Vous souvenez-vous de tout ce que vous avez oublié?
Les numéros de téléphone de vos amis, les dates importantes,
etc. Ont-ils disparu de votre mémoire interne? Avez-vous besoin de bips sonores
pour vous rappeler des rendez-vous importants? Comptez-vous sur vos doigts si
vous n’avez pas de calculatrice i-Pad? Sauriez-vous réciter un poème par cœur? Votre
mémoire est dans votre téléphone intelligent?
On dit qu’en ce moment, il y a plus de téléphones intelligents
que d’humains (intelligents?). :-)
Nous ne faisons plus travailler notre mémoire, alors elle
risque de s’atrophier, tout comme le corps qui ne bouge pas. On peut bien nous
prédire que la maladie d’Alzheimer touchera de plus en plus de gens avant qu’ils n’atteignent un âge vénérable…
Et, parlant d’âge vénérable, je relisais récemment L’étranger d’Albert Camus. Dans mon jeune temps, ce livre était à l’index,
incroyable, non?! Quoiqu’il en soit, ça faisait très longtemps que je ne l’avais
pas relu. C’est fou comme certains détails qui nous échappent à un moment nous
accrochent à un autre.
Telle cette description réaliste, froide et crue :
«… C’est à ce moment que les amis de maman sont entrés. Ils
étaient en tout une dizaine, et ils glissaient en silence dans cette lumière
aveuglante. Ils se sont assis sans qu’aucune chaise grinçât. Je les voyais
comme je n’ai jamais vu personne et pas un détail de leurs visages ou de leurs
habits ne m’échappait. Pourtant je ne les entendais pas et j’avais à croire à
leur réalité. Presque toutes les femmes portaient un tablier et le cordon qui
les serrait à la taille faisait encore ressortir leur ventre bombé. Je n’avais
encore jamais remarqué à quel point les vieilles femmes pouvaient avoir du
ventre. Les hommes étaient presque tous très maigres et tenaient des cannes. Ce
qui me frappait dans leurs visages, c’est que je ne voyais pas leurs yeux, mais
seulement une lueur sans éclat au milieu d’un nid de rides. Lorsqu’ils se sont
assis, la plupart m’ont regardé et ont hoché la tête avec gêne, les lèvres
toutes mangées par leur bouche sans dents, sans que je puisse savoir s’ils me
saluaient ou s’il s’agissait d’un tic. Je crois qu’ils me saluaient. C’est à ce
moment que je me suis aperçu qu’ils étaient tous assis en face de moi à
dodeliner de la tête, autour du concierge. J’ai eu un moment l’impression
ridicule qu’ils étaient là pour me juger. (…)
À présent c’était le silence de tous ces gens qui m’était
pénible. De temps en temps seulement, j’entendais un bruit singulier et je ne
pouvais comprendre ce qu’il était. À la longue, j’ai fini par deviner que
quelques-uns d’entre les vieillards suçaient l’intérieur de leurs joues et
laissaient échapper ces clappements bizarres. Ils ne s’en apercevaient pas tant
ils étaient absorbés dans leurs pensées. J’avais même l’impression que cette
morte, couchée au milieu d’eux, ne signifiait rien à leurs yeux. Mais je crois
maintenant que c’était une impression fausse.»
Brrrrr. Publié en 1942. Mais, voilà qu’aujourd’hui, c’est
pire! Il n’y a même plus de «lueur sans
éclat» dans le regard des vieillards et malades, dopés à l’extrême, prisonniers
de leur confusion et de leur démence, qu’on voit dans les centres d’hébergement.
Le droit de choisir
de mourir conformément à ses valeurs de liberté et de dignité
En passant, L’AQDMD – Association
Québécoise pour le Droit de Mourir dans la Dignité – célèbre son cinquième
anniversaire par un évènement-bénéfice samedi le 20 octobre; Denys Arcand est l’invité
d’honneur et l’on présentera le film Visa
de départ. J’ignore s’il reste des billets, mais je vous encourage à faire
un don et à devenir membre, et si vous ne le pouvez pas, à vous procurer le formulaire
«Directives de fin de vie et mandat en cas d’inaptitude» (c’est gratuit) – visitez :
Vous aimerez peut-être le libellé Euthanasie.
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