10 février 2014

Patriarcat et féminisme

Je cherchais une image pour cet article – et paf! je suis tombée sur ce clip.
Trop bon – à faire circuler.

Majorité opprimée : le film décrit par inversion de rôle (un homme victime d’agression dans une société de femmes dominantes) ce que les femmes vivent (intimidations, violence verbale et sexuelle) dans une société de mâles dominants.
Réalisation : Éléonore Pourriat; 2010 (sous-titrage anglais)



Char McKee, en 1989, disait que les femmes voyaient d’abord le féminisme comme une façon de faire reconnaître leurs droits sur toute la planète. Mais selon elle, ce mouvement planétaire allait beaucoup plus loin car il appelait à un changement de paradigme radical par rapport à des croyances socioculturelles millénaires. Les femmes souhaitaient se libérer du joug patriarcal, résoudre les conflits de manière non-violente, et fonctionner autrement que dans la peur et la soumission.

Noble idéal. L’atteindrons-nous un jour? Je n’oserais parier gros là-dessus…

-------
Le pouvoir de l’amour

L’émergence d’une nouvelle sensibilité vis-à-vis de l’amour pourrait aboutir à un changement de paradigme. Car, si la pensée patriarcale prend racine dans la peur, la pensée féministe prend racine dans l’amour.
       L’équilibre des principes féminin et masculin pourrait unifier politique et spiritualité, science et mysticisme, cœur et cerveau, et engendrer de nouvelles  définitions et dimensions de l’amour. Ces nouvelles définitions et dimensions mèneraient au delà des conceptions patriarcales de l’amour, distordues par la haine violente envers les femmes et la peur du principe «féminin». Nous dépasserions les clichés au sujet de l’amour qui se manifestent par la pornographie, la possessivité, la jalousie, le sentimentalisme, le romantisme, l’impraticabilité, ainsi que l’égoïsme masculin et l’abnégation féminine. N’importe quel changement de paradigme suppose une révision, une rééducation de nos croyances.

Voici un tableau comparatif entre vision patriarcale et vision féministe.

Patriarcat : Le thème central de la création est la séparation.
Notre espèce et toutes les autres formes de vie vivent séparées les unes des autres et ne doivent compter que sur elles-mêmes pour leur existence.

Féminisme : Le thème central de la création est l’interdépendance.
Tous les gens et toutes les formes de vie sont reliés et dépendent les uns des autres pour leur existence.
---
Patriarcat : La seule façon de connaître la réalité, c’est par l’esprit logique.
La seule façon valide de nous connaître ainsi que le monde environnant est d’utiliser la logique. La méthode la plus efficace est la méthode scientifique qui observe la réalité d’une façon objective, linéaire, séquentielle, hiérarchique et impersonnelle à travers la recherche, l’analyse, la comparaison et la déduction.

Féminisme : Il existe plusieurs façons de connaître la réalité.
Il y a plusieurs façons de nous connaître ainsi que notre monde environnant, et elles sont toutes valables. Parmi elles, on trouve l’intuition, les sens, les impressions, les facultés psychiques, et bien sûr le processus logique. La réalité s’observe de façon holistique, cyclique, intuitive, subjective et aussi objective.
---
Patriarcat : La réalité est mécaniste.
Le paradigme dominant concernant la réalité est le paradigme mécaniste qui considère que la matière (le corps, la terre et l’univers) fonctionne comme une machine qui doit être gouvernée selon les lois de la physique et de la biochimie. La science a étudié la matière, l’espace, le temps et l’énergie, et a déterminé qu’une série de lois, de principes, de composants, d’équations et de propriétés qui gouvernaient notre comportement. Un des principaux thèmes de la pensée mécaniste est la théorie de l’évolution qui affirme que toute vie évolue selon le principe «seul le plus fort survit» d’une façon séquentielle, linéaire et très compétitive.

Féminisme : La réalité est vivante.
Le paradigme dominant est le paradigme de l’immanence qui considère que la matière est vivante et possède une conscience. Parallèlement à la matière, à l’espace, au temps et à l’énergie, il est vital d’étudier la conscience de chaque chose. Quelques idées de la nouvelle physique qui décrivent ce paradigme :
a) L’univers est formé par la répétition de pensées et d’événements.  
Une mémoire éducative et une imagination créative sont à l’œuvre  dans toutes les espèces pour  générer une réalité intérieure ainsi qu’extérieure. Ce ne sont pas les forces évolutionnaires qui créent la réalité, mais plutôt la pensée éducative et créative. Si une pensée est maintenue suffisamment  longtemps par le membre d’une espèce, elle se manifestera spontanément.
b) La vie génère continuellement de la vie autour d’elle.
Chaque particule, chaque atome et chaque forme de vie génère d’autres éléments matériels qui en retour la régénère. La vie tend à se déployer plutôt qu’à évoluer linéairement à cause de l’influence de ce qui l’entoure. Les concepts «d’évolution», de «lois fondamentales», d’«équations», de «propriétés» sont des illusions puisque la réalité est formée par des pensées continuellement interconnectés.
---
Patriarcat : La réalité est hiérarchique et polarisée.
Certains aspects de la réalité ont une plus grande valeur ou sont plus évolués que d’autres, et servent de standards aux autres réalités. Quelques exemples communs de polarisation : bon/mauvais, esprit/matière, positif/négatif, supérieur/inférieur, moi/toi, ami/ennemi, raison/émotion, gagnant/perdant. Deux exemples de polarisation dans un contexte hiérarchique :
a) Ce qui est masculin est supérieur.
Une grande part de la réalité intérieure et extérieure est divisée en deux pôles compétitifs, dont une fraction est «masculine» (homme, objectivité, raison, esprit, agressivité, analyse) et supérieure à l’autre fraction «féminine» (femme, subjectivité, émotivité, matière, intuition, protection, synthèse).
b) Ce qui est blanc est supérieur.
Dans la symbolique psychique, ce qui est blanc est «pur», «propre», «lumineux», tandis que ce qui est noir ou obscur est «impur», «sale», «dangereux». La race blanche (et sa culture) est supérieure aux autres races (et leurs cultures).

