31 mai 2015

Bonté divine! des enfants pris en otage par «Dieu»!

Un brin d’histoire «divine»

On peut imaginer que le mot Dieu (ou un équivalent, nous avons le choix) est apparu en cours d’évolution pour symboliser tout ce que nous ne comprenions pas – forces invisibles aussi bien que visibles sur lesquelles nous avions peu (ou pas) de contrôle. Nous avons attribué à Dieu diverses «personnalités» semblables aux nôtres, associées à des formes humaines variant selon les époques et les cultures. 
   Quelques spécimens de l’espèce humaine, peut-être un peu plus rusés, commencèrent à parler au nom de Dieu, c’est-à-dire à utiliser le concept de la déité pour dominer leurs pairs. Le bal était parti : récompenses/punitions, sacrifices, condamnations, cruautés, persécutions, assassinats individuels et génocides. Jusqu’où pouvaient aller les humains pour plaire à Dieu? Les religions devinrent le nouveau prétexte pour nous entretuer, plus crédible, parce que la source de commandement était non vérifiable – justice divine dont l’homme était l'instrument! Et puis, la religion est encore perçue comme une sorte d’assurance tous-risques contre la malchance. 
   C’est effrayant d’avoir affaire à des humains qui se prennent pour Dieu. 
   En tout cas, j’imagine mal un Dieu parfait, donnant dans la «partisannerie» et exigeant des sacrifices humains... Franchement!

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Meilleur argument logique contre un Dieu interventionniste tout-puissant, parfaitement bon et aimant : 
   Si Dieu est disposé à prévenir le mal, mais en est incapable, alors il n'est pas tout-puissant. S'il est en mesure de prévenir le mal, mais ne veut pas, alors il est lui-même le mal. S'il est à la fois disposé et capable, alors pourquoi y a-t-il encore tant d’atrocités dans le monde? S'il n'est ni disposé ni capable, alors pourquoi l'appeler Dieu?
~ Épicure

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Pourquoi notre détermination à croire est-elle puissante au point que le nombre grandissant d'enfants affamés et la souffrance des autres créatures sensibles n’arrivent même pas l’affaiblir? Pourquoi tant de personnes, normalement compatissantes, mettent autant d’énergie à défendre quelque chose d’indéfendable : l'idée que toutes ces horreurs se produisent sous l'oeil vigilant d'un Dieu d'amour tout-puissant qui intervient dans nos vies, mais pas dans celles des autres? 
   Les spécialistes en sciences cognitives nous ont appris que lorsque les humains veulent croire à une chose, ils n’ont aucune difficulté à invoquer des pseudos «raisonnements logiques». 
   Aujourd'hui, Dieu a perdu sa forme humaine, du moins physiquement, et le règne des explications surnaturelles s’estompe année après année. Nous savons que les mauvaises récoltes ne sont pas une punition divine. Nous savons que si les bébés à gros cerveau blessent les femmes à l’accouchement, ce n’est pas à cause du péché originel. Nous savons que les convulsions ne sont pas crées par des démons. Quelques fondamentalistes, comme Pat Robertson et Ted Cruz, peuvent encore penser que les ouragans ou les sécheresses sont imputables au mariage gay plutôt qu’au carbone atmosphérique, mais les gens sérieux s’abstiennent d’invoquer des explications surnaturelles, si ce n’est la structure mathématique de l'univers ou la relation entre le monde physique et la conscience...
   Tout le monde ne cherche pas à obtenir la même chose de Dieu, que ce soit sur terre ou dans l'au-delà. Au niveau le plus simpliste, les gens qui prêchent et pratiquent le Prosperity Gospel comme Joel Olsteen et ses partisans, ou le Creflo Dollar, veulent fondamentalement de l'argent. 
   Peu importe, lorsque nous donnons notre vie, notre argent, notre énergie à un dieu, nous nous attendons à un retour quelconque. Sans l’espoir que notre dévotion puisse changer notre vie pour le mieux sur terre et dans l’au-delà, et nous attirer des faveurs divines, la question de savoir si Dieu existe n’intéresserait à peu près personne.
   Alors, revenons à notre question : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Ismaël existe-t-il? 
   Je crois que nous pouvons faire mieux. 

