31 mars 2022

Le carnage poutinien

«Ce serait un plaisir de faire sauter l'ingénieur [Poutine] avec son propre pétard.» ~ William Shakespeare

Photo : Street Art ukrainien [Le système s'autodétruira dans 5 sec… cliquez sur OK]

Parlant de Poutine, Olga dit tout haut ce qu'une majorité de gens pensent : «Je le tuerais, si j’avais la chance, parce que c’est un monstre. Ce n’est pas une personne. Je ne sais pas comment la communauté internationale peut regarder en silence.» ~ Olga, une survivante de Marioupol

Hier, des bombardements russes ont ciblé un bâtiment du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Marioupol, selon une haute responsable ukrainienne. Que vaut une promesse de «désescalade» dans la bouche d'un menteur comme Poutine? RIEN.

«Les gens étaient en morceaux», témoigne une survivante du théâtre de Marioupol

Marie-Ève Bédard, correspondante en Ukraine / Radio-Canada Info / 30 mars 2022

Échappée des décombres après des frappes mortelles, Olga jure qu’il n’y avait aucun militaire ukrainien sur les lieux. «Je me blâme tous les jours, parce que c’est moi qui ai mené ma famille au théâtre.»

Olga est assise au chevet de sa mère dans un hôpital de Zaporijya, une ville au nord-ouest de Marioupol. La chambre pourrait accueillir six patients, mais les médecins veulent surtout que les deux femmes bénéficient de calme.

La mère d’Olga doit subir plusieurs chirurgies, mais son état ne le permet pas. Elle a la mâchoire fracturée à deux endroits. Elle a perdu toutes ses dents. Un morceau de son pelvis s’est détaché. Sa jambe droite a subi plusieurs fractures dans les attaques aériennes qui ont rasé le théâtre de Marioupol où s’étaient réfugiés des centaines d’Ukrainiens.

C’est donc Olga, alternant du russe à l’anglais, qui va raconter l’horreur qui les a conduites ici.

Les deux femmes pensaient avoir trouvé un refuge dans le théâtre de Marioupol. Et pendant quelques semaines, le bâtiment au cœur de la ville assiégée les a bien protégées, raconte Olga. «Il y avait des soins médicaux, il y avait des médecins, des gens faisaient à manger. C’était une communauté de gens. Et tout le monde attendait ces corridors humanitaires.»

C’est la promesse d’une évacuation de masse entendue à la radio qui a poussé Olga à quitter son appartement qui avait été endommagé dans une frappe de l’armée russe. Elle a amené avec elle sa mère, sa grand-mère et son copain. C’était le 4 mars.

Mais les heures d'attente se sont transformées en jours. Et les jours sont devenus des semaines. «Je n’arrive pas à oublier. Avec ma mère, on discute et on se dit que personne ne peut nous comprendre, parce que tous les jours, c’était un désastre. C’était le pire jour de nos vies, mais pendant trois semaines.»

Olga offre un des rares témoignages des survivants de la frappe du théâtre de Marioupol.

Les autorités locales ont avancé un bilan provisoire de 300 morts. Olga est convaincue qu’il y en a largement plus, jusqu’à 1000. Elle insiste, il n’y avait aucun militaire ukrainien dans le théâtre.

«J’ai vu de mes propres yeux que personne ne nous gardait. Il n’y avait pas d’armes, rien. Nous vivions en communauté. Ils m’ont même donné un travail. Au début, je travaillais dans le dépôt. Je distribuais des vêtements pour les enfants. Après, je surveillais la radio. Tout le monde espérait un corridor d’évacuation.»

Des images aériennes prises avant l’explosion du 16 mars dernier montrent que le mot "дети", terme russe signifiant enfants, avait clairement été tracé sur le sol devant et derrière le théâtre.

Tous les jours, Olga s’est demandé si le choix de rester à attendre une évacuation par les autorités était le bon.

Elle était accrochée à la radio dans l’espoir d’y entendre des informations concrètes. Mais à la place, ce sont les rumeurs de voitures tombées en panne et de corps déchiquetés sur les routes minées qui l’ont paralysée sur place.

