25 septembre 2011

TANKAFAIRE

Ou quant à ne pas savoir quoi faire après un plein de nature.

Pas facile d’exprimer des sentiments, d’éveiller une émotion, avec une telle économie de mots!
Quand même amusant à pratiquer.


TANKAS

[Le tanka combine les 17 syllabes (5 / 7 / 5) du haïku plus 14 autres syllabes (7 / 7); certains comptent les syllabes muettes, d’autres non – ?? – hum, je les compte quand ça fait mon affaire… ouah.]  


Ni le temps ni l’éphémère
Ne compte aux yeux du
Photographe de l’invisible
Car les manteaux de lumière
Ne disparaissent jamais

---
Panne de pacemaker
Cœur battant à petits coups
Quatre-vingt-onze ans
De boum-boum-toc-toc-boum-boum
Dodo; congé mérité…  

---
Milliers de chevaux,
Nobles alliés, finissant
En coupes de viande
À l’impitoyable abattoir
Amis cédés au profit

---
Verrouillé du cœur
Tient amour comme poison
Mortel, maléfique. 
Fais sauter ta banque d’amour
La Source est inépuisable!  

---
Le Soi prisonnier
Otage du moi étriqué
Observe silencieux
Ce fou courant à sa ruine
Par le chemin des acquis

---
Deux pas en avant..
Puis l’amour s’effiloche par
Trois pas en arrière
Une gerbe d’immortelles
Aplaties sur un divan

~ Boudabla, 2011

***

Mon coeur vous suivra

À mon grand regret
Je ne puis me partager en deux
Mais, invisible,
Mon cœur vous suivra
En tous lieux.


~ Ikago no Atsuyuki

***

AUTRE

Nul besoin de chercher le réel,
À l’origine, l’esprit est Bouddha.
Le familier devient étrange,
L’étrange semble familier.

Jour et nuit,
Tout est merveilleux.
Rien ne peut te troubler.
Voilà l’essentiel de l’esprit.

~ Han Shan Te Chin’ga (1546-1623)

***

La «Dame» des troubadours 

      Né sitôt l’an mil passé, l’art des troubadours s’étend sur quatre siècles. Il apporte à la culture d’Oc l’une de ses plus brillantes expressions en même temps que la plus conventionnelle. Lorsque viendront les tempêtes, les troubadours se feront les chantres du Catharisme martyrisé et donneront à leur temps et à la postérité nombre de messages à comprendre en un sens second dissimulé. 
      Lorsque vinrent la croisade et l’Inquisition, nombreux parmi les troubadours mirent leur talent au service des persécutés. Beaucoup y perdirent la vie, comme Bernard de Laurac, brûlé vif en 1244. 
      Trobar clus 
      Le génie des troubadours, leur sympathie pour la cause des martyrs, devaient leur inspirer les chants à double entrée, la tradition du «Trobar clus», où il s’agit pour l’auditeur de trouver la clé dissimulée. 
      Tout au long de l’Inquisition naissent ainsi des chants d’allure anodine. L’amour courtois les inspire toujours et s’est teinté de mélancolie. Mais le chant s’adresse maintenant à une Dame qui n’est ni de chair ni de sang. La Dame, c’est l’âme, la vierge de lumière que chacun porte en soi et qu’il s’agit d’éveiller et de joindre. «Un sens caché a d’autant plus de prix qu’on lui reproche d’être non-sens échevelé», écrivait Guiraud de Borneilh. Entre 1220 et la fin de l’Inquisition par extinction de «l’hérésie», plusieurs centaines de troubadours vont écrire et dire des poèmes plus ou moins inspirés mais tous dédiés à «La Dame», la «mie» présente et absente, bien suprême en ce monde. 
      Le «Se Canto», attribué à Gaston, comte de Foix au début du XIVe siècle, plus connu sous le nom de Gaston Phébus, a franchi les siècles. De nos jours, combien de solistes et membres de chorales l’interprétant en soupçonnent-ils le sens?

S’il chante, qu’il chante
Se canto que cante
Ne chante pas pour moi
Canto pas per iou
Chante pour ma mie
Canto per ma mio  
Qui est loin de moi
Qu’es allenc de iou

Devant ma fenêtre
Dejoust ma finestra
Il y a un oiselet 
I a un auselou
Toute la nuit chante 
Toto la neyt canto
Chante sa chanson
Canto sa cansou

S’il chante… 
Se Canto

Devant ma fenêtre
Dejoust ma finestra
Il y a un amandier 
I a un amelhié
Qui fait des fleurs blanches 
Que fa de flous blancos
Comme du papier 
Coumo de papié

S’il chante… 
Se Canto…

Ces montagnes
Aquelhos mountagnos
Qui tant hautes sont
Que tan nautos soun  
M’empêchent de voir 
M’empachou de beyré
Où sont mes amours 
Mas amours oun soun

S’il chante… 
Se Canto…

Si je savais où la voir 
Se sabi oun la beyré
Où la rencontrer 
Oun las rencountra
Je passerais l’eau
Passarey l'aigueto
Sans peur de me noyer
Sens pou de m’néga

S’il chante… 
Se Canto…

Hautes, bien sont hautes
Nautos, bé soun nautos
Mais s’abaisseront 
Mès s’abaïssaran
Et mes amourettes
E mas amouretos
De moi s’approcheront 
D’iou s’approucharan

S’il chante, qu’il chante 
Se canto que cante

Ne chante pas pour moi 
Canto pas per iou
Chante pour ma mie 
Canto per ma mio
Qui est loin de moi 
Qu’es allenc de iou

Source :
Mystère et Message Cathares
JEAN BLUM  
Éditions du Rocher

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