22 juillet 2016

Gaz Bar Anticosti

Les anomalies décisionnelles du PLQ

«Qu’est-ce que cela peut faire que je lutte pour la mauvaise cause puisque je suis de bonne foi? Et qu’est-ce que cela peut faire que je sois de mauvaise foi puisque c’est pour la bonne cause?» ~ Jacques Prévert

En principe, un gouvernement élu est supposé décider ou trancher s’il y a lieu. On dit par ailleurs qu’il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée. Néanmoins, quand ça se produit au quotidien, on peut légitimement se questionner. Les élus seraient-ils atteints du trouble dissociatif de l'identité (TDI) ou d’amnésie dissociative? Selon le DSM-V, les patients atteints de TDI présentent des alternances de personnalité (ou d'états de personnalité) différentes, et peuvent passer de l'un à l'autre sans pouvoir le contrôler.

On peut avec raison blâmer le Parti Québécois d’avoir cautionné la fracturation hydraulique à l’Île d’Anticosti. Incompréhensible. Comment peut-on prétendre aimer une province (qu’on voudrait un pays) et l’offrir en pâture à des industries génocidaires – en ce sens qu’elles détruisent la faune et la flore, polluent les habitats, l’eau et l’air, et menacent conséquemment la vie des humains? Cela tend à prouver que ce ne sont pas les élus qui gouvernent, mais plutôt les lobbies corporatifs. 
     Vu sa grande obsession du développement économique, le PLQ aurait sans doute fait comme le PQ s’il avait été au pouvoir à ce moment-là. Car le PLQ continue d’approuver toutes sortes de projets destructeurs pour l’environnement, quand il ne les finance pas lui-même. Ainsi, les machines à cash industrielles font la pluie et le beau temps et ne lâchent ni Anticosti ni les rives du fleuve ni les terres arables.

Je jubilerais si, ironiquement, les nations autochtones du Québec, après que nous les ayons méprisées pendant des siècles, nous épargnaient la destruction d’Anticosti et du fleuve : «Le chef du Conseil des Innus d'Ekuanitshit, Jean-Charles Piétacho, a déposé une nouvelle demande d'injonction provisoire et interlocutoire à Québec, pour empêcher tous travaux de forage sur l'île d'Anticosti. Si la demande est approuvée, elle entrera en vigueur rapidement en attendant que la cour rende sa décision sur l'injonction permanente qui a été déposée précédemment à Montréal.»


«Cheers, c’est notre tournée!»  (Gas Bar Pétrolia/Anticosti)

Dire oui et non simultanément = noui

Alexandre Robillard, La Presse  Le premier ministre Philippe Couillard, selon qui il est «terrible» de prélever l'eau des rivières sur l'île d'Anticosti, a soutenu vendredi qu'il est sur la même longueur d'onde que son ministre David Heurtel, pour qui l'opération est «minime» et «acceptable».
     M. Couillard n'a vu aucune contradiction entre ses propos et ceux du ministre de l'Environnement, tenus à quelques jours d'écart, au sujet des activités d'exploration d'hydrocarbures sur l'île, dans l'estuaire du Saint-Laurent. 
     «En fait, on a un discours qui est le même pour tout le monde, on est pris avec un contrat que vous connaissez, il faut l'exécuter, on l'exécute pleinement», a-t-il dit dans un point de presse clôturant une mission en Europe. 
     Mercredi, lors d'une étape à Hambourg, M. Couillard a jugé qu'il était «terrible» de prélever 30 millions de litres d'eau dans une rivière à saumons, une opération pourtant approuvée par le ministère de l'Environnement. 
     Une semaine plus tôt, à Québec, M. Heurtel avait minimisé l'impact de cette opération de la coentreprise Hydrocarbures Anticosti, dont le gouvernement est un partenaire financier avec la société Pétrolia. Selon le ministre, «cet impact a été jugé acceptable au niveau de l'analyse scientifique qui en a été faite».

Malheureusement :

* La pétrolière Suncor confirme qu'il y a eu une fuite de pipeline sur l'un de ses sites de sables bitumineux à Fort McMurray vendredi en matinée. – Pour le moment, la substance en question est inconnue ainsi que la quantité qui s'est écoulée. Par mesure de sécurité, l'accès à un pont et au site ont été fermés, mais ceux-ci ont finalement été rouverts vers 7 h 30. L'Agence de réglementation de l'énergie de l'Alberta a été avisée et une enquête est en cours.  

