11 juillet 2015

Grèce vs Europe à la Jean de La Fontaine

Trop bon!

La Cigale (grecque) et la Fourmi (européenne)
Par Stéphane Laporte (chroniqueur à La Presse; 11 juillet 2015) 

La Cigale ayant joué du bouzouki tout l’été
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue
Pas un seul petit morceau
De mouche et de souvlaki
Elle alla crier faillite
Chez la Fourmi sa voisine
La priant de lui prêter
Quelques grains pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle
«Je vous paierai, lui dit-elle
Avant l’août, foi d’animal
Intérêt et principal.»
La Fourmi n’est pas prêteuse
Surtout pas avec ceux qui en ont besoin
Elle préfère, la gratteuse
Prêter à ceux qui ont du foin
Cette fois, elle n’a pas le choix
Il lui faut faire de quoi
La Cigale et elle sont unies
Pour le meilleur et pour le prix
Sous la devise de l’euro
Et du déficit zéro
«J’acquiesce à une condition
Dit-elle à cette emprunteuse
Que vous arrêtiez votre chanson
Et deveniez malheureuse
Pratiquez l’austérité
Fini le temps de danser!»
La Cigale s’horrifia : 
«Vous ne pouvez pas me demander ça!?
C’est mon rôle et ma nature
De chanter au bleu azur.»
«Pas d’aide, sans privation
L’économie est ma religion.»
La Fourmi aime les coupures
Tellement qu’elle a enlevé trois lettres à sa nomenclature
Et se fait appeler par étrangers et amis
Tout simplement FMI
La Cigale finit par plier
Et promit de ne plus chanter
En échange d’un solide prêt
À remettre avec intérêts
Le problème, c’est qu’elle est plus attachée à la chansonnette
Que Nana Mouskouri à ses lunettes
Impossible de la bâillonner
Elle continua de siffler
La Fourmi ne le supporta pas
Ça ne se passera pas comme ça!
Il est défendu à une emprunteuse
D’être plus heureuse que sa prêteuse :
«Remettez-moi ce que vous me devez
Sinon je vais vous expulser!»
La Cigale sourit :
«Désolée, chère FMI
J’allais justement vous demander
Si vous n’en aviez pas encore un peu à me passer
J’ai bien essayé l’austérité
Mais, c’est difficile, surtout l’été
Ma constitution est ainsi faite
Que quand il fait chaud, je fais la fête
Et dommage pour ma dette
Chez moi, il fait toujours chaud
Alors je dois faire mon show.»
La Fourmi est découragée : 
«J’aurais dû rien vous prêter
Comment me faire rembourser!?
Pour mettre fin au bal
Je vais vous couper les cymbales!»
La Cigale répondit : «Non!
Il n’en est pas question!»
C’est là qu’on en est Aucune solution n’est trouvée
La morale de cette histoire
Ne perdons pas espoir
La Fourmi aura beau tout posséder
C’est toujours la Cigale qu’on entendra chanter!

Un peu d’humour quand même :
Cheval de Troie dernier cri (oui, je sais c'est impoli...)

«Je crois que ce sont les Grecs Angela...»

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La première fois que j’ai débarqué en Grèce (venue par bateau du sud de l’Italie), ç’a été le coup de foudre, comme pour beaucoup de monde. Je suis peinée de ce qui arrive, mais je suis certaine qu’ils vont s’en sortir, Thésée* l'emportera. Après tout, c’est quand même le berceau de la démocratie, comme on dit, et l'on n’élimine pas de telles influences ancrées dans l’ADN en claquant des doigts. Voilà. 
   Fichue mondialisation! Une chausse-trappe qui précipite toutes les nations dans la gueule du Minotaure...

* Le combat du minotaure avec Thésée par Apollodore : Tous les neuf ans (ou chaque année selon Virgile), sept jeunes garçons et sept jeunes filles étaient envoyés en sacrifice en Crète, en expiation du meurtre d'Androgée, fils de Minos, par Égée, roi d'Athènes. Une année, Thésée, le propre fils d'Égée, fut tiré au sort (ou embarqua de son plein gré) parmi les jeunes gens destinés au sacrifice. En arrivant en Crète, Thésée rencontra Ariane, la fille de Minos, qui tomba amoureuse de lui et à qui il promit le mariage. Sachant ce qui l'attendait, elle lui donna une bobine de fil afin qu'il la déroulât dans le labyrinthe et pût retrouver son chemin s'il ressortait vivant du combat. Thésée trouva le Minotaure, le tua, à mains nues selon Apollodore et retrouva son chemin dans le labyrinthe grâce à la bobine déroulée. (Wiki)

J’ai encore l’album ODES – Vangelis / Irene Papas.

Lamento μοιρολόι

Recorded in Nemo studios, London 1979, the entirety of the album is performed and produced by Vangelis, with the addition of a five-people choir in the opening track and of course, Irene Papas' lead vocals. First issue of the album on compact disc was in Greece only (Polydor 833 864-2). A remastered edition was released by Universal Music in 2007.
 
 

10 juillet 2015

Jusqu'où faut-il endurer?

Si vous attendez patiemment assez longtemps, éventuellement vous serez à bout de patience. ~ Ashleigh Brilliant

Les «Adorateurs du Bruit» (le culte dernier cri)

Les concerts de bruit au Parc Jean-Drapeau

Saint-Lambert demandait à la Cour supérieure d'imposer une limite de 95 dB lors des spectacles rock sur l'île Sainte-Hélène pour réduire la pollution sonore qui dérange les citoyens des quartiers résidentiels au bord du fleuve, sur la Rive-Sud.

La juge s’est prononcée en faveur de la ville de Montréal et des promoteurs d’EVENKO (ils doivent avoir d’excellents lobbyistes!). Pourtant la ville de Saint-Lambert a simplement demandé de réduire le volume à un niveau supportable, non pas d’annuler les spectacles! Pourquoi EVENKO refuse d’essayer?

Madona prétend qu’elle ne peut pas livrer un concert digne de ce nom sous la barre des 110 décibels.

Envoyons la juge écouter une couple de concerts, elle comprendra mieux le problème. En tout cas, je plains de tout cœur les gens qui subissent ce vacarme contre leur gré. On ne peut pas appeler ça de la musique...

Lorsque les nuisances sonores provoquées par les activités humaines dépassent les seuils d’innocuité vis-à-vis de l’acuité auditive, de la santé et des écosystèmes, on parle de pollution sonore.

Les conséquences d'une pollution sonore

Le bruit provoque en effet une gêne et un stress qui perturbent l’organisme, humain ou animal. Chez l’homme, cela peut entraîner des problèmes d’irritabilité, d’insomnie et de dépression. De leur côté, les animaux ont tendance à fuir, quand ils le peuvent, les zones trop bruyantes. 
   Les espèces qui utilisent les sons pour se repérer, se déplacer et communiquer, telles les cétacés ou les chiroptères, sont particulièrement vulnérables à ce type de pollution. 
   Quand le niveau sonore est trop élevé, le bruit peut provoquer des dommages physiologiques avec une perte temporaire, voire permanente, de l’audition.

Que dit la loi?

En raison de ces impacts, les législations nationales tendent à imposer des seuils limites d’exposition de la population et de l’environnement au bruit, à réaliser des études d’impact et à mettre en place des mesures d’atténuation et de protection (murs antibruit, protection individuelle…).

Source : Futura Science Environnement

Liste noire non exhaustive des activités les plus malsaines combinant à la fois pollution sonore, atmosphérique et aquatique :
http://situationplanetaire.blogspot.fr/2014/06/les-horreurs-de-la-belle-saison.html

Un aperçu du rapport bruits/décibels

Le seuil critique pour endommager ou perdre l'ouïe (si le bruit dure trop longtemps ou est constant) se situe à environ 85 dB.

