Ça doit
être formidable de causer tout bonnement de la misère du monde, de s’inquiéter des
inégalités économiques grandissantes qui pourraient menacer les intérêts des individus
les plus riches les plus puissants; de discuter des conflits internationaux, de
la pauvreté et des problèmes environnementaux sans se sentir coupable de les
avoir créés, et ironiquement, dans le confort d’un environnement luxueux et
sécuritaire.
Wikipédia : De simple réunion informelle de
chefs d'entreprise européens, le forum de Davos s’est peu à peu transformé en club planétaire de décideurs. Il a
acquis sur la scène économique mondiale un poids et un pouvoir impressionnants,
ce qui fait dire à ses détracteurs qu’il est l’incarnation d’un impérialisme économique. La puissance
du forum économique mondial est telle que, malgré son caractère
non-démocratique (il n’est pas une instance élue), l’ONU a mis en place depuis
1998 un partenariat avec lui, permettant une
implication croissante des entreprises dans le règlement des affaires
économiques mondiales. Réseau de dirigeants organisés pour conforter la
mondialisation libérale, le forum entend donc aussi faire jouer un rôle de plus
en plus important aux dirigeants d’entreprises au détriment du rôle de
régulation des États. Il œuvre à affirmer la légitimité d’une nouvelle
«gouvernance globale» des affaires économiques mondiales, où les entreprises,
par la prise en compte d’impératifs éthiques, par une implication citoyenne,
seraient aptes à remplacer le rôle jugé défaillant et obsolète des États.
Le Forum économique mondial de même que le
G8 peuvent être considérés comme des institutions impérialistes puisque, alors
qu’elles constituent des instances non élues, et qu’elles représentent non pas
les intérêts de la population mondiale mais seulement des très grandes
entreprises, des banques et les États les plus riches, elles s’arrogent le
droit de prendre des décisions majeures sur les orientations économiques du
monde.
Radio-Canada /
Agence France-Presse : Des
séances de méditation du petit matin aux cocktails de fin de soirée, en passant
par les séminaires et projections, les journées s'annoncent bien remplies.
Friands des thèmes consensuels, les participants planchent cette année sur le
thème «Construire un avenir commun dans un monde fracturé».
Certains se pencheront ainsi sur la «Quatrième
révolution industrielle» et l'avenir du travail face à l'intelligence
artificielle et l'automatisation. D'autres débattront des enjeux
géostratégiques à l'heure du Brexit, des risques financiers, de la sécurité
alimentaire ou de la mobilisation face aux épidémies.
«Il est
difficile de trouver des responsables politiques et des chefs d’entreprise qui
affirment ne pas s’inquiéter des inégalités. Il est encore plus difficile d’en
trouver qui prennent des mesures pour les combattre.» ~ Winnie Byanyima,
directrice générale d’Oxfam International
La
question à un million de dollars : pourquoi signer des accords de
libre-échange inéquitables, désavantageux?
M.
Trudeau fait valoir son thème de prédilection, la classe moyenne, qu’il entend «aider» en concluant des accords avec
des chefs de multinationales comme ABB Group, Alibaba, Alphabet/Google,
BlackRock, Coca-Cola, DP World Ericsson, Investor AB, Microsoft, Royal Dutch
Shell, Thomson Reuters, UBS et UPS, dédiées au consumérisme. Vendez-nous votre
scrap et en échange vous obtiendrez à rabais ce que nous avons de mieux.
Accueillons le dumping et la croissance de déchets à bras ouverts, et Donal Trump
pourra, avec raison, qualifier le Canada de «shithole country».
J’ai
espoir que nous allons finir par comprendre que le libre-échange capitaliste
mondial n’est pas équitable et que ce n’est pas du populisme que de valoriser, respecter, favoriser et défendre notre
propre main-d’œuvre, nos propres entrepreneurs, manufacturiers, producteurs et
exportateurs; et que small is beautiful. Revenons aux définitions simples du dictionnaire : le libre-échange est un système dans lequel les échanges commerciaux entre les États sont libres ou affranchis des "barrières" [par ex. une réglementation juste qui mettrait des bâtons dans les roues] qui les entravent; et le protectionnisme est une politique douanière qui vise à protéger l'économie nationale contre la concurrence étrangère. Pourquoi se donner en pâture à des prédateurs sans conscience qui usent de chantage et de menaces? Avons-nous perdu le droit de sauver nos meubles des dérapages de la mondialisation?
