Qui voudrait fuir vers un pays ennemi? Les principaux corridors d'évacuation "humanitaires" proposés par Moscou débouchent vers la Russie et le Bélarusse (l'arrière-base complice de l'invasion). Un des corridors serait miné selon la Croix Rouge. Autrement dit les réfugiés seraient directement livrés à l'ennemi. Poutine et sa clique se moquent du monde entier! Comme le gouvernement ukrainien refuse d'offrir ses citoyens en pâture à l'ennemi, Moscou l'accuse de ne pas vouloir protéger sa population civile (1). Un exemple de la perversité dont sont capables des psychopathes de ce calibre.
Photo : Reuters / Carlos Barria. Un homme et son enfant fuient la ville d'Irpin, dans les faubourgs de Kiev, en proie à des bombardements.
La question à plusieurs milliards de dollars : pourquoi laisse-t-on Poutine mener le monde à sa guise?
Comme disait William Shakespeare, ce serait "un plaisir de faire sauter l'ingénieur [Poutine s'entend] avec son propre pétard."
Les combats continuent de faire rage dans la banlieue nord-ouest de Kiev. Le maire de Gostomel, ville qui accueille une base militaire, a été tué "alors qu'il distribuait du pain et des médicaments aux malades, et réconfortait les blessés", a annoncé la mairie. À Makariv, ville située sur l'un des grands axes menant à Kiev depuis l'ouest, au moins 13 personnes ont été tuées dans le bombardement d'une boulangerie industrielle. Le bilan pourrait s'alourdir puisqu'une trentaine de personnes s'y trouvaient au moment de l'attaque, selon les services de secours ukrainiens. Un bilan : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867003/ukraine-guerre-evacuation-civils-kiev-kharkiv
Poutine «ne peut plus s’arrêter», croit le philosophe ukrainien Constantin Sigov
Radio-Canada / 6 mars 2022 / Audiofil :Terré dans son sous-sol à Kiev, le philosophe et éditeur ukrainien Constantin Sigov, en entrevue à l’émission Désautels le dimanche, appelle les grands dirigeants du monde «à repousser le pouvoir criminel» du président Vladimir Poutine.
Michel Désautels : Est-ce qu’on peut parler d’un dimanche un peu plus calme que les journées précédentes?
Constantin Sigov : Non, on ne peut pas dire cela. Très concrètement, c’est plutôt le contraire. Tout près de Kiev, deux enfants blessés sont morts parce qu’ils n’ont pas pu avoir d'aide médicale. Ils [les secouristes] ont été bloqués malgré le fait que les troupes russes étaient averties. On a entendu tout à l’heure des tirs d’artillerie lourde russe. La situation est plutôt grave. Nous apprenons aussi le désastre, une catastrophe humanitaire dans la ville de Marioupol. Nous sentons notre responsabilité pour le pays. En plus, à Kharkiv, les tirs ont touché l’Institut de physique nucléaire, où il y a des appareils nucléaires. À mon avis, c’est le défi réel qui est lancé à toute l’Europe.
Michel Désautels : Puisque vous avez mentionné le mot "nucléaire", il faut en parler. Il y a un peu plus d’une semaine, ce sujet a été ramené au premier plan de l’actualité à trois reprises. Est-ce l’élément le plus capital, à votre avis?
Constantin Sigov : Oui, je pense que c'est un signal très concret, une provocation lancée à toute l’Europe, parce que les nuages de la catastrophe de Tchernobyl ne se sont pas arrêtés aux frontières ukrainiennes ni même de la France, de l’Italie ou de l’Allemagne. Ils ont traversé toute l’Europe, et aujourd’hui, nous assistons à un danger encore plus grave, à une situation encore plus grande que Tchernobyl. La rhétorique selon laquelle l’Europe occidentale n’est pas encore en conflit est complètement désuète. Il faut regarder la réalité en face pour des raisons aussi écologiques que nucléaires. Tout notre continent est sur le champ de bataille.
Michel Désautels : Avec ces gestes-là, le président Poutine agite la peur nucléaire sans avoir même tiré un seul missile équipé d’une tête nucléaire. C’est obtenir le résultat sans prendre les risques?
Constantin Sigov : Écoutez, il prend aussi évidemment les risques pour ses propres soldats et pour ses propres citoyens, sans parler d’un pays comme le Bélarus. Et encore une fois, il se moque éperdument de ses propres citoyens. Il a déjà donné l’ordre de mettre les soldats russes dans des fosses communes. Pour lui, ses propres citoyens, c’est de la chair à canon. Le danger de la catastrophe nucléaire, c’est plutôt le danger orienté vers les pays qui ont le sens de la vie humaine, des risques et du prix de chaque vie humaine. Ce n’est pas le cas du dictateur Poutine.
