30 août 2011

Le dernier message

Le sens de la vie

Joseph Campbell disait :
«La vie sur terre n’a aucun sens,
sauf celui que vous choisissez de lui donner.»


Samedi dernier, j’ai regardé les funérailles de Jack Layton. À sa hauteur : simples, touchantes et d’une grande richesse au plan des partages tantôt joyeux et optimistes, tantôt nostalgiques. J’observais son épouse Olivia, et je me disais : «Combien de deuils douloureux et marquants pouvons-nous supporter en une seule vie?»

Quelqu’un est vivant et le lendemain il meurt subitement.
Pourquoi? On ne le sait pas.

Quelqu’un d’autre sait qu’il va mourir bientôt en raison d’une maladie de longue durée comme le cancer et peut s’y préparer ainsi que son entourage.  

Tout a une date d’expiration, y compris le corps que nous habitons temporairement. Nous additionnons les morts, les ruptures, les abandons, une  multitude de traumatismes émotionnels, sans jamais nous y «habituer». La terre étant «LE» plan de conscience des deuils – grands et petits. Nous cherchons à immortaliser l’éphémère, bien que nous sachions que c’est en pure perte. Les choses, les situations et les êtres apparaissent et disparaissent de nos vies; et nous n’avons pas le pouvoir de stopper le mouvement ni de modifier la trajectoire et la finalité des événements. Le paradoxe, c’est qu’à l’intérieur, nous sommes programmés pour une permanence ou une immortalité qui n’a rien de matériel.

Aussi, n’insisterons-nous jamais assez sur l’importance de vivre dans l’instant présent et de profiter des doses de bonheur que nous procurent certaines connexions proches ou distantes. Tout ce qu’on peut faire c’est entretenir les plus riches et les plus belles. Ces connexions significatives et unificatrices nous aident à supporter la réalité.

***

La lettre de Jack Layton me rappelait un site visité par hasard au printemps dernier. Derek, un homme dans la quarantaine atteint d’un cancer, a composé à l’approche de sa mort un message posthume que sa compagne a publié le lendemain de son décès.

Son message est porteur d’amour et d’acceptation et nous suggère de faire ce que nous aimons dans la vie, le plus possible. (Traduction maison et lien vers le site original ci-après – des commentaires sur le sens de la vie très intéressants à lire.)  

***

Le dernier message

Par Derek, le 4 mai 2011, 7h51

Voilà. Je suis mort, et c’est mon dernier message sur ce blog. J'ai demandé à ma famille et mes amis de publier ce message (écrit d’avance – première étape pour transformer ce site web actif en archive) une fois que mon corps se serait définitivement fermé aux châtiments du cancer.

Si vous ne me connaissiez pas dans la vraie vie, vous avez probablement appris la nouvelle par une autre source. Mais, quelle que soit la façon, voici une confirmation : j'étais né le 30 juin 1969 à Vancouver, Canada, et je suis mort des complications d’un cancer colorectal métastatique de niveau 4, à Burnaby, le 3 mai 2011, à 41ans. Nous savions tous que ça s’en venait.

Cela inclut ma famille, mes amis et mes parents, Hilkka et Juergen Karl. Mes filles Lauren, 11 ans, et Marina, 13 ans, avaient été mises au courant de tout ce que nous pouvions leur dire dès que j’ai su que j’avais le cancer. Cela a fait partie de leur vie, hélas.

Airdrie

Naturellement cela inclut ma compagne Airdrie (née Hislop). Tous deux originaires du Vancouver Métro, nous avons gradué dans des collèges différents en 1986, et avons étudié la biologie à UBC où nous nous sommes rencontrés en 88. J’avais un job estival de naturaliste dans un parc cette année-là; j'ai fait chavirer le canoë sur lequel nous pagayions, Air [Airdrie] et moi, et nous avons dû le pousser jusqu’au rivage.

Nous avons partagé quelques classes, puis avons perdu contact. Mais quelques années plus tard, en 1994, je travaillais toujours au campus. Airdrie a repéré mon nom et m'a écrit une lettre – oui! sur papier! – et éventuellement, je lui ai répondu (j'essayais d'être musicien à plein temps et c’était le chaos). De ces semences a fleuri un jardin : c'était en mars. En août 95, nous étions mariés. Je n'ai jamais éprouvé de doute ni hésité, car nous étions toujours bien ensemble, dans le mauvais et le pire, dans le bon et le meilleur.

Cependant, je ne pensais pas que le temps passé ensemble serait si court : 23 ans depuis notre première rencontre (au parc régional Kanaka; j’en suis pas mal sûr) jusqu'à ce que je meure. Insuffisant. Vraiment insuffisant.

Ce qu’il y avait à la fin

Je ne suis pas allé dans un meilleur ou plus mauvais endroit. Je suis allé nulle part parce que Derek n’existe plus désormais. Dès que mon corps a cessé de fonctionner, et que les neurones de mon cerveau ont cessé de d’émettre des étincelles, j'ai subi une formidable transformation : je suis passé d'organisme vivant à cadavre, comme une fleur ou une souris qui n’a pas survécu à une nuit particulièrement froide. L'évidence était claire qu'une fois que je serais mort, ce serait fini.

