Après un bref survol des actualités on voit à quel point la peur règne en maître, avec ses actes d’intimidation, de répression, de haine et de violence subséquents. Triste, sombre. Quelle perte d'énergie! énergie qu'on pourrait consacrer à la coopération, l'entraide et la construction d'un monde meilleur.
La peur est un petit roi
Marie-Noëlle Agniau
[…]
… La peur ne risque rien. Ne rencontre rien, que des chimères. Elle opère en nous comme un rétrécissement. L’existence devient le fait subi et dangereux. Paradoxe car la peur est un puissant moteur quand nous avons peur de tout et de l’autre. Et pour peu que l’autre soit nommé comme autre et que ce nom soit comme une atteinte à «moi», alors la peur produit la haine. Haine irréductible qui n’aura pour terme que la destruction de l’autre.
La peur de l’enfant est salutaire, elle le constitue parce qu’elle est le pendant de l’imaginaire au travail et parce qu’elle le pousse à inventer des conduites de dépassement de soi. Si l’enfant provoque sa peur – il ne cherche pas à s’y complaire. Il ne faut pas se tromper : c’est le jeu qui est le mode d’être, non la peur.
Or comme sentiment général de l’existence, la peur séjourne au-dedans. C’est le grand séjour de l’homme dans sa propre conviction de peur. Grand séjour qui nourrit en même temps une certaine conception du monde, une manière concrète de vivre. Cette peur est exclusive et indiscutable : elle raisonne. Elle argumente. Elle joue en nous le refus de la vie. De ses accidents, de ses occasions chanceuses. Ainsi la peur – cet effroi devant la vie – n’est jamais neutre. Parfois rend méchant. Voilà qu’elle empêche l’aventure, force à tout suspecter, mine le terrain d’avance, véritable force d’inertie. Celui qui a peur a peur du monde, peur de s’abandonner à l’extériorité, à son imprévisibilité. De fait, celui qui a peur a besoin d’un cadre, d’un système, d’une idéologie pour déployer et sa peur et les raisons de sa peur. Toutes nichées dans l’existence et le rapport à l’autre.
Autojustification infinie, la peur s’organise et se loge en nous comme un pouvoir tyrannique. Son appui : l’imaginaire, toujours capable de mobiliser des scènes de catastrophes intimes et collectives. Tout est hypothèse de malheur, démesure, déferlement, contamination. Et c’est toujours le pire qui arrive, lui seul peut arriver. La peur condamne et ce qu’elle condamne en premier, c’est le beau et le bon. Ce qu’elle valorise : soi au centre, la répétition du même, le déjà connu. Tout le reste est angoisse.
La peur générale de l’existence – ou la peur générale de l’autre toujours traduisible en peur concrète et active – est un aveu d’impuissance et le terrible témoignage du choix qui est fait : celui d’une éternelle tristesse et lourdeur d’âme.
Voulons-nous vivre? Alors préférons une attitude qui s’oppose constamment à la peur, non pas une attitude, mais d’infinies manières de recevoir l’existence et d’être en elle. Non pas vivre imprudemment mais résolument. À la façon de l’enfant qui sait rire de ses propres peurs en sachant se jouer d’elles. Avec courage et invention : il y a là matière à grandir, matière à déjouer les toutes premières illusions venues de soi. Oui, retrouvons cette sorte d’«amitié» pour la vie, amitié des troubadours qui prennent volontiers l’habit de joie pour aller dans le monde.
MÉDITATIONS DU TEMPS PRÉSENTS
La philosophie à l’épreuve du quotidien 2
L’Harmattan, coll. Ouverture philosophique; 2008
(Pages 16-18)
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La structure patriarcale attribue (arbitrairement) une valeur supérieure décroissante à tout ce qui existe dans l'ordre suivant :
1. «Dieu» au-dessus des hommes
2. Hommes au-dessus des femmes
3. Femmes au-dessus des enfants
4. Humains (globalement) au-dessus des animaux
5. Animaux au-dessus de la nature
6. Nature en dessous de tout (n'a aucun droit)
À l’intérieur de cette pyramide d’autorités, chaque sous-catégorie d’inférieurs doit se soumettre à celle qui la précède. C’est-à-dire que ceux qui sont au faîte de la pyramide ont un pouvoir absolu sur l’existence de ceux qui sont en-dessous. Et, dans un contexte totalitaire, où l’on établit une séparation entre ceux qui ont le droit d’exister et ceux qui ne l’ont pas, les seconds sont des «non-personnes».
Par conséquent, les humains continuent de subir des violences en vertu du contrôle qu’exercent certaines hiérarchies – religieuses, politiques, économiques et socioculturelles.
Adaptation d’un document d’Amnistie Internationale :
Il est facile de penser que les atteintes aux droits humains n'arrivent qu'aux autres, particulièrement dans des régions où sévit un conflit ou la répression. Or, en réalité, la violence contre les humains ne se limite pas à un système politique ou économique en particulier : on la trouve dans toutes les sociétés du monde et elle ignore les barrières de la richesse, de la race ou de la culture. Elle touche aussi bien les jeunes que les plus âgés. Où que l'on vive, des humains sont victimes de violences.
Les actes de violence contre les humains peuvent être physiques, psychologiques et sexuels. Certains usent de la violence pour dominer. Les conséquences de la violence vont bien au-delà des souffrances physiques immédiates. Certaines personnes en subissent toute leur vie les séquelles. Parmi les effets à long terme de la violence on peut citer l'alcoolisme, la toxicomanie, la dépression, d'autres formes de troubles mentaux et le suicide.
-- La cause profonde de la violence à l'égard des humains réside dans la discrimination – le refus de l'égalité entre humains dans tous les aspects de la vie. La violence n'est ni «naturelle» ni «inévitable»; elle persiste car la société le permet. Quasiment chaque culture comprend une forme de violence à l’égard des humains qui passe pratiquement inaperçue car elle semble normale ou acceptable.
-- La violence se poursuivra tant qu'elle restera cachée, jugée avec indulgence ou passée sous silence par la société et les autorités, et tant que les auteurs de ces violences ne seront pas soumis à des sanctions. Même dans les pays dont la législation criminalise la violence, on constate que cette dernière est parfois tolérée à tous les niveaux de la société.
-- De nombreuses victimes n'en parlent pas – par honte, parce qu'elles craignent qu'on les écoute avec scepticisme, qu'on ne les croit pas ou par peur de nouvelles violences. La violence se présente sous différentes formes – et va de l'agression physique (gifles, coups, coups de pied) à la violence psychologique (intimidation, infantilisation et humiliations, notamment sous forme de comportements de contrôle, par exemple en isolant la personne, en contrôlant et restreignant ses mouvements et son accès à l'information ou à toute forme d'aide).
-- Les violences sont souvent passées sous silence. Différents facteurs empêchent les personnes de signaler les actes de violence dont elles sont victimes, comme la peur de représailles, le manque de moyens économiques, la dépendance et l'impossibilité d'obtenir réparation.
-- Les violences échappent souvent à tout contrôle et toute sanction. Certains pays n'ont pas de loi du tout, d'autres ont des lois imparfaites punissant certaines formes de violence mais en exemptant d'autres de toute sanction. Même avec une législation adéquate, de nombreux États n'appliquent pas la loi en totalité.
« Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi. » Frank Herbert -Dune
RépondreEffacerTellement bien dit, ça me donne envie de le relire...
EffacerMerci!