13 août 2011

Août et le «flush off» animalier

Le chien ou le chat croyait avoir trouvé un foyer, des amis. Il avait confiance. Mais voilà que du jour au lendemain celui-ci se retrouve abandonné au fond du ravin sur le bord d’une route ou en pleine forêt… Pouvez-vous imaginer la détresse?  

 À lire aussi, Vie de chien 1 : http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/01/vie-de-chien.html

Comparativement aux animaux sauvages, les animaux de compagnie sont extrêmement vulnérables puisqu’ils dépendent de nous pour leur survie.

On «flush» bien les humains, alors pourquoi se gêner avec les animaux? «Dégage! un chien c’est trop de trouble, je ne veux plus de toi…»

Admettons que le «maître» n’ait pas «pensé» aux responsabilités ni aux conséquences reliées à l’adoption. Malheureusement, c’est un pattern indécrottable chez les humains : on réalise l’importance de nos actes seulement après coup, trop tard. «Penser avant» demande trop d’effort, et peut-être que cela nous priverait d’un plaisir passager considéré comme légitime, en bons égoïstes que nous sommes.

Les conséquences sur les êtres impliqués importent peu… car notre préoccupation se limite à notre charmante petite personne. C’est ainsi que ça marche sur notre belle planète, du plus banal geste quotidien jusqu’au nucléaire.

Cela étant dit, il y a des manières «civilisées», moins sauvages et cruelles, de se «débarrasser» d’un animal dont on ne veut plus. On peut toujours le ramener dans un centre d’adoption. Voyez l’article «Avant d’adopter un animal», du 24 avril 2011 :  
http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/04/avant-dadopter-un-animal.html

Je ne connais personne qui n’a pas lu Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Mais on oublie… Sa description de notre responsabilité vis-à-vis des êtres que nous «apprivoisons» (humains et animaux) me renverse encore!

Mais il arriva que le petit prince, ayant longtemps marché à travers les sables, les rocs et les neiges, découvrit enfin une route. Et les routes vont toutes chez les hommes.
- Bonjour, dit-il.
C’était un jardin fleuri de roses.
- Bonjour, dirent les roses.
Le petit prince les regarda. Elles ressemblaient toutes à sa fleur.
- Qui êtes-vous? leur demanda-t-il, stupéfait.
- Nous sommes des roses, dirent les roses.

Et il se sentit très malheureux. Sa fleur lui avait raconté qu’elle était seule de son espèce dans l’univers. Et voici qu’il en était cinq milles, toutes semblables, dans un seul jardin!

«Elle serait bien vexée, se dit-il, si elle voyait ça… elle tousserait énormément et ferait semblant de mourir pour échapper au ridicule. Et je serais bien obligé de faire semblant de la soigner, car, sinon, pour m’humilier moi aussi, elle se laisserait vraiment mourir…»

Puis il dit encore : «Je me croyais riche d’une fleur unique, et je ne possède qu’une rose ordinaire. Ça et mes trois volcans qui m’arrivent au genou, ça ne fait pas de moi un bien grand prince…» Et couché dans l’herbe, il pleura.

C’est alors qu’apparut le renard :
- Bonjour, dit le renard.
- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
- Je suis là, dit la voix, sous le pommier…
- Qui es-tu? dit le petit prince. Tu es bien joli…
- Je suis un renard, dit le renard.
- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste…
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah! pardon, fit le petit prince.
Mais après réflexion, il ajouta :
- Qu’est-ce que signifie «apprivoiser»?
- Tu n’es pas d’ici, dit le renard, que cherches-tu?
- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu’est-ce que signifie «apprivoiser»?
(…)
C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie «créer des liens…»
- Créer des liens?
- Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…
- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur … je crois qu’elle m’a apprivoisé…
(…)
Le renard se tut et regarda le petit prince :
- S’il te plaît … apprivoise-moi, dit-il!
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
- On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’y a pas de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!
- Que faut-il faire? dit le petit prince.
- Il faut être patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est une source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près…

Le lendemain revint le petit prince.
- Il aurait mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l’après-midi, dès trois heures je commencerai d’être heureux. Plus l’heure avancera, plus je me sentirai heureux. À quatre heures, déjà, je m’agiterai et m’inquiéterai : je découvrirai le prix du bonheur! Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… Il faut des rites.
- Qu’est-ce qu’un rite? dit le petit prince.
- C’est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux!
(…)
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :
- Ah, dit le renard… je pleurerai.
- C’est de ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n’y gagnes rien!
- J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret.

Le petit prince s’en fut revoir les roses :
- Vous n’êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n’êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n’avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.
Et les roses étaient gênées.
- Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu’elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle que j’ai mise sous globe. Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque c’est elle dont j’ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c’est elle que j’ai écouté se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c’est ma rose.

Et il revint vers le renard :
- Adieu, dit-il…
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : one ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.
- L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
- C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable de ce que tu apprivoises. Tu es responsable de ta rose…

***
Ce n’est qu’après que les êtres aient disparu de notre vie que nous réalisons à quel point nous avons négligé de reconnaître l’amour inconditionnel qu’ils nous offraient, notamment nos animaux de compagnie. Voyez l’article «Une piste; Pouvez-vous aimer autant que votre chien?», du 6 septembre 2010 : http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/05/une-piste.html

Je vous propose aussi un texte particulièrement poignant (reçu par courriel – pour une fois le nom du rédacteur a suivi). L’auteur exprime son regret de n’avoir pas su apprécier à sa juste mesure la présence de sa chienne tandis qu’elle était vivante. (Message ci-après.)

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