Ainsi, je n’avais pas peur de la mort – du moment lui-même – ni de ce qui viendrait après, ce qui était (et n’est) rien. Depuis le début, c’était le processus de la mort qui me faisait un peu peur : la faiblesse et la fatigue croissantes, la douleur, le fait de devenir de moins en moins conscient de moi-même. J'ai été chanceux que mes facultés mentales restent quasi inchangées au cours des mois et des années précédant la fin, il n'y avait aucun signe de cancer au cerveau – du moins autant qu’on le sache.

Enfant, j’avais suffisamment appris les rudiments de la soustraction pour figurer l’âge que j’aurais en cette mémorable année 2000. La réponse était 31 ans, ce qui me semblait pas mal vieux. En effet, à 31 ans j'étais marié, j’avais eu deux filles, j’étais rédacteur technique et webmestre pour l'industrie informatique. Une grande personne, je suppose.

Pourtant il y avait beaucoup plus à venir. Je devais initier ce blog qui a récemment eu 10 ans. Je n’avais pas recommencé à jouer de la batterie avec mon band, je n’étais pas devenu podcaster (puisqu'il n'y avait ni podcasting ni iPod). Au pays de la techno, Google venait à peine de naître, Apple «se battait», Microsoft s’étendait et dominait, et Facebook et Twitter n’allaient exister que quelques années plus tard. Les rovers d’exploration martienne, Spirit et Opportunity, étaient à trois ans de leur lancement, tandis que la sonde Cassini-Huygens n'était pas tout à fait à mi-chemin de Saturne. Le génome humain n’avait pas été complètement tracé.

Les tours du World Trade Center tenaient encore debout à New York. Jean Chrétien était premier ministre du Canada, Bill Clinton président des États-Unis, et Tony Blair premier ministre du R-U – tandis que Saddam Hussein, Hosni Moubarak, Kim Jong-Il, Ben Ali, et Mouammar Kadhafi conservaient leur pouvoir en Irak, en Égypte, en Corée du Nord, en Tunisie et en Libye.

En 2000, dans mon famille, ma cousine n’aurait pas de bébé avant quatre ans. Mon autre cousine commençait sa relation avec l'homme qui est maintenant son mari. Sonia, une amie de longue date de ma mère (depuis l’âge neuf ans), était toujours vivante. Ainsi qu’Oma, le père de ma mère, alors âgé de 90 ans. Ni ma compagne ni moi n'avions eu besoin d’être hospitalisé à long terme – pas encore. Nos enfants étaient encore aux couches, elles ne prenaient pas de photos, n’écrivaient pas d’histoires, ne faisaient pas de vélo ni d’équitation, elles n’écrivaient pas sur Facebook, et n’étaient pas plus grandes que leur mère. Nous n’avions pas de chien.

Et je n’avais pas le cancer. Je ne savais pas qu’il se développerait, et encore moins qu’il me tuerait dans la prochaine décennie.

Ce qui manquera

Pourquoi est-ce que je mentionne toutes ces choses? Parce que je me suis rendu compte que, à tout moment, je peux me lamenter à propos de ce que je ne saurai jamais, néanmoins sans déplorer ce qui m’a amené où je suis. J’aurais pu mourir en 2000 (à 31 ans) ayant été heureux toute ma vie et ayant apprécié mon extraordinaire compagne, mes superbes enfants, mon travail amusant et mes passe-temps. Mais je serais passé à côté de plusieurs autres choses.

Et à partir de maintenant, plusieurs choses se produiront sans moi. Au moment où j’écrivais ces lignes, j'avais peine à imaginer ce qu’elles pourraient être. À quoi ressemblera le monde en 2021, ou plus tard en 2060, au moment où j'aurais eu 91 ans, l'âge que mon Oma avait atteint? Qu’aurons-nous appris de nouveau? Comment les pays et les gens auront-ils évolué? Comment allons-nous communiquer et voyager? Qui allons-nous admirer ou mépriser?

Que fera ma compagne Air? Mes filles Marina et Lolo? Qu’auront-elles étudié, comment passeront-elles leur temps et gagneront-elles leur vie? Mes enfants auront-elles des enfants? Des petits-enfants? Y aura-il des aspects de leur vie que je trouverais difficile à comprendre en ce moment?

Ce qu’il faut savoir, maintenant que je suis mort

Il ne peut y avoir de réponses aujourd'hui. J'étais encore vivant quand j’écrivais ces lignes, et triste de savoir que j’allais manquer toutes ces choses – non pas parce que je n’en serais pas témoin, mais parce que je ne serai plus là pour soutenir les efforts d’Air, de Marina et de Lauren.

Il s'avère que personne ne peut imaginer ce qui se passera au cours de sa vie. Nous pouvons planifier et faire des choses que nous aimons, mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos plans marchent comme prévu. Certains peut-être, mais la plupart non. Les inventions et les idées apparaîtront, et des événements que nous n’aurions jamais pu prévoir se produiront. Ce n’est ni mauvais ni bon, mais c’est réel.

Je pense et j’espère que c’est ce que mes filles retiendront de ma maladie et de ma mort; et qu’il en sera de même pour ma merveilleuse et extraordinaire compagne Airdrie. Qu’elles se souviennent non pas que la mort peut les frapper n'importe quand, mais plutôt qu'elles doivent continuer à faire ce qu'elles aiment, tout ce qui stimule leur esprit, autant que possible – de sorte qu’elles restent ouvertes à toutes les possibilités, sans être déçues si les choses bifurquent, comme c’est souvent le cas.

