22 mai 2015

Dans une pseudo-démocratie près de chez vous

Encore des élections!

Promesses durables : 
   Happiness is just one purchase away.
   Happiness is just one election away.
   Happiness is just one war away.

“All propaganda is lies, even when one is telling the truth. I don’t think this matters so long as one knows what one is doing, and why.” (14.3.1942)
~ George Orwell   (Orwell diaries 1938-1942) http://orwelldiaries.wordpress.com/

Allez hop! dans le nuage. (Artiste : Pkuczy)

«En réaction au besoin humain de se connecter à quelque chose de plus profond et de plus satisfaisant que les convoitises suicidaires de nos sociétés, des individus du monde entier font preuve de créativité, de courage et d’intelligence pour s’extirper de leurs façons de vivre conditionnées. Dans un sens, on peut les dire à contre-culture, dans un autre sens, ils se sont engagés à suivre un impératif culturel plus profond, enraciné dans l’appréciation de la terre, de la vie et de la beauté des choses simples. ... Suis-je un anarchiste, un fauteur de trouble, un rebelle, un agitateur, parce que je veux participer à quelque chose de totalement nouveau? Si oui, alors, je suis un ‘anarchiste, non-violent et compatissant’.» (William Martin)

L’article suivant se rapporte à la campagne préélectorale américaine, mais on peut facilement se l’approprier.

Propagande
Par William Martin

[Extraits, traduction/adaptation maison]  

(...)
La propagande consiste essentiellement à associer des images à charge émotive et des mots à une idée politique ou économique qui, en réalité, n'a rien à voir avec les images et les mots utilisés. Imaginez une publicité politique montrant des enfants adorables qui jouent sur du gazon vert (au ralenti, bien sûr, avec fond de musique douce) et un parent concerné disant : «Je veux que mes enfants aient un avenir sûr, une bonne éducation, et la chance d’avoir une vie heureuse (plus d'images d'enfants en train de jouer ou assis sur les genoux de leurs parents ou qui vont à l'école). J’ai travaillé très fort pour assurer leur sécurité et je crains (notez l’émotion associée à ‘je crains’) qu'ils la perdent.» À la fin, le message est relié à : votez pour ...

Cette mini pièce de théâtre a évoqué l'enfance, la sécurité, le bonheur, l'éducation, et l'inquiétude. Rien d'essentiel n’a été dit, et les financiers derrière la pub se fichent très probablement de vos enfants, de leur éducation ou de leur sécurité. En fait, ils pourraient très probablement couper les budgets de l’éducation, couper le soutien aux enfants défavorisés, et siphonner votre argent durement gagné pour renflouer des guerres et l'exploitation. Mais peu importe – vos émotions ont déjà été subtilement biaisées de sorte que vous pensez que les enfants heureux et vos propres craintes sont liés à votre vote. La même annonce pourrait, bien entendu, vendre presque n’importe quoi.
(...)

L’acharnement politique sera pénible durant la période électorale toujours plus longue. Les peurs, les scénarios angoissants, les messages haineux et les convoitises dissimulées seront suscités à coups de milliards de dollars de propagande sophistiquée parodiant la démocratie. N’y faites pas attention. Éteignez, n’écoutez pas, sortez-la de votre radar. À la place, concentrez-vous sur la vie autour de vous. Regardez votre communauté à travers votre compassion innée. Laissez tomber vos peurs et le conditionnement d’autoprotection. Touchez, goûtez, écoutez la musique de la nature. Vous pourriez décider de voter pour quelqu'un parce que vous avez écouté la vie au lieu des medias. Vous pourriez décider de ne pas voter du tout. Si oui, ne le faites pas par désespoir ou apathie, mais par engagement profond à quelque chose de Nouveau. Quelque chose qui serait un pas vers une révolution transformatrice de la communauté, motivé par de la compassion envers notre monde.

Article intégral : http://www.taoistliving.com/?p=628

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Aujourd’hui, avec Internet, les partis politiques n’ont plus besoin d’agences de publicité pour leurs campagnes préélectorales. N’importe quel twit peut diffuser son baratin home-made sur le web à peu de frais. 
   Un équivalent du watchdog PRWatch devrait être créé pour nous aider à différencier l’authentique du toc  – The Center for Media and Democracy (CMD) is a national non-profit watchdog organization that conducts transformative investigative research and reporting. CMD's niche is investigating and exposing the undue influence of corporations and front groups on public policy, including PR campaigns, lobbying, and electioneering, research it has pursued since its founding in 1993. http://www.prwatch.org/cmd/

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LES BARBARES
ESSAI SUR LA MUTATION
Alessandro Baricco
Gallimard, 2014 (Publication d’origine : 2006)