* Fuite de pétrole dans la rivière Saskatchewan Nord – North Battleford cesse de pomper l'eau – La Ville de North Battleford a cessé de pomper l'eau de la rivière Saskatchewan Nord en raison d'un déversement de plus 200 000 litres de pétrole de la compagnie Husky Energy. Un porte-parole de la Ville, Stewart Schafer, déclare qu'une nappe de pétrole a été détectée dans la rivière en aval de la municipalité, à la frontière de la Saskatchewan et de l'Alberta. De son côté, Husky Energy a mentionné par courriel que l'activité du pipeline avait été suspendue et que l'équipement approprié avait été installé le long de la rivière. La pétrolière attribue le déversement survenu jeudi matin à une brèche dans un pipeline transportant du pétrole lourd et une substance diluée.

* La Cour suprême du Québec coupe la poire en deux dans le litige opposant Québec à Pétrolia – Contrairement à ce que Pétrolia réclamait, ses partenaires dans la société Hydrocarbures Anticosti n'auront pas à verser les 13 millions de dollars requis pour effectuer des forages exploratoires d'hydrocarbures, cet été, sur cette île du golfe Saint-Laurent.
     C'est ainsi que la Cour supérieure du Québec a tranché, vendredi, le litige opposant la pétrolière québécoise à Ressources Québec, filiale d'Investissement Québec et de Saint-Aubin, filiale de la société française Maurel et Prom.
     Toutefois cette décision du juge Martin Castonguay n'est pas entièrement défavorable à Pétrolia: en effet le magistrat somme Québec et Saint-Aubin à financer, mensuellement, l'administration du projet, de même que le salaire des travailleurs et ce, jusqu'en mai 2017.
     De plus, le juge Castonguay somme les parties de nommer un administrateur indépendant au sein du CA de Hydrocarbures Anticosti, d'ici 30 jours.
(Radio-Canada avec La Presse Canadienne)

Et, ce sont nos taxes qui nourrissent la bête énergivore, cette calamité publique. «Un projet dont les retombées économiques seraient les plus importantes au Québec, du jamais vu», affirme le PDG de Pétrolia. Qui ramassera les retombées? Quelle bande d’entêtés totalement dépourvus de simple bon sens. «Nous ne faisons rien pour éliminer le risque de notre propre extinction. Cette société est si horrible, qu'on n'a plus du tout envie d'y vivre», disait Noam Chomsky dans une interview.

«La richesse est comme l’eau de la mer, plus on en boit, plus on a soif.»
~ Arthur Schopenhauer 


Gaston Menier

Un brin d’histoire – Elle commence avec le cupide Henri Menier qui a acheté l’Île d’Anticosti en 1895 pour en faire une réserve de chasse et de pêche personnelle (aussi pour les élites). En important les espèces animales préférées des chasseurs, il a complètement bousillé le processus naturel d’élimination inter-espèces. À sa mort en 1913, son frère Gaston en hérite; puis il la vend à la Wayagamack Pulp and Paper Company  en 1926. En 1974, le gouvernement du Québec rachète l'île. Quarante ans plus tard, en 2014, le gouvernement Marois (PQ) fait un premier pas vers l'exploitation pétrolière à l'île d'Anticosti en investissant 115 millions $ dans deux projets visant à vérifier son potentiel d’exploitation. Une entente a ainsi été signée avec les entreprises Pétrolia, Corridor Resources et la pétrolière française Maurel & Prom, et une autre avec Junex, pour la réalisation de deux programmes d'exploration devant chacun se dérouler en deux phases.

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L'histoire se répète... 

Une terre sans moustique ni pou
Par Serge Bouchard (1) 

Mon frère, le géologue, me disait un jour: «Tu sais, la Terre, nous lui sommes profondément indifférents, elle se passerait bien de nous. Quand nous aurons tout détruit de sa beauté, elle s’en refera une, elle sera belle une autre fois, mais serons-nous encore là pour le constater?» Les temps cosmiques et géologiques sont des temps qui nous dépassent. La beauté du monde n’est pas humaine, elle se situe hors de notre entendement; en sommes-nous si jaloux? Car il faut croire que l’humain vit sur la Terre dans le seul but de la défigurer.

