Moi non.
Je devais dormir au gaz, la tête enfouie dans le sable d’une plage du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse ou de la Virginie! J’avais vaguement entendu parler qu’on avait trouvé des vestiges de bombes dans le fleuve Saint-Laurent et au large des côtes des provinces maritimes, mais bon, ça ne m’empêchait pas dormir.
Alors, l’autre jour, je me suis réveillée en sursaut en voyant le documentaire «Armes chimiques sous la mer» de Nicolas Koutsikas, Eric Nadler et Bob Cohen (France 2013), produit par ARTE.
Les «brillants» dirigeants des pays alliés (1944-45), ayant décidé de bannir l’utilisation des armes chimiques, ont pensé que la meilleure façon de s’en débarrasser serait de les larguer un peu partout au large des côtes de l’Adriatique, de la Méditerranée, de la mer Baltique, du Pacifique, de l’Atlantique, etc. C’est vrai qu’à l’époque on croyait pouvoir tout dumper dans la mer et que c’était sans conséquences – ni vu ni connu je t’embrouille. Vraiment génial. On aurait dû disséquer leurs cerveaux après leur décès, on aurait sûrement trouvé des petites connexions neuronales sectionnées.
Résumé (ARTE) :
Cachées depuis des décennies, les décharges d'armes chimiques sous-marines livrent un peu de leur secret grâce à cette enquête : un scandale militaire hérité de deux guerres mondiales et une véritable menace pour l'homme et pour l'environnement.
De véritables bombes à retardement dorment au fond des mers et des océans de toute la planète. ... De 1917 à 1970, pour se débarrasser des stocks explosifs et hautement toxiques, les armées des grandes puissances mondiales les ont déversés dans les océans. Le contenu de ces armes, des poisons mortels encore actifs, s’échappe peu à peu dans la mer, menaçant les pêcheurs, les baigneurs, les poissons et tout l’écosystème.
Interviews et images d’archives passe en revue les zones à risque et montre que des solutions sont possibles pour nettoyer ces décharges. À condition que les États acceptent d’y mettre le prix.
«Courage ou bêtise. Parfois c'est bien la même chose. Surtout chez les militaires.»
~ Henning Mankell
Inutile de chercher aux confins de la planète pour trouver des coupables, quoique... il y a des décharges partout. La plupart des pays ont sans doute des petits restants d’armes chimiques dans leurs placards, au cas où... Les nations concernées avaient convenu d’interdire la diffusion de ce dossier militaire jusqu’en 2017. (Pourquoi 2017?!) Le meilleur moyen de manipuler les gens est de les garder dans l’ignorance. Mais, il y a eu des fuites, car les pêcheurs avaient de quoi jaser à propos de leurs poissons contaminés.
Terrance P. Long, fondateur et président de l’ONG International Dialogue on Underwater Munitions * (Dialogues internationaux sur les armes sous-marines) habite en Nouvelle-Écosse. L’ancien ingénieur, enrôlé dans l’armée canadienne en 1975, participa à des missions de déminage pour l’ONU, notamment pour enseigner aux populations «minées». De retour au pays, il quitta l’armée et travailla pour des entreprises de prospection pétrolière. Or ce travail lui permit de découvrir qu’il y avait des décharges de munitions partout dans le monde, le long de toutes les côtes de l’Atlantique et de l’Ouest du Canada, de la mer Baltique à la mer du Japon.
Il y en avait même au lac Bras d’Or (classé réserve de la biosphère en 2011) situé au centre de l’Île du Cap-Breton, en plein coeur de la Nouvelle-Écosse. 3000 décharges de munitions gisent au fond du lac. Le gouvernement du Canada n’a toujours pas reconnu officiellement ce fait. Comme les décharges sont invisibles en surface, personne ne se plaint.
«Le lac abritait une vingtaine d’espèces de poissons; c’était un lieu de reproduction. Pendant la guerre une grande quantité d’armes a été déversée ici. Après, on a commencé à voir des lésions inhabituelles sur certains poissons et à trouver du plomb et de l’arsenic dans la chair. De toute évidence, quelque chose menaçait notre vie. Nous avons le taux de cancer le plus élevé de la province. Plusieurs amis et membres de ma famille en sont morts. Une de mes petites-filles suit un traitement en ce moment. Nous en sommes à la septième génération et nous voulons nous assurer que les prochaines aient les mêmes privilèges que nous avons déjà eus – de l’eau propre...»
~ Albert Marshall, un sage de la communauté Micmac (lors d’un entretien avec Terrance Long)
La capitale de la Nouvelle-Écosse, Halifax, est depuis le dix-huitième siècle la plus grande base militaire canadienne. Elle fut pendant la Première et la Seconde Guerre Mondiale le principal port d'embarquement de troupes et de matériel vers l'Europe. Sydney, la principale ville de l'Île du Cap-Breton, joua le même rôle.
* L’IDUM : Cette organisation non-gouvernementale fut créée en 2004. Son objectif est d’obtenir la signature d’un traité international contraignant concernant tous les types de munitions présentes sous la mer (conventionnelles, biologiques, chimiques et nucléaires). Le travail de l’IUDM est reconnu au niveau international par les diplomates, et les organisations qui s’occupent d’environnement. http://www.underwatermunitions.org/
«Quand la convention sur l’interdiction des armes chimiques a été adoptée en 1992, elle prenait seulement en compte le stock actuel d’armes chimiques, soit environ 100 000 tonnes, mais elle ignorait le million de tonnes de munitions immergées. Si certains pays comme la Pologne et la Norvège, et le canadien Terrence P. Long, président des Dialogues internationaux sur les armes sous-marines, alertent régulièrement l’organisation à La Haye, aucune mesure n’a été prise aujourd’hui. Et même lorsque le secret-défense sera levé, que l’on pourra enfin faire l’inventaire des décharges et lancer des recherches sur leur nocivité, il faudra selon moi des années, voire des décennies, pour trouver des solutions. D’autant que l’on ne connaît rien encore de l’arsenal chimique russe, au moins tout aussi important que celui des États-Unis...» ~ Nicolas Koutsikas
Quels sont les principaux poisons contenus dans ces bombes?