Radio-Canada, Raphaël Bouvier-Auclair : Dans une déclaration consultée par
Radio-Canada et qui sera rendue publique sous peu, des organisations dont
Greenpeace, la CSN, la CSQ et la FTQ soulignent des aspects de l'ALENA qu'elles
jugent problématiques en matière d'environnement.
Les organismes donnent en exemple le
chapitre 11 de l'accord initial, qui permet
à des entreprises de poursuivre des gouvernements, notamment en lien avec leurs
politiques en matière de protection de l'environnement.
Cette clause de l'ALENA a déjà été utilisée
contre le gouvernement canadien. En fait, en vertu du chapitre 11, Ottawa a été trois fois plus poursuivi que
le Mexique et six fois plus que les États-Unis.
«Ces accords mettent en péril la
souveraineté des États, qui doivent avoir comme unique intérêt celui de veiller
au bien-être et à la santé de leurs citoyennes et citoyens.» (Extrait de la
déclaration)
Par ailleurs, dans leur déclaration, les
représentants des différents groupes demandent aux négociateurs canadiens
d'intégrer des références à l'Accord de Paris sur le climat dans le texte de
l'ALENA.
L'Accord économique et commercial global
entre le Canada et l'Union européenne, qui a été signé en 2016, mentionne par
exemple que «la mise en œuvre de l'Accord de Paris constituera une importante
responsabilité» des pays membres.
Selon Patrick Bonin de Greenpeace, il faut
aller encore plus loin, puisque les clauses de l'accord conclu entre le Canada
et l'Union européenne à ce sujet ne sont pas contraignantes. «Il faut que tous
les accords commerciaux, les outils économiques, viennent renforcer nos
engagements internationaux, comme l'Accord de Paris, et non pas les diluer.» ~ Patrick
Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace
Cinq enjeux de l'ALENA qui posent problème
Entente de principe en vue d'une nouvelle
mouture du Partenariat transpacifique
D'un
côté, le Canada prend des mesures pour diversifier son commerce en signant le
Partenariat transpacifique (PTP) à Davos. De l'autre, les États-Unis imposent
des tarifs douaniers sur des machines à laver et des panneaux solaires
asiatiques.
Le Canada
et dix autres pays de la zone Asie-Pacifique se sont entendus mardi sur les
termes de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste
(PTPGP), une entente de libre-échange qui permettra d'abolir des milliers de
barrières tarifaires entre les pays signataires, dont le Japon, troisième
économie mondiale.
«Cet accord est un bon accord pour les Canadiens,
car il créera de l'emploi et de la prospérité pour la classe moyenne», a
commenté M. Trudeau dans un discours prononcé à Davos, à l'occasion du Forum
économique mondial. «Le commerce peut donner plus de force à la classe moyenne,
mais nous devons veiller à ce que les bénéfices soient répartis parmi tous les
citoyens. Nous travaillons très fort pour que notre voisin du Sud reconnaisse à
quel point l’ALENA est bon, non seulement pour notre économie, mais pour leur
économie et celle du monde entier.» ~ Justin Trudeau, premier ministre du
Canada
Le libre-échange accroît les inégalités
économiques
La
compétition est féroce et ce sont toujours les «petits» qui perdent au change.
Je sais, on répète sans cesse qu’il est dans la nature des choses que les gros
mangent les petits.
Mais,
si nous sommes l’espèce animale la plus intelligente, qu’est-ce qui nous
empêche d’inventer un système différent?
Le biologiste Michel Leboeuf, en entrevue à
l’émission Médium large (R.-C.
23/01/2018), disait que notre société n’a retenu que l’aspect sélection naturelle de la théorie de
Darwin – compétition, prédation, lutte pour la vie, loi du plus fort –, et
totalement occulté l’aspect entraide et coopération qui existe dans tous les
règnes.
