28 février 2016

Rapport du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir

Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité

Montréal, 25 février 2016

C’est avec respect et enthousiasme que l’AQDMD reçoit le rapport du Comité mixte
spécial sur l’aide médicale à mourir, co-présidé par Ms. Ogilvie et Oliphant.

Le rapport nous apparaît très respectueux de l’esprit de la décision de la Cour Suprême dans l’arrêt Carter c. Canada (6 février 2015). Le rapport reflète les diverses opinions parfois contradictoires mais trace une ligne consensuelle tout au moins en regard des volontés exprimées par une vaste majorité de citoyens canadiens.

Les recommandations émises nous apparaissent aussi justes que pondérées et indiquent clairement nous semble-t-il les balises qui pourront être suivies par le législateur, en accord avec les droits et libertés des citoyens dans un système démocratique et pluriel.

Nous tenons aussi à souligner certaines recommandations qui nous paraissent incontournables eu égard à la loi 2 au Québec. Ainsi, la recommandation no 2 donne ouverture à l’aide médicale à mourir (AMM) pour les patients atteints de maladies non terminales, ce qui permet entre autre au patient avec maladie neurologique dégénérative irrémédiable de faire la demande d’AMM. De même, la recommandation no 3 sur les patients atteints d’une maladie psychiatrique nous apparaît tout aussi importante eut égard à la souffrance psychologique intense que certains patients peuvent endurer avec peu ou pas d’espoir d’amélioration.

La recommandation no 7 sur les directives médicales anticipées est tout aussi importante et touche les inquiétudes d’une grande partie de la population. Enfin, nous sommes sensibles à la recommandation no 11 qui recommande que «tous les établissements de soins de santé financés par l’État offrent l‘aide médicale à mourir» sans donner de précision sur le pourcentage de ce financement.

L’AQDMD remercie le comité fédéral pour l’ensemble de son travail, effectué dans un très court délai.

Au nom du conseil d’administration,
Georges L’Espérance, neurochirurgien
Président
AQDMD

http://www.aqdmd.qc.ca/

Rapport du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir
Février 2016
42e législature, 1re session

Extraits

RECOMMANDATION 2
Que l’aide médicale à mourir soit accessible aux personnes atteintes de maladies terminales et non terminales graves et irrémédiables leur causant des souffrances persistantes qui leur sont intolérables au regard de leur condition. 

