12 février 2020

La magie des énergies fossiles pour les nuls

Voici l'une des fables (fausses certitudes) dénoncées par David Wallace-Wells dans son ouvrage La Terre inhabitable

«La richesse sert de bouclier contre les ravages du réchauffement; la combustion des énergies fossiles est le prix à payer pour la croissance économique qui, par la technologie qu’elle produit, nous fournira un moyen d’échapper au désastre environnemental.»

C’est le contresens le plus utilisé par nos élus en ce moment, ad nauseam.

«En l’espace de trois décennies, le gaz carbonique a pollué l’atmosphère par la combustion des énergies fossiles, plus que durant tous les millénaires précédents! L’objectif de 2016 aurait beau être atteint, des vagues annuelles de chaleur continueront de causer des milliers de morts sur la Terre. Si le réchauffement s’aggrave, la baisse du rendement céréalier risque d’accroître la famine; la fonte des glaciers polaires, de favoriser l’inondation des littoraux; la sécheresse, de provoquer d’immenses incendies (1) et une pénurie d’eau potable; le rejet du gaz carbonique, d'entraîner l’acidification des océans, en plus de rendre l’air irrespirable...»

La Terre inhabitable. Vivre avec 4°C de plus
David Wallace-Wells; Robert Laffont, Paris, 2019

Une moitié du monde ne comprend pas l'autre moitié, peu importe dans quelle moitié vous êtes.

Les raisonnements illogiques (je reste polie) de François Legault et du ministre de l’Environnement Benoit Charrette dérivent du discours de l’association des producteurs d’énergies fossiles.  

Comment dire des énormités sans éveiller de soupçons... et sans rire  

GNL Québec – «Le projet de GNL Québec, autant l’oléoduc que l’usine, on parle d’un projet de 14 milliards de dollars et 4000 emplois payants. Ce qui est dans le projet, ce qui est prévu, c’est qu’il y aurait une réduction de GES. La hausse des émissions de GES au Canada [causée par le projet] serait de 400 000 tonnes par année, mais cette hausse entraînerait une réduction de 28 millions de tonnes des GES en Europe et en Asie. L’entreprise ne veut pas dévoiler publiquement les noms des acheteurs de son gaz naturel liquéfié, et ce, pour des raisons concurrentielles.» (Le 3 février 2020)

[Le gouvernement Legault avait dit non à une évaluation environnementale globale qui comprendrait le gazoduc, l’usine et le terminal maritime. Selon les évaluations des experts des ministères de l’Environnement du Canada et du Québec, les émissions liées au projet, en sol canadien, atteindraient près de huit millions de tonnes par année (l’équivalent de 3,4 millions de voitures). Le gouvernement Legault a déjà confirmé qu’il ne tiendra pas compte des émissions produites en Alberta ni du transport du gaz jusqu’au Saguenay.]  

Benoit Charrette – photo : Andrew Vaughan / La Presse canadienne. Quand je le vois, j’ai toujours le sentiment qu’il souffre d’anxiété (pas d’écoanxiété...). Les rides sinueuses du front et la surélévation des sourcils font songer à l’attention pénible d’un esprit qui fait appel à tout son entendement pour résoudre des difficultés qui le dépassent dans le milieu où il se débat. Il semble presque désespéré. Ce n’est pas étonnant, car si l’on se fie à son curriculum vitae, il serait analphabète en matière d’environnement... En tout cas, cela prouve une chose : il ne faut pas hésiter à postuler pour un job même quand on n’a aucune expérience.

«Je veux une transition juste pour les travailleurs québécois. La volonté de réduire les GES du Québec ne signifie pas que les projets industriels polluants seront écartés. L’important, c’est le total. Donc, si certains projets de développement économique génèrent davantage de gaz à effet de serre, l’important, c’est que le total doit être à la baisse. Ce total doit nous amener à -37,5 % en 2030.» (Benoit Charette)

Même si l’intention est bonne, payer une taxe carbone et planter des arbres ne changera rien. Parce que les GES que nous émettons dans l’atmosphère ne disparaissent pas, elles s’accumulent et restent là! L’idée est d’éviter le plus possible d’en augmenter le volume.

Photo : méthanier japonais. Ces gigantesques navires servent à transporter de très grandes quantités, en moyenne 160 000 mètres cubes de gaz naturel liquéfié (énergie fossile), d’un bout à l’autre de la planète. Imaginez ces monstres siphonnant l’usine de liquéfaction juste à côté de la pouponnière de bélugas du fiord saguenéen. Vraiment génial!