J’ai aussi été chanceux. Je n’ai jamais eu à me demander d’où viendrait mon prochain repas. Je n’ai jamais craint qu'une armée étrangère vienne la nuit avec des machettes ou des mitrailleuses pour tuer ou blesser ma famille. Je n’ai jamais eu à fuir pour sauver ma peau (quelque chose que je ne pourrais jamais faire désormais de toute façon). Tristement, ce sont des choses que certains doivent vivre quotidiennement en ce moment.

Un endroit merveilleux

Le monde, en réalité l'univers entier, est un endroit extraordinaire, étonnant, merveilleux. Il y a toujours plus à découvrir. Je ne regarde pas en arrière en regrettant quoi que ce soit, et j’espère que ma famille trouvera le moyen d’en faire autant.

Ce qui est vrai, c’est que je les ai aimées. Lauren et marina, pendant que vous grandirez au cours des ans, sachez que je vous ai aimées et que j’ai fait de mon mieux pour être un bon père.

Airdrie, tu étais ma meilleure amie et ma connexion la plus intime. Je ne sais pas ce que nous serions devenus l’un sans l’autre, mais je pense que le monde aurait été bien plus pauvre. Je t’ai aimée profondément, je t’ai aimée, je t’ai aimée, je t’ai aimée.





http://www.penmachine.com/2011/05/the-last-post

26 août 2011

Du vrai pas vrai...

«Ça faisait longtemps qu’il s’adonnait au jeu de la vie et il y avait des parties de lui qui étaient si différentes des autres parties qu’il avait du mal à comprendre qu’elles puissent toutes relever d’un même soi. Mais c’était ainsi – et, même si ses parties disparates le surprenaient souvent, il prenait désormais plaisir à ce carrousel qu’était son âme.»
~ F. X. Toole, Rope Burns

Il n’y a pas d’histoire vraie

Lorsqu’on entremêle opinions, préjugés, stratégie et émotions pour en faire une réalité figée, on cherche à faire tout un plat de sa propre personne, de sa douleur, de ses difficultés. Sauf que les choses ne sont ni fixes, ni prévisibles, ni aussi homogènes qu’elles en ont l’air.

Lorsqu’on médite, la pratique consiste à voir les pensées surgir, à les étiqueter en disant le mot «penser» et à revenir au souffle. Si on essayait de trouver le début, le milieu et la fin de chacune des pensées, on s’apercevrait vite qu’il n’y a rien de tel. S’efforcer de trouver le moment où une pensée en devient une autre, c’est comme chercher à repérer l’instant où l’eau mise à bouillir se transforme en vapeur. Pourtant, on a tendance à rattacher ses pensées une à une pour se raconter une histoire qui donne l’impression que son identité, son bonheur, sa douleur ou ses problèmes sont autant d’entités figées et distinctes. En réalité, tout comme les pensées, ces constructions ne cessent de changer sans arrêt. Chaque situation, chaque pensée, chaque mot, chaque sensation n’est qu’un souvenir qui passe.

La sagesse a quelque chose de fluide, ce n’est rien de concret qu’on peut mesurer ou additionner. Pour s’entraîner, le guerrier-bodhisattva ne perd pas de vue que tout est rêve. La vie est un rêve, la mort est un rêve. Ce rêve est l’immédiateté directe de son expérience. S’évertuer à s’accrocher à l’un ou l’autre de ces rêves, en croyant dur comme fer à son scénario, ne fait que bloquer la sagesse.

Pema Chödrön
Bien-être et incertitude, Cent huit enseignements  
Pocket Spiritualité

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Le cerveau conteur

… Ce ne sont pas à proprement parler les rêves qui nous racontent des histoires, mais bel et bien notre cerveau qui, au réveil – et, derechef, sans qu’on lui demande rien – , produit une histoire et lui attribue aussitôt un sens. Sens qui nous paraît énigmatique… et pour cause!

C’est assez prodigieux, quand on y pense : notre cerveau, même s’il a subi des lésions et perdu une partie de sa cohérence diurne, persiste à nous proposer des récits abracadabrants à partir de nos rêves. Son mécanisme narratif inné continue de combiner et d’organiser… Il tient à nous enchanter, à nous troubler, à nous envoûter – à nous entraîner, encore et encore, dans le monde humain qui est le monde des fictions.

Aucun régime politique ne pourra jamais maîtriser ce phénomène-là. … Aucun tyran, dictateur, monarque ou président ne pourra bannir les rêves, cauchemars, fantasmes et délires, toute cette activité fébrile par laquelle notre cerveau concocte des histoires et y prête foi, afin que notre existence soit non seulement une existence mais une vie, afin qu’elle nous semble suivre une trajectoire, correspondre à un destin, avoir un Sens.

Jamais ne pourra être dompté l’inénarrable cerveau conteur qui fait notre humanité.  

~ Nancy Huston

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L’imagination a été donnée aux hommes pour les dédommager de ce qu’ils ne sont pas. Le sens de l’humour leur a été donné pour les consoler de ce qu’ils sont.
~ Auteur inconnu

***


La confiance

Le moment est venu de sauter sans parachute ni élastique! Cette confiance absolue, sans réserve ni filet de sécurité caché, est ce que le Cavalier de l’Eau nous demande. Bondir dans l’inconnu est extraordinairement exaltant, même si cette perspective nous terrifie. Oser faire un saut quantique exclut les préparatifs ou l’élaboration de plans et de programmes. Impossible de dire : «D’accord, je suis sûr de moi, je sais ce qu’il faut faire, je vais préparer mes bagages.» Il s’agit de sauter sans même penser à ce qui va suivre.