Sèche-cheveux                                  75-90 dB
Circulation urbaine, aspirateur           80-100 dB
Tondeuse à gazon, motomarine        90-100 dB
Souffleur de feuilles                           95-115 dB
Wagons de métro                              100 dB
Motocyclette, motoneige                   100-105 dB
Scie mécanique, marteau piqueur    110 dB
Concert Rock                                   110-120 dB
Baladeur (volume max.)                    115 dB
Sirène d'ambulance, discothèque     120 dB 
Marteau-piqueur                                120-130 dB
Feux d’artifice                                  130-190 dB
Avion à réaction (à proximité)            140 dB 
Course Formule 1                            140-150 dB
Pistolets/carabines                            160-170 dB

Les êtres vivants peuvent mourir s’ils sont exposés à des sons d’intensité supérieure à 150 dB.

Effets sur la santé

Les effets de la pollution sonore ne se limitent pas à la perte de l'ouïe. Les bruits forts persistants entraînent des maux de tête et d'estomac, des acouphènes, de l’irritabilité, de l’insomnie, des difficultés d'apprentissage, et même des maladies cardiaques et de l'hypertension artérielle. (New Scientist)

Si nous voulions résumer sous un mode schématique les effets du bruit sur la santé (tout à fait bien documentés par la science et l'Organisation mondiale de la santé) nous le ferions comme suit :
- Surdité ou perte importante d'acuité auditive
- Fatigue, irritabilité
- Problèmes de sommeil important
- Augmentation de la tension artérielle
- Augmentation DES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES  
- Modifications du comportement : AGRESSIVITÉ SUBITE 

Agressivité qui se comprend à cause de ce qui se produit de fait. Qui tolérerait que quiconque lance des ordures dans son jardin, voire directement à son visage? Qui tolérerait qu'on lui marche sur les pieds? Avec le bruit excessif on nous marche sur les tympans impunément.

Visitez Le Regroupement québécois contre le bruit excessif – (RQCB)
http://www.rqcb.ca/fr/donnees_de_base.php

Voici un exemple de conséquence extrême due à l'exaspération accumulée. Je n'approuve pas, mais je peux comprendre. Qui n’a jamais ressenti d'irritation par rapport aux sons et aux bruits nuisibles et indésirables qu’on lui impose?

En 1998, le magazine Time publiait un récit troublant intitulé "Mad about Noise". Il débute ainsi : «Avez-vous déjà eu envie de tuer votre voisin parce que le volume de sa musique est trop fort? C'est exactement ce que l’agriculteur Lambrinos Lykouresis, âgé de 78 ans et retraité, a fait à Lithakia (île de Zakynthos). Lambrinos se plaignait du bruit à son voisin depuis des mois, en vain. Un soir pendant le bulletin de nouvelles qu'il avait toujours du mal à entendre, il a soudainement explosé. Il a pris son fusil de chasse et a sonné à l’appartement. Quand la femme a répondu, il a tiré trois coups à bout portant, la tuant instantanément et blessant son fils de 24 ans. Lambrinos est maintenant dans un endroit plus silencieux, une prison à sécurité maximale.

À certaines fréquences et intensités, les ondes sonores peuvent avoir un effet très puissant non seulement sur l'oreille, mais sur le corps tout entier. Les militaires et les scientifiques étudient le phénomène depuis très longtemps en tant qu'arme de destruction.

Un mot sur la Grèce  

On est loin du Pirée bucolique d'il y a 40 ans!
Containers, photo Reuters/John Kolesidis, via Le Monde.fr   

«Depuis le premier plan d'aide, en 2010, la Grèce a dû adopter une série de mesures d'austérité qui ont aggravé la crise. Avant la crise financière de 2008, la Grèce avait un taux de chômage semblable à celui d'autres pays européens. De 7,4 %, il a grimpé à 26,1 % en cinq ans. Les congédiements dans la fonction publique, les gels de salaire et de rentes de retraite, les diminutions de différentes prestations ainsi que les nombreuses hausses de taxes ont perturbé l'économie et le marché de l'emploi, faisant de la Grèce le pays de la zone euro avec le plus haut taux de chômage.» (ICI Radio-Canada, Nouvelles) 

À l’instar de tous les pays acculés à une crise d’austérité majeure, la Grèce est victime de ses propres erreurs d’administration politico-économique. Mais c’est aussi l’oeuvre de monopoles financiers qui vampirisent tous les pays jusqu’à les mettre à genoux : cartels internationaux, banques, institutions d’investissement, groupes d’hommes d’affaire crapuleux au service des corporations, avides de gains personnels.

On n’a pas besoin prouver l’égoïsme et l’avarice de l’homme. Il n’a pas le bien-être de l’humanité à cœur, sauf quand cela peut lui rapporter de l’argent. Si améliorer les conditions de vie des populations lui permet d’accumuler plus de profit sur les biens essentiels – agriculture, ressources, transport, électricité, etc. – il y verra.

L’exploitation de la main-d’œuvre, l’appropriation et la manipulation des ressources planétaires, les activités criminelles et la promotion de la guerre font partie des tactiques utilisées pour augmenter les profits des corporations internationales qui mènent le monde. Les systèmes économiques totalitaires, qu’ils soient communistes ou capitalistes, devraient disparaître pour laisser émerger un nouveau système. Sommes-nous obligés de répéter sans cesse les mêmes scénarios stupides?

Parmi les commentaires, on peut lire :

«La prétendue coopération Allemagne/Grèce s’est traduite par des exemptions privilégiées pour les Allemands, notamment pour les médecins et les scientifiques, pour l’appropriation des endroits de villégiature réservés aux retraités, et l’apport d’équipement agraire made in Germany. Le Mémorandum de 2011 avait pour but, en réalité, d’instaurer le modèle néolibéral européen que l’Allemagne essaie d’imposer à l’Union européenne en matière de croissance économique, d’éducation, de services de santé, d’énergie verte et de production agricole. ... »

«Les Grecs n’ont jamais appris à payer leurs taxes ... parce que personne n’est jamais puni. On estime par exemple, que les deux-tiers de médecins grecs déclarent 12000 euros de revenus par année – ce qui signifie que le montant des revenus étant sous le seuil de la taxation, même le chirurgien plasticien qui fait des millions par année ne paie aucune taxe. Selon la loi le tricheur est passible de prison, mais les percepteurs disent que si la loi était appliquée, tous les médecins seraient en prison. On ne les poursuit pas parce que la magistrature peut prendre jusqu’à 15 ans à résoudre les cas. ... 
   Où finit le gaspillage et où commence le vol est sans importance; l’un masque et l’autre permet au premier d’exister. On prend tout simplement pour acquis, par exemple, que quiconque travaille pour le gouvernement est susceptible d’être soudoyé. Les gens qui vont dans les cliniques médicales assument qu’ils devront soudoyer les médecins pour qu’ils s’occupent bien de leur cas. Les ministres qui ont passé leur vie au service du public sortent de leurs bureaux avec la capacité de s’offrir des domaines de plusieurs millions de dollars et deux ou trois maisons de campagne luxueuses. Plus de 25% des Grecs bien-nantis ne paient pas de taxes; quant aux richissimes armateurs qui habitent dans les îles, ils affichent pavillon étranger pour s’y soustraire.»

Ah, l’évasion fiscale... Qui va payer? Ce sont les honnêtes gens insolvables qui vont passer dans le hachoir encore une fois. Ce n’est pas tout à fait l’idée qu’on se faisait de la devise française «liberté, égalité, fraternité», qui est en fait une formule creuse.

Pourtant, si les pays vidaient les poches de tous les Arthur Porter (1) de ce monde, de même que celles des créditeurs/prédateurs derrière les gouvernements, les dettes disparaîtraient soudainement comme par magie.

(1) En fait, Porter n’est plus de ce monde, mais ses capitaux sont restés dans les abris fiscaux. L'État va-t-il poursuivre le procès auprès de la succession? Je me demande bien dans quel paradis non fiscal il a pu aboutir... 