Les voici (ça donne froid dans le dos!) :
- Arsine ou trihydrure d’arsenic : Un gaz incolore et toxique, plus lourd que l’air, utilisé par l’armée allemande, en association avec d’autres gaz, dans les obus chimiques de la Première Guerre mondiale. Diffusé en aérosol assez fin pour passer la barrière des filtres des masques à gaz, il forçait les soldats à tousser, éternuer ou vomir. Poussés à ôter leur masque, ils respiraient alors d’autres gaz mortels libérés par les obus. Dans la mer, les armes chimiques à base d’arsenic se décomposent en arsenic inorganique, qui est toxique.
- Chlore : Utilisé lors de la première attaque chimique en 1915, le chlore est un puissant agent irritant qui peut infliger des dégâts aux yeux, au nez, à la gorge et aux poumons. A haute concentration, il peut causer la mort par asphyxie.
- Gaz moutarde : Il s’attaque à tous les organes du corps, provoquant de fortes brûlures, notamment aux yeux, menant à la cécité. Jusqu’à dix jours après l’exposition, les poumons peuvent être atteints : toux, inflammation, saignements, puis apparition de lésions alvéolaires entraînant une détresse respiratoire, un oedème pulmonaire et la mort. Dans la mer, [il semble que] le gaz moutarde se décompose en soufre, carbone et hydrogène, des éléments chimiques relativement inoffensifs.
- Sarin : Découvert en 1939 par trois scientifiques allemands à la recherche de meilleurs pesticides, le gaz sarin est une substance inodore, incolore et volatile. Même à très faible dose, ce neurotoxique peut être fatal pour l’homme et l’animal.
[J’ajouterais toute forme de vie!]
- Tabun : Découvert par hasard en Allemagne en 1936 par Gerhard Schrader, c’est un gaz à action rapide, inodore et incolore, qui s’attaque au système nerveux et respiratoire.
Source (plus d’information sur le contenu du documentaire) :
https://angescorpion.wordpress.com/2014/05/05/armes-chimiques-sous-la-mer/
Les 140 000 emplois promis par M. Couillard sous notre nez
Terrance Long suggère de créer des sociétés de déminage et de décontamination :
«Les risques d’accidents sont évidents mais les responsables ne font rien. Les pays redoutent d’être tenus responsables ou d’avoir à payer la facture. Ici, les jeunes partent les uns après les autres chercher du travail ailleurs alors qu’on pourrait dépolluer les sites, organiser des opérations sous-marines... Franchement, cela pourrait relancer l’économie partout dans le monde. Pourquoi ne pas fonder des relances, ils le font bien pour des ronds-points et des autoroutes; pourquoi pas une relance pour vider les sites de munitions?»
En effet, au lieu de courir après des investisseurs éco-suicidaires, allons vers ceux qui veulent assainir la planète.
«La mer est un rêve qui ne rend pas les armes.» ~ Henning Mankell
-------
Dans le même ordre d’idée -- le diable est tout partout...
«Il y a des événements dont les mots aussi ont peur, qu'ils se refusent à traduire.» ~ Henning Mankell
On devrait acheter des cerveaux orientés sur la dépollution pour faire changement! Même que le Québec n’en manque pas. Selon le documentaire dont il est question ci-haut, les Japonais sont devenus des experts dans le domaine de la décontamination et du déminage – pas étonnant après tout ce qu’ils ont expérimenté.
Opération Paperclip : mettre le grappin sur 1600 scientifiques allemands
L'histoire commence en mars 1945 lorsqu'un technicien de laboratoire découvre un document caché dans une salle de bain de l'Université de Bonn : la liste des milliers d'employés du programme scientifique nazi. Cette liste atterrit entre les mains du renseignement américain, qui salive devant tant d'expertise.
Le major américain Robert Staver envoie alors un télégramme au Pentagone. Il demande que l'on autorise l'enlèvement et le recrutement de 1600 scientifiques allemands de haut niveau.
Ce sera le début de l'opération Paperclip, ou «trombone».
Tout est organisé pour les savants et leurs familles. Le président Truman avait bien ordonné d'éviter de recruter d'anciens nazis, mais on retrouve tout de même parmi les scientifiques plusieurs officiers SS, des membres du Parti national-socialiste et des criminels de guerre.
Beaucoup d'entre eux sont placés dans des situations d'autorité. Le plus connu est sans aucun doute Wernher von Braun, responsable du développement du missile qui a ravagé la ville de Londres, le V2, et qui deviendra un acteur important des débuts de la conquête de l'espace.
Le gouvernement américain se défend. S'il n'avait pas mis la main sur ces savants, les Soviétiques l'auraient fait à sa place. Ce qui n'est pas tout à fait faux. Les Russes avaient eux aussi un programme de recrutement de scientifiques allemands.
Mais les Américains ont-ils eu raison de mettre au point des armes chimiques et de poursuivre des tests qui violaient l'éthique médicale, au nom de la guerre froide?
Émission «À rebours», 22 mai 2015 :
http://ici.radio-canada.ca/emissions/a_rebours/2014-2015/chronique.asp?idChronique=373184
Aucun commentaire:
Publier un commentaire