15 août 2015

Hérésie verte

Alberta : 30 grands hérons trouvés morts au nord de Fort McMurray.
Crédit photo : USF&G

Drapeaux rouges

8 août 2015
   1. Le gouvernement albertain lance une enquête après la mort de 30 grands hérons près d'un site d'extraction de sables bitumineux de l'entreprise Syncrude, dans le nord de la province. Un porte-parole du Régulateur de l'énergie affirme que du bitume a été trouvé dans des étangs à proximité des oiseaux, mais l'enquête doit déterminer la cause exacte de leur mort. [Est-ce surprenant?!]
   2. Un déversement d'hydrocarbures s'est produit hier au sud-est du Yukon, à 240 km à l'est de Watson Lake, indique le ministère de l'Environnement. La fuite provient d'une usine de traitement de gaz EFLO Energy Yukon qui n'est pas en service, dans un secteur qui n'est pas accessible par la route. L'entreprise a jusqu'à dimanche midi selon la loi pour contenir le déversement.

14 août 2015 
Imaginons ce scénario sous l’Île d’Orléans par exemple : 
   «Explosion d’un pipeline à Moscou – Ces images impressionnantes proviennent d'un secteur où passe un oléoduc. Trois personnes ont été blessées et souffrent de brûlures, dont un enfant. Le feu a rapidement été éteint. La compagnie propriétaire du pipeline nie toute implication, disant avoir fait une inspection de ses installations et n'avoir trouvé aucun dommage.» [Bien sûr. Bien sûr. Y’a jamais de problèmes ni de coupables.] 
https://www.youtube.com/watch?v=AjKqQGjjQeU

Le site suivant répertorie les principaux déversements et fuites de pétrole/gaz (plutôt ahurissant) :
http://meteopolitique.com/Fiches/petrole/deversements-de-petrole/2015/Deversements-de-petrole-en-2015.htm

La chasse aux hérétiques verts

«...Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et d'autres agences gouvernementales considèrent toute opposition à l'industrie pétrolière comme une ‘menace à la sécurité nationale’
   L'adoption récente par le gouvernement conservateur d'une nouvelle loi antiterroriste («C-51») n'a rien fait pour rassurer les groupes de défense des libertés individuelles, qui s'inquiétaient déjà de la surveillance dont feraient l'objet des militants écologistes ou autochtones opposés aux oléoducs, notamment. 
   Dans sa plainte, l'Association des droits civils de Colombie-Britannique suggère que le SCRS a partagé avec l'Office national de l'énergie (ONÉ) des renseignements concernant des groupes environnementaux dits «radicalisés» qui souhaitaient participer aux audiences publiques de l'ONÉ sur un projet d'oléoduc d'Enbridge.» (La Presse, 12 août 2015)

Autrement dit, les écolos sont des hérétiques terroristes.

Les humains s’espionnent et s’entretuent depuis l’aube des temps, soit pour s’emparer des biens d’autrui soit pour protéger leurs propres biens contre des envahisseurs. Rien de nouveau.

J’ai revisité un vieux bouquin – L’Inquisition, les temps, les causes, les faits (P. Lethielleux, Librairie-Éditeur, avril 1911) : 
   «...Peu à peu, dans tous les pays contaminés, une législation s’était formée, si bien que partout les lois civiles punissaient de mort le crime d’hérésie, ou plus exactement, les hérétiques en tant qu’anarchistes. ... La préoccupation de barrer la route aux impénitents de l’hérésie détermina le pape à juxtaposer un tribunal spécial qui provoquerait et dirigerait les recherches – d’où le nom d’Inquisition – et statuerait après examen. Quand le Pouvoir civil recevait des mains du juge ecclésiastique, un hérétique avéré et obstiné, il le traitait en criminel de droit commun parce qu’il était révolté contre l’État, et lui appliquait le Code pénal de l’État comportant la peine de mort.» (...)

Adaptation contemporaine :
Hérésie : refus d’adorer le dieu pétrole
Église : industrie pétrochimique
État/pouvoir civil : SCRS
Hérétiques/anarchistes : militants écologistes

Alors, les sympathisants de la cause environnementale (membres ou non de groupes écolos) sont-ils espionnés et seront-ils soumis à la Question? (Voyez l’article «Surveillance intrusive»)

Pourtant ce n’est pas une lutte à finir entre Terroristes Verts et Terroristes Bruns... le but des revendications écologiques est simplement d’éviter l’hécatombe, le suicide collectif, toutes espèces confondues.

