Association
québécoise pour le droit de mourir dans la dignité
Montréal, 25 février 2016
C’est avec respect et enthousiasme que l’AQDMD
reçoit le rapport du Comité mixte
spécial sur l’aide médicale à mourir, co-présidé
par Ms. Ogilvie et Oliphant.
Le rapport nous apparaît très respectueux de
l’esprit de la décision de la Cour Suprême dans l’arrêt Carter c. Canada (6
février 2015). Le rapport reflète les diverses opinions parfois contradictoires
mais trace une ligne consensuelle tout au moins en regard des volontés
exprimées par une vaste majorité de citoyens canadiens.
Les recommandations émises nous apparaissent aussi
justes que pondérées et indiquent clairement nous semble-t-il les balises qui
pourront être suivies par le législateur, en accord avec les droits et libertés
des citoyens dans un système démocratique et pluriel.
Nous tenons aussi à souligner certaines
recommandations qui nous paraissent incontournables eu égard à la loi 2 au
Québec. Ainsi, la recommandation no 2 donne ouverture à l’aide médicale à
mourir (AMM) pour les patients atteints de maladies non terminales, ce qui
permet entre autre au patient avec maladie neurologique dégénérative
irrémédiable de faire la demande d’AMM. De même, la recommandation no 3 sur les
patients atteints d’une maladie psychiatrique nous apparaît tout aussi importante
eut égard à la souffrance psychologique intense que certains patients peuvent
endurer avec peu ou pas d’espoir d’amélioration.
La recommandation no 7 sur les directives
médicales anticipées est tout aussi importante et touche les inquiétudes d’une
grande partie de la population. Enfin, nous sommes sensibles à la recommandation
no 11 qui recommande que «tous les établissements de soins de santé financés
par l’État offrent l‘aide médicale à mourir» sans donner de précision sur le
pourcentage de ce financement.
L’AQDMD remercie le comité fédéral pour l’ensemble
de son travail, effectué dans un très court délai.
Au nom du conseil d’administration,
Georges L’Espérance, neurochirurgien
Président
AQDMD
http://www.aqdmd.qc.ca/
Rapport du Comité mixte spécial sur l’aide
médicale à mourir
Février 2016
42e législature, 1re session
Extraits
RECOMMANDATION 2
Que l’aide
médicale à mourir soit accessible aux personnes atteintes de maladies
terminales et non terminales graves et irrémédiables leur causant des
souffrances persistantes qui leur sont intolérables au regard de leur condition.
2. Maladies mentales
Étant donné que les requérants dans
l’affaire Carter ne souffraient pas de troubles de santé mentale, la
Cour ne s’est pas prononcée sur la question de l’AMM dans le contexte des
maladies psychiatriques. Jeanette Ettel, avocate-conseil à la Section des
droits de la personne du ministère de la Justice, a déclaré que le Comité avait
toute latitude pour décider si les troubles psychiatriques devraient faire
partie des maladies ouvrant droit à l’AMM.
À l’instar du Comité externe, le Comité a
entendu des opinions contraires quant à la façon d’aborder la santé mentale
dans le contexte de l’AMM. Selon Benoît Pelletier, membre du Comité externe et
spécialiste en droit constitutionnel, le Comité externe avait constaté que les
Canadiens appuyaient surtout l’AMM pour une maladie physique, mais qu’à
première vue, les critères établis dans l’arrêt Carter pouvaient tout
aussi bien s’appliquer aux troubles psychiatriques. La professeure Downie et
d’autres étaient d’accord avec lui :
[...] la santé mentale ne devrait pas être
un critère d’exclusion. La Cour suprême ne l’a pas exclu, et les personnes
atteintes d’une maladie mentale ne sont pas toutes inaptes. Les médecins
déterminent déjà, sur une base régulière, si une personne est apte, même dans
le cas de personnes atteintes d’une maladie mentale. De plus, la souffrance
associée à la maladie mentale peut être aussi insoutenable que la souffrance
associée à une maladie physique. Enfin, je dirais que l’exclusion d’une personne
fondée sur la maladie mentale irait à l’encontre de la Charte.