Michel Désautels : C’est pourquoi vous faites un appel aux Européens en disant que c’est notre guerre à tous. Ce caractère global a-t-il été bien perçu à l’étranger?
Constantin Sigov : Pas assez, à mon avis. On sent le danger, mais justement, c’est la politique de l’autruche en disant que "c’est là-bas que ça se passe, c’est loin de chez nous, c’est quelque part à l’Est". Ce n’est pas vrai, surtout pour des pays qui sont en Europe. À mon avis, toute l’Union européenne est déjà concernée. Et Poutine n’a jamais caché que son but, ce n’est pas seulement d’envahir l’Ukraine : c’est aussi de diviser l’Union européenne et de régner, c’est-à-dire d'être le gendarme de l’Europe. C’est absolument anachronique, inadmissible et barbare.
Michel Désautels : Le président Poutine est passé à une autre étape. On connaissait ses velléités de redonner à la Russie sa grandeur d’avant avec ses incursions en Syrie ou dans des pays qu’il a annexés […]. Tout cela était connu, mais il ne cache plus son jeu.
Constantin Sigov : Oui, si vous voulez, pour les gens attentifs depuis plusieurs années. Les assassinats des journalistes libres, de ses adversaires politiques, l’assassinat de [Boris] Nemtsov devant les fenêtres du Kremlin et l'élimination totale des médias libres de l’opposition ont montré sa folie absolument dictatoriale. Mais aujourd’hui, vous avez raison. On est passés d’un stade autocratique à une dictature. Et d’ailleurs, finalement, tous les médias, absolument tous, sont forcés d’être serviles et de dire des mensonges. Je suis même étonné de voir les médias occidentaux diffuser les citations de Poutine, alors qu'elles sont de purs mensonges. Même ses dernières images avec le président Macron, c’est de la fabrication. Il ne voulait pas mettre le président Macron à une distance normale […]. Tout ça, c’est du montage pur et dur. Les spécialistes ont clairement démontré que c’est faux. Et malheureusement, ces fausses images sont toujours sur les écrans en France et ailleurs.
Michel Désautels : Dans une entrevue que vous avez accordée à Philosophie magazine cette semaine, vous avez dit que le Kremlin veut nous convaincre que la bassesse est toujours préférable à la guerre. C’est exactement ce qu’exprimait [l'ancien premier ministre britannique Winston] Churchill lorsqu’il disait : "Vous avez préféré la honte à la guerre. Mais vous aurez à la fois la guerre et la honte." Et vous dites aussi qu'il faut éviter de céder à la peur, qu'il faut qu’elle change de camp. Est-ce que Poutine est en train de jouer dans la tête des Européens?
Constantin Sigov : Absolument! Je crois qu'il faut retrouver le courage des vrais hommes politiques qui ont libéré notre continent de Hitler, du nazisme, et comprendre que le temps est venu de passer d'un débat libéral parlementaire à une défense réelle, c’est-à-dire retrouver le courage d'appeler les choses par leur nom, d'appeler le mal comme il est, l’agression, la violence, et de résister à cela fermement. Et à mon avis, les leaders du Canada, d’Amérique et des pays européens sont invités à jouer, peut-être collectivement, à la Churchill, c’est-à-dire à résister et à repousser ce pouvoir criminel, à interdire les crimes contre l’humanité.
Michel Désautels : Une situation où l’OTAN interviendrait en territoire ukrainien pourrait mener à une guerre ouverte avec la Russie, et les Russes disent la même chose.
Constantin Sigov : Écoutez, d’une part, il y a déjà une légion internationale où 3000 Américains et plusieurs centaines d'Européens sont déjà inscrits. Il y a donc différentes formes pour participer concrètement à cette résistance, à cette bataille. Mais encore une fois, il ne faut pas se faire d'illusions. Sans déclarer la guerre, Poutine a attaqué notre pays, comme il a attaqué l’Europe. Il attaque tous les pays démocratiques parce que, pour lui, il s’agit d'être ou de ne pas être. Il ne peut plus s’arrêter. C'est comme essayer de convaincre Hitler de mettre en œuvre une sorte de désescalade : c’est complément naïf. La question, c’est : comment arrêter, comment passer à une véritable victoire de la démocratie, de la liberté?
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(1) Les fables de La Fontaine peuvent s'adapter à presque toutes les situations – ordinaires et extraordinaires. "Le Loup et l'Agneau, cette merveille, pas un mot de trop; pas un trait, pas un des propos du dialogue, qui ne soit révélateur. C'est un objet parfait." ~ André Gide
Le loup, non
content de faire peur, tente de justifier l’acte qu’il va commettre… et fait même passer l'agneau pour l'agresseur.
Le Loup et l'Agneau / Jean de La Fontaine
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
‒ Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
‒ Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
‒ Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
‒ Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
‒ Je n'en ai point.
‒ C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
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