Seul le saut compte, ainsi que l’extase de la chute dans le vide. Cette lame évoque ce qui nous attend de l’autre côté : un appel doux, accueillant, merveilleux comme un lit de roses. Viens!

Ne perdez pas votre vie à poursuivre ce qui vous sera de toute façon enlevé. Faites confiance à l’existence. C’est le seul moyen de renoncer à votre savoir, de faire taire votre intellect. La confiance donnera naissance à quelque chose d’immense. Grâce à elle, la vie cessera d’être banale et ordinaire, elle débordera d’énergie divine. Quand votre cœur est innocent, débarrassé de ses murailles, vous êtes connecté à l’infini. Et vous n’êtes jamais déçu parce que plus rien ne peut vous être ôté. Ce que vous pouvez perdre ne vaut pas la peine d’être conservé.

Et peut-on craindre d’être privé de ce qu’il est impossible de perdre?
Rien ni personne ne peut vous enlever votre véritable trésor.

Tarot Zen
Éditions du Gange

24 août 2011

Prendre sous son aile

Irrésistible! 


Le ou la photographe (dont j’ignore le nom) a eu l’immense privilège de capter ce moment de beauté pure, parfaite; il y en a encore et je me réjouis de pouvoir le partager.

***

Se peut-il qu'un homme soit moins sage qu'un oiseau?
~ Confucius

Un seul oiseau en cage, la liberté est en deuil.
Tous les oiseaux font de leur mieux, ils donnent l'exemple.
~ Jacques Prévert

L'âme a des illusions comme l'oiseau a des ailes; c'est ce qui la soutient.
~ Victor Hugo

Les poètes sont des oiseaux : tout bruit les fait chanter.
~ François René de Chateaubriand

Un éclat de rire, c’est une poussière de joie qui fait éternuer le cœur.
~ Auteur inconnu

La joie fait venir le bonheur; l’insatisfaction et le mécontentement le font fuir. Un cœur joyeux permet de créer autour de soi toujours plus de lumière et de renouveau. 
~ Matsumoto Jitsudo

Si vous prenez la vie avec un excès de sévérité quel attrait a-t-elle ? Si le matin ne vous convie pas à de nouvelles joies, et si le soir il ne nous reste aucun plaisir à espérer, est-ce bien la peine de se vêtir et de se dévêtir?
~ Goethe

Tout ce qui est simple, tout ce qui est fort en nous, tout ce qui est durable même, est le don d’un instant.
~ Gaston Bachelard

22 août 2011

Adieu Jack

Habituellement la mort des politiciens me laisse totalement insensible, de glace même.


Eh bien ce soir c’est différent. Je suis profondément attristée du décès de Jack Layton. Je dois quasiment faire un deuil comme s’il s’agissait d’un ami personnel – c’est dire!

Il est impossible de développer un lien affectif envers des politiciens, vu la distance protocolaire, la froideur et l’espèce de fausse image qu’en général ils dégagent – tout à fait rébarbative d’ailleurs.

Or avec Jack Layton c’était possible, même sans jamais l'avoir croisé, aussi étonnant que cela puisse paraître. Il était comme nous et avec nous. Ni le mépris, ni la condescendance ni l’arrogance ne l’habitait. Une personnalité humaniste, intelligente et charismatique, néanmoins capable d’affirmation vigoureuse au milieu de la fosse aux lions parlementaire.

Cette affreuse nouvelle tend à confirmer l’adage qui dit que ce sont souvent les meilleurs qui partent les premiers…

Voilà un triste jour pour la planète.

La dernière phrase de sa dernière lettre fera plusieurs fois le tour de la planète, je l’espère :

Mes amis, l'amour est cent fois mieux que la haine. L'espoir est mieux que la peur. L'optimisme est mieux que le désespoir. Alors aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde.  

Chaleureusement,
Jack Layton

19 août 2011

Jour de poésie 1

D’abord l’Acadie. En fin de semaine dernière les Acadiens célébraient la Festicadie. Plusieurs activités et spectacles ont été organisés dans diverses municipalités du Québec. J’ai déniché à la biblio une anthologie intéressante, «La Poésie Acadienne», compilée par Gérald Leblanc et Claude Beausoleil (Éditions Perce-Neige, Les Écrits des Forces, 1999).

Robert Pichette

MISCOU

Où sont passés les hérons bleus que j’aimais tant,
figés sur leurs échasses, près des roseaux bruissant
dans l’eau plate des marais, à deux pas de la mer
large, étale et indifférente?

Allons! il faut partir.

Le sable déjà n’est plus chaud sur les plages esseulées
où tes pas faisaient crisser le varech qui violace.

Allons! il faut partir.

L’illusion est finie. Voici un été qui n’est pas le nôtre
et une plage désolée qui me refuse le souvenir de nos
amours. Je ne retrouve plus les bigorneaux, ni le vieux
panier oublié, ni la bouteille sans message venue on ne
sait d’où, échouée par hasard à Miscou la belle, la tranquille,
la placide, complice de notre amour.

Allons! il faut partir.

