23 février 2016

Monsanto au banc des accusés

Le Tribunal de citoyens «Crimes contre la nature et l'humanité, et écocide» poursuit Monsanto

Par Michelle Schoffro Cook (Care2)

À la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Paris, on a annoncé qu’un procès contre Monsanto – intenté par des groupes d'activistes environnementaux – aura lieu devant la Cour internationale des citoyens à La Haye, Pays-Bas, le 16 octobre 2016 (lors de la Journée mondiale de l'alimentation).

Ce ‘tribunal mondial de citoyens’ inclura des groupes environnementaux qui représenteront des millions de personnes qui luttent contre Monsanto ainsi que 800 organismes affiliés provenant de 100 pays.



Selon le communiqué de presse publié par Organic Consumers Association, il s’agit d’une «cour internationale qui évaluera la potentielle responsabilité criminelle de Monsanto en matière de dommages causés à la santé humaine et à l'environnement». La cour citoyenne suivra les règles développées par les Nations Unies.

Le procès sera mené par des juges et des avocats professionnels, dirigés par Olivier de Schutter.

Comme il s'agit d'un tribunal de citoyens (1), Monsanto ne sera pas officiellement accusé ou condamné. Toutefois, tout au long de l'histoire, les tribunaux de citoyens ont été de puissants outils de changement dans les cas où le système judiciaire ordinaire ne parvenait pas à demander des comptes aux autorités gouvernementales ou aux grandes sociétés.

Lors de cette annonce, le président de l'IFOAM, André Leu, a déclaré sans ambages : «Monsanto peut ignorer les dommages causés aux humains et à l’environnement par ses produits et maintenir ses activités dévastatrices grâce à sa stratégie de dissimulation systématique : recours au lobbying auprès des agences de réglementation et des gouvernements, au mensonge et à la corruption, au financement d’études scientifiques frauduleuses, à des pressions sur les scientifiques indépendants, et à la manipulation de la presse et des médias.»

L'annonce s'inscrivait aussi dans la foulée d'une récente décision de la cour française de poursuivre Monsanto pour empoisonnement chimique. En outre, l'Organisation mondiale de la santé avait déclaré plus tôt cette année que le glyphosate était une substance «probablement cancérigène».

Le pesticide connu sous le nom «Roundup» contient du glyphosate et il est intégré aux graines génétiquement modifiées (maïs, soja, colza) Roundup-Ready de Monsanto. Même si l’agence Cancer Research de l'Organisation mondiale de la santé a déclaré que le glyphosate était probablement cancérigène, Monsanto maintient sa position : «aucune agence de réglementation dans le monde ne considère le glyphosate comme un agent cancérigène».

Par ailleurs, dans sa Proposition 65 qui demande à l'État de publier la liste des produits qui causent le cancer et des malformations congénitales, la California's Environmental Protection Agency entend étiqueter le glyphosate comme «cancérigène».

La poursuite judiciaire internationale ne portera pas uniquement sur le glyphosate. Des douzaines de groupes témoigneront sur la longue liste de produits toxiques développés par l'entreprise, notamment : les BPC (biphényles polychlorés); l'acide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique (2,4,5-T), un composant  de l'agent Orange (2); et Lasso**, un herbicide interdit en Europe.

Comme de nombreux militants, j’espère que la déclaration publique du physicien, auteur et activiste Dr Vandana Shiva, laisse entrevoir la conclusion de la Cour : «Monsanto a imposé les OGM afin de percevoir des redevances auprès des agriculteurs pauvres, les piégeant dans l'incapacité de rembourser leur dette et les poussant au suicide. Monsanto promeut un modèle agro-industriel qui contribue au moins à 50 % des émissions de gaz à effet de serre anthropiques globales. Monsanto est aussi largement responsable de l'appauvrissement des sols et des ressources en eau, de l'extinction des espèces et de la diminution de la biodiversité, et du déplacement de millions de petits agriculteurs dans le monde entier.»

** À l’émission Médium large, ICI Radio-Canada Première (23/02/2016) :  
Paul François, agriculteur en guerre contre Monsanto

L'agriculteur Charentais (France) est de passage à Montréal pour participer à une discussion sur les répercussions des pesticides sur nos vies. Intoxiqué après avoir inhalé les vapeurs de l’herbicide Lasso, en 2004, il a intenté et gagné une poursuite contre le géant pour préjudice à son endroit, devenant le premier agriculteur français à faire condamner Monsanto. 
   La discussion Pesticides : quels enjeux pour la santé? aura lieu ce soir à 19 h à l'Université Laval, à Québec. 
   La conférence Victoire historique contre Monsanto! Et après? aura lieu le 29 février à 18 h à la salle des boiseries de l'UQAM (Montréal). 
   Paul François sera de retour en novembre pour participer au festival du film d'investigation environnementale, économique et sociale à Saint-Jérôme.


L'agriculteur Paul François arrive au tribunal de Lyon avant l'ouverture du procès en appel contre Monsanto le 28 Mai 2015 / afp.com – Jeff PACHOUD

La vie de l'agriculteur bascule le 27 avril 2004, lorsqu'il vérifie une cuve ayant contenu du Lasso -- "un herbicide pour le maïs que j'utilisais depuis au moins quinze ans" -- et qu'il inhale des vapeurs toxiques. S'ensuit une longue période d'hospitalisation durant laquelle les médecins craindront plus d'une fois pour sa vie, sans jamais faire le lien avec l'herbicide de Monsanto. "D'examen en examen, de coma en coma, on a fini par trouver une importante défaillance au niveau cérébral. Là, ma famille a commencé à faire son enquête sur le Lasso", à ses frais, explique l'agriculteur.

La bonne nouvelle c’est qu’il a gagné son procès contre Monsanto. 

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(1) Clarification : ce «tribunal mondial de citoyens» n'est pas juridiquement contraignant. Dommage...

(2) La compagnie Dow Chemical a été un des producteurs de l'agent orange et a été reconnue responsable en 2013 par la justice sud-coréenne des maladies de peau développées par des vétérans de la guerre du Vietnam à la suite de leur exposition à cet herbicide. Ayant racheté Union Carbide en 2001, Dow Chemical a été associé à la catastrophe de Bhopal survenue en Inde en 1984. 
   Dow est le plus grand fabricant de plastiques : polystyrène, polyuréthane, polytéréphtalate d'éthylène, polypropylène, et caoutchouc synthétique. Il est aussi un important fabricant de chlorure de calcium et d'oxyde d'éthylène, tout comme de divers acrylates, surfactants et résines de cellulose. Il produit pour l'agriculture. En ce qui concerne le marché du consommateur individuel, ses produits les plus connus sont le Saran Wrap, les sacs Ziploc, le Styrofoam et le Silly Putty.

Pour en savoir plus sur la situation au Canada http://www.vigilanceogm.org/

Dans la même veine (incluant vidéo) :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2015/10/le-quebec-paradis-des-pesticides.html

Québec a perdu le contrôle des pesticides

Exclusif - L'utilisation de pesticides agricoles atteint des niveaux record au Québec. De nouvelles données compilées par Radio-Canada montrent une présence préoccupante de ces produits toxiques dans l'environnement. Dans le même temps, le gouvernement provincial réduit ses efforts budgétaires pour trouver des solutions de rechange plus écologiques, et ce sont les vendeurs de pesticides qui en profitent.
Un reportage de Thomas Gerbet :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/National/2015/10/21/001-pesticides-quebec-agriculture-rivieres.shtml

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