31 mai 2015

Bonté divine! des enfants pris en otage par «Dieu»!

Un brin d’histoire «divine»

On peut imaginer que le mot Dieu (ou un équivalent, nous avons le choix) est apparu en cours d’évolution pour symboliser tout ce que nous ne comprenions pas – forces invisibles aussi bien que visibles sur lesquelles nous avions peu (ou pas) de contrôle. Nous avons attribué à Dieu diverses «personnalités» semblables aux nôtres, associées à des formes humaines variant selon les époques et les cultures. 
   Quelques spécimens de l’espèce humaine, peut-être un peu plus rusés, commencèrent à parler au nom de Dieu, c’est-à-dire à utiliser le concept de la déité pour dominer leurs pairs. Le bal était parti : récompenses/punitions, sacrifices, condamnations, cruautés, persécutions, assassinats individuels et génocides. Jusqu’où pouvaient aller les humains pour plaire à Dieu? Les religions devinrent le nouveau prétexte pour nous entretuer, plus crédible, parce que la source de commandement était non vérifiable – justice divine dont l’homme était l'instrument! Et puis, la religion est encore perçue comme une sorte d’assurance tous-risques contre la malchance. 
   C’est effrayant d’avoir affaire à des humains qui se prennent pour Dieu. 
   En tout cas, j’imagine mal un Dieu parfait, donnant dans la «partisannerie» et exigeant des sacrifices humains... Franchement!

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Meilleur argument logique contre un Dieu interventionniste tout-puissant, parfaitement bon et aimant : 
   Si Dieu est disposé à prévenir le mal, mais en est incapable, alors il n'est pas tout-puissant. S'il est en mesure de prévenir le mal, mais ne veut pas, alors il est lui-même le mal. S'il est à la fois disposé et capable, alors pourquoi y a-t-il encore tant d’atrocités dans le monde? S'il n'est ni disposé ni capable, alors pourquoi l'appeler Dieu?
~ Épicure

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Pourquoi notre détermination à croire est-elle puissante au point que le nombre grandissant d'enfants affamés et la souffrance des autres créatures sensibles n’arrivent même pas l’affaiblir? Pourquoi tant de personnes, normalement compatissantes, mettent autant d’énergie à défendre quelque chose d’indéfendable : l'idée que toutes ces horreurs se produisent sous l'oeil vigilant d'un Dieu d'amour tout-puissant qui intervient dans nos vies, mais pas dans celles des autres? 
   Les spécialistes en sciences cognitives nous ont appris que lorsque les humains veulent croire à une chose, ils n’ont aucune difficulté à invoquer des pseudos «raisonnements logiques». 
   Aujourd'hui, Dieu a perdu sa forme humaine, du moins physiquement, et le règne des explications surnaturelles s’estompe année après année. Nous savons que les mauvaises récoltes ne sont pas une punition divine. Nous savons que si les bébés à gros cerveau blessent les femmes à l’accouchement, ce n’est pas à cause du péché originel. Nous savons que les convulsions ne sont pas crées par des démons. Quelques fondamentalistes, comme Pat Robertson et Ted Cruz, peuvent encore penser que les ouragans ou les sécheresses sont imputables au mariage gay plutôt qu’au carbone atmosphérique, mais les gens sérieux s’abstiennent d’invoquer des explications surnaturelles, si ce n’est la structure mathématique de l'univers ou la relation entre le monde physique et la conscience...
   Tout le monde ne cherche pas à obtenir la même chose de Dieu, que ce soit sur terre ou dans l'au-delà. Au niveau le plus simpliste, les gens qui prêchent et pratiquent le Prosperity Gospel comme Joel Olsteen et ses partisans, ou le Creflo Dollar, veulent fondamentalement de l'argent. 
   Peu importe, lorsque nous donnons notre vie, notre argent, notre énergie à un dieu, nous nous attendons à un retour quelconque. Sans l’espoir que notre dévotion puisse changer notre vie pour le mieux sur terre et dans l’au-delà, et nous attirer des faveurs divines, la question de savoir si Dieu existe n’intéresserait à peu près personne.
   Alors, revenons à notre question : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Ismaël existe-t-il? 
   Je crois que nous pouvons faire mieux. 

~ Valerie Tarico, psychologue (Trusting doubt: A Former Evangelical Looks at Old Beliefs in a New Light)

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L'élément des religions, c'est l'ignorance. La foi disparaît devant la science. Une humanité qui nous serait supérieure n'aurait plus besoin de croire; elle saurait.
~ Louise Ackermann, 1813-1890 (Pensées d'une solitaire)

E-GOD – «smite» : châtier

Elle demanda donc à son père s'il lui arrivait de prier. Il dit : ‘Autant prier Edison quand une ampoule grille’. 
~ Milan Kundera (L'immortalité)

Si quelque chose m'a toujours profondément écoeuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme.
~ Milan Kundera (La valse aux adieux)