     2. Maladies mentales 
     Étant donné que les requérants dans l’affaire Carter ne souffraient pas de troubles de santé mentale, la Cour ne s’est pas prononcée sur la question de l’AMM dans le contexte des maladies psychiatriques. Jeanette Ettel, avocate-conseil à la Section des droits de la personne du ministère de la Justice, a déclaré que le Comité avait toute latitude pour décider si les troubles psychiatriques devraient faire partie des maladies ouvrant droit à l’AMM. 
     À l’instar du Comité externe, le Comité a entendu des opinions contraires quant à la façon d’aborder la santé mentale dans le contexte de l’AMM. Selon Benoît Pelletier, membre du Comité externe et spécialiste en droit constitutionnel, le Comité externe avait constaté que les Canadiens appuyaient surtout l’AMM pour une maladie physique, mais qu’à première vue, les critères établis dans l’arrêt Carter pouvaient tout aussi bien s’appliquer aux troubles psychiatriques. La professeure Downie et d’autres étaient d’accord avec lui : 
     [...] la santé mentale ne devrait pas être un critère d’exclusion. La Cour suprême ne l’a pas exclu, et les personnes atteintes d’une maladie mentale ne sont pas toutes inaptes. Les médecins déterminent déjà, sur une base régulière, si une personne est apte, même dans le cas de personnes atteintes d’une maladie mentale. De plus, la souffrance associée à la maladie mentale peut être aussi insoutenable que la souffrance associée à une maladie physique. Enfin, je dirais que l’exclusion d’une personne fondée sur la maladie mentale irait à l’encontre de la Charte. 
     Plusieurs personnes ont exprimé, dans leur témoignage ou mémoire, leurs inquiétudes quant à l’inclusion des maladies mentales dans le contexte de l’AMM. Le docteur K. Sonu Gaind, président de l’Association des psychiatres du Canada, a présenté certaines des questions à régler : 
     En ce qui concerne l’irrémédiable, il faut en déterminer soigneusement la signification dans le contexte de la maladie mentale. Bien sûr, irrémédiable ne peut pas simplement signifier incurable. Beaucoup d’états sont considérés, par la psychiatrie et la médecine, comme chroniques et incurables, mais cela n’empêche pas d’agir pour remédier à la situation ou l’améliorer. 
     Selon le docteur Raek Rajji, chef du service de psychiatrie gériatrique au Centre de toxicomanie et de santé mentale : 
     La maladie mentale peut donc être grave pour certaines personnes. Les symptômes peuvent causer des souffrances psychologiques et parfois physiques persistantes. La souffrance n’est cependant pas synonyme d’incurabilité, et si l’évolution naturelle de la maladie ne conduit pas à une mort inévitable ou prévisible, nous avons la possibilité d’offrir un traitement axé sur le rétablissement. 
     [...] sur le plan des déterminants sociaux de la santé, les personnes atteintes de maladies mentales peuvent être vulnérables : elles peuvent connaître la pauvreté, vivre dans un logement inadéquat et être dépourvues de soutien social. Ces circonstances peuvent exacerber leur souffrance et les amener à penser que leur maladie est incurable. [...] dans un milieu clinique axé sur le rétablissement, il est toujours possible que la maladie mentale puisse être guérie. 
     En guise de réponse, la professeure Downie a rappelé au Comité l’aspect suivant du jugement dans l’arrêt Carter
     Il convient d’ajouter que le terme «irrémédiable» ne signifie pas que le patient doive subir des traitements qu’il juge inacceptables. 
     Le Comité reconnaît que l’application des critères d’admissibilité à l’AMM dans le cas de patients souffrant d’une maladie mentale, en particulier lorsque cette maladie est à l’origine de la demande, posera des problèmes particuliers. Cependant, si la personne est capable et répond aux autres critères définis dans la loi, le Comité ne voit pas comment on pourrait lui refuser un droit reconnu par la Charte à cause du trouble mental dont elle est atteinte. Par ailleurs, d’après le Comité, l’arrêt Carter n’exclut pas les personnes atteintes de maladies mentales. 
     Toute demande d’AMM devra répondre à l’ensemble des critères, y compris ceux touchant le caractère irrémédiable du problème de santé et la capacité du patient. Comme l’ont rappelé plusieurs témoins, les professionnels de la santé devront assurer un juste équilibre entre le droit des Canadiens d’accéder à ce droit protégé par la Constitution et la protection des personnes vulnérables qui pourraient être forcées à demander une aide médicale à mourir. Il sera sans doute difficile pour les professionnels de la santé de gérer les cas de troubles mentaux, mais le Comité a confiance en l’expertise de ces professionnels et en leur capacité d’établir et d’appliquer des lignes directrices appropriées. La complexité de tels cas ne justifie pas que l’on fasse de la discrimination à l’endroit de ces personnes en leur refusant l’accès à l’AMM. Le Comité s’attend à ce que très peu de personnes demandent l’AMM en raison de troubles de santé mentale, comme on a déjà pu l’observer dans les sociétés qui ont légalisé l’AMM.

RECOMMANDATION 3
Que l’on ne juge pas inadmissibles à l’aide médicale à mourir les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique en raison de la nature de leur maladie.

RECOMMANDATION 7
Que l’on autorise le recours aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir à tout moment, après qu’une personne aura reçu un diagnostic de problème de santé qui lui fera vraisemblablement perdre ses capacités ou un diagnostic de problème de santé grave ou irrémédiable, mais avant que les souffrance ne deviennent intolérables. Une personne ne pourra toutefois pas faire de demande anticipée avant d’avoir reçu l’un ou l’autre de ces diagnostics. On appliquera aux demandes anticipées les mêmes mesures de protection que pour les demandes d’aide immédiate.

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