~ Valerie Tarico, psychologue (Trusting doubt: A Former Evangelical Looks at Old Beliefs in a New Light)

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L'élément des religions, c'est l'ignorance. La foi disparaît devant la science. Une humanité qui nous serait supérieure n'aurait plus besoin de croire; elle saurait.
~ Louise Ackermann, 1813-1890 (Pensées d'une solitaire)

E-GOD – «smite» : châtier

Elle demanda donc à son père s'il lui arrivait de prier. Il dit : ‘Autant prier Edison quand une ampoule grille’. 
~ Milan Kundera (L'immortalité)

Si quelque chose m'a toujours profondément écoeuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme.
~ Milan Kundera (La valse aux adieux)

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«Les enfants ne sont pas à l'origine de ces attentats-suicides. Ils sont utilisés intentionnellement par les adultes de la manière la plus horrible», a dénoncé la Représentante de l'UNICEF au Nigéria, Jean Gough. «Ils sont d'abord des victimes». La fréquence et l'intensité des attaques suicides impliquant des femmes et des filles ont fortement augmenté cette année. Des filles et des femmes ont été utilisées pour faire exploser des bombes ou des ceintures d'explosifs à des endroits très fréquentés, comme des marchés et des gares routières. (...) Depuis juillet 2014, neuf attaques suicides impliquant des enfants âgés entre 7 et 17 ans - toutes des filles - ont été signalées. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=34855#.VWtqFk3bK71

Avant de voir les deux documentaires ci-après, j’ai regardé Children of The Taliban (PBS, 2009). Ce film a éclairé ma lanterne au sujet des tenants et aboutissants de l’affaire Khadr et des enfants-bombes.
Omar Khadr: Out of the shadows (2015)
http://www.cbc.ca/player/Shows/ID/2668265371/
The US vs. Omar Khadr (2008)
http://www.cbc.ca/player/Shows/ID/2668262892/

Les enfants des talibans :
Sharmeen Obaid-Chinoy, née à Peshawar (1), a entrepris un périlleux voyage à travers le Pakistan pour enquêter sur les méthodes de recrutement des talibans.
   Elle a interviewé des jeunes embrigadés et des recruteurs. Les méthodes de recrutement sont plus raffinées qu’en 2009 – il est facile de mobiliser des jeunes adultes via Internet. Mais la technique de base reste la même dans les pays plus concernés par cette dynamique : démolir un village ou une ville, offrir nourriture et gîtes gratuits aux victimes (voire de l’argent), établir un niveau de confiance puis soumettre, isoler et endoctriner. Rien d’exceptionnel, toutes les idéologies à forte charge patriotique, religieuse ou sectaire fonctionnent ainsi depuis l’aube des temps.
http://video.pbs.org/video/1134781691/

Quelques extraits (transcription/traduction maison)

Le père de deux fillettes est désemparé car les écoles ont été brûlées par les talibans :
Q. : Quel est l’effet de la présence des talibans?
R. : Les gens sont psychologiquement affectés. Profondément déprimés. Quand je regarde le visage des gens, je vois une tristesse. Personne ne peut dire quoi que ce soit. Nos bouches sont cadenassées. Nos pensées sont enchaînées.

Un adolescent embrigadé :
Q. : Que font-ils pour vous inciter à joindre leurs rangs?
R. : Les talibans offrent nourriture et logement gratuits. Ils nous invitent d’abord à la mosquée où ils prêchent. Ensuite ils nous emmènent dans une massadra [une école], et nous enseignent le Coran. Les enfants sont entraînés pendant des mois. Ils nous enseignent à manier carabines, kalachnikovs, lance-roquettes, grenades et bombes. Ils nous demandent de les utiliser contre les infidèles. Ensuite, ils nous montrent comment réaliser un attentat-suicide.
Q. : Aimerais-tu commettre un attentat-suicide?
R. : Si Dieu m’en donne la force.
Q. : Penses-tu qu’il y a suffisamment de jeunes adolescents comme toi pour permettre aux talibans de gagner?
R. : Si Dieu le veut. Nous sommes des milliers. Les talibans ont maintenant le pouvoir de vaincre l’ennemi. Mon frère a été tué dans la massadra, et nous n’avons trouvé que ses jambes à enterrer, les chiens l’avaient dévoré.

Obaid-Chinoy : «C’était après un bombardement américain; chaque bombardement américain entraîne un rallye de recrutement.» 