La Terre vit à crédit depuis jeudi

Nous avons consommé en moins de huit mois toutes les ressources renouvelables que la planète peut produire en un an, selon l'ONG Global Footprint Network. Et les choses empirent d'année en année. 
   Le «jour du dépassement» tombe le 13 août cette année. Il s'agit de la date symbolique à laquelle notre consommation de ressources excède la capacité annuelle de la planète à les renouveler. En 1990, c'était le 13 octobre, mais en 1971, ce n'était que le 23 décembre. 
   L'empreinte écologique est un outil créé par Global Footprint Network en 1970 pour mesurer l'impact des humains sur la nature. Pour faire ses calculs, l'ONG compare la demande humaine en ressources naturelles avec la capacité de la nature à reconstituer ses ressources et à absorber ses déchets, dont les émissions de gaz carbonique (CO2). 
   Le jour de l’année lors duquel la Terre a dépassé ses limites arrive de plus en plus tôt! 
   Voyez les graphiques de consommation par pays :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2015/08/14/002-ressources-planete-consommation-empreinte-ecologique.shtml

La nature, le nouvel Eldorado de la finance

Autre sujet de désolation faisant partie de l’éco-suicide, si outrageant et révoltant que ça dépasse la capacité de l’admettre. Comme lorsqu’on voit des scènes d’horreur et qu’on détourne le regard parce que c’est humainement insupportable. 
   Ces mêmes financiers qui ont détruit la nature sur tous les continents offrent le peu qui reste à la spéculation boursière, prétendument pour la sauver. Qui sont les acheteurs? Je vous le donne en mille (1). 
   Le documentaire La nature, le nouvel Eldorado de la finance raconte l’histoire de la main mise bancaire et financière planétaire sur les ressources vivantes. Animaux et végétaux sont désormais transformés en produits bancaires et cotés en bourse. Un nouveau marché se développe : les espèces vivantes disparaissent, elles prennent donc de la valeur. L’environnement devient un capital spéculatif. Quel en sera le prix pour la nature et les hommes? 
    Un film de Sandrine Feydel et Denis Delestrac; production ARTE France et Via Découvertes www.viadecouvertes.fr 
   Si vous avez accès à la zone :
http://ici.tou.tv/nature-le-nouvel-eldorado-de-la-finance
   Sinon, des segments sur ce lien : 
https://www.youtube.com/watch?v=SDQtqo8RU9I


Les rapports s’empilent, les scientifiques s’alarment, la situation de la nature ne fait qu’empirer. «Et si les marchés économiques et financiers parvenaient à sauver la planète»? Les financiers, dont Pavan Sukhdev qui a longtemps dirigé la Deutsche Bank à Bombay,  les dirigeants des multinationales, les politiques, l’ONU, l’Europe, les grandes ONG ont déjà la réponse. Selon eux, il faut rendre la nature «visible» pour la respecter. Comment? En donnant une valeur monétaire aux différents «services» qu’elle procure à l’homme, et en la gérant comme une entreprise. Ce néo-libéralisme étendu à la planète terre atteint certains écologistes dont Pascal Canfin. «Dans le système actuel,  ce qui n’est pas compté ne compte pas (...) connaître le prix de la nature c’est aussi lui reconnaître de la valeur» argue-t-il dans le documentaire, tout en se méfiant des financiers. Or justement, l’engouement des plus grandes banques de la planète en faveur de ce nouveau marché est plus que jamais d’actualité. D’ailleurs, Michael Jenkins, qui dirige la plateforme d’information financière «Ecosystem Marketplace» siégeant à Washington, prédit que «la nouvelle vague des profits viendra de ces marchés environnementaux». 
   En réalité, ce sont les multinationales et les banques qui tirent le maximum de profit de ce jeu financier au détriment des populations et de la nature. En témoigne le marché du carbone (antérieur au marché de la nature) qui applique lui aussi le système de compensation. Le lien entre les deux marchés (carbone et nature) a des effets redoutables. Le documentaire montre les ravages provoqués au Brésil par l’entreprise minière et sidérurgique Vale. (...) 
   ...Mais la recherche des profits ne s’arrête pas là et dans le domaine de la finance l’imagination n’a aucune limite. Des produits financiers ont ainsi été créés sur les espèces végétales ou animales en danger (...). Doit-on soumettre la protection des espèces aux lois du marché? Si Pablo Solon prédit qu’«il y aura des espèces plus lucratives que d’autres», ce n’est pas le problème des marchés financiers. Pour ces derniers, les espèces en danger présentent un double intérêt, car à la rareté s’ajoute le risque de disparition. Or le risque permet de jouer comme les assurances en cotant en bourse l’espèce en question, ce qui permet de multiplier les profits. (...)
(Extraits : mediapart.fr) 