«Les gens ont associé compétition et
rivalité à la notion de progrès. La plupart des vidéos sur les animaux ont
tendance à ne montrer que le côté prédation : ça marque les esprits de
voir un lion dévorer une gazelle. On voit rarement les interactions positives,
les échanges de biens et services dans la nature et pourtant elles sont plus
nombreuses que les interactions négatives [de compétition/prédation]. La
collaboration fait partie intégrante de l’évolution dans la nature. Beaucoup
d’énergie positive circule...»
~ Michel
Leboeuf (non textuel)
Son prochain ouvrage : Parole d’un bouleau jaune, à paraître
bientôt aux Éditions MultiMondes. http://michelleboeuf.com/
Nous
avons privilégié la compétition sauvage au lieu de la coopération par commodité :
ça donne le droit de faire n’importe quoi, ce que les croyants justifient par «c’est
la main de Dieu qui agit»!
En attendant que les Ebenezer Scrooge qui
gèrent la planète se transforment, jetons un coup d’œil sur les conséquences de
la cupidité et du culte de la croissance économique. Je vous invite à lire un
article publié sur Psychology Today, au sujet des impacts psychologiques des
inégalités socioéconomiques.
How
Free-Market Capitalism is Feeding Economic Inequality
Income
inequality is getting worse in the U.S. under laissez-faire capitalism.
Ray
Williams (author of Eye
of the Storm: How Mindful Leaders Transform Chaotic Workplaces, Breaking Bad
Habits, and The Leadership Edge)
Posted Jan 15, 2018 | Psychology Today
J’ai
traduit quelques passages
Les inégalités de revenus s'aggravent aux
États-Unis en raison du laisser-faire capitaliste
Le
libre-échange occidental fut le premier système à propulser l'économie et à
améliorer le niveau de vie dans les pays développés. Bien qu'il y ait eu de
nombreux avantages au capitalisme, il a cependant favorisé de plus en plus les
grandes entreprises et les individus fortunés.
Si vous questionnez le capitalisme en
Amérique, on vous soupçonne de prôner le socialisme ou le communisme. Souvent,
on vous suggérera d’aller vivre ailleurs, par exemple en Russie ou en Chine, où
il n'y a pas de liberté ni de d’opportunités individuelles. Ils refusent
d’admettre que le libre-échange capitaliste est inaccessible à la plupart des
gens. [...]
Le système capitaliste
[...] Selon
Tim Jackson, auteur de Prosperity without
Growth – Economics for a Finite Planet (La prospérité sans croissance –
l'économie pour une planète finie) : «Chaque société s'accroche à un mythe
selon lequel elle fonctionne. Notre mythe est la croissance économique. Au
cours des cinq dernières décennies, poursuivre la croissance à travers le monde
a été notre unique objectif politique. La taille de l'économie mondiale est
cinq fois plus imposante qu’il y a un demi-siècle. Si elle continue à croître
au même rythme, elle atteindra 80 fois sa taille en 2100. Le problème, c’est
que cette extraordinaire montée en puissance de l'activité économique mondiale
est sans précédent historique. Elle est en totale contradiction avec la nature
limitée des ressources et l'écologie fragile dont nous dépendons pour
survivre.»
Le capitalisme occidental est
structurellement dépendant de la croissance pour sa stabilité. Lorsque la
croissance s’affaisse – comme ce fut le cas récemment – les politiciens
paniquent. Les entreprises luttent pour survivre. Les gens perdent leur emploi
et parfois leur maison. Remettre en question la croissance est perçu comme une
folie propagée par des idéalistes et des révolutionnaires.
«Mais la crise économique nous donne une
occasion unique d'investir dans le changement pour balayer cette vision à court
terme adoptée par la société depuis des décennies – par exemple, en nous
engageant à remanier radicalement le dysfonctionnement des marchés boursiers.