Autre adolescent pakistanais, interviewé dans une massadra :
Q. : Pourquoi les talibans détestent-ils autant les Pakistanais?
R. : Ils ont adopté les politiques américaines. Voilà pourquoi les talibans sont si en colère contre eux. Voilà pourquoi nous souffrons.
Q. : Penses-tu que vous pouvez gagner cette guerre?
R. : Si les Pakistanais continuent à combattre ainsi, ce sera très mauvais. Si l’Amérique continue de bombarder les régions tribales et de martyriser des innocents, nous sommes obligés de les attaquer. Si les leaders pakistanais et l’armée maintiennent leur attitude, alors nous prendrons le contrôle de Peshawar et d’autres villes, Islamabad et Karachi...

Obaid-Chinoy : «Les quartiers pauvres sont le terrain de prédilection du recrutement. Dans les massadras, la nourriture et le logement sont gratuits. Les jeunes étudient uniquement le Coran, il leur est défendu de lire quoi que ce soit d’autre – pas de maths ni sciences.» 

Un jeune pensionnaire d’une massadra, qui semble avoir totalement absorbé l’idéologie : (au sujet des femmes) 
R. : Les femmes servent aux tâches domestiques, et c’est ce qu’elles devraient faire. La loi de la sharia le dit, alors pourquoi les femmes errent-elles? Le gouvernement devrait défendre aux femmes et aux filles d’errer dehors. Le gouvernement a banni le sac de plastique. Plus personne ne les utilise.

Obaid-Chinoy : «Il considère que les talibans sont les seuls hommes capables de garder les femmes à leur place.» 

Q. : Après avoir gradué, te joindras-tu aux talibans?
R. : Oui, j’ai l’intention de les joindre et de supporter leur guerre. Mais pas au Pakistan, pour une guerre en dehors du Pakistan.

Un des responsables de la massadra :
R. : Les massadras jouent un rôle très positif. Ce n’est pas un endroit voué au terrorisme et aux malentendus – les massadras ont toujours promu la paix, l’amour et l’harmonie.

Retour au pensionnaire :
Q. : Qui va gagner cette guerre d’après toi?
R. : C’est dans notre sang. Peu importe le nombre de musulmans qui meurent, nous ne manquerons jamais d’agneaux à sacrifier. Les non-musulmans pensent uniquement à ce monde. Mais les musulmans considèrent que c’est une occasion de devenir un martyr. Si quelqu’un voit la mort comme une bénédiction – qui peut le vaincre?
Q. : Commettrais-tu un attentat-suicide?
R. : J’aimerais ça. Mais seulement avec la permission du père. Quand je vois des adolescents plus jeunes que moi ou du même âge réaliser un attentat-suicide, ces attaques formidables m’inspirent terriblement.

Obaid-Chinoy : «La propagande vidéo des talibans est très facile d’accès.»
Elle en affiche une à l’écran. On voit d’abord un jeune aligner des colombes blanches en train d’agoniser (il vient probablement de les tuer). Puis, un coucher de soleil apparaît avec en musique de fond de très jeunes enfants qui chantonnent une (morbide) comptine : 
   Si tu essaies de me trouver après ma mort 
   Tu ne trouveras jamais mon corps en entier 
   Tu me trouveras en petits morceaux 

Un jeune recruteur «professionnel» :
R. : Nous n’avions pas l’habitude de nous battre au Pakistan, puisqu’ils sont musulmans. Mais quand ils ont commencé à nous bombarder, nous avons dû faire le jihad contre eux.

Obaid-Chinoy : «Il a commencé sa carrière alors qu’il était enfant. Après avoir été éduqué dans une massadra on l’a envoyé en Afghanistan pour combattre. Assis en tailleur, il balance le haut de son corps en avant et en arrière comme on le lui a montré à la massadra. Il a l’air d’être en transe.»

Q. : Comment procèdent les talibans pour inviter ou convaincre les enfants de les suivre?
R. : Les enfants veulent se joindre à nous parce qu’ils aiment nos armes. Ils n’utilisent pas nos armes au début. Ils ne font que les transporter pour nous. Et allons-y! Ils nous suivent parce que ce sont de jeunes enfants.
Q. : Ne penses-tu pas que c’est mal d’utiliser des enfants pour attaquer?
R. : Si tu combats, alors, Dieu te donne les moyens. Les enfants sont des outils pour accomplir la volonté de Dieu. Tout ce qui se présente, tu le sacrifies. C’est correct.
Q. : As-tu déjà vu ce genre d’entraînement? (Elle lui montre une vidéo)
R. : Oui, mais ce sont des enfants plus âgés. Les nôtres ont 5, 6 et 7 ans.