Plusieurs personnes ont exprimé, dans leur
témoignage ou mémoire, leurs inquiétudes quant à l’inclusion des maladies
mentales dans le contexte de l’AMM. Le docteur K. Sonu Gaind, président de
l’Association des psychiatres du Canada, a présenté certaines des questions à
régler :
En ce qui concerne l’irrémédiable, il faut
en déterminer soigneusement la signification dans le contexte de la maladie
mentale. Bien sûr, irrémédiable ne peut pas simplement signifier incurable.
Beaucoup d’états sont considérés, par la psychiatrie et la médecine, comme
chroniques et incurables, mais cela n’empêche pas d’agir pour remédier à la
situation ou l’améliorer.
Selon le docteur Raek Rajji, chef du
service de psychiatrie gériatrique au Centre de toxicomanie et de santé mentale
:
La maladie mentale peut donc être grave
pour certaines personnes. Les symptômes peuvent causer des souffrances
psychologiques et parfois physiques persistantes. La souffrance n’est cependant
pas synonyme d’incurabilité, et si l’évolution naturelle de la maladie ne conduit
pas à une mort inévitable ou prévisible, nous avons la possibilité d’offrir un
traitement axé sur le rétablissement.
[...] sur le plan des déterminants sociaux
de la santé, les personnes atteintes de maladies mentales peuvent être
vulnérables : elles peuvent connaître la pauvreté, vivre dans un logement
inadéquat et être dépourvues de soutien social. Ces circonstances peuvent
exacerber leur souffrance et les amener à penser que leur maladie est
incurable. [...] dans un milieu clinique axé sur le rétablissement, il est
toujours possible que la maladie mentale puisse être guérie.
En guise de réponse, la professeure Downie
a rappelé au Comité l’aspect suivant du jugement dans l’arrêt Carter :
Il convient d’ajouter que le terme
«irrémédiable» ne signifie pas que le patient doive subir des traitements qu’il
juge inacceptables.
Le Comité reconnaît que l’application des
critères d’admissibilité à l’AMM dans le cas de patients souffrant d’une
maladie mentale, en particulier lorsque cette maladie est à l’origine de la
demande, posera des problèmes particuliers. Cependant, si la personne est
capable et répond aux autres critères définis dans la loi, le Comité ne voit
pas comment on pourrait lui refuser un droit reconnu par la Charte à cause du
trouble mental dont elle est atteinte. Par ailleurs, d’après le Comité, l’arrêt
Carter n’exclut pas les personnes atteintes de maladies mentales.
Toute
demande d’AMM devra répondre à l’ensemble des critères, y compris ceux touchant
le caractère irrémédiable du problème de santé et la capacité du patient. Comme
l’ont rappelé plusieurs témoins, les professionnels de la santé devront assurer
un juste équilibre entre le droit des Canadiens d’accéder à ce droit protégé
par la Constitution et la protection des personnes vulnérables qui pourraient
être forcées à demander une aide médicale à mourir. Il sera sans doute
difficile pour les professionnels de la santé de gérer les cas de troubles
mentaux, mais le Comité a confiance en l’expertise de ces professionnels et en
leur capacité d’établir et d’appliquer des lignes directrices appropriées. La
complexité de tels cas ne justifie pas que l’on fasse de la discrimination à
l’endroit de ces personnes en leur refusant l’accès à l’AMM. Le Comité s’attend
à ce que très peu de personnes demandent l’AMM en raison de troubles de santé
mentale, comme on a déjà pu l’observer dans les sociétés qui ont légalisé l’AMM.
RECOMMANDATION
3
Que l’on ne
juge pas inadmissibles à l’aide médicale à mourir les personnes atteintes d’une
maladie psychiatrique en raison de la nature de leur maladie.
RECOMMANDATION
7
Que l’on
autorise le recours aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir à tout
moment, après qu’une personne aura reçu un diagnostic de problème de santé qui
lui fera vraisemblablement perdre ses capacités ou un diagnostic de problème de
santé grave ou irrémédiable, mais avant que les souffrance ne deviennent
intolérables. Une personne ne pourra toutefois pas faire de demande anticipée
avant d’avoir reçu l’un ou l’autre de ces diagnostics. On appliquera aux
demandes anticipées les mêmes mesures de protection que pour les demandes
d’aide immédiate.
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