Féminisme : La réalité est composée de plusieurs systèmes à l’intérieur d’autres systèmes, de vides à l’intérieur d’autres vides.
Nos vies personnelles, ainsi que celles des autres formes de vie, sont des systèmes complets interconnectés à d’autres systèmes complets. Tous les aspects de notre réalité intérieure et extérieure ont une valeur et une signification dans le contexte d’un système global. Les concepts de supériorité et d’infériorité, de masculin et féminin, et de hiérarchie n’ont aucun sens.
---
Patriarcat : Notre nature intérieure est dangereuse.
Notre être intérieur, et celui des autres, recèle des instincts agressifs, des désirs et des émotions qui peuvent être menaçants s’ils s’expriment.

Féminisme : Notre état naturel est l’extase.
Notre être intérieur est par nature programmé pour la joie, comme l’indiquent le fonctionnement de notre système hormonal, nerveux et endocrinien. Ce n’est pas l’expression de cet état naturel qui peut causer du tort, mais la suppression de de l’expression de cet état naturel.
---
Patriarcat : La nature a été créée pour que notre espèce la domine.
Notre espèce est la plus évoluée, la plus intelligente et la plus valable de toute la création; le reste de la nature existe pour répondre à nos besoins et à nos désirs. 

Féminisme : Nous sommes les gardiens de la terre et de toutes les formes de vie.
Toutes les créatures de la terre font partie d’un système dans lequel chaque forme de vie a une signification et une valeur.
---
Patriarcat : Il n’y a pas suffisamment de ressources pour répondre aux besoins de chacun.
Cette mentalité génère des idées comme : il n’y a pas assez d’eau, de nourriture, de terres et de solutions économiques pour satisfaire les besoins de tous les membres de la communauté mondiale.

Féminisme : Il y a suffisamment de ressources pour satisfaire les besoins de tous et chacun.
Dans la «conscience de prospérité» il y a suffisamment de ressources pour répondre aux besoins de tous et chacun, du moins pour la démographie mondiale actuelle. Des systèmes politiques, économiques et sociaux plus équitables rendraient ces ressources accessibles.
---
Patriarcat : Les problèmes mondiaux ne peuvent être résolus que par la science et la technologie.
La pauvreté, la famine et la prolifération des armes nucléaires sont des problèmes différents émergeant de causes différentes. La science et la technologie  sont les outils les plus adéquats pour résoudre de tels problèmes.

Féminisme : Les problèmes mondiaux peuvent être résolus par les efforts conjoints de toutes les nations et de toutes les disciplines.
Le racisme, l’ostracisme, le sexisme et les attitudes violentes de notre nature intérieure sont les causes fondamentales de la pauvreté, de la famine, de la destruction environnementale et de la prolifération des armes nucléaires. Tous les «ismes» doivent être transformés avant de pouvoir résoudre les problèmes de notre monde. Tous ces problèmes sont interconnectés et requièrent l’implication de toutes les nations et de toutes les disciplines.
---
Patriarcat : La violence est une solution acceptable aux conflits individuels, et la guerre est une solution acceptable aux conflits internationaux.
La violence et la guerre ont été testées au fil du temps et se sont révélé des méthodes efficaces pour résoudre les conflits entre les individus et les nations.

Féminisme : L’entente pacifique est la seule solution acceptable pour résoudre les conflits entre des individus ou des nations.
La violence et la guerre sont des méthodes inacceptables pour résoudre les conflits. L’entente pacifique, mutuellement acceptée par toutes les parties concernées, est la seule solution valable.

Char McKee (A vision of Love)
The Feminine Principle Today; The Goddess Re-Awakening
Compiled by Shirley Nicholson; Quest Books; 1989

Complément :

Féminisme

Nous sommes venues de loin, nous autres femelles humaines de l’Occident.
       D’abord des millénaires de soumission, ensuite les idéologies de l’égalité et les droits de l’individu afférents, enfin les libertés que nous avons arrachées et qui nous ont conduites bien loin des premières distributions de rôles imaginées par l’espèce humaine.
       De nos jours, les femmes occidentales peuvent faire des études; voter; changer de partenaire; exercer un métier; choisir d’avance, comme le fait un romancier pour ses personnages, la date de naissance, le sexe et le prénom de leurs enfants. De plus, des machines et parfois leur mari les aident dans les tâches ménagères et maternelles, ce qui rend celles-ci plus légères et plaisantes.
       En d’autres termes, chacune d’elles a théoriquement le droit d’écrire à sa guise, comme les mâles, le roman de sa vie.
       Mais il y a comme toujours un revers de la médaille… Cette liberté durement acquise les prive de leurs certitudes anciennes, combien rassurantes, quant au Sens de leur vie, et les plonge souvent, comme les hommes, dans l’angoisse et la dépression.
       Surtout, cela les rend susceptibles de se fracasser sur la fiction moderne par excellence : celle de l’autonomie absolue, de l’être qui n’a pas besoin de liens.

Nancy Huston
L’espèce fabulatrice (VIII Fables intimes, p. 154); Actes Sud, 2008

Aucun commentaire:

Publier un commentaire