Biographie complète de Porter, étape par étape (très intéressant!) : http://meteopolitique.com/Fiches/corruption/Gens-d-affaires/Arthur-Porter/Arthur-Porter-biographie-au-fil-du-temps.htm

Bien sûr, les médecins de cette catégorie ne sont pas les seuls escrocs du genre, on n’a qu’à penser aux innombrables Sepp Blatter (FIFA).

Parlant de médecins, vous aimerez peut-être :
«Dr Marc Zaffran : la relation entre patient et médecin»
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2014/09/dr-marc-zaffran-la-relation-entre.html

La faim dans le monde


160 $ par personne pour éradiquer la faim dans le monde, selon l'ONU 
Une somme de 160 $ par an, par personne vivant dans l'extrême pauvreté, suffirait à éradiquer la faim dans le monde d'ici 2030, selon un rapport des Nations unies.

À l’ONU : puisez dans les coffres des paradis fiscaux. En 2030, il sera trop tard...

8 juillet 2015

Je ne lâche pas la bride!

J’ai appris aujourd’hui qu’un autre cheval avait dû être euthanasié au Stampede de Calgary.

Cet article a été déplacé au MPH (Musée Planétaire des Horreurs)

Photo : Vancouver Humane Society  

Pouvez-vous imaginer sa frayeur?
«Si la cruauté humaine s'est tant exercée contre l'homme, c'est trop souvent qu'elle s'était fait la main sur les animaux.» ~ Marguerite Yourcenar (1903-1987

3 juillet 2015

Petrolia a mari usque ad mare

Et dominabitur a mari usque ad mare, et a flumine usque ad terminos terrae :
«Qu’il domine d'une mer à l’autre mer, depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre» (sous-entendu, le chef d'État, ayant droit divin).

Aujourd’hui on peut traduire par : «Que le pétrole domine d’un océan à l’autre».

Qu’avons-nous appris du déversement de pétrole à Lac-Mégantic il y aura deux ans en ce 6 juillet 2015?


Rien ne résume mieux notre situation que cet ouvrage publié en 2008 par Yves Paccalet. Comme nous n’avons rien fait de concret à grande échelle depuis, notre dette collective est proportionnelle à la taille de notre inconscience... À mon avis, nous sommes insolvables. Jugez-en par vous-même.

«On sent son esprit tomber dans un abîme quand on songe que les hommes font tant de mauvaises actions en présence des étoiles.» ~ Victor Hugo

Notes de lecture

Atlantide, rêve et cauchemar
Éditions Arthaud

La Nouvelle Atlantide

L’eau monte. Inexorablement…
Tel un châtiment envoyé par les dieux. Comme une punition de la Terre… Oui : Gaïa, la Terre, se venge des injures et des blessures que l’homme lui a infligées.

L’eau s’élève ainsi qu’une obsession.
Les îles disparaissent les unes après les autres. Les côtes basses, les marais littoraux, les deltas, les estuaires sont engloutis par les vagues. Le flot amer se répand. Les continents rétrécissent.

Les climats de la planète sont devenus fous...  
Pour les humains, de plus en plus nombreux sur le globe, la place manque de façon critique. L’espace fait défaut. Les territoires s’amenuisent. Les tensions s’avivent. Des guerres éclatent. On redoute des désastres inouïs.

Tandis qu’il faudrait davantage de produits agricoles pour nourrir des milliards de bouches, tandis qu’on aurait besoin de nouveaux champs cultivés, on stérilise la terre arable sous le bitume et le béton. On multiplie les immeubles d’habitation, les bureaux, les usines, les magasins, les routes, les ports et les aéroports. Dans les pays du tiers-monde, au lieu de semer des espèces vivrières, on plante d’immenses étendues de canne à sucre ou de palmier à huile (OGM, engrais chimiques et pesticides à gogo!) pour fabriquer des agrocarburants destinés à faire rugir des bagnoles de riches sur des autoroutes qui ne mènent que d’un décor de béton à un autre décor de béton...

Afin d’éviter le désastre, nous devrions diviser par deux, tous les vingt-cinq ans, nos émissions de ces gaz à effet de serre qui réchauffent l’atmosphère, provoquent la fusion des glaces et exhaussent le niveau des mers. Au lieu de cela, nous les doublons...

Nous brûlons avec frénésie des combustibles fossiles. La tragédie est écrite. La catastrophe se noue sur la tête de notre espèce comme les fumées d’usines et les échappements d’automobiles se tordent sur les cités industrielles un jour de pollution aiguë.

L’intelligence de l’homme

L’eau monte ainsi qu’un mauvais rêve…
Je vais raconter cette histoire, ô Platon. C’est celle de la Nouvelle Atlantide, autrement dit : la saga de l’humanité... 

Elle se termine mal.
Tout débute pourtant avec l’intelligence de l’homme : ce n’est pas le moindre paradoxe. Les dieux savent rire en manipulant comme des pantins les avides et naïfs mortels que nous sommes. L’Olympe s’amuse de notre petitesse affublée de gros défauts.

En tant qu’espèce, l’Homo sapiens paraît sur la Terre voilà cent cinquante mille ans. Il acquiert un gros cortex cérébral, apprend à parler et domestique les énergies. Quand il était grand singe, il ne pouvait compter que sur ses propres forces – ses muscles, ses nerfs, ses organes des sens – pour vivre. Sa capacité d’observation, d’analyse et de synthèse lui donne la mémoire collective et l’outil. Grâce à la culture, il dépasse sa nature primitive.

Pour le meilleur et pour le pire...
C’est au néolithique, à la fin de la dernière glaciation, voilà dix mille ans, que l’homme se rend maître de la force animale. Il invente l’agriculture et l’élevage. Il laboure son champ en attelant l’araire au bœuf. Il court deux fois plus vite à cheval que sur ses deux pieds. Il transporte ses marchandises à dos d’âne ou de chameau. Il commence à détourner à son profit les forces vives de l’eau et du vent, par exemple en installant des moulins sur les rivières et en naviguant à la voile.

Grâce aux énergies colées à la nature, notre espèce croît et se multiplie. Nous sommes dix millions d’humains au début du néolithique. À la fin de cette période, c’est-à-dire dans l’Antiquité – aux temps qui sont les tiens, Platon! -, nous avons multiplié notre effectif par dix : nous sommes cent millions. Nous continuons notre ascension. Nous amplifions ce que nous appelons (de façon, croyons-nous, légitime) le «progrès».

Nous sommes un milliard sous Napoléon.
C’est vers cette époque que nous inventons la machine à vapeur et que nous enclenchons la grande révolution industrielle. Un engrenage, à tous les sens du terme… L’énergie du charbon nous propulse partout sur la planète.

Lorsque nous apprenons qu’il existe, dans le sol de certaines contrées, une huile combustible, et qu’elle actionne puissamment les moteurs, tout s’emballe. Le pétrole fait de nous les rois du monde. Nous explorons les ultimes terres vierges, nous fondons des colonies à la taille des continents, nous inventons des machines de plus en plus complexes, efficaces et dévoratrices d’énergie. La révolution des hydrocarbures, suivie par celles de l’électricité, de l’atome, de l’ordinateur et de la biologie moléculaire, nous propulse où nous en sommes.

Dans le pétrin... Grâce à l’énergie gratuite accumulée dans le sol durant des dizaines de millions d’années par la décomposition bactérienne de milliards de cadavres d’animaux et de plantes, nous triomphons. Mais, c’est un cadeau empoisonné que nous présente la vie.

Dans un premier temps, nous exultons. Ce ne sont que bonnes nouvelles. Les chiffres nous grisent. Les statistiques nous droguent. Tout augmente : notre nombre, nos richesses et nos espoirs. Nous inventons la grande agriculture et l’industrie lourde, les trains, les paquebots, les automobiles, les avions, les fusées, les communications lointaines et l’Internet. C’est le pétrole qui nous donne la force mécanique de cultiver des champs immenses. C’est lui qui les fertilise, car les engrais chimiques en proviennent. C’est lui qui autorise les avancées de la science, notamment de la médecine. Ce liquide visqueux, salissant et puant nous offre notre grand coup d’accélérateur démographique.