Obaid-Chinoy : «Il y a 18 millions d’enfants au Pakistan dont le quart vit très en dessous du seuil de pauvreté. Si les militants continuent de propager leur guerre et de recruter librement, bientôt le Pakistan leur appartiendra.»

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(1) Selon le correspondant de l'Agence France Presse au Pakistan, Guillaume Lavallée, ce pays est l’un des plus dangereux pour les journalistes. Les reporters doivent travailler sous la menace des talibans, des groupes rebelles ou encore, des forces armées. Chaque année, on compte plusieurs enlèvements et assassinats.

Étant donné la proximité de Peshawar avec les régions tribales abritant les fiefs des talibans, la ville est souvent victime d'attaques de ces derniers et se trouve au cœur du conflit armé du Nord-Ouest du Pakistan. Peshawar est l'une des grandes villes du pays les plus régulièrement frappées par des attentats. Ces derniers ont redoublé depuis 2007 et également après le lancement d'une offensive de l'armée pakistanaise contre les talibans dans le Sud-Waziristan le 17 octobre 2009. 
   Depuis 2006-2007, les attentats à la bombe se sont multipliés à Peshawar. Environ 50 personnes ont été tuées au cours de l'année 2007, dont le chef de la police de Peshawar. Plus de 60 ont été victimes des explosions en 2008, et l'année 2009 a été la plus violente avec plus de 320 morts. En 2010, plus de 50 personnes ont été tuées dans la ville. Le deuxième attentat le plus violent du pays a d'ailleurs eu lieu dans la ville : le 28 octobre 2009, un attentat fait plus de 110 morts et il coïncide avec la visite d'Hillary Clinton dans le pays. 
   Le 22 septembre 2013, une faction talibane revendique un attentat dans une église de Peshawar. Cette attaque, la plus meurtrière contre la communauté chrétienne du pays, fait 82 morts.
   Le 16 décembre 2014, au moins 141 étudiants sont tués dans l'attaque d'une école par un commando taliban. Il s'agit de l'assaut terroriste le plus meurtrier perpétré au Pakistan. (Wikipedia)

30 mai 2015

La moutarde nous monte au nez

Saviez-vous qu’il y avait plus d’un million de tonnes de bombes chimiques qui dorment dans les océans tout autour la planète?

Moi non.

Je devais dormir au gaz, la tête enfouie dans le sable d’une plage du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse ou de la Virginie! J’avais vaguement entendu parler qu’on avait trouvé des vestiges de bombes dans le fleuve Saint-Laurent et au large des côtes des provinces maritimes, mais bon, ça ne m’empêchait pas dormir.

Alors, l’autre jour, je me suis réveillée en sursaut en voyant le documentaire «Armes chimiques sous la mer» de Nicolas Koutsikas, Eric Nadler et Bob Cohen (France 2013), produit par ARTE.

Photo : ARTE (Dumping de bombes chimiques)

Les «brillants» dirigeants des pays alliés (1944-45), ayant décidé de bannir l’utilisation des armes chimiques, ont pensé que la meilleure façon de s’en débarrasser serait de les larguer un peu partout au large des côtes de l’Adriatique, de la Méditerranée, de la mer Baltique, du Pacifique, de l’Atlantique, etc. C’est vrai qu’à l’époque on croyait pouvoir tout dumper dans la mer et que c’était sans conséquences – ni vu ni connu je t’embrouille. Vraiment génial. On aurait dû disséquer leurs cerveaux après leur décès, on aurait sûrement trouvé des petites connexions neuronales sectionnées.

Résumé (ARTE) : 
       Cachées depuis des décennies, les décharges d'armes chimiques sous-marines livrent un peu de leur secret grâce à cette enquête : un scandale militaire hérité de deux guerres mondiales et une véritable menace pour l'homme et pour l'environnement.
       De véritables bombes à retardement dorment au fond des mers et des océans de toute la planète. ... De 1917 à 1970, pour se débarrasser des stocks explosifs et hautement toxiques, les armées des grandes puissances mondiales les ont déversés dans les océans. Le contenu de ces armes, des poisons mortels encore actifs, s’échappe peu à peu dans la mer, menaçant les pêcheurs, les baigneurs, les poissons et tout l’écosystème. 
       Interviews et images d’archives passe en revue les zones à risque et montre que des solutions sont possibles pour nettoyer ces décharges. À condition que les États acceptent d’y mettre le prix.