La spéculation effrénée des matières premières et des produits dérivés a mené
le monde financier au bord de l'effondrement, il y a à peine trois ans. Elle
doit être remplacée par une autre façon de voir le capital. Revoir le système
économique n'est qu'une partie de la bataille. Nous devons également faire face
à la logique tordue du consumérisme. Le temps de gaspiller de l'argent que nous
n'avons pas pour des choses dont nous n'avons pas besoin pour impressionner des
gens qui nous laissent indifférents, est révolu.» (Tim Jackson)
Le capitalisme étant notre dogme, la
dévotion aveugle au PIB et à la sous-jacente croissance économique illimitée
est devenue notre échelle de mesure. Cela s’est traduit par l’impératif
d'augmenter le PIB, partout, d'année en année, à un rythme accéléré, même si
nous savions que l’accroissement du PIB, à lui seul, ne faisait rien pour
réduire la pauvreté, rendre les gens plus heureux et en meilleure santé, et que
les facteurs de bien-être social étaient négligés. Le PIB mondial a augmenté de
630 % depuis 1980, et en même temps, par le biais de certaines mesures, les inégalités,
la pauvreté et la faim ont augmenté. [...]
L'impact psychologique des inégalités
économiques
L'impact
psychologique de l'inégalité économique sur la population dans le cadre du
capitalisme occidental a presque totalement été ignoré par la recherche. [...]
Oliver James, psychologue et
psychothérapeute, a publié une étude dans laquelle il a examiné les liens entre
le capitalisme égoïste (selfish capitalism or SC) et la maladie mentale. Il
définit le capitalisme égoïste selon les caractéristiques suivantes :
évaluation du succès des entreprises sur la valeur de l'action boursière; forte
privatisation des biens collectifs tels que l'eau, le gaz et l'électricité;
réglementation minimale des services financiers et de la main-d’oeuvre,
privilégiant les milieux de travail qui favorisent fortement les employeurs et
défavorisent les syndicats, ce qui facilite l'embauche et le licenciement;
conviction que la consommation et les choix du tout-marché peuvent répondre à
presque tous les types de besoins. En revanche, il définit le capitalisme
désintéressé (unselfish capitalism or UC) selon les caractéristiques suivantes:
l'État assume la responsabilité de garantir un minimum de bien-être économique à
ses citoyens; assure un important filet de sécurité sociale; établit une taxation
progressive plus rigoureuse; et accorde moins d'avantages fiscaux aux plus riches,
voire aucun. [...]
Chez les personnes les plus démunies financièrement (un secteur de la population qui s’élargit de plus en plus), le capitalisme crée un état similaire à la domination psychologique que vit la personne gardée en captivité. La domination psychologique est plus probable lorsque 1) la menace est imprévisible et 2) s’il y a des périodes de relative sécurité suivies de chaos et de violence. Bien sûr, l'impact psychologique du capitalisme n'atteint pas la gravité de ce que vit une personne privée du droit fondamental d’être libre de tout préjudice. Mon argument veut plutôt souligner que le capitalisme est plus précaire que fiable, qu’il crée des conditions souvent inhumaines et qu’il peut introduire un stress traumatique. [...]
En fait, le capitalisme entrepreneurial à l’américaine
– un système économique hautement concurrentiel adopté par les États-Unis,
l'Angleterre, l'Australie et le Canada – encourage le matérialisme plus que les autres formes de capitalisme, selon une étude du psychologue Shalom
Schwartz de l'Université hébraïque de Jérusalem. Il a comparé les valeurs des
gens dans les pays plus compétitifs avec celles des gens dans les pays qui
pratiquent une forme de capitalisme plus coopératif, comme l'Autriche,
l'Allemagne et la Norvège. Ces pays misent davantage sur la coopération
stratégique entre les différents acteurs de l'économie et la société pour
résoudre leurs problèmes économiques, tels que le chômage, le travail et les
questions commerciales, plutôt que de s'appuyer principalement sur la
concurrence du tout-marché comme aux États-Unis. Comme prévu, les citoyens qui
vivent dans un système économique plus concurrentiel se soucient davantage de
l'argent, du pouvoir et du succès individuel que les citoyens qui vivent dans
des systèmes plus coopératifs.
