illimité du coeur humain? La prochaine fois que en aurez la chance, essayez cela.

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