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«Les enfants ne sont pas à l'origine de ces attentats-suicides. Ils sont utilisés intentionnellement par les adultes de la manière la plus horrible», a dénoncé la Représentante de l'UNICEF au Nigéria, Jean Gough. «Ils sont d'abord des victimes». La fréquence et l'intensité des attaques suicides impliquant des femmes et des filles ont fortement augmenté cette année. Des filles et des femmes ont été utilisées pour faire exploser des bombes ou des ceintures d'explosifs à des endroits très fréquentés, comme des marchés et des gares routières. (...) Depuis juillet 2014, neuf attaques suicides impliquant des enfants âgés entre 7 et 17 ans - toutes des filles - ont été signalées. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=34855#.VWtqFk3bK71

Avant de voir les deux documentaires ci-après, j’ai regardé Children of The Taliban (PBS, 2009). Ce film a éclairé ma lanterne au sujet des tenants et aboutissants de l’affaire Khadr et des enfants-bombes.
Omar Khadr: Out of the shadows (2015)
http://www.cbc.ca/player/Shows/ID/2668265371/
The US vs. Omar Khadr (2008)
http://www.cbc.ca/player/Shows/ID/2668262892/

Les enfants des talibans :
Sharmeen Obaid-Chinoy, née à Peshawar (1), a entrepris un périlleux voyage à travers le Pakistan pour enquêter sur les méthodes de recrutement des talibans.
   Elle a interviewé des jeunes embrigadés et des recruteurs. Les méthodes de recrutement sont plus raffinées qu’en 2009 – il est facile de mobiliser des jeunes adultes via Internet. Mais la technique de base reste la même dans les pays plus concernés par cette dynamique : démolir un village ou une ville, offrir nourriture et gîtes gratuits aux victimes (voire de l’argent), établir un niveau de confiance puis soumettre, isoler et endoctriner. Rien d’exceptionnel, toutes les idéologies à forte charge patriotique, religieuse ou sectaire fonctionnent ainsi depuis l’aube des temps.
http://video.pbs.org/video/1134781691/

Quelques extraits (transcription/traduction maison)

Le père de deux fillettes est désemparé car les écoles ont été brûlées par les talibans :
Q. : Quel est l’effet de la présence des talibans?
R. : Les gens sont psychologiquement affectés. Profondément déprimés. Quand je regarde le visage des gens, je vois une tristesse. Personne ne peut dire quoi que ce soit. Nos bouches sont cadenassées. Nos pensées sont enchaînées.

Un adolescent embrigadé :
Q. : Que font-ils pour vous inciter à joindre leurs rangs?
R. : Les talibans offrent nourriture et logement gratuits. Ils nous invitent d’abord à la mosquée où ils prêchent. Ensuite ils nous emmènent dans une massadra [une école], et nous enseignent le Coran. Les enfants sont entraînés pendant des mois. Ils nous enseignent à manier carabines, kalachnikovs, lance-roquettes, grenades et bombes. Ils nous demandent de les utiliser contre les infidèles. Ensuite, ils nous montrent comment réaliser un attentat-suicide.
Q. : Aimerais-tu commettre un attentat-suicide?
R. : Si Dieu m’en donne la force.
Q. : Penses-tu qu’il y a suffisamment de jeunes adolescents comme toi pour permettre aux talibans de gagner?
R. : Si Dieu le veut. Nous sommes des milliers. Les talibans ont maintenant le pouvoir de vaincre l’ennemi. Mon frère a été tué dans la massadra, et nous n’avons trouvé que ses jambes à enterrer, les chiens l’avaient dévoré.

Obaid-Chinoy : «C’était après un bombardement américain; chaque bombardement américain entraîne un rallye de recrutement.» 

Autre adolescent pakistanais, interviewé dans une massadra :
Q. : Pourquoi les talibans détestent-ils autant les Pakistanais?
R. : Ils ont adopté les politiques américaines. Voilà pourquoi les talibans sont si en colère contre eux. Voilà pourquoi nous souffrons.
Q. : Penses-tu que vous pouvez gagner cette guerre?
R. : Si les Pakistanais continuent à combattre ainsi, ce sera très mauvais. Si l’Amérique continue de bombarder les régions tribales et de martyriser des innocents, nous sommes obligés de les attaquer. Si les leaders pakistanais et l’armée maintiennent leur attitude, alors nous prendrons le contrôle de Peshawar et d’autres villes, Islamabad et Karachi...

Obaid-Chinoy : «Les quartiers pauvres sont le terrain de prédilection du recrutement. Dans les massadras, la nourriture et le logement sont gratuits. Les jeunes étudient uniquement le Coran, il leur est défendu de lire quoi que ce soit d’autre – pas de maths ni sciences.» 

Un jeune pensionnaire d’une massadra, qui semble avoir totalement absorbé l’idéologie : (au sujet des femmes) 
R. : Les femmes servent aux tâches domestiques, et c’est ce qu’elles devraient faire. La loi de la sharia le dit, alors pourquoi les femmes errent-elles? Le gouvernement devrait défendre aux femmes et aux filles d’errer dehors. Le gouvernement a banni le sac de plastique. Plus personne ne les utilise.

Obaid-Chinoy : «Il considère que les talibans sont les seuls hommes capables de garder les femmes à leur place.» 