«Courage ou bêtise. Parfois c'est bien la même chose. Surtout chez les militaires.»
~ Henning Mankell 

Inutile de chercher aux confins de la planète pour trouver des coupables, quoique... il y a des décharges partout. La plupart des pays ont sans doute des petits restants d’armes chimiques dans leurs placards, au cas où... Les nations concernées avaient convenu d’interdire la diffusion de ce dossier militaire jusqu’en 2017. (Pourquoi 2017?!) Le meilleur moyen de manipuler les gens est de les garder dans l’ignorance. Mais, il y a eu des fuites, car les pêcheurs avaient de quoi jaser à propos de leurs poissons contaminés.

Photo : ARTE (Bombe chimique)

Terrance P. Long, fondateur et président de l’ONG International Dialogue on Underwater Munitions * (Dialogues internationaux sur les armes sous-marines) habite en Nouvelle-Écosse. L’ancien ingénieur, enrôlé dans l’armée canadienne en 1975, participa à des missions de déminage pour l’ONU, notamment pour enseigner aux populations «minées». De retour au pays, il quitta l’armée et travailla pour des entreprises de prospection pétrolière. Or ce travail lui permit de découvrir qu’il y avait des décharges de munitions partout dans le monde, le long de toutes les côtes de l’Atlantique et de l’Ouest du Canada, de la mer Baltique à la mer du Japon. 
       Il y en avait même au lac Bras d’Or (classé réserve de la biosphère en 2011) situé au centre de l’Île du Cap-Breton, en plein coeur de la Nouvelle-Écosse. 3000 décharges de munitions gisent au fond du lac. Le gouvernement du Canada n’a toujours pas reconnu officiellement ce fait. Comme les décharges sont invisibles en surface, personne ne se plaint. 
       «Le lac abritait une vingtaine d’espèces de poissons; c’était un lieu de reproduction. Pendant la guerre une grande quantité d’armes a été déversée ici. Après, on a commencé à voir des lésions inhabituelles sur certains poissons et à trouver du plomb et de l’arsenic dans la chair. De toute évidence, quelque chose menaçait notre vie. Nous avons le taux de cancer le plus élevé de la province. Plusieurs amis et membres de ma famille en sont morts. Une de mes petites-filles suit un traitement en ce moment. Nous en sommes à la septième génération et nous voulons nous assurer que les prochaines aient les mêmes privilèges que nous avons déjà eus – de l’eau propre...»
~ Albert Marshall, un sage de la communauté Micmac (lors d’un entretien avec Terrance Long)
        La capitale de la Nouvelle-Écosse, Halifax, est depuis le dix-huitième siècle la plus grande base militaire canadienne. Elle fut pendant la Première et la Seconde Guerre Mondiale le principal port d'embarquement de troupes et de matériel vers l'Europe. Sydney, la principale ville de l'Île du Cap-Breton, joua le même rôle.

* L’IDUM : Cette organisation non-gouvernementale fut créée en 2004. Son objectif est d’obtenir la signature d’un traité international contraignant concernant tous les types de munitions présentes sous la mer (conventionnelles, biologiques, chimiques et nucléaires). Le travail de l’IUDM est reconnu au niveau international par les diplomates, et les organisations qui s’occupent d’environnement. http://www.underwatermunitions.org/

«Quand la convention sur l’interdiction des armes chimiques a été adoptée en 1992, elle prenait seulement en compte le stock actuel d’armes chimiques, soit environ 100 000 tonnes, mais elle ignorait le million de tonnes de munitions immergées. Si certains pays comme la Pologne et la Norvège, et le canadien Terrence P. Long, président des Dialogues internationaux sur les armes sous-marines, alertent régulièrement l’organisation à La Haye, aucune mesure n’a été prise aujourd’hui. Et même lorsque le secret-défense sera levé, que l’on pourra enfin faire l’inventaire des décharges et lancer des recherches sur leur nocivité, il faudra selon moi des années, voire des décennies, pour trouver des solutions. D’autant que l’on ne connaît rien encore de l’arsenal chimique russe, au moins tout aussi important que celui des États-Unis...» ~ Nicolas Koutsikas