La fable des investisseurs et des emplois

Des chercheurs minimisent les retombées fiscales du projet de GNL Québec
Mélyssa Gagnon / Radio-Canada, octobre 2019

Une étude menée par l'Institut de recherche et d'information socio-économique (IRIS) met en doute l'importance des retombées fiscales du projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel par GNL Québec à Saguenay.
   L’IRIS, qui se définit comme un institut de recherche «indépendant et progressiste» diffusant «un contre-discours aux perspectives que défendent les élites économiques», a retracé la chaîne de la structure juridique de GNL Québec.
   L’Institut publie aujourd’hui l’organigramme des organisations connues impliquées dans le projet. L'exercice démontre que GNL Québec n’est pas aussi québécoise que ses promoteurs le laissent entendre, puisque ses principaux investisseurs sont basés dans des paradis fiscaux comme le Delaware, Hong Kong et les îles Caïmans. L'impôt payé par les commanditaires serait donc minime.
   «Tous les actionnaires sont présentement installés dans des paradis fiscaux et, grâce aux ententes commerciales et fiscales qu’on a avec les différents pays, ce qui va arriver, c’est que le Canada et le Québec vont recevoir 5 % d’impôt sur les actionnaires plutôt que 39,9 % si c’était un actionnaire situé juste à côté, au Québec», explique l’un des auteurs de l’étude, Bertrand Schepper.
   Le chercheur croit également qu’en plus de payer très peu d’impôt au Canada, les sociétés qui ont investi dans GNL Québec n’en paieront pratiquement pas dans les États où elles sont établies.

Photomontage : Aurélien R.R. Bonnetaud; parodie d’un monde sans failles / «L’appât du gain» http://arrb.fr/index.php/series/parodie-dun-monde-sans-failles/   

Mise en garde aux gouvernements
Sur la base de ce constat, l’IRIS recommande aux gouvernements de ne pas soutenir financièrement le projet Énergie Saguenay.
   «Ce serait malavisé de favoriser des stratégies fiscales d’évitement, considérant que plein d’actionnaires au Québec mettent de l’argent dans des entreprises.» (Bertrand Schepper, chercheur à l'IRIS)
   L’IRIS constate que les retombées économiques d’Énergie Saguenay sont «discutables» et que les conséquences pour l’environnement «risquent d’être négatives».
   Le complexe est évalué à 14 milliards de dollars.
   Récemment, un groupe de 40 économistes du Québec a aussi émis des réserves quant à la valeur économique et environnementale du projet, dans une lettre ouverte publiée dans le journal La Presse.


Une lettre ouverte cosignée par 40 économistes et chercheurs en économie, parue dans le journal La Presse, remet en question les retombées du projet GNL Québec.
   Les experts s’inquiètent également des impacts environnementaux qu’aurait la construction d’une usine de liquéfaction de gaz naturel dans l'arrondissement de La Baie à Saguenay, assortie de l’aménagement d’un gazoduc de 782 km reliant le nord de l'Ontario au Québec.
   La missive de deux pages, notamment signée par Jérôme Dupras, François Delorme, Éric Pineault et Laurent Da Silva, soulève que les emplois promis par GNL risquent fort d’aggraver la pénurie de main-d’oeuvre qui frappe le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
   «Dans ce contexte inédit d’urgence climatique et compte tenu que 80 % des réserves mondiales prouvées d’hydrocarbures devront rester sous le sol pour limiter le réchauffement climatique à un seuil sécuritaire, tout nouveau projet d’infrastructures dont l’objectif est de faciliter le transport, la production et la consommation de combustibles fossiles devrait être examinée avec la plus grande précaution.» (Extrait de la lettre ouverte de 40 économistes et chercheurs)  
   Les économistes ajoutent qu’une réflexion s’impose puisque «les infrastructures que nous construisons aujourd’hui sont celles que nous aurons pour les 40 à 50 prochaines années».
   La porte-parole de l’entreprise GNL Québec, Stéphanie Fortin, rappelle que le projet vise justement la lutte aux changements climatiques : «On est convaincu que le gaz naturel liquéfié canadien fait par Énergie Saguenay a une valeur ajoutée sur les marchés parce qu’il sera produit de façon moins polluante et beaucoup plus dans les normes environnementales.» 

Emplois
Quant aux 6000 emplois directs et indirects promis par GNL Québec durant la construction, des nuances sont apportées.
   «Or, ces retombées appréhendées doivent être remises dans leur contexte. Selon plusieurs estimations, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean est présentement en situation de pénurie de main-d’œuvre, avec un taux de chômage moyen en 2019 de 5,4 %», mettent en relief les auteurs de la lettre. Ils indiquent qu’il s’agit d’un «creux historique».
   De l'avis des spécialistes, les emplois promis seront donc pourvus presque exclusivement par des travailleurs provenant de l’extérieur.
   Concernant l’emploi, Mme Fortin indique que la compagnie a le pouvoir d’attraction nécessaire pour attirer des travailleurs de l’extérieur de la région. De plus, l’entreprise travaille déjà avec des établissements d’enseignement pour s’assurer que des employés spécialisés nécessaires à la production seront formés.

Radio-Canada, octobre 2019

Cinq dossiers environnementaux à surveiller au Québec
Alexandre Shields / Le Devoir, 7 janvier 2020

Photo: Alexandre Shields / Le Devoir. Québec et Ottawa sont à pied d’oeuvre afin d’ajouter potentiellement plus de 5000 km² de zones protégées dans l’estuaire du Saint-Laurent dès cette année, notamment pour protéger l’habitat de cétacés menacés.