D’un milliard en 1800 la population humaine passe à six milliards en l’an 2000. À huit milliards en 2025. À dix milliards en 2050. Au delà, qui sait?

Car Gaïa en a marre, ô Platon! Les limites de sa patience sont atteintes et sa capacité de punir est terrible. Comme l’histoire selon Marx, l’écologie s’écrit toujours deux fois : la première en farce et la seconde en tragédie.

La mécanique du malheur

Au XVIIIe siècle, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’optimisme est à la mode, même si Voltaire le brocarde dans Candide; même si l’on distingue assez mal la nature du progrès dans les tranchées de quatorze, les camps nazis, l’archipel du goulag, les épurations ethniques ou la bombe atomique.

L’humanité se persuade qu’elle avance. Qu’elle vivra des jours meilleurs. Que l’existence de ses enfants sera plus heureuse. Qu’elle connaîtra des lendemains qui chantent, non seulement en politique, mais pour la nourriture, le logement, la santé, les transports, les loisirs, la culture.

C’est alors que les ennuis commencent...
Marées noires, pollutions, extinction d’espèces, épuisement des sols, déforestation, désertification, sécheresses, inondations, cyclones ravageurs... Un jour de 1987, les citoyens de Mexico, effarés, voient pleuvoir des oiseaux. Les volatiles s’abattent dans les rues. Quelques battements d’ailes, un spasme et ils expirent. On les croit frappés par la foudre, mais le ciel est sans nuages. Sorcellerie? Vengeance du dieu Serpent à plumes? Non! Pollution de l’air… Un brouillard toxique, chargé de poussières, d’acides, d’hydrocarbures, de benzopyrène, d’ammoniac et de métaux lourds asphyxie les animaux en plein vol. Ceux-ci n’ont plus de force. Ils tombent.

Mais le réchauffement climatique est pire que toutes les pollutions réunies. Du reste, plutôt que de «réchauffement», mieux vaut parler de «chaos».

Il y a belle lurette que ce phénomène angoisse les écologistes et les climatologues, et que les «décideurs» économiques et politiques regardent ailleurs. Le premier qui dit la vérité expérimente à ses dépens le paradoxe de Cassandre. Si les désastres annoncés se produisent, on l’en rend responsable : halo sur celui qui nomme le malheur! Si le péril est conjuré parce que diagnostiqué à temps, Cassandre a eu tort; la situation n’était pas si grave; la devineresse n’est qu’une poltronne; la prochaine fois, on aura raison de ne pas la croire!

Ô Platon, tu connais Cassandre!
Si elle pouvait parler, elle tiendrait à peu près ce discours.

Avec le réchauffement climatique, la mécanique du malheur est en marche.

À cause des activités humaines, les climats de la Terre sont déréglés, fiévreux, malades, demain délirants, après-demain mortels... La planète nous fait payer notre insouciance – ou notre volonté de ne rien voir. Nos chaudières, nos moteurs et les incendies de forêts que nous allumons relâchent du gaz carbonique, dont le taux augmente dans l’atmosphère. Cette molécule retient, sous forme d’infrarouges (de rayons calorifiques), les rayons lumineux que nous adresse le Soleil et qui sont normalement réfléchis par le sol et renvoyés en grande proportion dans l’espace. Le gaz carbonique induit ce qu’on appelle un «effet de serre». D’autres composés sont doués du même pouvoir funeste : le méthane, l’ammoniac, l’ozone, la vapeur d’eau, etc.

À cause de ces pollutions, le réchauffement frappe. Le nombre de degrés supplémentaires que nous atteindrons dans trente, cinquante ou cent ans dépend de maints facteurs, dont le plus décisif sera le comportement de l’Homo sapiens lui-même.

Comment agirons-nous, à présent que nous connaissons le risque?

Comme des irresponsables, c’est joué d’avance. Comme des idiots, c’est sûr. Tels des criminels bardés de bonnes intentions. Ou à la manière du salaud sartrien qui sait où est le mal, mais qui le fait quand même...  

Le pire des scénarios

Nous nous comportons, ô Platon! comme les Atlantes à la veille de la punition. Nous avons perdu la notion du vice et de la vertu. Notre intelligence est obscurcie par la quête des richesses matérielles. Notre jugement est faussé par la folie de la consommation. Nous sommes des accros de l’énergie, des junkies de l’objet, des drogués du «toujours plus».

Nous avons perdu le sens du vrai bonheur – celui que nous devons construire nous-mêmes dans le respect d’autrui, et non pas l’attendre des sirènes conjuguées de la production de masse, du marketing et de la publicité. Nous plaçons notre idéal dans l’augmentation du pouvoir d’achat. Nous dévalons la pente la plus raide qui mène à l’abîme en réclamant que le bolide accélère.

Nous devrions diminuer de trois cent pour cent par an nos émissions de gaz à effet de serre pour ne pas dépasser, dans le demi-siècle à venir, une moyenne de réchauffement de deux degrés. Or, depuis l’an 2000, nonobstant de pathétiques marchandages sur le protocole de Kyoto, nous n’abaissons pas, mais nous augmentons dans cette même proportion nos mortelles pollutions... 

Nous cinglons vers un réchauffement général de quatre à cinq degrés, certains climatologues disent plus de six. Dans cette configuration, l’Atlantide désignera la Terre entière et les Atlantes seront l’espèce humaine.

L’Homo sapiens aura mérité son châtiment. On dirait qu’il le désire. On jurerait qu’il le cherche – un peu comme le tueur en série qui échappe à la police pour ses premiers meurtres, mais qui recommence obsessionnellement le même crime jusqu’à ce qu’il se fasse prendre... 

L’être humain réagit toujours de la même manière. Quoiqu’il se pense au-dessus des bêtes, il obéit aux ordres de son cerveau reptilien : il désire accroître son territoire et améliorer sa place dans la hiérarchie sociale. Même quand il imagine œuvrer pour le bien commun, même quand il se comporte comme un saint, cet égoïsme structurel l’anime.

L’Homo sapiens en veut toujours plus, surtout davantage que les autres... Jamais il n’est satisfait de ce qu’il possède. Il refuse avec obstination de devenir sage, même lorsque les pires ennuis se profilent.

L’analyse des microbulles d’air contenues dans les glaces de l’Antarctique nous l’a révélé : depuis le début de l’ère industrielle, nous avons fait passer le taux de gaz carbonique à plus de trois cent soixante parties par million. Une ascension brutale. Qui continue. Qui s’accélère. Qui nous mène à la catastrophe.

Nous élèverons peut-être la température moyenne sur la Terre de deux à quatre degrés d’ici 2050, et de quatre à huit d’ici 2100. Ce pourrait être moins : rêvons d’une humanité prudente! Ce sera vraisemblablement plus. Nous sommes sur la branche haute de la fourchette. Du côté du pire... Jusqu’ici, les projections des spécialistes ne tenaient pas compte de l’envolée économique de la Chine, de l’Inde ou du Brésil.

Nous brûlons avec un plaisir masochiste tout le pétrole et tout le gaz naturel disponibles, en beaucoup moins de temps que nous ne le pensions il y a trente ans. Pour le pétrole, nous avons déjà franchi le «pic de Hubert», c’est-à-dire que nous avons gaspillé la moitié des réserves disponibles. Ce qui reste sous la terre sera plus difficile à extraire et convoité par davantage de monde, c’est-à-dire beaucoup plus cher... Nous recourrons donc de façon massive au charbon, aux schistes bitumineux et aux sables asphaltiques, dont la combustion dégage bien plus de gaz carbonique que celle des hydrocarbures légers.