La vieille couverture bigarrée ne retient plus ta trace et
la marée sans pitié, avec sa régulière monotonie, recouvre
depuis longtemps le souvenir de notre joie. Le phare témoin
de notre béatitude devient menaçant, et ces goélands curieux,
mais prudents, ne sont plus nos amis.

Adieu Miscou! Salut mon âme!

***
Mario LeBlanc

REVERB

j’ai rêvé un rêve
un rêve fou
un rêve grammaticalement fou
on marchait le tête haute
dans une ville lignée
on marchait comme des virgules
qui sautaient à la bonne place
dans des phrases
on marchait comme des points
qui terminaient chaque paragraphe
on vivait en accord
avec le sujet de notre vie
on vivait dans un mode
on vivait dans un temps
conjugué à l’auxiliaire être
dans une ville
de LeBlanc
de Cormier
de Gallant

je suis
tu es
il est

nous sommes…
***
Éric Cormier

TEMPS DES MOISSONS

Je cueille des larmes
j’écris ton nom tremblant sur cette feuille
des lettres à n’en plus finir
cette envie de toi
cette réalité pudique
et ce manque d’affection
je n’ai que deux misères
entendre ta voix
et réussir à t’aimer.
***
Cindy Morais

SENS UNIQUE

y’a rien qui se passe
ça sent la nature morte 

Jour de poésie 2

Hélène Monette
Poète et romancière québécoise

Comme une vielle savate dans la savane
je me penche sur la beauté du monde
pas grand-chose
des panneaux-décors offrent des destinations touristiques extrêmes
ça m’apprendra à m’occuper de la cigale, du brin d’herbe et du caillou
dans un monde pareil
où la beauté, même laide, se paye

LÀ OÙ ÉTAIT ICI; Boréal 2011

Dans cette suite de Paysages kitsch, Hélène Monette fait varier les perspectives. Qu’est-ce qui nous retient ici? Le monde est-il vraiment plus vivable quand on est là-bas? Avec cette écriture tendue, intense, inimitable qui est la sienne, elle mêle indignation et compassion pour nous bouleverser encore une fois.

***

LA CONFORMITÉ

Même les copains
ils disent
conforme
le jeu est conforme
au demeurant vestimentaire, la femme est conforme
la vie est conforme
ou déplacée

ahurissante, la vérité n’est pas vraie
comme c’est définitif
rien pour écrire un poème à sa fille
une lettre à son fils
une larme à sa sœur
rien pour écrire une symphonie ces jours-ci
les jours sont encrassés comme l’ennui

la dérision s’est emparée du réchauffement des glaciers
faites-moi grâce de tout de ce qui est conforme à ce diktat
à ce dégât
à ce glacier fondu au noir enchaîné

on peut rêver de la fonte du conforme
l’humanité disparaîtra avant
le conforme après
car tout est conforme en premier comme en dernier
l’idiotie est conforme
le mensonge est de bonne conformité

je vous attendais là où vous m’attendiez

oui, mais, conforme à quoi?

sais pas
c’est la société, lourde et méchante
jolie et conforme
à la couleur des poumons dans les forêts brûlées
c’est la société sur la terre de tous
qui rend l’humanité conforme
aux bozos de la définition plate
le zéro est conforme
et le reste, c’est la terre dans un coin
qui n’en peut plus de suer

on marche ces temps-ci avec un couteau dans le dos
bien fiché entre les omoplates
un couteau solide, bien à sa place
le couteau est conforme à l’amour qui perdure
entre les dortoirs battus en neige
entre les îles inondées
cela est exact
tout est à sa place
la boue et l’océan
le billet de loto
le mauvais numéro
et le spectacle
le grand spectacle se démène sur l’écran qui meurt

comme c’est comique, le comique est conforme
au comique
il n’y a pas d’erreur
toute cette logique est pathétique

l’univers tourne dans les yeux de nos bien-aimés
cailloux en feu
dans l’au-delà très profond sans pareil


L’AMOUR POSTMODERNE

Ces voitures bénies des dieux
elles nous ont roulé dans les yeux
elles nous ont roulés

ces ameublements-vedettes
nous ont infligé le virus
du chiche pour la dette
le train-train morose dans l’assiette

qu’importe, nos haillons sont corrects
et notre culture fait dans le désert contrôlé

Les téléviseurs, les magazines, l’image de la vie
chéri
ils nous ont concocté un bordel de très petites misères
boîte vocale sans commentaire
deux pour un, nuit du cœur
il y a apparence de comédie dans le rétroviseur
l’amour est postmoderne

Le romantisme nous a massacrés, mon chou
moral distant, plaisir expert
pouvoir du noir, excellence du neutre
la vérité n’a pas de cœur
pas de poème dans le tiroir
pas de victoire dans le cercueil, cherchez l’erreur
une bouteille est imprimée
dans ces yeux
qui nous ont roulés
temps compté, Narcisse en fleur
il y a apparence de joie dans le réfrigérateur
l’amour est postmoderne

guerriers de l’émergence, jeunes volontaires
il y a apparence d’histoire dans le collimateur
âme insaisissable, stress inoxydable
il y a un penchant pour la saturation chez le consommateur
le vide est circulaire