L'argent et la communauté sont
essentiellement incompatibles parce qu'ils se nourrissent de motivations fondamentalement différentes. Aider la communauté et établir des relations personnelles satisfont des
besoins psychologiques intrinsèques tandis que la réussite financière répond à
des besoins de récompense et de louanges extrinsèques. Et pour ceux qui sont
motivés par les récompenses, le modèle corporatif américain peut même encourager
des comportements contraires à l'éthique.
Ces perspectives sont reflétées par Allen
Kanner, dans son article The Cynical
Psychology of Capitalism. Kanner soutient que la santé psychologique inclut
un sens bien développé de l'empathie et la capacité de mettre les besoins de la
population au-dessus des siens, tout en continuant de s'occuper de soi.
Kanner dit que ces considérations générales ne s’appliquent pas au capitalisme
car les gens sont fondamentalement égoïstes (1). Ce système économique est
fataliste, voire carrément cynique. Il rabaisse les valeurs morales et sociales
et le développement émotionnel de l’humanité au plus bas niveau. Il offre peu
d'espoir d'amélioration collective. Les partisans de la libre entreprise
affirment qu'il est futile de tenter de modifier notre caractère égoïste; que
le marché doit plutôt s'organiser sur le principe du chacun pour soi.
Kanner soutient que l'objectif principal du libre-échange capitaliste est l'accumulation de richesse individuelle, censée procurer le bonheur. Il existe maintenant une abondance de recherches qui démontrent qu’une fois les besoins de la survie comblés – logement, nourriture, vêtements, etc. – la relation entre richesse et bonheur est négligeable. En fait, aspirer à devenir riche peut être nocif. Des études interculturelles indiquent également que l'adoption de valeurs matérialistes est associée à la dépression, l'anxiété, la toxicomanie, au manque de sociabilité, à une faible estime de soi, à des symptômes psychosomatiques (maux de tête, maux de gorge, etc.), et à une diminution de la satisfaction dans la vie. Les valeurs matérialistes sont également liées à des comportements antisociaux comme la tricherie et les petits vols, le racisme et la destruction de l’environnement. Les matérialistes sont moins empathiques et ont des relations plus courtes et conflictuelles avec leurs amis et leurs partenaires amoureux ainsi qu’avec leurs pairs moins matérialistes.
La progression des inégalités de revenus
Les
États-Unis possèdent peut-être l'économie la plus importante et prospère du
monde, et elle est clairement dédiée au capitalisme sans gêne, mais les inégalités et
les problèmes sociaux sont proportionnels. [...]
«Le superflu des riches devrait servir pour le nécessaire des pauvres, mais tout au contraire, le nécessaire des pauvres sert pour le superflu des riches.» ~ Jean Domat (1625-1696)
Le
fondement moral du capitalisme est la méritocratie
(1). Le terme méritocratie décrit une
société qui récompense ceux qui possèdent un talent et des compétences qu’ils
ont démontrés par des actions passées ou par un rendement concurrentiel. Ce concept
est souvent lié au mythe du «self-made man». L'Amérique a toujours été
considérée comme le pays de l'égalité des chances… [C’est] maintenant un mythe
renforcé par des anecdotes et des histoires, mais non corroborées par des
données. Les chances pour qu’un citoyen américain fasse son chemin de bas en
haut sont inférieures à celles des citoyens d'autres pays industrialisés.
L’autre mythe – Rags to Riches en trois générations – fait valoir que si une personne a atteint le sommet elle doit continuer de travailler dur pour
y rester sinon ses descendants chuteront au bas de l’échelle. La réalité est
que les enfants des riches restent généralement en haut de l’échelle.
Il existe un lien évident entre l'augmentation
alarmante des inégalités de revenus et le paradigme dominant du capitalisme de
libre-échange. [...]
Certains affirment que les organisations
d'aujourd'hui sont des oligarchies, créées et renforcées par le système de
libre-échange. Le monde occidental a adopté le concept et l'ensemble des
principes qui définissent la démocratie qui comprend le consentement des
gouvernés. Mais depuis la montée du capitalisme occidental, les entreprises
fonctionnent principalement de manière non-démocratique. Les entreprises
gérées par des actionnaires ou des propriétaires sont soumises aux lois de la
juridiction dans laquelle elles exercent leurs activités, mais elles ne sont
pas soumises à la volonté de leurs employés ou de leurs clients. De sorte qu’on
peut affirmer que la plupart des corporations fonctionnent comme des
oligarchies.