Quels sont les principaux poisons contenus dans ces bombes?
Les voici (ça donne froid dans le dos!) :

- Arsine ou trihydrure d’arsenic : Un gaz incolore et toxique, plus lourd que l’air, utilisé par l’armée allemande, en association avec d’autres gaz, dans les obus chimiques de la Première Guerre mondiale. Diffusé en aérosol assez fin pour passer la barrière des filtres des masques à gaz, il forçait les soldats à tousser, éternuer ou vomir. Poussés à ôter leur masque, ils respiraient alors d’autres gaz mortels libérés par les obus. Dans la mer, les armes chimiques à base d’arsenic se décomposent en arsenic inorganique, qui est toxique.

- Chlore : Utilisé lors de la première attaque chimique en 1915, le chlore est un puissant agent irritant qui peut infliger des dégâts aux yeux, au nez, à la gorge et aux poumons. A haute concentration, il peut causer la mort par asphyxie.

- Gaz moutarde : Il s’attaque à tous les organes du corps, provoquant de fortes brûlures, notamment aux yeux, menant à la cécité. Jusqu’à dix jours après l’exposition, les poumons peuvent être atteints : toux, inflammation, saignements, puis apparition de lésions alvéolaires entraînant une détresse respiratoire, un oedème pulmonaire et la mort. Dans la mer, [il semble que] le gaz moutarde se décompose en soufre, carbone et hydrogène, des éléments chimiques relativement inoffensifs.

- Sarin : Découvert en 1939 par trois scientifiques allemands à la recherche de meilleurs pesticides, le gaz sarin est une substance inodore, incolore et volatile. Même à très faible dose, ce neurotoxique peut être fatal pour l’homme et l’animal.
[J’ajouterais toute forme de vie!]

- Tabun : Découvert par hasard en Allemagne en 1936 par Gerhard Schrader, c’est un gaz à action rapide, inodore et incolore, qui s’attaque au système nerveux et respiratoire.

Source (plus d’information sur le contenu du documentaire) :
https://angescorpion.wordpress.com/2014/05/05/armes-chimiques-sous-la-mer/

Les 140 000 emplois promis par M. Couillard sous notre nez  

Terrance Long suggère de créer des sociétés de déminage et de décontamination :

«Les risques d’accidents sont évidents mais les responsables ne font rien. Les pays redoutent d’être tenus responsables ou d’avoir à payer la facture. Ici, les jeunes partent les uns après les autres chercher du travail ailleurs alors qu’on pourrait dépolluer les sites, organiser des opérations sous-marines... Franchement, cela pourrait relancer l’économie partout dans le monde. Pourquoi ne pas fonder des relances, ils le font bien pour des ronds-points et des autoroutes; pourquoi pas une relance pour vider les sites de munitions?» 

En effet, au lieu de courir après des investisseurs éco-suicidaires, allons vers ceux qui veulent assainir la planète.

«La mer est un rêve qui ne rend pas les armes.» ~ Henning Mankell  

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Dans le même ordre d’idée -- le diable est tout partout...
«Il y a des événements dont les mots aussi ont peur, qu'ils se refusent à traduire.» ~ Henning Mankell

On devrait acheter des cerveaux orientés sur la dépollution pour faire changement! Même que le Québec n’en manque pas. Selon le documentaire dont il est question ci-haut, les Japonais sont devenus des experts dans le domaine de la décontamination et du déminage – pas étonnant après tout ce qu’ils ont expérimenté.

Opération Paperclip : mettre le grappin sur 1600 scientifiques allemands

Photo : Wernher von Braun, rapatrié durant l'Opération Paperclip, a ensuite travaillé pour la NASA 