Citations de l’ancien ambassadeur de l’ONU Pablo Solon : 
   «Considérer la nature comme un capital est une absurdité car cela signifie utiliser la nature comme on utilise une technologie pour investir et obtenir plus de bénéfices. C’est ça l’idée qu’ils proposent. Ils sont fous. Cette idée est façonnée depuis une cinquantaine d’années. L’on joue sur la perte d’emplois causée par la protection environnementale, à la Ronald Reagan.» 
   Au sujet de la compensation : 
   «C’est une logique vraiment perverse car celui qui a de l’argent peut acheter ses certificats et détruire la nature. Les certificats de biodiversité sont en réalité des permis de polluer, des permis de détruire la nature. Et c’est la raison pour laquelle ces mécanismes sont pervers. Au lieu de préserver la nature cela fait exactement le contraire. Car celui qui a de l’argent n’a aucun problème. Il achète ses certificats et de cette manière il justifie la destruction de la nature.»

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(1) Il est facile d’imaginer le sort de la Grèce. Des scénarios similaires se sont produits dans quantité de pays du Tiers Monde, qu’on appelle aujourd’hui pays émergeants. Maintenant, ce sont les pays qui ont perdu au change avec le libre-échange de la mondialisation qui sont sommés de payer. 

«Les financiers [de la mondialisation] ne voient pas le monde comme étant constitué de démocraties individuelles et de pays distincts. Ils ne connaissent pas les frontières. Les lois ne les préoccupent pas parce qu’ils font la loi. Ils possèdent le monde parce qu’ils contrôlent l’argent, qui mène le monde. 
   Les banquiers affirment prêter de l’argent à ces pays dans un effort pour les mettre à niveau, pour les relever économiquement. Dans la plupart des pays, les gens aspirent à la démocratie. ... Ils sont mûrs pour la révolution. C’est alors que les insurgés entrent en scène. Les banquiers concoctent aussitôt un gouvernement militaire et vous obtenez ainsi les polarités nécessaires. Dès lors, vous avez un motif pour développer ce pays : appuyer ces gens qui réclament la démocratie. Bien sûr, le gouvernement militaire n’est là que temporairement. Sa raison d’être est d’alimenter et même d’intensifier le désir de liberté. Comprenez-vous le procédé? Les vendeurs d’armes font beaucoup d’argent. Les munitions arrivent de divers pays, de partout dans le monde. Bien entendu, tout cela est fait pour appuyer les combattants de la démocratie! ... 
   Et de quoi a besoin le jeune pays qui fait ses premiers pas? De prêts substantiels pour se développer. ... Dès que les insurgés quittent la scène, les banquiers s’amènent, trop heureux de distribuer des milliards. Ils prêtent des milliards, sachant très bien que ces merveilleux dirigeants catapultés à la tête de ce nouveau gouvernement démocratique, dilapideront cet argent et que le petit pays sera incapable de rembourser sa dette. 
   Alors, les banques demandent le remboursement du prêt. Le leader du pays plaide sa cause : ‘Mais nous n’avons tout simplement plus suffisamment d’argent pour vous rembourser.’ Le représentant de la banque sourit et dit : ‘Monsieur, ne vous en faites pas. Vous savez, je suis certain que nous pourrons arriver à nous entendre. Nous allons échanger votre dette substantielle contre les droits miniers de votre pays ainsi que le pétrole trouvé sur le littoral côtier et à l’intérieur de votre pays. Nous prendrons cela en échange.’ Le dirigeant du pays est alors si content qu’il s’exclame : ‘Quelle aubaine!’ Aussitôt dit, aussitôt fait. Et le petit pays cesse d’être un pays, il est absorbé par l’organisation sans frontière qui grandit sans cesse aujourd’hui. ... 
   Vous seriez médusé de voir avec quelle rapidité ils prennent les affaires en mains. L’industrie s’installe. Les fiers indigènes du pays sont évincés de leurs terres et parqués comme un troupeau dans les villes. Ça n’a pas d’importance si les fermiers ne cultivent plus dorénavant. Ça n’a pas d’importance si la forêt vierge est transformée en copeaux. Ça n’a aucune importance. Car les promoteurs arrivent et rasent les forêts, financés par les grandes banques, tout cela au nom de ce que vous appelez le progrès.» 

Source : The Last Waltz of The Tyrans, The Prophecy, Judi Pope Koteen; Beyond Words Publishing Inc. 1989. (Prophétique en effet!) 

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