Au lieu de déclencher des élections à contretemps en pleine vague de COVID-19, Justin Trudeau aurait mieux fait d’attribuer les 612 milliards de dollars + à des réseaux d’alimentation en eau potable pour les communautés autochtones en manque depuis des décennies. Pourtant, Trudeau ne ratait pas une occasion de déchirer sa chemise dès qu’il était question des défis soulevés par la Commission vérité et réconciliation.
Rappelons que son but non avoué était d’obtenir une majorité au Parlement. Or la preuve que ces élections étaient totalement inutiles, c’est que l’assemblée est quasi au statu quo. Il serait peut-être temps que le Parti libéral du Canada se dégote un/e leader mature et lucide qui aura le courage d’agir au lieu de parler. Nous avons d’immenses défis sous notre nez.
Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
À l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, deux victimes des pensionnats rapportent des expériences troublantes dans le reportage de Jean-François Bélanger (ICI Radio-Canada reportage). Quelques extraits :
Lorsqu’il entend parler d’excuses, de vérité et de réconciliation, Ben Pratt ne cache pas son scepticisme. «J’en ai marre de voir les politiciens mentir en direct à la télé pour se faire élire. Ce truc vérité et réconciliation, ce ne sont que de beaux mots… C’est de la foutaise! Je n’ai jamais rien vu se produire à Gordon après tous ces abus ou à l’école de Muskowekwan avec tous ces enfants disparus, tous ces corps retrouvés.» (Ben Pratt, ancien élève du pensionnat de George Gordon)
Photo via «Parlez et Agissez». Une classe du secondaire au Pensionnat de Muskowekwan. Pas besoin d’être psychologue pour lire la souffrance, la tristesse, l’angoisse, la fermeture et la crainte sur ces visages... des traumatisés pour la vie.
Le pensionnat pour Autochtones de Muskowekwan, en Saskatchewan, est l’un des derniers restants sur les 139 construits au Canada. Fermé en 1997, il donne encore froid dans le dos, surtout lorsqu’on le visite après avoir entendu les récits terrifiants de ceux qui l’ont fréquenté.
Ed Bitternose est aujourd’hui un gaillard de près de deux mètres. Et pourtant, c’est avec des yeux d’enfant qu’il redécouvre les lieux qui ont hanté sa jeunesse. Le dortoir des garçons est associé à ses pires souvenirs. «J’y entendais des pleurs étouffés la nuit. J’ai compris plus tard pourquoi. J’ai été agressé sexuellement dans le dortoir des garçons.» (Ed Bitternose, ancien élève des pensionnats de Muskowekwan et de George Gordon)
Ed a tenté de s’enfuir à plusieurs reprises, mais, chaque fois, évasion rimait avec punition. Il était forcé de s’agenouiller plusieurs jours sur un manche à balai dans la salle de bains. Il boite encore de nos jours. Le pensionnat de Muskowekwan était géré par les oblats, donc par l'Église catholique. Mais tout ce dont Ed Bitternose se souvient à propos du personnel, c’est sa méchanceté.
Les élèves du pensionnat de la communauté George Gordon, juste à côté, sous la férule de l’Église anglicane, n’étaient pas mieux traités. Ben Pratt en est resté traumatisé.
Pire, entre 1968 et 1984, le pensionnat était dirigé par un pédophile notoire, William Starr. Ce prédateur sexuel a par la suite reconnu avoir abusé de centaines d’enfants. Il a plaidé coupable en 1993 d’avoir agressé 10 élèves âgés de 7 et 14 ans. Il a été condamné à quatre ans et demi de prison.
Ben Pratt raconte avoir été violé à de multiples reprises par William Starr. «Derrière son bureau, il avait une petite pièce avec une télévision, un lit et un canapé. Il faisait venir quatre ou cinq d’entre nous et nous violait tous. On ne disait rien. On rentrait au dortoir en pleurant.» Il se souvient de la honte ressentie, de son caleçon taché de sang qu’il cachait pour que personne ne sache.
https://ici.radio-canada.ca/reportage-photo/2983/pensionnats-pour-autochtones-enfant