L'histoire commence en mars 1945 lorsqu'un technicien de laboratoire découvre un document caché dans une salle de bain de l'Université de Bonn : la liste des milliers d'employés du programme scientifique nazi. Cette liste atterrit entre les mains du renseignement américain, qui salive devant tant d'expertise. 
       Le major américain Robert Staver envoie alors un télégramme au Pentagone. Il demande que l'on autorise l'enlèvement et le recrutement de 1600 scientifiques allemands de haut niveau. 
       Ce sera le début de l'opération Paperclip, ou «trombone». 
       Tout est organisé pour les savants et leurs familles. Le président Truman avait bien ordonné d'éviter de recruter d'anciens nazis, mais on retrouve tout de même parmi les scientifiques plusieurs officiers SS, des membres du Parti national-socialiste et des criminels de guerre. 
       Beaucoup d'entre eux sont placés dans des situations d'autorité. Le plus connu est sans aucun doute Wernher von Braun, responsable du développement du missile qui a ravagé la ville de Londres, le V2, et qui deviendra un acteur important des débuts de la conquête de l'espace. 
       Le gouvernement américain se défend. S'il n'avait pas mis la main sur ces savants, les Soviétiques l'auraient fait à sa place. Ce qui n'est pas tout à fait faux. Les Russes avaient eux aussi un programme de recrutement de scientifiques allemands. 
       Mais les Américains ont-ils eu raison de mettre au point des armes chimiques et de poursuivre des tests qui violaient l'éthique médicale, au nom de la guerre froide?

Émission «À rebours», 22 mai 2015 :
http://ici.radio-canada.ca/emissions/a_rebours/2014-2015/chronique.asp?idChronique=373184

28 mai 2015

Voulez-vous savoir?

Garder la tête dans le sable ne donne rien, absolument rien...

Jusqu’à maintenant on disait – «après nous le déluge!», maintenant on peut dire – «après nous le feu!». Le "consommateur consumé"... sur son propre bûcher.

L’idée n’est pas de diaboliser l’industrie pétrolière, mais de signaler que nous avons besoin d’étincelles d’une autre nature, d'une énorme prise de conscience collective, pour progresser vers une qualité de vie supérieure durable.

Photo : HuffPost Alberta

Ayant écouté l’entretien de René Homier-Roy avec Nancy Huston (émission Culture club ICI R.-C.), j’ai acheté BRUT, la ruée vers l’or noir (Lux Éditeur, 2015) – les voix de celles et ceux qui ont vu de près cette catastrophe : Melina Laboucan-Massimo, David Dufresne, Nancy Huston, Naomi Klein et Rudy Wiebe.

Si vous voulez sortir la tête du sable (bitumineux), ce livre est pour vous, et aussi pour les Québécois : selon un sondage de 2010, une personne sur six croyait que le pétrole est une source d'énergie renouvelable. Bref, un bilan déplorable, difficile à avaler (à moins d’être avaleur de feu). Mais, «quand on sait, on peut au moins choisir» son camp en toute conscience. J’ai eu de la difficulté à choisir les extraits – toutes les réflexions, d’un bout à l’autre, sont pertinentes.

Extrait du Mot de l’éditeur : 

   Les étendues de l’Athabasca, dans le Nord-est de l’Alberta, au Canada : 90 000 kilomètres carrés de terre écorchée et d’eaux contaminées par l’extraction des sables bitumineux, mélange lourd et visqueux d’argile, de sable et de bitume, qui constitue le carburant fossile le plus sale qui soit (n’en déplaise à ceux qui prétendent qu’il est plus respectueux des droits humains que le brut exporté par les Émirats arabes.) 
   On mesure généralement l’ampleur de cette dévastation en comptant les hectares de terre arrachée, les mètres cubes d’eau contaminée, les tonnes de déchets toxiques produits, le nombre d’animaux tués, les milliards de dollars empochés, mes ces chiffres vertigineux ménagent notre entendement en le dépassant. Ils ne dévoilent pas l’essentiel : que ce désert toxique qui s’étend au nord du monde est une dévastation de la culture humaine. 
   Les sables bitumineux et leur capitale, Fort McMurray, sont un monument du capitalisme contemporain et de la logique extractiviste selon laquelle le gaspillage, aussi bien dire le scandale, serait de ne pas mettre à profit les moindres replis de la terre. Cette atrophie calculée de la vie habitable, l’appauvrissement de notre rapport à nous-mêmes, au politique, au réel, l’inversion des valeurs qui fondent notre humanité par les passions de l’accumulation, voilà ce que décrivent les voix ici rassemblées. 

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Melina Laboucan-Massimo, militante écologiste, membre de la nation des Cris du lac Lubicon. Elle craint avec raison, de nouveaux déversements et les feux de forêts. 