Nous nous précipiterons sur la «solution» imbécile des agrocarburants, que personne (sauf les gros paysans) n’ose plus qualifier de «bio». Ces combustibles seront une catastrophe : ils nécessiteront des quantités d’eau que nous n’avons pas, des masses de pesticides et d’engrais qui nous seront de violents poisons, et des surfaces cultivables qui signifieront à la fois l’anéantissement des dernières forêts tropicales et la famine aggravée dans les pays pauvres.

Une catastrophe pour la biodiversité

Regarde, Platon, regarde!
Le processus a déjà commencé...

Le climat se réchauffe plus rapidement dans les contrées polaires que sous les tropiques. Les banquises rétrécissent et s’amincissent. Elles se forment chaque automne un peu plus tard et fondent chaque printemps un peu plus tôt. Les ours blancs crèvent de faim dans l’Antarctique. Faute de krill, les manchots voient leurs populations s’effondrer en Antarctique : ce ne sont que les premières victimes du grand détraquement. En 2007, la banquise du Grand Nord a perdu d’un coup, une superficie équivalente à deux fois la France... Le sol perpétuellement gelé de l’Antarctique (le permafrost) se met, lui aussi, à dégeler. Les maisons des Inuits s’écroulent dans la boue, les caribous s’enlisent durant leurs migrations. De gigantesques icebergs, parfois grand comme la Corse, se détachent des plates-formes antarctiques et partent à la dérive sous l’œil ahuri des albatros.

Dans les montagnes, les glaciers disparaissent et il neige de moins en moins : bientôt fini, les sports d’hiver! Il y a trente ans, les climatologues écrivaient qu’il n’y aurait plus un seul glacier dans les Alpes en 2100. Les mêmes affirment, aujourd’hui, qu’il n’y aura plus un seul glacier, mais pas en 2100 : en 2050. Et pas dans les Alpes : en Himalaya… Les Andes, le Kenya, le Kilimandjaro perdent leurs neiges éternelles. Les végétaux, les animaux et les humains qui vivent au pied de ces cimes manquent d’eau et devront fuir – ou mourir.

Le réchauffement climatique se traduit par des tempêtes d’une fréquence et d’une intensité dont nos pères n’avaient aucune idée. Nous sommes désormais offerts à des défilés d’ouragans, de typhons et de tornades d’une magnitude énorme, plus fréquents que naguère, où soufflent des vents plus violents et d’où se précipitent des quantités d’eau de plus en plus grandes – causes d’inondations majeures.

Les divagations du climat se traduisent par une sécheresse toujours plus sévère dans les contrées arides et par des pluies diluviennes sur les zones bien arrosées. Dans l’océan Pacifique, le phénomène El Niño gagne en fréquence et en intensité : l’Australie, l’Indonésie et l’Asie du Sud-est subissent sécheresses et incendies; au contraire, l’Amérique centrale et l’ouest de l’Amérique du Sud sont frappés par des averses torrentielles qui ravinent les pentes et noient des vallées entières sous des coulées de boue.

Le transfert généralisé des zones climatiques constitue un insurmontable défi pour la faune et la flore. Si la région méditerranéenne devient le Sahara, si Paris doit être Alger, si la Sibérie prend des allures d’Angleterre, ne croyons pas que nous verrons une osais à Nice, des oliviers à Montmartre et des champs de blé à Irkoutsk! Les organismes vivants ne pourront pas suivre des variations aussi effrénées. Leur rythme d’évolution est beaucoup trop lent. Un chêne met cent ans à devenir adulte : si le climat se modifie en un demi-siècle, l’arbre ne migre nulle part; il meurt, et voilà tout. De la même façon, l’oiseau ne saurait changer en quelques saisons ses itinéraires de migration, ses lieux de nourrissage et ses zones de reproduction...

Catastrophe pour la biodiversité!


Poséidon se fâche

La mer monte. Zeus a décidé de nous punir. Poséidon se fâche : il brandit son trident et anime les vagues de tempête. Il a le front bleu de colère. Sa barbe d’embruns scintille. Nous n’avons pas respecté la loi des dieux, autrement dit le pacte de la nature : la vengeance de l’Olympe sera terrible... 

Il est temps de regarder la vérité en face : notre civilisation postindustrielle n’est pas plus immortelle que celle des Atlantes. L’humanité pourrait tout entière disparaître dans le dérèglement des climats.

Au début, il ne semble pas que ce soit grave. Le niveau moyen des océans s’exhausse de quelques centimètres, d’un demi-mètre, d’un mètre... Cette élévation s’effectue d’abord par simple dilatation de la couche superficielle de l’océan. On imagine que le processus prendra des siècles; qu’on a le temps : erreur! Les Atlantes comme les humains du XXIe siècle manifestent une singulière propension à l’optimisme, dès lors qu’il s’agit de ne pas corriger leurs erreurs.

Une transgression marine de moins d’un mètre peut paraître bénigne : elle est désastreuse. Des estuaires, des deltas, des îles disparaissent sous les vagues. La Camargue, Venise, les Pays-Bas, le delta du Nil, le Bangladesh, la Cochinchine, la Louisiane, bref toutes les côtes basses sont affectées par de terribles raz-de-marée, en particulier aux équinoxes ou en conjonction avec des cyclones. Des archipels comme les Maldives, Tuvalu ou Kiribati, dont l’altitude ne dépasse pas cinq mètres, et où les prélèvements de matériaux de construction fragilisent le corail, sont les premiers submergés.

Les habitants des zones englouties doivent partir – comme leurs frères des contrées touchées par la sécheresse, où ne poussent plus ni céréales, ni légumes, ni herbe pour le bétail. On voit des cortèges de ces misérables tenter de gagner un pays d’accueil. Mais aucun État ne s’ouvre à des migrations massives. Les tensions sont palpables. La violence appelle la violence. Le racisme affleure puis explose. Exactions. Répressions. Expulsions. Guerres civiles. Épurations ethniques.

La barbarie ordinaire...
On estime qu’en 2050, selon la gravité du chaos en cours, entre deux cents et cinq millions d’hommes, de femmes et d’enfants constitueront ce que l’Organisation des Nations unies baptise déjà les «réfugiés climatiques».

Dont personne en veut entendre parler.

Tout s’acharne...  

Le réchauffement stimule le réchauffement, la montée des eaux alimente la montée des eaux. Une fois amorcé, le processus a tendance à s’accélérer. Des actions en retour (des rétroactions) se produisent, pour la plupart positives, c’est-à-dire orientées dans le sens de l’événement principal.

Les facteurs aggravants sont légion. S’il fait plus chaud, les mers s’évaporent; or, la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre. Dans les toundras du Grand Nord, le dégel du permafrost libère de fantastiques quantités de méthane, un gaz à effet de serre vingt-trois fois plus efficace dans ce rôle pervers que le gaz carbonique. Les fonds marins recèlent du méthane solidifié, sous pression et à basse température; si les mers se réchauffent, ce composé rejoint l’atmosphère et la situation empire. En temps normal, les banquises blanches réfléchissent les rayons du soleil et les renvoient dans l’espace; lorsqu’elles fondent, elles mettent à nu une eau bleu-noir qui absorbe très bien l’énergie : et l’effet de serre se renforce. Dans les mêmes contrées, le dérèglement climatique provoque des anomalies dans la floraison du plancton végétal marin, lequel recycle moins bien le gaz carbonique en excès dans l’atmosphère... 

Les glaciers des montagnes se réduisent : montée des eaux. Lorsque nous pompons les nappes phréatiques pour nos besoins agricoles, nous envoyons dans l’océan un surcroît de liquide jusque-là captif du sous-sol : montée des eaux. La destruction des forêts tropicales, qui jouent le rôle d’éponges, accélère le même phénomène. Les forêts, on s’en est d’ailleurs aperçu, ne consomment pas davantage de gaz carbonique lorsque la température grimpe, comme on l’avait espéré : elles en lâchent en quantité anormale, parce qu’elles souffrent de stress hydrique...