Plusieurs dossiers environnementaux risquent de susciter des débats au Québec au cours de l’année. Le Devoir a recensé cinq de ces enjeux à surveiller en 2020.

Protection du territoire
Gaz naturel
Nouveaux ports
Gaz de schiste
Poursuite contre Ottawa

Détails :

Les marchands d’illusions vertes  
Nicolas Casaux, Le Partage

«La plupart d’entre nous sommes moins dérangés par l’idée de vivre dans un monde sans martres des pins, sans abeilles mellifères, sans loutres et sans loups qu’à l’idée de vivre dans un monde sans médias sociaux, sans cappuccinos, sans vols économiques et sans lave-vaisselle. Même l’écologisme, qui a un temps été motivé par l’amour du monde naturel, semble désormais plus concerné par la recherche de procédés un peu moins destructeurs qui permettraient à une civilisation surprivilégiée de continuer à surfer sur internet, à acheter des ordinateurs portables et des tapis de yoga, que par la protection de la vie sauvage.» (Mark Boyle, écologiste britannique)  

Bien loin des enthousiastes récits verts que nous content les écolos médiatiques, ce que l’on constate, concrètement, c’est le développement de nouvelles nuisances estampillées «vertes», «propres», «durables» (construction de parcs éoliens, de centrales solaires, etc.), qui s’ajoute au développement des nuisances industrielles classiques (routes, usines, exploitations forestières, minières, etc.) – nuisances industrielles classiques qui servent d’ailleurs parfois à permettre le développement des nouvelles nuisances vertes (il faut bien que les matériaux servant à fabriquer panneaux solaires et éoliennes, voitures électriques et batteries au lithium, à fabriquer et alimenter les centrales à biomasse, viennent de quelque part). Les forêts partent en fumée, les océans s’acidifient, se réchauffent et se remplissent de plastique. La machine est inarrêtable.
   Dans la situation présente, particulièrement complexe, des tas de questions cruciales méritent d’être posées qui ne le sont jamais par nos écologistes médiatiques – logique, leur rôle est, entre autres, d’éviter qu’elles ne le soient. En voici quelques-unes : Que voulons-nous? Quelles sont les choses les plus importantes au monde? La chose la plus importante au monde? Qu’est-ce que le monde? Une gigantesque conurbation? Des métropoles, des banlieues, des routes, des bâtiments, des magasins, des usines, des téléviseurs, des smartphones? L’habitat de l’homme, qui aurait tout intérêt à en faire un immense champ bio agrémenté d’exploitations forestières productrices de biomasse à destination de centrales d’énergie verte, et d’exploitations minières écologiques à fournir des matériaux pour les écofairphones du futur? Ou la planète Terre, l’habitat d’innombrables espèces, qu’une société humaine – la civilisation industrielle – détruit à grande vitesse? La société industrielle peut-elle être réformée? Ou constitue-t-elle une machine irréformable? Cela a-t-il un sens de compter sur les gouvernements pour sauver la situation? High-tech – technologies complexes – et écologie sont-elles compatibles? High-tech et démocratie? Société de masse et démocratie? Les technologies dites vertes le sont-elles vraiment? À quoi sert l’énergie dite verte? Les usages qu’à la société industrielle de l’énergie qu’elle obtient sont-ils bénéfiques ou nuisibles pour le monde naturel? Est-il plus probable que les destructions écologiques planétaires soient enrayées par une réforme de la société industrielle ou par son effondrement? Un mouvement visant à faire écrouler la société industrielle a-t-il une chance d’y parvenir? Est-il possible de concilier des objectifs réformistes avec des objectifs révolutionnaires? Existe-t-il des initiatives à rejoindre ou à créer qui, sans être immédiatement révolutionnaires, ou décisives, peuvent permettre de véritablement améliorer la situation sur des plans sociaux et/ou écologiques?
   Il n’y a qu’en parvenant à formuler les interrogations et les discussions les plus honnêtes possibles que nous aurons une chance de parvenir aux réponses les plus justes possibles.

Article intégral :

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(1) Un exemple concret dans une région où le nombre d’incendies a dramatiquement augmenté depuis quatre ans selon les résidants – en saison, la température atteint facilement les 40°C et la pluie est extrêmement rare. 

Californie


La majorité des survivants de Paradise accusent le réchauffement climatique que Donald Trump considère comme un canular. Des morts, des disparus et des survivants aux mains vides qui veulent quitter la Californie. 

Reportage Californie : au cœur des incendies

En 2018, la ville de Paradise, en Californie, a été ravagée par un incendie d’une ampleur sans précédent. Ce reportage revient sur ce terrible évènement en donnant la parole aux victimes et aux secouristes. (Production : Frontline PBS, États-Unis)  

Version originale en anglais si vous avez accès à la zone
Fire in Paradise, October 29, 2019

Pensons aussi à l’Australie où des incendies font souvent rage, mais cette année a peut-être été la plus sinistre : des températures autour de 45°C, d’immenses pertes d’animaux sauvages et domestiques, de végétation, et un niveau de smog insupportable. 

Australie

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