Q. : Après avoir gradué, te joindras-tu aux talibans?
R. : Oui, j’ai l’intention de les joindre et de supporter leur guerre. Mais pas au Pakistan, pour une guerre en dehors du Pakistan.

Un des responsables de la massadra :
R. : Les massadras jouent un rôle très positif. Ce n’est pas un endroit voué au terrorisme et aux malentendus – les massadras ont toujours promu la paix, l’amour et l’harmonie.

Retour au pensionnaire :
Q. : Qui va gagner cette guerre d’après toi?
R. : C’est dans notre sang. Peu importe le nombre de musulmans qui meurent, nous ne manquerons jamais d’agneaux à sacrifier. Les non-musulmans pensent uniquement à ce monde. Mais les musulmans considèrent que c’est une occasion de devenir un martyr. Si quelqu’un voit la mort comme une bénédiction – qui peut le vaincre?
Q. : Commettrais-tu un attentat-suicide?
R. : J’aimerais ça. Mais seulement avec la permission du père. Quand je vois des adolescents plus jeunes que moi ou du même âge réaliser un attentat-suicide, ces attaques formidables m’inspirent terriblement.

Obaid-Chinoy : «La propagande vidéo des talibans est très facile d’accès.»
Elle en affiche une à l’écran. On voit d’abord un jeune aligner des colombes blanches en train d’agoniser (il vient probablement de les tuer). Puis, un coucher de soleil apparaît avec en musique de fond de très jeunes enfants qui chantonnent une (morbide) comptine : 
   Si tu essaies de me trouver après ma mort 
   Tu ne trouveras jamais mon corps en entier 
   Tu me trouveras en petits morceaux 

Un jeune recruteur «professionnel» :
R. : Nous n’avions pas l’habitude de nous battre au Pakistan, puisqu’ils sont musulmans. Mais quand ils ont commencé à nous bombarder, nous avons dû faire le jihad contre eux.

Obaid-Chinoy : «Il a commencé sa carrière alors qu’il était enfant. Après avoir été éduqué dans une massadra on l’a envoyé en Afghanistan pour combattre. Assis en tailleur, il balance le haut de son corps en avant et en arrière comme on le lui a montré à la massadra. Il a l’air d’être en transe.»

Q. : Comment procèdent les talibans pour inviter ou convaincre les enfants de les suivre?
R. : Les enfants veulent se joindre à nous parce qu’ils aiment nos armes. Ils n’utilisent pas nos armes au début. Ils ne font que les transporter pour nous. Et allons-y! Ils nous suivent parce que ce sont de jeunes enfants.
Q. : Ne penses-tu pas que c’est mal d’utiliser des enfants pour attaquer?
R. : Si tu combats, alors, Dieu te donne les moyens. Les enfants sont des outils pour accomplir la volonté de Dieu. Tout ce qui se présente, tu le sacrifies. C’est correct.
Q. : As-tu déjà vu ce genre d’entraînement? (Elle lui montre une vidéo)
R. : Oui, mais ce sont des enfants plus âgés. Les nôtres ont 5, 6 et 7 ans.

Obaid-Chinoy : «Il y a 18 millions d’enfants au Pakistan dont le quart vit très en dessous du seuil de pauvreté. Si les militants continuent de propager leur guerre et de recruter librement, bientôt le Pakistan leur appartiendra.»

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(1) Selon le correspondant de l'Agence France Presse au Pakistan, Guillaume Lavallée, ce pays est l’un des plus dangereux pour les journalistes. Les reporters doivent travailler sous la menace des talibans, des groupes rebelles ou encore, des forces armées. Chaque année, on compte plusieurs enlèvements et assassinats.

Étant donné la proximité de Peshawar avec les régions tribales abritant les fiefs des talibans, la ville est souvent victime d'attaques de ces derniers et se trouve au cœur du conflit armé du Nord-Ouest du Pakistan. Peshawar est l'une des grandes villes du pays les plus régulièrement frappées par des attentats. Ces derniers ont redoublé depuis 2007 et également après le lancement d'une offensive de l'armée pakistanaise contre les talibans dans le Sud-Waziristan le 17 octobre 2009. 
   Depuis 2006-2007, les attentats à la bombe se sont multipliés à Peshawar. Environ 50 personnes ont été tuées au cours de l'année 2007, dont le chef de la police de Peshawar. Plus de 60 ont été victimes des explosions en 2008, et l'année 2009 a été la plus violente avec plus de 320 morts. En 2010, plus de 50 personnes ont été tuées dans la ville. Le deuxième attentat le plus violent du pays a d'ailleurs eu lieu dans la ville : le 28 octobre 2009, un attentat fait plus de 110 morts et il coïncide avec la visite d'Hillary Clinton dans le pays. 
   Le 22 septembre 2013, une faction talibane revendique un attentat dans une église de Peshawar. Cette attaque, la plus meurtrière contre la communauté chrétienne du pays, fait 82 morts.
   Le 16 décembre 2014, au moins 141 étudiants sont tués dans l'attaque d'une école par un commando taliban. Il s'agit de l'assaut terroriste le plus meurtrier perpétré au Pakistan. (Wikipedia)

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