Tout s’acharne... Tout concourt à vouloir nous submerger. Tout nous imagine dans l’eau, comme la blanche Ophélie d’Arthur Rimbaud. Tout travaille à notre malheur. Nous sommes les Atlantes du XXIe siècle. La différence avec nos prédécesseurs de l’âge du bronze est que nous avons compris pourquoi nous allons disparaître. Poséidon n’a pas de trident : il utilise l’effet de serre.

Certains phénomènes sont à la fois étranges et inquiétants. Dans l’Atlantique Nord, les glaces du Groenland fondent bien plus vite que les plus pessimistes des climatologues ne l’avaient imaginé. Les glaciers glissent sur le tapis d’eau qu’ils libèrent sous eux. Ils filent à la mer sur une patinoire. On a étudié les effets de la fusion de cette masse : si elle se produit, l’eau douce du Groenland reste en surface et empêche les eaux salées froides de s’enfoncer dans les profondeurs. Le majestueux tapis roulant océanique s’arrête : le Gulf Stream est bloqué. Il cesse de tiédir les rivages de l’Europe occidentale, qui connaît paradoxalement une période de refroidissement quasi canadienne dans un contexte de canicule générale!

L’âge de la pieuvre

Le scénario devient réellement palpitant lorsque les énormes calottes du Groenland et de l’Antarctique se mettent à fondre. Si l’inlandsis de la grande île arctique se transforme en eau liquide, le niveau moyen des mers grimpe de sept mètres. Dans le cas de l’Antarctique, on en ajoute quatre-vingts!

Je te laisse imaginer la scène, ô Platon!

À Paris, les vagues déferlent entre le premier et le deuxième étage de la tour Eiffel. À New York, elles éteignent la torche de la statue de la Liberté. On ne parle plus qu’au passé de Londres, Alger, Buenos Aires, Tokyo, Bombay ou Shanghai. Le tunnel sous la Manche est rendu aux poissons. Les dauphins font du surf sur l’opéra de Sydney. Les baleines soufflent entre les studios d’Hollywood. Les poissons-clowns remplacent Charlie Chaplin et Laurel et Hardy.

La plupart des grands centres d’habitation, d’agriculture, d’industrie, de commerce, de finance, de transport, de culture de l’humanité sont engloutis. Les terres disponibles se trouvent réduites à presque rien – des chaînes de montagnes pelées, ravagées par les glissements de terrain, incultivables, inconstructibles et cependant surchargées de nos congénères.

Comment des milliards de nos semblables, entassés sur les portions restantes des continents, ne déchaîneraient-ils pas les plus violentes pulsions territoriales et hiérarchiques qu’ils nourrissent dans leur cerveau reptilien? Comment ne pas penser qu’un autre dieu que Zeus et Poséidon prendrait totalement possession du cœur des hommes : Arès, le seigneur de la guerre?

Attaques, contre-attaques, tranchées, batailles rangées, bombardements, guérillas! Exterminations! Folies meurtrières! Excès définitifs... Les armes nucléaires vitrifient les derniers Homo sapiens qui ne s’étaient pas noyés dans leurs barques de boat people, ou qui n’avaient pas déjà été nettoyés par la vertu purificatrice de la kalachnikov et de la mine anti-personnel.

Resquiescat in pace, humanitas!

Après la disparition des derniers Homo sapiens, la vie ne s’arrêtera pas. Les créatures rescapées de la guerre atomique et de la montée des eaux écriront une autre page de l’évolution. J’aime à penser, ô Platon, que les futures intelligences de la planète seront des mollusques aux grands yeux jaunes, au gros cerveau et à huit bras : les pieuvres.

Les archéologues à corps mous du CCCe ou du MMMe siècle après Jésus-Christ fouilleront avec passion les profondeurs de l’île de Crète, en quête de l’Atlantide bien sûr, mais aussi d’un mystère plus difficile encore à résoudre : celui de la folie des hommes à l’âge atomique... 

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New study warns of dangerous climate change risks to the Earth’s oceans 
The authors write: 
  “In summary, the carbon that we emit today will change the Earth System irreversibly for many generations to come. The ocean’s content of carbon, acidity, and heat as well as sea level will continue to increase long after atmospheric CO2 is stabilized. These irreversible changes increase with increasing emissions, underscoring the urgency of near-term carbon emission reduction if ocean warming and acidification are to be kept at moderate levels.”

http://www.theguardian.com/environment/climate-consensus-97-per-cent/2015/jul/02/new-study-warns-of-dangerous-climate-change-risks-to-the-earths-oceans

La sixième grande extinction animale est commencée, selon une étude
20 juin 2015 – Radio-Canada avec Agence France-Presse et BBC 

  La Terre a commencé à subir sa sixième grande extinction de masse et celle-ci est causée, de toute évidence, par l'activité humaine, selon une étude publiée vendredi. Si la tendance se poursuit, les humains seront eux aussi victimes de cette extinction, préviennent les scientifiques. 
  Selon les chercheurs, les vertébrés disparaissent à un rythme jusqu'à 114 fois plus élevé que la normale. Jamais depuis la dernière extinction de masse il y a 66 millions d'années - celle des dinosaures - la planète n'a perdu ses espèces animales à un rythme aussi effréné, rapportent les experts des universités américaines Stanford, Princeton et Berkeley, notamment. 
  Cette analyse, a été publiée dans la revue Science Advances 
  «Tous ces facteurs sont liés à l'accroissement de la population humaine, qui va de pair avec la hausse de la consommation - particulièrement chez les riches - et les inégalités économiques. Toutefois, la fenêtre qu'il nous reste pour intervenir s'amenuise rapidement.» (Auteurs de l'étude) 
  Selon l’Union mondiale pour la nature (UICN), plus de 11 000 espèces d’animaux sont actuellement menacées sur la planète, soit une espèce sur cinq.

Keep it in the ground
  Join us and more than 225,000 others in urging the world's two biggest charitable funds to move their money out of fossil fuels:

http://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2015/mar/16/keep-it-in-the-ground-guardian-climate-change-campaign  

2 juillet 2015

Why rock the boat?

Pourquoi les écologistes font-ils tant de vagues pour préserver
le fleuve Saint-Laurent?

Vous pourrez mieux en juger après avoir lu Golfe 101 – de A à Z.

Avec une «stratégie maritime» prévoyant utiliser le Saint-Laurent comme «levier économique» pour augmenter le commerce international, il importe plus que jamais de connaître les impacts sociaux, environnementaux et économiques possiblement désastreux – à court, moyen et long terme. Les projets ambitieux ont peut-être une valeur en soi, mais on n'est pas obligé de les réaliser, surtout quand on est myope au point d'être irresponsable. Quoiqu’il en soit, la préservation de notre fleuve, c’est beaucoup plus qu’une lutte à finir entre «Terroristes Verts» et «Terroristes Bruns»... il s’agit de notre propre survie. Nos gouvernements vont littéralement à contre-courant!

