L’aboutissement de quelque 200 ans de capitalisme industriel délirant et intempestif : les dépotoirs débordent! Notre mode de vie superficiel basé sur l’achat et le dumping compulsifs d’objets a-t-il régressé depuis le début de la pandémie? J’en doute. Si nous continuons à surconsommer parce qu’on nous dit que c’est indispensable à la croissance économique, il faudra alors déboiser partout pour élargir et créer des dépotoirs toujours plus grands!
«Vous ne pouvez pas arrêter le progrès, mais vous pouvez aider à décider ce qui est un progrès et ce qui ne l'est pas.» ~ Ashley Brilliant
Photo : Arctique, Reuters.Québec autorise 18 millions de tonnes de déchets de plus au dépotoir de Sainte-Sophie
Alexandre Shields / Le Devoir, 29 décembre 2020
Photo: Jacques Nadeau / Le Devoir. L’enfouissement des «déchets» est responsable de 4,5% des émissions de gaz à effet de serre de la province, selon le plus récent bilan du gouvernement. Sur la photo, le dépotoir de Lachenaie. Le promoteur du site attend le feu vert de Québec pour y enfouir 8,8 millions de tonnes de déchets supplémentaires en sept ans.
Le gouvernement Legault a choisi de répondre à la demande de l’entreprise qui exploite le dépotoir de Sainte-Sophie, dans les Laurentides, en l’autorisant à enfouir 18 millions de tonnes de déchets supplémentaires. Les experts du ministère de l’Environnement recommandaient pourtant d’en limiter la quantité à 10 millions de tonnes. Qui plus est, le décret intervient à quelques semaines du déclenchement d’un BAPE qui doit analyser l’ensemble des enjeux de l’élimination des déchets au Québec, a appris Le Devoir.
Depuis le début de l’automne, le gouvernement Legault a autorisé deux importants projets d’expansion de dépotoirs exploités par WM Québec, une filiale de l’entreprise américaine Waste Management. À eux seuls, ces deux sites d’enfouissement reçoivent plus du quart de tous les déchets de la province.
En septembre, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a ainsi répondu en partie aux demandes de l’entreprise en l’autorisant à poursuivre l’enfouissement de déchets à Saint-Nicéphore pendant 10 ans, à raison de 430 000 tonnes par année. (...)
Au début du mois de décembre, le gouvernement Legault a aussi publié un décret autorisant WM Québec à enfouir jusqu’à 18,6 millions de tonnes de déchets supplémentaires au dépotoir de Sainte-Sophie, à raison d’un million de tonnes par année (2800 tonnes par jour). Le site, situé à l’est de Saint-Jérôme, reçoit des déchets de la région immédiate et des municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) depuis 1964. Il contient déjà environ 20 millions de tonnes de déchets domestiques. L’expansion pourrait donc permettre de doubler cette quantité. (...)
Quand la nature en a assez, elle s’organise pour faire peau neuve, ce qui entraîne automatiquement la disparition de certaines espèces. Notre tour est venu!
Extraits d’une entrevue avec Serge Bouchard réalisée le 24 novembre 2020
La pandémie, une remarquable leçon d’humilité
Danielle Beaudoin / Radio-Canada Société, 27 décembre 2020
«La pandémie nous rappelle des choses élémentaires : la vie et la mort. Qui vit, qui meurt. Et nous l'avons en pleine face.» – Serge Bouchard
Comme un coureur des bois, l’anthropologue Serge Bouchard a consacré sa vie à parcourir les territoires oubliés de notre histoire en Amérique, à apprivoiser les cultures autochtones et à apprendre le langage des épinettes. Aujourd’hui, il nous parle de la pandémie, et à travers elle, de nous, sans concession.
Vous, l'anthropologue, l'ancien, le sage, que vous dit la pandémie sur nous, les humains?
La première remarque qui me vient à l'esprit, toujours, c'est qu'il n'y a aucune surprise dans l'existence et l'apparition de cette pandémie. Et non seulement il n'y a aucune surprise, mais c'est probablement une avant-garde qui nous annonce des pandémies bien pires à l'avenir.
C'est lié au fait que nous sommes maintenant presque huit milliards sur la Terre. Huit milliards d'humains, c'est beaucoup de monde. Et la loi naturelle des espèces veut que si vous êtes trop nombreux comme espèce, la nature va réguler, elle va couper dans le tas. Et sa façon de le faire, ce sont des pandémies. Ce sont des maladies, ce sont des bactéries.
Bon, je ne suis pas très optimiste, mais c'est comme ça. On est vraiment vraiment vraiment devant l'inconnu. Et ce n'est même pas une grosse pandémie pour une population de huit milliards. On est rendus à 1 536 000 morts. Du point de vue de Sirius, ce n'est rien.
La nature, c'est un tout. La planète Terre, c'est un tout. Nous ne sommes pas extérieurs à la nature. La pathologie qui s'est développée dans l'histoire de l'humain, c'est qu’à cause de notre intelligence, j'imagine, à cause de notre mémoire, de notre accumulation du savoir, on a été capables de modifier nos environnements naturels. On a été capables de se reproduire sans fin, avec des systèmes économiques et des systèmes de production qui nous permettaient de manger, de nous sauver, etc. Mais pour le faire, le prix qu'il y a eu à payer, c'est qu'on s'est extirpés de la nature, on s'est placés en face de la nature. En fait on s'est dénaturés, on s'est enculturés. On est devenus des êtres de culture.