Le nucléaire nous a blasés, mon lapin
coke en stock, veau de grain
ombres atomiques, vies parallèles
traitement de l’image, meurtres virtuels
montée de la droite, vedettes en forme
après le bip, il n’y a personne
l’âme en principe et le psy aux talons
sachet individuel, maxi-protection
l’ego est pathogène
dans une solution chimique
aigre-douce rehaussée assez
assez rehaussée, assez!
larmes artificielles, soleil archaïque
il y a apparence de fissure dans le réacteur
la crème est renversée
dépêche-toi de rentrer
dans tes petits souliers
dépêche-toi
l’amour est postmoderne

LE BLANC DES YEUX; Boréal 1999

Jour de poésie 3

Boris Vian, 1920-1959
Poète, parolier, chanteur et musicien de jazz français


COMPLAINTE DU PROGRÈS

Autrefois pour faire sa cour
On parlait d’amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son cœur
Aujourd’hui, c’est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l’oreille
Ah… Gudule!... Viens m’embrasser… Et je te donnerai

Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pell’ à gâteaux
Une tourniquette
Pour fair’ la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux

Autrefois s’il arrivait
Que l’on se querelle
L’air lugubre on s’en allait
En laissant la vaisselle
Aujourd’hui, que voulez-vous
La vie est si chère
On dit : rentre chez ta mère
Et l’on garde tout
Ah… Gudule… Excuse-toi… ou je reprends tout ça.

Mon frigidaire
Mon armoire à cuillères
Mon évier en fer
Et mon poèl’ à mazout
Mon cire-godasses
Mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace
Et mon chasse-filou
La tourniquette
À faire la vinaigrette
La ratatine-ordures
Et le coupe-friture
Et si la belle
Se montre encore rebelle
On la fiche dehors
Pour confier son sort

Au frigidaire
À l’efface-poussière
À la cuisinière
Au lit qu’est toujours fait
Au chauffe-savates
Au canon à patates
À l’éventre-tomates
À l’écorche-poulet
Mais très très vite
On reçoit de la visite
D’une tendre petite
Qui ouvre son cœur
Alors on cède
Car il faut qu’on s’entraide
Jusqu’à la prochaine fois.
Et l’on vit comme ça
Jusqu’à la prochaine fois.
Et l’on vit comme ça
Jusqu’à la prochaine fois.


TERRE-LUNE

Quand j’en aurai assez d’entendre
Les enfants pleurer dans le noir
Quand j’en aurai assez de voir
Les villes crouler sous les cendres
Quand j’en aurai assez des larmes
Des cris, du sang et du vacarme
Quand j’en aurai assez du monde
À moi la lune blonde

Refrain

Terre-lune, terre-lune
Ce soir j’ai mis mes ailes d’or
Dans le ciel comme un météore
Je pars
Terre-lune, terre-lune
J’ai quitté ma vieille atmosphère
J’ai laissé les morts et les guerres
Au revoir

Dans le ciel piqué de planètes
Tout seul sur une lune vide
Je rirai du monde stupide
Et des hommes qui font les bêtes
Terre-lune, terre-lune
Adieu ma ville adieu mon cœur
Globe tout perclus de douleurs
Bonsoir!

Couplet 2

Vive la nuit, j’ai levé l’ancre
À moi les pluies d’astéroïdes
Et les comètes à l’œil livide
Diamants éparpillés dans l’encre
À moi les étoiles de miel
Fleurs de topaze et de rubis
À moi le silence éternel
De l’espace infini

Refrain 2

Terre-lune, terre-lune
Voyez se lever le croissant
Lune terrestre au firmament
Bonjour
Terre-lune, terre-lune
Voilà l’Afrique et l’Amérique
Et la raie sombre des tropiques
Autour

Un jour viendra dans ma retraite
Où je verrai, le nez levé
Exploser ma triste planète
Qui se prétend civilisée

Terre-lune, terre-lune
Monde pourri, monde trop vieux
Pierrot là-haut te dit ce soir
Adieu!…

TEXTES ET CHANSONS; Christian Bourgeois Éditeur 1975

13 août 2011

Août et le «flush off» animalier

Le chien ou le chat croyait avoir trouvé un foyer, des amis. Il avait confiance. Mais voilà que du jour au lendemain celui-ci se retrouve abandonné au fond du ravin sur le bord d’une route ou en pleine forêt… Pouvez-vous imaginer la détresse?  

 À lire aussi, Vie de chien 1 : http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/01/vie-de-chien.html

Comparativement aux animaux sauvages, les animaux de compagnie sont extrêmement vulnérables puisqu’ils dépendent de nous pour leur survie.

On «flush» bien les humains, alors pourquoi se gêner avec les animaux? «Dégage! un chien c’est trop de trouble, je ne veux plus de toi…»

Admettons que le «maître» n’ait pas «pensé» aux responsabilités ni aux conséquences reliées à l’adoption. Malheureusement, c’est un pattern indécrottable chez les humains : on réalise l’importance de nos actes seulement après coup, trop tard. «Penser avant» demande trop d’effort, et peut-être que cela nous priverait d’un plaisir passager considéré comme légitime, en bons égoïstes que nous sommes.

Les conséquences sur les êtres impliqués importent peu… car notre préoccupation se limite à notre charmante petite personne. C’est ainsi que ça marche sur notre belle planète, du plus banal geste quotidien jusqu’au nucléaire.

Cela étant dit, il y a des manières «civilisées», moins sauvages et cruelles, de se «débarrasser» d’un animal dont on ne veut plus. On peut toujours le ramener dans un centre d’adoption. Voyez l’article «Avant d’adopter un animal», du 24 avril 2011 :  
http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/04/avant-dadopter-un-animal.html

Je ne connais personne qui n’a pas lu Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Mais on oublie… Sa description de notre responsabilité vis-à-vis des êtres que nous «apprivoisons» (humains et animaux) me renverse encore!