Photo : québecmaritime.ca 

Le rapport de la Coalition Saint-Laurent rigoureusement documenté (graphiques, cartes géo, photos, données concrètes extraites de rapports de recherche scientifique, économique, etc.) «est destiné à toute personne qui s’intéresse à l’avenir du golfe du Saint-Laurent et qui réalise son importance vitale. Il s’adresse particulièrement à tous ceux et toutes celles qui veulent comprendre la question du développement pétrolier dans le golfe afin de pouvoir mieux contribuer aux décisions qui seront prises pour son avenir.» (Golfe 101)

Selon la Coalition Saint-Laurent, le projet de loi 49 sur l'exploration pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent, déposé jeudi (11 juin), représente un «nouveau jalon vers un État pétrolier». Déposé par le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, il est le résultat de plus de quatre ans de négociations avec le gouvernement fédéral. Un projet de loi semblable devrait être déposé au fédéral.
   «Les deux projets de loi, lorsqu'ils seront adoptés, ouvriront toute grande la porte de l'exploration pétrolière dans la partie québécoise du golfe», soutient la Coalition dans un communiqué. «Après les forages pétroliers à Anticosti ou en Gaspésie, après les projets d'oléoducs ou de port pétrolier, après les projets de fracturation hydraulique dans la vallée du Saint-Laurent, voici que l'on cherche maintenant à faire sauter les derniers obstacles aux forages en mer dans le golfe», peut-on lire. (ICI Radio-Canada Grands titres)


Golfe 101
Pétrole dans le golfe du Saint-Laurent : faits, mythes et perspectives d’avenir
Juin 2014

Coalition Saint-Laurent
Équipe de rédaction : Sylvain Archambault, Biologiste, M. Sc., Société pour la nature et les parcs (SNAP); Danielle Giroux, LL.B., M.Sc., Attention FragÎles; et Jean-Patrick Toussaint, Biologiste, Ph.D., Fondation David Suzuki

Le rapport peut être téléchargé gratuitement en français et en anglais, à l’adresse suivante : www.coalitionsaintlaurent.ca/ 

Avant-propos

Les enjeux liés l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures sont omniprésents partout autour du golfe du Saint-Laurent. Malgré l’importance et la diversité de ces enjeux, le présent document portera sur les activités pétrolières en milieu marin (offshore). En effet, la problématique marine est très différente de celle en milieu terrestre, que ce soit au niveau des techniques, des juridictions, des lois ou des impacts environnementaux. La portée limitée du présent document fait en sorte que les dossiers terrestres fort importants, tels que le pétrole de schiste d’Anticosti, les forages à Gaspé, les projets gaziers aux Îles de la Madeleine, ou encore tout autre projet strictement terrestre ailleurs autour du golfe, ne pourront y être abordés.

Sommaire (extraits)

Alors que la question des enjeux énergétiques est omniprésente sur la scène environnementale et politique canadienne, plusieurs dossiers et projets se sont hissés à l’avant-plan des discussions et des préoccupations des citoyens au cours des dernières années. Tel est le cas du projet de forage de la compagnie Corridor Resources à la structure d’Old Harry, située à seulement 80 km des îles de la Madeleine et de Terre-Neuve. Ce projet laisse entrevoir l’avènement de la filière pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent et génère de nombreuses préoccupations auprès des communautés côtières des cinq provinces bordant le golfe. 
   Quelles sont les informations disponibles qui nous permettent d’avoir un portrait fidèle de la situation? Quels sont les mythes qui teintent le débat? Quelles sont les lacunes soulevées? C’est avec ces questions en tête que nous avons créé ce document, dans l’optique de débroussailler la question du développement pétrolier dans le golfe du Saint-Laurent afin de pouvoir mieux contribuer aux décisions qui seront prises quant à son avenir. 
   D’emblée, il importe de constater que le golfe du Saint-Laurent est une petite mer intérieure semi-fermée, près de sept fois plus petite que le golfe du Mexique. On y trouve plus de 4 000 espèces dont plusieurs sont d’intérêt économique, alors que de nombreuses autres sont en péril. D’un point de vue socioéconomique, la pêche et le tourisme sont les moteurs économiques du golfe du Saint-Laurent et sont à la base même du mode de vie des communautés côtières, la pêche générant plus de 1,5 milliard de dollars annuellement et le tourisme relié au golfe, quant à lui, 0,8 milliard de dollars. Ainsi, avec toutes ces caractéristiques, le golfe du Saint-Laurent est considéré, avec la côte sud-ouest de la Colombie-Britannique, l’un des deux endroits au Canada les plus vulnérables aux marées noires, tant au niveau environnemental que socioéconomique. Plus spécifiquement, les caractéristiques physiques et océanographiques du golfe (courants, couvert de glace en hiver, eau froide, etc.) compliqueraient grandement les opérations en cas de déversement de pétrole. Contrairement à d’autres provinces ou nations exploitant les hydrocarbures, telles que dans les Grands Bancs de Terre-Neuve (dans l’Atlantique) ou dans la mer de Norvège, un déversement dans le golfe aurait de fortes chances de demeurer captif.
   À ce jour, plus de 60 000 kilomètres de levés sismiques ont été réalisés et une dizaine de puits d’exploration ont été forés dans le golfe du Saint-Laurent, avec peu de résultats concluants. [...] 
   Alors que les permis d’exploration dans le golfe sont suspendus du côté du Québec à la suite de l’instauration d’un moratoire en 1997, on retrouve six permis d’exploration du côté terre-neuvien, dont celui de Corridor Resources pour la structure d’Old Harry qui retient davantage l’attention du public. La compagnie a jusqu’au 15 janvier 2016 pour amorcer son forage qui est actuellement en processus d’évaluation environnementale. 
   Or, outre l’intérêt affirmé de plusieurs provinces côtières pour le développement de la filière d’hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent, force est d’admettre que la recherche d’hydrocarbures en mer présente, à chacune des phases, des risques à connaître et à considérer, que ce soit lors de levés sismiques, du forage exploratoire ou de l’exploitation. Les impacts des levés sismiques sont causés par les sons très puissants qui peuvent affecter la vie marine, notamment les mammifères marins. Ces levés sont également sources de conflits d’usage, principalement avec les pêcheurs. Les déversements accidentels, majeurs ou mineurs ainsi que les rejets autorisés (eaux de production, etc.) sont les impacts les plus couramment associés au forage et à la production. Or, selon un rapport du Commissaire à l’environnement et au développement durable, le Canada n’est pas prêt à faire face à une marée noire majeure.
[...] 
   Par ailleurs, de nombreuses autres étapes se doivent d’être franchies avant d’autoriser un projet d’exploration ou d’exploitation. Il est impératif d’évaluer les impacts environnementaux et socioéconomiques de l’industrie ou des projets. Pour ce faire, divers processus d’évaluation environnementale ont eu lieu ou sont présentement en cours dans le golfe du Saint-Laurent. [...] De plus, un BAPE est réclamé au Québec par de nombreux groupes, et un processus d’examen indépendant pour l’ensemble du golfe est toujours demandé par des groupes des cinq provinces du golfe. Malgré ces nombreux mécanismes, il est préoccupant d’assister depuis 10 ans à une érosion dans les processus d’évaluation environnementale qui ont été revus à la baisse par le gouvernement fédéral. 
   Devant ce constat, il n’est donc pas surprenant que les impacts socioéconomiques de l’exploitation pétrolière dans le golfe soient au coeur du débat. Par exemple, au Québec, plusieurs prétendent que les retombées économiques de l’exploitation du pétrole dans le golfe permettraient, entre autres, de rembourser la dette du Québec alors que les véritables retombées économiques demeurent, à l’heure actuelle, hypothétiques puisqu’il n’existe toujours aucune réserve prouvée d’hydrocarbures à Old Harry. Les impacts socioéconomiques négatifs d’une marée noire sont aussi à considérer puisqu’ils peuvent être dévastateurs pour la pêche, le tourisme, la santé humaine et les divers écosystèmes. 
   Somme toute, la décision d’implanter l’industrie pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent serait lourde de conséquences et, compte tenu des nombreuses lacunes d’ordre scientifique, technique, légal et social, l’approche de précaution s’impose. Ces lacunes, qui ont été soulevées dans divers rapports d’experts, sont résumées dans le Tableau 1 et font foi d’un encadrement inadéquat de l’industrie ainsi que d’un important manque de connaissances du golfe du Saint-Laurent qui pourraient mettre en péril les ressources renouvelables de cet écosystème déjà fragile. 
   L’ensemble de ces constats sous-tend ainsi la nécessité d’agir de façon responsable et donc de mettre en place un moratoire dans l’ensemble du golfe du Saint-Laurent. Seul un portrait complet des impacts sociaux, environnementaux et économiques permettrait de prendre une décision éclairée quant à l’avenir du golfe. Ce portrait doit ainsi porter sur l’ensemble du golfe qui se doit d’être étudié dans sa globalité, et non plus de façon morcelée en fonction des frontières administratives tracées par l’homme, tel que c’est le cas à l’heure actuelle. Plus que jamais, les provinces se doivent d’oeuvrer en concertation et ne peuvent prendre des décisions unilatérales qui pourraient avoir des impacts environnementaux et socioéconomiques négatifs sur les autres provinces. Dans cet effort de concertation, l’ensemble des communautés côtières des cinq provinces voisines du golfe doivent également être consultées au sujet de la décision d’ouvrir ou non le golfe à l’industrie pétrolière. 
   Il va sans dire que la liste des défis auxquels le golfe du Saint-Laurent fait face est imposante : zones mortes (hypoxie), changements climatiques, déclin des espèces, manque de connaissances scientifiques. Dans ce contexte, la restauration du golfe devrait être une priorité. Cette restauration passe notamment par la création d’un réseau d’aires marines protégées, un outil de bonne gestion des écosystèmes marins mondialement reconnu. Ceci est d’autant plus urgent que le Québec n’a que 1,3 % de ses milieux marins protégés, situés essentiellement dans l’estuaire du Saint-Laurent, tandis que la protection du Canada dans le golfe en est toujours à 0 % d’aires marines protégées. Rappelons que l’objectif du gouvernement du Canada est de 10 % d’ici 2020, à l’instar des objectifs mondiaux établis à Nagoya. Le Québec promet même d’y arriver en 2015, cinq ans plus tôt. 
   Dans un contexte mondial où les changements climatiques ne peuvent plus être ignorés, il faut, plus que jamais, miser sur une approche basée sur le développement durable et la protection de ce joyau marin qu’est le golfe du Saint-Laurent. Il nous faudra donc réfléchir à l’avenir du golfe et déterminer collectivement si nous voulons y implanter une industrie pétrolière aux multiples impacts ou miser sur sa préservation et sa restauration.
[...] 
   La possibilité que le Golfe du Saint-Laurent s’ouvre à l’exploration pétrolière a émergé au cours des dernières années comme l’un des dossiers chauds, non seulement au Québec, mais aussi dans les autres provinces riveraines du golfe. y-a-t-il du pétrole ou du gaz naturel sous les eaux du golfe, entre autres à Old Harry, et si oui, devrait-on l’exploiter? Le débat fait rage et se polarise selon les valeurs et les aspirations de chacun. Plusieurs s’entendent cependant sur le fait qu’une décision éclairée doit reposer sur des faits avérés et qu’une analyse rigoureuse est de mise. 
   De nombreux mythes teintent actuellement le débat et faussent les perceptions. et pour cause : il s’agit d’un dossier fort complexe, de juridiction provinciale et fédérale, impliquant cinq provinces, touchant à des enjeux socioéconomiques, environnementaux, légaux et techniques très vastes, souvent empreint de vives émotions, le tout déboulant dans l’actualité à un rythme effarant. L’information véhiculée étant parfois inexacte ou incomplète, nous souhaitons, par ce document, partager nos connaissances et notre expertise afin d’alimenter le débat, le tout avec un souci de rigueur.

