25 février 2011

Le Pharaon

Piégé dans un vague à l’âme désormais récurrent, Akhenaton observait tranquillement le fleuve gonflé par la crue du Nil Bleu et Blanc. Akhenaton s’évada alors vers son étoile d’origine d’où il revenait toujours avec des visions royalement dérangeantes.  
  

«Un dieu, Fils charnel du Dieu suprême Rè, quel rôle! Comment vais-je tenir la face? Ah, ces humains, toujours besoin de dieux. Vont-ils jamais comprendre!», se disait Akhenaton.

Il songea à tous ceux qui allaient assumer les rôles de fils unique de Yahweh, de fils unique d’Allah, de fils unique de Dieu, de sauveurs et à l’infini spectre des déités terrestres. Akhenaton songea aussi aux rites, aux dogmes, aux offrandes, aux sacrifices humains et animaux, à tout ce qu’on offrait aux contrefaçons d’un Dieu créé au goût du jour, ainsi qu’aux guerres de suprématie qu’on ferait en son nom. Ce Dieu compulsif, colérique, vindicatif et partial, toujours prêt à punir en riposte aux affronts qu’on lui porte; ou ce Dieu parfois juste et bon, capable de récompenser l’adoration de ses dévots. Akhenaton voyait que son message serait enterré avec lui dans la Vallée des Rois, que ses successeurs rétabliraient les anciens cultes.

Il soupira en pensant à sa Grande Épouse. La présence de cette âme le confortait et rendait cette incarnation, qui lui semblait éternelle, plus facile à gérer. Supporter les dignitaires, les courtisans, se plier au faste des cérémonies et parades royales et faire acte de présence aux festivités du harem, tout cela serait invivable sans l’amour de Néfertiti. Cette complicité bénie allégeait son fardeau. 

À contre cœur, Akhenaton retourna lentement vers sa garde. Il demanda qu’on lui apporte sa harpe. Il avait besoin d’atténuer l’impact de ses visions. Il cherchait aussi une inspiration quelconque qui lui permettrait de transmettre un savoir plus évolué à ses sujets, sachant que cette connaissance prendrait des millénaires avant d'être assimilée.

Akhenaton salua son étoile d’origine, la plus lumineuse de toutes, le plus magnifique joyau de l’empirée céleste, et fit vibrer les cordes de sa harpe. Il savait qu’il retrouverait bientôt sa vraie famille, loin des servitudes royales, ô combien terrestres, mais il savait aussi qu’il reviendrait jouer un rôle semblable dans un futur lointain. Mais qu’importe, il gardait espoir. L’humanité finirait par comprendre, en temps et lieu...

Mestengo © 2002

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