Mais il arriva que le petit prince, ayant longtemps marché à travers les sables, les rocs et les neiges, découvrit enfin une route. Et les routes vont toutes chez les hommes.
- Bonjour, dit-il.
C’était un jardin fleuri de roses.
- Bonjour, dirent les roses.
Le petit prince les regarda. Elles ressemblaient toutes à sa fleur.
- Qui êtes-vous? leur demanda-t-il, stupéfait.
- Nous sommes des roses, dirent les roses.

Et il se sentit très malheureux. Sa fleur lui avait raconté qu’elle était seule de son espèce dans l’univers. Et voici qu’il en était cinq milles, toutes semblables, dans un seul jardin!

«Elle serait bien vexée, se dit-il, si elle voyait ça… elle tousserait énormément et ferait semblant de mourir pour échapper au ridicule. Et je serais bien obligé de faire semblant de la soigner, car, sinon, pour m’humilier moi aussi, elle se laisserait vraiment mourir…»

Puis il dit encore : «Je me croyais riche d’une fleur unique, et je ne possède qu’une rose ordinaire. Ça et mes trois volcans qui m’arrivent au genou, ça ne fait pas de moi un bien grand prince…» Et couché dans l’herbe, il pleura.

C’est alors qu’apparut le renard :
- Bonjour, dit le renard.
- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
- Je suis là, dit la voix, sous le pommier…
- Qui es-tu? dit le petit prince. Tu es bien joli…
- Je suis un renard, dit le renard.
- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste…
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah! pardon, fit le petit prince.
Mais après réflexion, il ajouta :
- Qu’est-ce que signifie «apprivoiser»?
- Tu n’es pas d’ici, dit le renard, que cherches-tu?
- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu’est-ce que signifie «apprivoiser»?
(…)
C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie «créer des liens…»
- Créer des liens?
- Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…
- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur … je crois qu’elle m’a apprivoisé…
(…)
Le renard se tut et regarda le petit prince :
- S’il te plaît … apprivoise-moi, dit-il!
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
- On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’y a pas de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!
- Que faut-il faire? dit le petit prince.
- Il faut être patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est une source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près…

Le lendemain revint le petit prince.
- Il aurait mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l’après-midi, dès trois heures je commencerai d’être heureux. Plus l’heure avancera, plus je me sentirai heureux. À quatre heures, déjà, je m’agiterai et m’inquiéterai : je découvrirai le prix du bonheur! Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… Il faut des rites.
- Qu’est-ce qu’un rite? dit le petit prince.
- C’est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux!
(…)
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :
- Ah, dit le renard… je pleurerai.
- C’est de ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n’y gagnes rien!
- J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret.

Le petit prince s’en fut revoir les roses :
- Vous n’êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n’êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n’avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.
Et les roses étaient gênées.
- Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu’elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle que j’ai mise sous globe. Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque c’est elle dont j’ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c’est elle que j’ai écouté se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c’est ma rose.

Et il revint vers le renard :
- Adieu, dit-il…
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : one ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.
- L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
- C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable de ce que tu apprivoises. Tu es responsable de ta rose…

***
Ce n’est qu’après que les êtres aient disparu de notre vie que nous réalisons à quel point nous avons négligé de reconnaître l’amour inconditionnel qu’ils nous offraient, notamment nos animaux de compagnie. Voyez l’article «Une piste; Pouvez-vous aimer autant que votre chien?», du 6 septembre 2010 : http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/05/une-piste.html

Je vous propose aussi un texte particulièrement poignant (reçu par courriel – pour une fois le nom du rédacteur a suivi). L’auteur exprime son regret de n’avoir pas su apprécier à sa juste mesure la présence de sa chienne tandis qu’elle était vivante. (Message ci-après.)

Mon chien est mort

Par Frank Rodi

Et ce n’est pas une expression. Mon chien est bel et bien mort. Mercredi dernier, à 20h16, la vétérinaire nous a dit, quelques secondes seulement avant après lui avoir administré la dose fatale : «Son petit cœur a déjà arrêté de battre.» Elle s’appelait Maya. Un bon chien.

Maya n’avait pas encore quatre ans. Et pourtant, la maladie lui a rongé tout l’intérieur. Au moment d’écrire des lignes, je ne sais toujours pas ce qu’elle avait exactement, mais une chose est certaine, mon chien n’allait pas bien. Je vous épargne les détails, mais il aurait fallu pousser davantage en tests, en échographies, en opérations afin de déceler le ou les problèmes. Elle était malade, elle n’allait pas bien et elle souffrait. Ça demeure une décision difficile à prendre (imaginez pour un être humain!).

