26 octobre 2012

Les oubliés des catastrophes

Septembre 2012 – Vallée de l'Okanagan, Colombie-Britannique. Photo : PC/Jeff Bassett

Feux de forêt; statistiques canadiennes par province (celles où il y en a le plus)
Ontario  2010 : 797 – 2012 : 1444
Alberta  2010 : 893 – 2012 : 1408
Colombie Britannique 2010 : 1133 – 2012 : 1334
Québec  2010 : 512 – 2012 : 766

Au total près de 5000 feux en 2012 – c’est beaucoup…
 
Parfois en tapant un mot clé, parmi les suggestions, un site nous attire et glisse automatiquement dans nos favoris. Ce fut le cas pour le site de l’écrivaine Elyane Rejony. Tout comme elle, à chaque fois que je vois des grands feux de forêt, je songe aux personnes bien sûr, mais aussi à la panique et à la souffrance qu’éprouvent également les animaux grillés vifs. Ça me bouleverse... Le pire c’est que la plupart du temps, ces feux sont dus à la négligence d’un campeur, d’un fumeur, ou à la malveillance d’individus inconscients.
 
Deux poèmes d’Elyane Rejony à méditer…
[Site : http://elyane.rejony.pagesperso-orange.fr/elyanerejony/index.html]

Incendies en Catalogne en juillet 2012
Samedi, 4 août 2012 

(…) Je pense beaucoup à ces gens morts, poursuivis par les flammes, sans issue. Je pense à ces gens qui ont vu brûler leur maison. A ceux qui ont eu très peur, qui s'en sont sortis, qui ont abandonné leur véhicule pour fuir. La douleur humaine se partage «naturellement», surtout lorsqu'elle est servie en spectacle sur un plateau au moment de l'apéritif.

Je crois que l'empathie réelle ne doit pas se contenter de notre anthropocentrisme culturel. Mes pensées empathiques se tournent aussi vers les êtres les plus humbles, les plus oubliés. Les animaux souffrent autant que nous en brûlant. Je pense à leur détresse et à leur douleur : comme nous ils ont peur, ils essaient de fuir mais parfois ils sont attachés ou enfermés. Et ils ont mal, et ils hurlent, comme les humains qui se consument.

On nous parlera peut-être, en passant, des milliers de «bêtes» qui rapportent de l'argent (et encore), et je comprends bien l'intérêt légitime des hommes.

Dans notre monde où la sensiblerie est bien plus vilipendée que le cynisme ou la cruauté, il ne me paraîtrait pas superflu d'évoquer, en passant, le fait que de nombreux êtres vivants sont morts dans les incendies. Juste pour rappeler que les êtres humains ne sont pas les seuls êtres vivants de la planète. Mais que vaut un être vivant s'il n'est pas un humain ? Rien du tout. Notre société se moque déjà de la vie humaine, alors pensez, les animaux…

On nous répète en boucle que la prise de conscience écologique avance, que l'humain comprend enfin l'importance du reste de la nature en dehors de lui. L'environnement, les biotopes, la faune, la flore…Tu parles !

Mon avis de poète paraîtra peut-être étrange à ceux qui oublient que les animaux ont un cerveau, un système nerveux, et qu'ils souffrent, qu'ils ont peur, comme nous. Dans le regard éperdu d'un chien ou d'un chat recueilli, on peut lire la reconnaissance et l'affection, que l'on ne voit d'ailleurs pas briller dans les yeux de tous les humains. Alors?
Les poètes sont là pour faire penser à ce qui s'oublie facilement. Je n'aime ni le racisme, ni le sexisme, ni l'espécisme.


J'ai écrit, il y a des années, ce petit texte, pour ne pas oublier les détails «inutiles».

Flammes
Dans le grand incendie des collines, dévoreur de sève et de sang,
Sous les hurlements sauvages du feu
personne n'entend
crépiter les souris, les musaraignes au fin minois,
brûler vivants les petits lézards, les orvets et les salamandres,
les biches, les marcassins, les blaireaux, les furets,
s'étouffer les oisillons au nid,
craquer les tortues calcinées, les fourmis consumées,
les coccinelles carbonisées,
Suffoquer les petits lapins épouvantés dans leur abri,
personne n'entend
Milliers de victimes minuscules,
vivantes, muettes
Humbles vies palpitantes d'espoir
comme nous,
effacées du monde sans ménagement
effacées de la vie
et du monde vivant
sans empathie
oubliées des journalistes et des bilans
niées
effacées
ignorées des braves gens.
Braves gens.



D'après les premières enquêtes, le feu serait parti d'un mégot … Un mégot. Un humain serait donc responsable du désastre. Mas il a droit, lui, par sa seule nature d'humain, à l'empathie humaine. Pourtant les animaux, que nous méprisons officiellement, puisqu'ils n'ont juridiquement que le statut d'objet, ne jettent jamais de mégot.


 
Les oiseaux de Fukushima
Mars 2011

Le printemps arrive dans nos garrigues sèches, une petite averse éveillera les graines,
Les cystes reverdissent, le buis embaume, le parfum des herbes mouillées sent bon la vie,
Le chant inlassable des mésanges bleues annonce la tiédeur des matins, il fait bon sur la Terre.
Là-bas, à Fukushima, les oiseaux innocents volent au ciel inquiet.
Innocents oiseaux
Qui ne savent rien des réactions en chaîne, des sites nucléaires, des ambitions humaines.
Innocents oiseaux qui volent en ciels d’estampes dans l’air contaminé,
Ils voulaient faire leur nid, perpétuer la vie, simplement.
Pourtant ils vont mourir. Ils mourront sans savoir, sans rien voir.
Ou bien auront-ils vu les enfants innocents pourvus de dosimètres,
Les paysans qui se suicident, les réfugiés sans espoir,
Les mères en pleurs, les maisons abandonnées pour toujours
Dont les fenêtres vides, comme des yeux crevés, accueilleront bientôt
Une jungle de branches aux feuilles déformées,
Un chien mort de faim au bout de sa chaîne, les troupeaux abattus…
L’envol des oiseaux jaillit dans la mort sournoise qui habite l’espace,
La mort invisible attend leurs ailes vives, sur les collines douces, inhabitables
Où les cerisiers en fleurs sourient aux vies perdues
Où les lianes recouvriront bientôt les routes désertées.
Innocents oiseaux qui voulaient juste vivre
Vivre
Comme tous les vivants.
Ils ne savaient rien des radionucléides ni de leur radio-toxicité.
Mort nucléaire invisible
Souffle obscène de transparence sur maisons de papier
Mort impalpable sur les rizières où le ciel allume ses rubans
Mort sournoise qui rôde sur les colonnes rouges des temples éternels
Mort toute puissante, sur terre, dans l’air, dans l’océan,
Mort inévitable
Mort nucléaire créée par l’intelligence démesurée
De savants trop sûrs d’eux, bien loin des chants d’oiseaux.
Arrogance criminelle imposée à la Terre entière
Et au ciel immense où les oiseaux veulent seulement vivre,
Vivre
Comme tous les vivants.
25 ans avant Fukushima, les oiseaux de Tchernobyl déjà tombaient des nues.
Le Nucléaire, industrie d’avenir ? Avenir d’amnésique.
Combien faudra-t-il de désastres pour arrêter la folie humaine ?
Nous voulons juste vivre
Vivre
Dans la beauté du monde et le souffle sacré des hirondelles
Sous les grands silences bleus du ciel.
Qui a protégé la vie à Fukushima ?
Qui protège nos vies ?
Qui ?

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