Les conditions sont vite devenues abjectes. «Pouvez-vous imaginer trois semaines sans se laver les cheveux, sans se laver le corps, le visage? Vous ne vous brossez pas les dents. Pouvez-vous imaginer vivre comme ça?»

Les enfants, ils étaient près de 500, dit Olga, pleuraient sans arrêt. Et tout le monde tombait malade. Fièvre, diarrhée, vomissements.

Mais autour d’elle, tous les jours, il y avait de plus en plus de monde. «L'abri antibombe était fait pour 65 personnes. Il ne pouvait en accueillir plus. C’était une petite pièce. Il a été conçu pour 50 personnes en fait, mais bon, en poussant, 65 personnes y étaient. Après, les gens étaient au sous-sol, vivant dans un trou, éparpillés. Il y avait les bureaux. Sur les trois étages, c’était bondé de monde.»

Le 16 mars, quand le théâtre a été frappé, Olga était enfermée dans un petit bureau pour écouter les informations à la radio.

«Ce n’était pas une bombe aérienne. Autrement, on peut entendre les avions, on sent les vibrations qui font trembler les fenêtres et on peut comprendre qu’il faut bouger et se mettre à l’abri pour sauver sa vie. Mais il y avait un silence total.» ~ Olga

Il existe très peu d’images des instants qui ont suivi l’explosion. Olga, miraculeusement indemne, a réussi à pousser la porte de son bureau pour aller sauver sa mère et sa grand-mère.

«On entendait des cris partout, les gens étaient déchirés en morceaux. Des bras arrachés ici, des jambes là. Partout. Personne n’est venu nous aider, personne n’a éteint l’incendie.»

Elle croit que son copain est mort, mais impossible d’en être certaine. «Après l’explosion, il est resté sous les décombres. Je voudrais vraiment retrouver le téléphone des volontaires qui peuvent au moins aller dans les hôpitaux. Mais quand j’appelle, la ligne est coupée.»

Olga a dû supplier des voitures qui passaient pour conduire sa mère à l’hôpital alors que les tirs pleuvaient tout près. Sa mère a reçu des antidouleurs, sans plus, alors que les médecins envisageaient l’amputation.

Olga a réussi à obtenir le transfert de sa mère dans un autre hôpital, avec la promesse de soins plus adaptés. «Quand nous sommes arrivées à l’hôpital, il y avait 300 soldats russes et nous avons été faites prisonnières. Les gens mourraient de faim. Ils ne donnaient que 50 grammes d’eau par personne.»

Olga a finalement pu soudoyer ceux qui les retenaient captives, elle et sa famille, et appeler des amis à l’aide pour transporter sa mère. Mais faute de place dans la voiture, sa grand-mère a été laissée derrière, dit-elle.

Olga est aujourd’hui rongée par des questions qui restent sans réponse.

«Tous les soirs, nous faisions une prière parce qu’on pensait que Dieu allait nous sauver. Mais personne n’est venu nous sauver. Je ne sais pas pourquoi. Et je pense que je vais mourir avec cette question : pourquoi?» ~ Olga

Elle en veut à son gouvernement de les avoir laissés pour compte à Marioupol. Elle en veut au reste du monde de ne pas avoir agi pour les sauver. À Vladimir Poutine, elle réserve toute sa haine. «Je le tuerais, si j’avais la chance, parce que c’est un monstre. Ce n’est pas une personne. Je ne sais pas comment la communauté internationale peut regarder en silence.»

Le plus difficile, dit Olga, c’est qu’elle n’arrive pas non plus à se pardonner elle-même.

«Je me sens complètement vide. Je pense que je n’ai plus d’âme. Je prends des médicaments parce que les médecins disent que j’ai besoin d’aide. Je suis une survivante et je me blâme tous les jours parce que c’est moi qui ai mené ma famille au théâtre. Je me blâme à chaque instant.»

Olga a l’impression que ce n’est pas elle qui est assise dans cet hôpital pour raconter, pour témoigner de ce qui s’est passé. Tout ce qu’elle était avant la guerre a été anéanti. La positive, la patriote et la bienveillante... Olga est morte, elle aussi, à Marioupol.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1872696/survivante-theatre-marioupol-olga-survivante

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