Et regardez-nous aujourd'hui, nous sommes des caricatures. C'est-à-dire que nous sommes prisonniers d'un système économique, d'un système de consommation. Et d'un environnement. Et on ne peut plus en sortir. Cet environnement, c'est le pétrole, c'est l'électricité, c'est l'énergie. Ce sont les chaînes de distribution. On a transformé nos environnements immédiats. Nous vivons dans des villes, dans des banlieues. Même dans les campagnes, nous ne vivons plus dans la nature.
Tout ça fait qu'on a détruit l'environnement. On a extirpé du métal, on a extirpé du pétrole, on a pollué l'eau. Il n'y a rien qu'on n'a pas fait. Et puis aujourd'hui, la nature se venge. De la même façon que la nature va se venger sur les caribous. Quand les caribous deviennent 800 000, un million dans le Nord, ils mangent tout le lichen, ils mangent tout. Puis ils modifient l'environnement. Ils sont trop nombreux, ils n'ont plus à manger, etc. Et là arrive soudainement une pandémie caribouesque, et les trois quarts meurent. C'est la nature qui fait ça. C'est la nature qui dit : "Bon, assez, c'est assez". [...]
Le retour à la nature est impossible. Et ce qui existe aujourd'hui, ce sont des restants. Mais ce n'est même plus ça. La nature est devenue un terrain de jeu pour les sports extrêmes. Les jeunes s'habillent dans je ne sais pas quel magasin spécialisé, ils sont tout en velcro, en ci, pis en ça. Et leur peau n’a même plus contact avec la nature. [...]
La pandémie est-elle, selon vous, un miroir grossissant des inégalités?
Disons que l'inégalité, c'est la loi. Et l'humanité est un échec. On a plein de gadgets, d’inventions. On va avoir des autos qui se conduisent toutes seules; c'est parfaitement inutile! La partie riche de l'humanité est rendue beaucoup trop loin. Ça s'appelle les classes moyennes de l'Occident. Et pendant ce temps-là, dans la vraie réalité du monde, il y a des enfants qui ne vont pas à l'école, qui meurent faute de remède. Il y a des enfants qui n'ont pas d'eau et vivent dans la misère la plus extrême.
Juste ce que je viens de dire devrait déclencher une opération générale d'urgence universelle planétaire. On ne le fait pas. Toute ma vie, j'aurai entendu parler des enfants, et toute ma vie, j'aurai entendu qu'il faut faire quelque chose. Alors, sur le plan politique de la santé universelle, l'organisation universelle de la santé, c'est un échec total. Et c'est la responsabilité de tous. Évidemment, ça tient à la culture des choses, ça tient au système économique, ça tient à l'histoire coloniale. Et nous sommes trop nombreux, et il y a beaucoup de laissés pour compte. [...]
J'ai 73 ans, je me suis usé, j'ai vécu, et à un moment donné, je vais mourir. Et puis je suis vieux. Je déteste qu'on me dise que je suis jeune. Je vais avoir bientôt 75 ans, et 75 ans sur Terre, c'est un bon morceau de temps. C'est un bon morceau de temps pour des mortels comme nous.
Donc, nous sommes mortels, mais nous ne voulons pas être mortels. Et notre réflexe naturel depuis toujours, c'est universel, c'est de dire : "Bon, je vais penser à autre chose ce soir".
Alors la pandémie, c'est une claque sur la gueule. En fait, c'est une leçon d'humilité. La pandémie, la COVID, c'est vrai. Ce n'est pas une abstraction. On peut vraiment l'attraper, on peut vraiment mourir. Alors ça nous replace dans notre fragilité fondamentale.
«Un être humain qui est bien équipé pour vivre, c'est un être humain qui sait mourir. Qui sait qu'il va mourir, et qui apprivoise cette idée.» ~ Serge Bouchard
[...] Être politicien, politicienne, c'est un métier que moi je ne voudrais pas faire. Alors, je respecte. Comme un monteur de ligne, je ne voudrais pas faire ça en janvier. Être premier ministre, pour moi, c'est pareil. C'est d'une complexité inouïe.
Ce que je condamne, c'est la bêtise. Je pourrais vous dire que je condamnerais la présidence de M. Trump. Oui, volontiers, mais ce n'est pas très difficile ni à dire ni à faire. C'est la bêtise, quelle qu'elle soit. Mais la bêtise, je la condamne en politique, comme partout. Dans les médias, dans la vie privée, dans les gens que je rencontre.
Évidemment, je hurle quand je vois de la corruption, quand je vois de la bêtise. Mais je ne suis pas rapide à condamner les gouvernements. Et je n'ai pas de position politique particulière. Parce que de façon générale, sur la planète, il n'existe aucun système politique qui soit notre sauveur pour le moment. On avait pensé au communisme, on avait pensé au socialisme, on avait pensé à tout et à n'importe quoi. Mais en vérité, on n'a jamais trouvé la solution politique sur la planète. [...]
Article intégral – ô combien intéressant :
Réjouissons-nous : un recueil des éditos de l’émission C’est fou paraîtra le 8 mars 2021 chez Boréal. Ça fait longtemps que ses fidèles auditeurs les réclament!
«À l’intérieur d’une personne âgée se trouve une personne plus jeune qui se demande ce qui est arrivé.» ~ Ashley Brilliant
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