9 octobre 2012

Corps/esprit réunifiés


Well, well, well... j’ai recommencé à participer à des sessions de Tai Chi. Plus de dix ans sans pratiquer. Dommage pour moi, car c’est réellement fantastique!
 
Je suis motivée parce que je veux augmenter mon bienêtre et ma paix intérieure. Mais aussi parce que, avec l’arrivée massive d’immigrants chinois au pays, il me parait crucial de maitriser les baguettes et le Tai Chi – if you can’t beat them, join them… J’apprends même le chinois avec ‘google translator’; pas fameux, mais c'est mieux que rien.  :-) 
 
J’aime bien les Chinois, mais leur réputation de fins requins en concurrence commerciale peut déranger (ah, la soupe aux ailerons...). Et nous ne sommes pas assez naïfs pour ignorer qu’ils louchent sur nos terres arables et nos minerais; même que des fois, ça fait quasiment peur.  :-)
 
Blague à part, les Chinois font preuve de grande finesse en bien d’autres domaines, disons... plus «humanistes». Ma foi, leur plus formidable invention serait peut-être le Tai Chi.
 
Donc, parallèlement à mes sessions, je relis avec grand intérêt l’ouvrage «Tai Ji, Danse du Tao» de ce maitre tout à fait humaniste qu’est Chungliang Al Huang (une édition de 1984 préfacée par Alan Watts).
 
Extrait de cette préface :
«… je voudrais dire que Huang enseigne de façon tout à fait inhabituelle pour un maitre asiatique, aussi bien, d’ailleurs, que pour un maitre occidental, d’après ce que je peux en juger par mes études. Il part du centre et non de la périphérie. Il communique une compréhension des principes de base, avant d’entrer dans la précision de détails méticuleux. Il se refuse à «casser» le mouvement Tai Ji, pour le décomposer en exercices à la «un, -deux, -trois» et transformer ses élèves en robots. Que ce soit dans le Tai Ji, dans le zen ou le yoga, l’enseignement traditionnel se fait habituellement avec une routine qui donne l’impression qu’il faut passer par de longues périodes répétitives et que l’ennui est indispensable à l’apprentissage. De cette manière, un élève pourra pratiquer une discipline pendant des années sans avoir pu réellement sentir ce qu’il faisait! C’est aussi vrai pour la théologie, le droit, la médecine ou les mathématiques que pour le Tai Ji. D’où la totale incompétence de beaucoup de «maitres» qui ne transmettent que de pâles imitations de la réalité. On trouve, à l’Est comme à l’Ouest, la même force ou la même faiblesse humaine. Nombreux sont les bouddhistes, hindous ou taoïstes qui ressemblent à nos évêques pompeux, à nos chirurgiens férus de bistouri, à nos érudits prétentieux, qui prennent le plus souvent l’arbre pour la forêt.
       Le Tai Ji illustre un des principes les plus subtils du taoïsme, connu sous le nom de «wou wei». On peut le traduire littéralement par «non agir», mais son véritable sens serait plutôt «agir sans force»; «agir en s’accordant au flux des forces naturelles», ce qui est la définition du mot «Tao». C’est en observant la dynamique de l’eau qu’on peut mieux le saisir. Le «wou wei» peut se comparer à l’art de la voile – où l’on se sert avant tout de son intelligence – plutôt qu’à celui de l’aviron, qui demande principalement de la force musculaire. Dans toutes les disciplines telles que voile, surf, ski ou vol à voile, il est exclu de prendre les virages à angle droit car on serait obligé d’affronter les éléments par la seule force musculaire. Mieux vaut savoir tirer parti de l’eau, du vent ou de la pesanteur.
       L’esprit «wou wei» est donc de faire des courbes, de préférence à des zigzags! Le monde biologique dans son entier est fait de courbes; même l’eau, sa principale composante. Comme le dit Lao-tseu, bien que l’eau soit douce et faible, elle finit toujours par vaincre ce qui est dur et rigide. Apprendre avec Huang, c’est retrouver le mouvement du vent et de l’eau, non seulement dans la pratique Tai Ji mais dans le cours de la vie de tous les jours. En suivant «la voie de l’eau», Chungliang Al Huang est aussi frais qu’un ruisseau de montagne bouillonnant, aussi puissant, aussi profond, que le fleuve Yang Tseu Kiang.» [] (1973)