J’ai une amie qui revient d’Hawaï. Ces îles volcaniques, depuis toujours isolées du reste du monde, s’étaient au fil du temps transformées en paradis des arbres et des fleurs, bougainvilliers, orchidées, hibiscus, oiseaux du paradis et des dizaines de variétés dont on ne saurait plus dire le nom. Sur ces îles et ces îlots poussait une forêt tropicale aux arbres magnifiques, dont le fameux Santal, arbre mythique, bois odorant dont les effluves portent à la méditation, invitent à la sagesse et inspirent le calme. Il n’y avait ni prédateur, ni reptile, ni moustique, ni pou, ce qui est bon pour la paix de l’esprit et le repos des vieilles âmes. Soixante-trois espèces d’oiseaux habitaient les îles, en compagnie d’une sorte de chauve-souris et du phoque moine, vieux mammifère solitaire et grognon. La tortue des mers venait pondre ses œufs sur la plage, à l’ombre des palmiers, en toute tranquillité. Il y a près de 2 000 ans, des humains ont abordé ce paradis, c’étaient des Polynésiens de la famille des Maoris, en provenance des îles Marquises. Ils amenaient avec eux la religion des grands Tabous et du Mana, ils apportaient aussi des chiens et des cochons. Plusieurs générations occupèrent pacifiquement les îles de l’Archipel, allant de l’une à l’autre à bord de leur fameuse pirogue, le va’a. Grands navigateurs, ils connaissaient les constellations, sachant s’orienter en haute mer à la seule observation des vagues, du ciel et du vent. Ils mangeaient du porc, des poissons, de la tortue, de grosses mangues juteuses et des bananes. Les chiens étaient heureux qui n’avaient pas de puces, le temps était au beau fixe, avec beaucoup de soleil, beaucoup de pluie, de la chaleur à profusion.

Puis vinrent les bateaux européens. Les îles furent officiellement découvertes en 1778 par le capitaine Cook, qui y trouva d’ailleurs une mort tragique aux mains des indigènes. La Pérouse, Vancouver et combien d’autres vinrent mouiller dans les parages de l’archipel malencontreusement nommé Sandwich, en l’honneur du comte anglais à qui l’on doit le plat du même nom, oh! malheur toponymique! À partir de là, l’île fut déflorée, spoliée, transformée, littéralement salie. Les Anglais n’apportaient pas que des chevaux, des chèvres et des moutons; venaient avec eux les jeux de pouvoir, la hiérarchie monarchique, la syphilis, toute l’avidité, toute la violence, tous les maux du monde. Dès 1810, Hawaï eut son roi, Kamehameha 1er, qui prit pour modèle le roi d’Angleterre. Au nom de la croissance économique, on dépouilla les îles de leur bois de santal, un nombre dramatique de fleurs disparurent en raison des brouteurs, on faillit exterminer les tortues, les phoques et les baleines à bosse. Avec l’introduction de la malaria aviaire, 23 espèces d’oiseaux s’envolèrent…

Dès 1812, le malheur était tel, en ce paradis perdu, que les Hawaïens étaient prêts à tout pour quitter leur île. On en recense même qui partirent travailler en Oregon aux côtés des Canadiens français et des Métis dans les durs métiers de la traite des fourrures – comme le rapporte le Montréalais Gabriel Franchère, en 1811, dans son journal de voyage. En un peu plus d’un siècle, Hawaï changea du tout au tout. Aujourd’hui, la population originale des Hawaïens ne représente plus que 6 % des habitants. Cet État américain est le seul qui soit bilingue, la langue hawaïenne y étant officiellement reconnue. Toutefois, ce statut est symbolique : il reste aujourd’hui moins de 1 000 locuteurs. Malgré la démantibulation de la culture, de la nature et de l’environnement, malgré ses blessures, Hawaï demeure dans l’esprit du tourisme mondial une destination paradisiaque. Mon amie revient d’Hawaï, elle fut sensible à sa beauté, d’autres amis y vont régulièrement, les avions sont pleins, les bateaux de croisière aussi. Des vagues et du soleil, des plages et des hôtels, des fleurs rouges et du ukulélé, du surfing, du kitesurfing, du trecking, du snorkeling, du golf et des ananas, du bon café, des bonnes bananes, de l’observation de volcans, l’archipel est un point chaud dans tous les sens du terme. Mais il suffirait d’un épisode majeur de réveil volcanique pour que tout ce qui est disparaisse et retourne en cendres. La lave effacerait les blessures. Repartirait alors la roue de la beauté, la lente roue de la beauté, qui ramènerait l’odeur du bois de santal, les oiseaux disparus et les fleurs originales auxquelles on pourrait donner de beaux noms, l’innocence en somme, une île pacifique sans moustique ni pou.

L'esprit du lieu 14/05/2016 : http://quebecscience.qc.ca/accueil

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(1) Serge Bouchard est anthropologue, écrivain et animateur de radio (ICI Radio-Canada Première). http://www.sergebouchard.ca/
     Il a publié quinze ouvrages et une soixantaine d’articles portant notamment sur les Inuits, les Amérindiens, les Métis et les peuples autochtones d’Amérique du Nord...  https://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Bouchard

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«Notre monde civilisé n’est qu’une grande mascarade : on y rencontre des chevaliers, des moines, des soldats, des docteurs, des avocats, des prêtres, des philosophes, et que ne rencontre-t-on pas encore? Mais ils ne sont pas ce qu’ils représentent : ce sont de simples masques sous lesquels se cachent la plupart du temps des spéculateurs d’argent (moneymakers).»
~ Arthur Schopenhauer  (1788-1860)

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