Ça m’a fait plus mal que je ne l’aurais pensé. Et aujourd’hui, j’aimerais profiter de ces quelques lignes pour vous parler de Maya. Afin de mieux vivre mon deuil. Juste avant de quitter la pièce où Maya a rendu l’âme, alors que j’avais demandé à ma copine et à son garçon de me laisser seul avec elle, je lui ai murmuré à l’oreille que j’étais désolé. Désolé, Maya, pour toutes les fois où je t’ai ignorée en revenant à la maison alors que toi, tu étais enjouée de me revoir; excuse-moi, Maya, parce qu’à de nombreuses reprises, je te repoussais au lieu de te flatter; pardonne-moi, Maya pour toutes les fois où je te chicanais juste parce que tu occupais la même pièce que moi et que ça m’énervait; je regrette toutes les fois où j’ai chialé parce que tu ronflais trop fort dans le salon pendant que je regardais la télévision; et enfin, désolé d’avoir dit si souvent que tu sentais mauvais, alors qu’en réalité, tu sentais seulement le chien, ce qui est normal, puisque tu en étais un. Un excellent chien. Alors que moi, apparemment, je n’étais qu’un grognon.

Quatre heures après ton départ, je suis à la maison, toi tu n’y es pas, et j’écris ce texte. Seulement quelques heures et évidemment, tu me manques déjà. C’est vrai que maintenant, la maison semble vide. Tu déplaçais tellement d’air! Mais c’était du bon air! Naturellement, c’est maintenant que tu es partie que je me rends compte que je t’appréciais et que, finalement, je vais m’ennuyer de toi.

Encore quelque mots pour dire que je garderai de bons souvenirs de toi, ma petite Maya. D’abord, je me rappellerai longtemps que c’était toujours toi, la première, qui scrutait mon arrivée dans le stationnement lorsque je revenais du travail; chaque fois que j’arrivais avec la voiture, tu m’attendais devant la porte-fenêtre. Je me souviendrai aussi de la façon que tu avais de courir autour de l’auto lorsque tu comprenais que tu allais faire une balade sur les routes : tu ne voulais pas qu’on t’oublie et c’était trop drôle! Et enfin, je garde en mémoire ton côté gardien, puisqu’avec toi dans et autour de la maison, et à ta manière d’accueillir les étrangers, je n’étais pas inquiet pour notre sécurité. Mais tout cela ne restera désormais que du souvenir.

Une dernière chose encore. En revenant à la maison ce soir, il y avait une balle de tennis qui traînait sur le terrain. Et comme à mon habitude, j’ai donné un coup de pied dedans. J’attends encore que tu me la ramènes…

J’espère que tu ne souffres plus et que tu es heureuse.

Au revoir, Maya!
Ton maître grognon  

9 août 2011

Mots d'été 3

Wouf, le mental a cessé de japper...
(Trop drôle ce montage-photo) 

Now! It’s all you have.  

La meilleur manière de prendre les choses du bon côté, c’est d’attendre qu’elles se retournent. ~ P. Ouanich

Le destin conduit celui qui consent et tire celui qui résiste. ~ Cléanthe

La meilleure façon de ne pas avancer est de suivre une idée fixe. ~ Jacques Prévert

La vie nous donne ce qu’on attend, mais ailleurs, autrement, et à contretemps. ~ Alfred Fabre-Luce

Ce qui est dans ton dos est dans ton dos. L’oubli est une science. ~ Félix Leclerc

À quoi arrive-t-on, si l’on arrive – pour le peu de temps qu’on y passera. ~ Eugène Vivier  

Il y a deux façons de ne plus avoir envie de rien : avoir ce qu’on voulait ou être découragé parce qu’on ne l’a pas. ~ Boris Vian

Nous sommes libérés par ce que nous acceptons, mais nous sommes prisonniers de ce que nous refusons. ~ Swâmi Prâjnanpad

Tous les phénomènes qui apparaissent en interdépendance, je dis qu’ils sont vides. Les mots cessent parce que leur message est faux. ~ Nagarjuna

Pour l’amoureux, une jolie femme est un objet de jouissance; pour l’ermite, un sujet de distraction; pour le loup, un bon repas. ~ Adage bouddhique

Tout le bonheur du monde vient d’un cœur altruiste, et tout le malheur du monde de l’amour de soi. ~ Shantideva

Laisse le jeu se faire tout seul, s’élever et retomber, sans rien changer, et tout s’évanouit et recommence à nouveau, sans cesse. ~ Guendune Rimpoche

Nous ne possédons pas les choses, elles nous possèdent. ~ Guy Finley

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To renounce things is not to give them up. It is to acknowledge that all things go away. ~ Shunryu Suzuki Roshi

Desire nothing, and you’re content with everything. Pursue things, and you’re thwarted at every turn. ~ Ryokan

The time is now, the place is here. Safety is in the present. You can do nothing to change the past, and the future will never come exactly as you plan or hope. ~ Dan Millman

The great way is not difficult. Simply avoid picking and choosing. ~ Joshu

Nothing is more conducive to peace of the mind than not having any opinions at all. ~ G. Christoph Lichtenberg

Stress comes from putting yourself in the position of constantly reacting to others' input.  ~ Sara Schurr (Aranya) 

There’s an important difference between giving up and letting go. ~ Jessica Hatchigan

Life is ours to be spent, not to be saved. ~ D.H. Lawrence

Civilization is a limitless multiplication of unnecessary necessities. ~ Mark Twain

Dusting is a good example of the futility of trying to put things right. As soon as you dust, the fact of your next dusting has already been established. ~ George Carlin

We must be willing to get rid of the life we’ve planned, so as to have the life that is waiting for us. ~ Joseph Campbell

I think I’ll just sit here and wait till life gets better. ~ Ashleigh Brilliant 

It may seem that I have locked myself away from the people of the world, and yet, why is it I have never ceased to think of them? ~ Author unknown