Dans l’introduction à l’édition française, Christine Saïto dit ce qui suit :
«… L’art du Tai Ji contient la VIE et c’est cette VIE qui anime tout l’enseignement de Chungliang. Il nous invite à sortir d’une forme plus ou moins maitrisée, coupée du quotidien et à laquelle nous sommes trop attachés. Notre «forme» est ce que nous sommes, la manière qu’a chacun de se tenir, de se déplacer, de se comporter. Le Tai Ji existe avant et après les 108 mouvements.
       Chungliang Al Huang parvient à transmettre l’esprit de la philosophie taoïste et à communiquer son aspect universel grâce à sa connaissance de l’Occident. Il rend sensible et palpable le taoïsme – non de façon intellectuelle, mais par le geste, par le mouvement et par la connaissance intuitive. L’intuition – cette fleur fragile – trop souvent écrasée par la raison, nous rend apte à saisir ce qui est impossible à exprimer par les mots et nous aide à être plus subtils et plus vrais dans la vie de tous les jours. Nous pouvons alors entrer en contact direct avec l’autre, le monde et notre soi. Par cette ouverture, cette rencontre, nous vivons notre appartenance à la communauté humaine.» (1984)

Propos de Chungliang Al Huang :
‘Tai Ji’ est un mot chinois pour désigner une réalité qui peut se ressentir dans différentes formes de disciplines. Le yoga, dans son essence, peut être Tai Ji; le zen aussi. ‘Tai Ji’ est un concept, une philosophie, mais aussi une expérience : il faut le vivre pour connaitre. On ne peut le définir, car il est sans limites. Sa signification sera celle que vous lui donnerez – aussi simple ou particulière – aussi profonde ou universelle que vous l’estimerez. En un sens, le Tai Ji ne sera ni plus ni moins que la compréhension que vous en aurez, ou que la définition que vous tenterez d’en faire; cependant, il dépassera toujours les limites que vous lui fixerez.
[…]
Certains disent que l’oriental met sa force et son poids dans le bas-ventre, ce qui lui donne une sensation de sécurité – tandis que l’occidental aurait tout dans sa tête, ce qui le ferait presque «capoter»; ce serait là leur principale différence. Il est vrai que dans notre civilisation occidentale, nous donnons la prépondérance au cerveau. Nous ne faisons que parler, réfléchir, analyser tout en détail; nous prenons de la distance vis-à-vis des choses et nous ne les assimilons pas parfaitement. Nous avons une telle quantité de machines pour faire le travail à notre place que nous sous-employons nos capacités physiques. Il nous faut donc redonner de l’importance au corps pour rétablir notre équilibre, et travailler avec notre «corps-esprit» tout entier.
       Bien des gens réalisent aujourd’hui que leur corps a besoin d’une plus grande activité. Ils marchent, font du jogging, de la bicyclette, de la natation et pensent ainsi qu’ils ont fait leur plein d’exercice. Mais c’est une division entre le «temps-consacré-au-corps » et le «temps-consacré-à-l’esprit». Vous faites de même en séparant le «temps-du-travail» du «temps-des-loisirs», quand vous travaillez très dur pour arriver un jour à prendre des vacances dans un endroit qui vous plait. Cette façon de faire maintient une coupure dans votre vie. Travailler ne devrait pas être une corvée; se distraire ne devrait pas aboutir à un surmenage! Les deux devraient pouvoir s’harmoniser. Pour retrouver équilibre et unité dans votre vie, vous pouvez vous aider d’activités qui ne recourent ni au mental ni à l’usage de la parole. C’est en cessant de parler que vous aurez une chance de vous ouvrir et de devenir réceptif à ce qui se passe dans votre corps, en même temps qu’autour de vous.
       Le Tai Ji est l’un de ces moyens. Il peut vous aider à relâcher vos tensions en disciplinant votre corps et en le laissant vous enseigner lui-même. Votre corps devient alors pour vous un guide et un compagnon pour traverser les difficultés qui surgissent chaque jour sur votre route.

COMMENTAIRE

Tellement vrai! Le Tai Chi aide à cultiver l’attention (qui fait cruellement défaut dans notre civilisation tourmentée), le mouvement conscient et le ressenti. La vigilance, quoi! 


Bonus : c’est pas mal plus intéressant de faire du Tai Chi avec du vrai monde que d’avoir je ne sais combien de prétendus amis Internet qui, en réalité, se fichent totalement de ce que vous vivez.

À visiter : ‘Living Tao Foundation’ – curriculum et vidéos de Chungliang Al Huang  (en anglais)
https://www.livingtao.org/living-tao-foundation/about-chungliang-al-huang/

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http://situationplanetaire.blogspot.ca/2011/06/sarreter.html

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