L'avenir du capitalisme
[...] Depuis
un certain temps, le capitalisme s’est métamorphosé dans les pays européens, en
particulier dans les pays scandinaves. Leur forme de capitalisme inclut en fait
certains éléments du socialisme, avec un accent mis sur le bien-être général de
la population, plutôt que sur l'accumulation du capital et le pouvoir laissé entre
les mains de quelques-uns, comme aux États-Unis. Et quand il s'agit de
socialisme, de nombreux Américains ont une vision limitée ou déformée de ce
qu'elle est, en l'assimilant à tort au communisme. Par contre, quand on leur
demande leur avis sur les avantages sociaux et les politiques des pays
mi-socialistes comme la Norvège ou le Danemark, notamment sur des questions comme
l'universalité des soins de santé, les congés parentaux ou l'éducation, alors
là, ils approuvent.
Une chose est certaine pour de nombreux
experts économiques et pour la population en général : le capitalisme de
libre-échange occidental qui continue à concentrer la richesse entre les mains
de quelques-uns et à augmenter l'inégalité économique au détriment de la majorité
de la population est une source de grave préoccupation et de contestation.
Complément
Les passagers clandestins, Ianik Marcil; Somme toute (2016)
...ce
déploiement de la pensée néolibérale survient à la fin des régimes de Thatcher
et de Reagan, en 1989. Il s’agissait de la mise en place d’un ensemble de
mesures instaurées par la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international,
en accord avec le département du Trésor des États-Unis, pour soutenir les
économies ayant des difficultés à rembourser leurs dettes suite, notamment en
Amérique latine. ...ces mesures visaient à privatiser les services publics, é
déréguler les marchés, à éliminer les subventions et à ouvrir les frontières de
ces pays au commerce international. [...] ...Jusqu’à la crise de 2008, il y a eu à peu
près aucune place pour un discours critique du tout-marché, du libre-échange,
du laissez-faire
et de la privatisation des services publics. Tout l’espace public est occupé
par ce discours hégémonique, présenté dans les médias par la classe politique
et par les dirigeants économiques comme étant le seul valide, souhaitable et
vrai.
Si la brèche de 2008 permet maintenant cette
remise en cause du discours hégémonique néolibéral, le dogme du tout-marché n’a
toutefois pas dit son dernier mot. L’ère néolibérale s’est terminée avec la chute
du Mur de Berlin; nous sommes alors entrés dans l’ère postlibérale, beaucoup
plus sournoise.
...Le discours de vérité de l’idéologie
postlibérale est encore plus hégémonique que celui du néolibéralisme. Il est le
véritable passager clandestin de la pensée politique contemporaine et il y a
urgence à lui faire payer son ticket. (p. 24/28)
Même le
Fonds monétaire international (FMI) qu’on peut difficilement confondre avec un
groupuscule militant de gauche, démontrait dans une étude publiées en 2015 que
la montée des inégalités de revenus nuisait à la croissance économique et qu’il
fallait les combattre. La mondialisation, les innovations technologiques, la
financiarisation de l’économie et le retrait graduel du rôle redistributif de
l’État sont les principaux facteurs expliquant la montée de ces écarts de
richesse. Non seulement la richesse des 1 % ne ruisselle pas dans l’économie et
de crée pas de croissance, mais les inégalités économiques menacent la
stabilité du capitalisme mondial, comme l’a démontré James K. Galbraith,
analysant l’évolution des grandes économies mondiales sur une cinquantaine
d’années. Plus un pays a connu des inégalités et moins il a joui d’un État
redistribuant les richesses, plus son économie connaîtra des soubresauts
nuisibles, particulièrement pour les moins riches.