7. Démocratie 

   Si l’avènement de la démocratie avait été un des signes avant-coureurs de l’invasion barbare? (...) 
   Que pensez-vous de l’idée que, très probablement, aux États-Unis, ces dernières années et les prochaines, deux familles ont occupé et occuperont le pouvoir, les Bush et les Clinton? N’est-ce pas une forme perverse de nostalgie pour les bonnes vieilles dynasties? Et choisir démocratiquement, comme on l’a fait en Italie, d’être dirigé tout simplement par l’homme le plus riche du pays : n’est-ce pas là une forme infantile de déni de soi nostalgique, de regrets tardifs? Au nom de quelle formule absurde  de dégénérescence embrasse-t-on, sans l’avouer, l’ennemi qu’on a vaincu? (...) 
   Mais on a souvent l’impression que même les principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondèrent l’idée de démocratie ont coulé à pic, et que la seule valeur effective de la démocratie est la démocratie. Lorsqu’on limite les libertés individuelles au nom de la sécurité. Qu’on transige avec les principes moraux pour exporter la démocratie par la guerre. Quand on résume la complexité des nuances politiques en opposition entre deux camps qui, au fond, se disputent une poignée d’indécis coincés au milieu. N’est-ce pas le triomphe de la technique sur les principes? Et cela ne ressemble-t-il pas de façon surprenante au même éventuel délire barbare qui risque de sanctifier une simple technique pour en faire une divinité reposant sur une absence de sens? Fixez dans les yeux la démocratie et la barbarie : vous y verrez la même tendance à devenir des mécanismes parfaits qui se déclenchent à intervalles réguliers sans jamais en produire d’autre qu’eux-mêmes. Des montres qui fonctionnent à la perfection, mais sans faire bouger l’aiguille.  (p. 185/188) 

13. Hélice

   (...) Dès lors qu’on accepte l’idée d’une mutation et qu’on s’écarte joyeusement pour la laisser passer, il faut se préparer à la perte sèche de toute hiérarchie préexistante, à l’écroulement de notre galerie de monuments. Quelque chose restera certainement debout, mais aujourd’hui nul ne saurait dire quoi. La terre tremblera et c’est seulement après, quand tout se sera de nouveau figé sous la belle forme durable d’une nouvelle civilisation, que nous regarderons autour de nous et que nous verrons ce qui, des paysages de notre mémoire, est encore là. (p. 206/207)

Épilogue. La grande muraille 

   (...) Il n’est nulle mutation qui ne soit gouvernable. Abandonner le paradigme du choc des civilisations et accepter l’idée d’une mutation en cours ne signifie pas qu’il faille prendre ce qui arrive tel quel, sans y laisser la trace de nos pas. Ce que nous deviendrons demeure la conséquence de ce que nous voudrons devenir. Le soin, l’attention, la vigilance sont donc particulièrement importants. Il est aussi inutile et grotesque d’élever de prétentieuses murailles sur une frontière qui n’existe pas qu’il serait utile, au contraire, de naviguer intelligemment dans le courant, avec l’idée d’une direction et des compétences de marin. Ce n’est pas le moment de s’effondrer comme des sacs de pommes de terre. Naviguer, telle est notre tâche. (p. 222) 

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Complémentaire

La bible de la propagande, par Edward Bernays (en français) :
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=21

De la préface de Normand Baillargeon, professeur en sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), essayiste et chroniqueur à ICI Radio-Canada Première :  

– On pourra prendre une mesure de l'influence des idées de Bernays en se rappelant la percutante remarque d'Alex Carey, suggérant que «trois phénomènes d'une considérable importance politique ont défini le XXe siècle». Le premier, disait-il, est «la progression de la démocratie», notamment par l'extension du droit de vote et le développement du syndicalisme; le deuxième est «l'augmentation du pouvoir des entreprises»; et le troisième est «le déploiement massif de la propagande par les entreprises dans le but de maintenir leur pouvoir à l'abri de la démocratie». L'importance de Bernays tient précisément au fait qu'il a, de manière prépondérante et peut-être plus que quiconque, contribué à l'articulation et au déploiement de ce troisième phénomène.

– Par-delà ces exposés, où il est parfois difficile de ne pas entendre le ton du bonimenteur, cette ambitieuse œuvre de propagande en faveur de la propagande fournit l'occasion, à un personnage au parcours atypique, d'exposer et de défendre sa solution au problème de la démocratie contemporaine tel qu'il le conçoit. Et c'est peut-être justement par les idées qu'il expose à ce sujet, par la transparence avec laquelle il dévoile certaines des convictions les plus intimes qui prévalent au sein d'une large part des élites de nos sociétés et de ses institutions dominantes, que cet ouvrage constitue un incontournable document politique. 

«Heureusement, la propagande offre au politicien habile et sincère un instrument de choix pour modeler et façonner la volonté du peuple.» (E. Bernays) 

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Citations du jour :

«Méfiez-vous des gens qui commencent toutes leurs phrases en employant cette expression : ‘pour être franc et honnête...’. Ces gens-là ont quelque chose à cacher.»
~ Serge Bouchard (De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs)

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«On commence à se méfier de la ‘transparence’, elle cache trop de choses. Quand ils parlent de transparence, les hommes politiques oublient d'être clairs.»
«Les corrupteurs s'en tirent toujours mieux que les corrompus.»
~ Yvan Audouard

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«La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.»
~ Paul Valéry

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Réinventer le lien
Un être humain est une partie de l’ensemble que nous appelons univers, une partie limitée dans le temps et l’espace. Il fait l’expérience de lui-même, de ses pensées et de ses sentiments comme quelque chose de séparé du reste, une sorte d’illusion d’optique de sa conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous limitant à nos désirs personnels et à l’affection pour quelques proches de nous. Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes et l’ensemble de la nature...
~ Albert Einstein

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