Photo : Des rochers vieux de milliards d’années forment les parois qui tapissent le fond du lac Western Brook, dans le parc national du Gros-Morne au Canada.
© David Doubilet et Jennifer Hayes (via National Geographic)

À voir : L’or du golfe http://ici.tou.tv/l-or-du-golfe

Et puis, sur le plan terrestre, les pipelines creusent leurs sillons.

Le lobby des pipelines plus actif que jamais
Pas moins de 75 lobbyistes plaident pour les projets d’Enbridge et de TransCanada

Alexandre Shields, Le Devoir 19 juin 2015

Lorsque les projets d'Enbridge et de TransCanada seront en exploitation, 1,4 million de barils de pétrole de l’Ouest transiteront chaque jour par le Québec. 
   Preuve de l’engouement sans précédent envers les projets de pipelines, les efforts de lobbying liés à cette industrie sont plus significatifs que jamais au Québec. Le Devoir a recensé plus de 75 lobbyistes ayant des mandats qui incluent des démarches en faveur de ce mode de transport de pétrole. Il s’agit d’un nombre plus important qu’au plus fort du débat sur le gaz de schiste, ou encore que le lobby des partisans de l’exploitation pétrolière. 
   Sans surprise, TransCanada est l’entreprise la plus présente au Registre des lobbyistes, avec 18 noms inscrits. Deux de leurs mandats sont d’ailleurs directement en lien avec le projet de pipeline d’exportation Énergie Est. [...] Un autre mandat comprend des démarches dans le but d’utiliser «à des fins autres que l’agriculture» des lots en zone agricole «pour l’installation et l’exploitation d’un pipeline au Québec». [...] 
   En plus de ses 18 lobbyistes, TransCanada a mandaté un total de sept lobbyistes-conseils, donc rémunérés, pour plaider sa cause auprès des élus. Cinq d’entre eux ont pour mandat d’effectuer des démarches «afin qu’une orientation soit prise dans le but d’obtenir l’appui du gouvernement du Québec quant à l’acceptabilité sociale des projets de pipelines de gaz naturel et de pétrole au Québec»
   D’autres démarches visent l’obtention de «certificats d’autorisation» en vue de travaux de «déboisement» et dans des «cours d’eau», mais aussi «afin d’effectuer des sondages géotechniques, des relevés sismiques et autres travaux préliminaires […]». Selon ce qu’annonçait la semaine dernière le gouvernement Couillard, Québec entend justement répondre à cette demande de TransCanada en guise de première étape de l’étude du pipeline Énergie Est qui sera menée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. 
   Une autre pétrolière albertaine, Enbridge, a huit lobbyistes inscrits au registre québécois. Leurs quatre mandats sont liés à l’inversion prochaine du flux dans le pipeline 9B et visent des municipalités ainsi que différents ministères. [...] Deux lobbyistes-conseils rémunérés ont le même mandat. 
   Il faut dire que contrairement au projet Énergie Est, celui d’Enbridge – qui acheminera 300 000 barils de brut au Québec chaque jour – doit se concrétiser très prochainement. Les deux raffineries du Québec, qui comptent utiliser ce pétrole canadien, ont d’ailleurs inscrit des mandats de lobbying en ce sens. 
   Dans le cas de la raffinerie de Valero, qui a 13 lobbyistes inscrits, un mandat évoque des démarches «effectuées auprès de détenteurs de charges publiques concernés afin de susciter une orientation favorable de la part du gouvernement du Québec» dans le dossier de l’inversion. Un lobbyiste-conseil doit en outre «expliquer les conséquences que pourrait générer une opposition de la part du gouvernement du Québec», mais aussi travailler afin «d’éviter qu’il ne s’y oppose advenant que ledit projet réponde à toutes les exigences en vigueur»
   Les mandats des 16 lobbyistes de Suncor, propriétaire de la seule raffinerie située à Montréal, incluent aussi des «représentations auprès des titulaires de charges publiques afin que les orientations du gouvernement soient revues pour permettre l’inversion». Valero et Suncor ont aussi plaidé en faveur du projet d’Enbridge auprès de l’Office national de l’énergie.
   Même le Conseil du patronat du Québec a inscrit un mandat en faveur de l’inversion du pipeline d’Enbridge, construit en 1975, mais aussi en «appui» à Énergie Est.
[...] 
   Au-delà du lobbying visant les élus de l’Assemblée nationale, le gouvernement Couillard a déjà fait part de son préjugé favorable envers les projets d’Enbridge et de TransCanada. Lorsque les deux projets seront en exploitation, 1,4 million de barils de pétrole de l’Ouest transiteront chaque jour par le Québec. Cette prévision devrait être une réalité dès 2020.

http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/443191/le-lobby-des-pipelines-s-active

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Mini cours 101 sur le lobbyisme :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2014/06/le-lobbyisme.html