...les payeurs de taxes fortunés – qui
vivent de l’angoisse fiscale, selon les mots du chef de l’opposition officielle
au Québec en 2012, Jean-Marc Fournier – feront preuve d’imagination, ou plus
précisément de fiscalité créative, figure de style alambiquée qui désigne les
manœuvres comptables visant à tirer le plus d’avantages des lois sur l’impôt. Pas
pour rien qu’on parlera alternativement d’optimisation fiscale, car il s’agit
effectivement de calculs coûts-bénéfices, souvent complexes. À cette fin, on
recourra, pour les plus riches, aux paradis fiscaux, ces «juridictions
de complaisance», ainsi que les appelle Alain Deneault, leur offrant de
transférer une partie de leur fortune qui sera, par la suite, largement
exemptée d’impôts sur les revenus qu’elle générera. ... Dans ce contexte, tout
nous incite à l’évitement fiscal, ce qui peut conduire à diminuer l’assiette
fiscale sur laquelle comptent les gouvernements pour financer les services
publics et redistribuer la richesse collective. Comment pourra-t-on
redistribuer la richesse si l’on tarit la source de revenus de l’État? (p.
104-106)
Parenthèse
Le
fantôme de l’ex premier-ministre canadien Brian Mulroney plane au-dessus de l’ALÉNA
et du PTP. Il avait poussé très fort sur le libre-échange à l’époque. Sans
surprise, son nom est apparu dans les dossiers Paradise Papers, pour avoir siégé au conseil d’administration de
Said Holdings, une société incorporée aux Bermudes; il aurait servi
d’intermédiaire dans un contrat militaire controversé entre la Grande-Bretagne
et l’Arabie saoudite. Il s'en dit fier.
L’ex premier-ministre Paul Martin figure aussi
au palmarès. L’entreprise navale Canada Steamship Lines (CSL) dirigée pendant
de nombreuses années par l’homme d’affaires et ex-politicien libéral, est un
important client d’Appleby. La fuite révèle l’existence d’une quinzaine de sociétés
liées à CSL dont la plupart sont enregistrées aux Bermudes, où le taux
d’imposition est nul. Appleby compte comme clients non seulement des
multimillionnaires qui souhaitent faire fructifier leurs fortunes en réduisant
leur fardeau fiscal, mais aussi un nombre important de multinationales.
Enfin, l’ex-premier ministre Jean Chrétien est
listé dans un registre interne détaillant les options d’achat de Madagascar Oil
Limited, une société incorporée aux Bermudes. Son nom complet – Joseph Jacques
Jean Chrétien – apparaît comme titulaire de 100 000 options d’achat.
L’ex-politicien confirme avoir été embauché comme consultant par cette
compagnie après avoir quitté la politique, mais assure n’avoir jamais reçu, ni
même été informé, des options à son nom. [!!]
En tout cas, on peut dire que nos ministres ont de la classe...
En tout cas, on peut dire que nos ministres ont de la classe...
---
(1) Si les
riches ont du mérite, c’est celui de savoir exploiter et profiter des classes dites inférieures. Diverses études
scientifiques ont été menées sur les gens riches. On voulait savoir s’ils
étaient plus heureux, vivaient en meilleure santé et plus longtemps, s’ils
étaient plus intelligents, moins gentils, plus égoïstes, etc. Deux chercheurs
américains, Michael Kraus et Dacher Keltner *, se sont demandé si les personnes
riches se sentaient supérieures aux autres et attribuaient leur succès uniquement
à leurs qualités personnelles. On s’en doute, il est bien tentant de croire que
la richesse vient du talent et/ou du travail acharné et que si les autres ne
sont pas aussi riches, c’est parce qu’ils travaillent moins fort. Après avoir
demandé à un groupe de participants de répondre à toutes sortes de questions
concernant le rang social et la profession, Kraus et Keltner sont arrivés à la
conclusion que les gens faisant partie
des classes sociales les plus élevées ont réellement tendance à croire qu’ils
méritent leur succès, et que ceux qui ont moins de succès le méritent aussi,
tout simplement.
* How the rich are different from the poor – the research
by Paul Piff, Michael Kraus, Jennifer Stellar, Dacher Keltner, and Robert
Knight was featured in an article on social class in New York
Magazine:
The
Money-Empathy Gap
New research suggests that more money makes people act
less human. Or at least less humane. (By Lisa Miller)
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