   Deux semaines après le déversement de 2011 (1) d’immenses feux de forêt se sont répandus dans la région et, encore aujourd’hui, d’incontrôlables incendies forestiers se déclenchent régulièrement près du site de la catastrophe. Imaginez le danger que représente le fait de ne pas pouvoir contenir des incendies près des installations pétrolières qui pourraient exploser ou qui ont déjà explosé, ou aux abords d’autres fissures dans l’oléoduc. 
   Si je me bats aujourd’hui contre les ravages de l’industrie pétrolière, c’est à cause de ce qui arrive aux membres de ma famille et de ma communauté. Nous voyons des déversements massifs se succéder. Nous voyons la faune et la flore, des écosystèmes entiers, mourir sous nos yeux. Dans le nord de l’Alberta, la crise provoquée par l’extraction des sables bitumineux est majeure. Lorsque je suis allée chez moi après le déversement, j’ai vu comment on traitait les membres de ma famille. Ils se sentaient malades. J’ai eu le cœur brisé de les voir aussi vulnérables, ne sachant pas quels étaient leurs droits ni ce qu’ils pouvaient faire pour se protéger (2). 

Du pétrole en territoire Lubicon (BRUT, p. 17)

(1) «Le 29 avril 2011, une rupture dans l’oléoduc Rainbow de la compagnie Plains Midstream a provoqué un déversement massif aux abords de notre communauté : 4,5 millions de litres de pétrole se sont répandus, l’un des plus gros déversements de pétrole de l’histoire de l’Alberta.» ~ M. L.-M. 
   J’ai choisi cet extrait parce qu’en ce moment même (26 mai) des feux de forêt font rage en Alberta. Les médias rapportaient que 29 des 72 feus sont hors de contrôle. Depuis dimanche, 57 autres incendies se sont déclarés dont 20 déclenchés par la foudre. Cenovus Energy Inc. a cessé sa production à Forest Creek (sables bitumineux) et à Athabasca (gaz naturel) et demandé aux employés de quitter les sites, le feu étant à proximité des chemins d’accès. Depuis le 1er avril, 629 incendies ont brûlé 13 098 hectares de forêt. Simplement terrifiant.

(2) Dans le second documentaire de Fort McMoney, on voit des représentants de pétrolières s’adresser à des autochtones dont ils se moquent ouvertement, avec mépris. Quelle arrogance. Mais c’est un comportement typique de la part se tous les colonialistes, n’est-ce pas? Je n’ose imaginer le sort qu’on réservera aux habitants de l’Île Anticosti...

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David Dufresne, journaliste indépendant. Il a entre autres publié Tarnac, magasin général (2012) et réalisé le documentaire interactif Fort McMoney (2014). 

   Une ville qui raconte notre monde et qui allait devenir mon deuxième chez moi, trois hivers durant, au cœur d’une quête : jusqu’où la démocratie peut-elle se plier aux lois du marché? Et nous, à notre dépendance à l’or noir? 
   La rencontre avec Jim Rogers avait dû s’opérer dès les premiers jours de mon arrivée, par un simple regard et un large sourire, dans une de ces multiples réunions publiques où je traînais pour comprendre comment les institutions municipales s’y prennent pour contrôler vaille que vaille une situation qui les dépasse. «C’est comme dans la ruée vers l’or, certains meurent en chemin, ou reviennent toxicomanes ou alcooliques – s’ils en reviennent! Et les gens se retrouvent à devoir lutter pour survivre comme dans tous les bidonvilles du monde. Ils achètent des maisons gigantesques au sommet des gisements, faites de panneaux stratifiés en PVC, qui coûtent 500 000, 700 000 ou 900 000 dollars! Parce qu’il faut toujours voir grand à Fort McMurray. C’est la folie des grandeurs! C’est comme une gigantesque arnaque. Le coût de la vie est tellement élevé ici qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’être esclaves de l’industrie pétrolière, qui, en retour, les traite... comme des mendiants.» ~ Jim Rogers 
   «Vu que l’industrie pétrochimique promeut l’éducation, paie pour le caoutchouc de vos semelles, allonge notre durée de vie, améliore notre qualité de vie... Je dirais qu’elle bonifie la démocratie.» ~ Travis Davies, porte-parole de la Canadian Association of Petroleum Producers 
   Le lobbyiste avait tout dit. Les compagnies de pétrole sont la démocratie, et la démocratie est pétrole. 
   On ne compte plus les accidents de travail sur les chantiers, ni les cas de maladies sexuellement transmissibles dont le taux est le plus élevé du Canada, comme celui de natalité, dont le record est battu année après année. 
   Selon le médecin John O’Connor, tandis que les autorités ferment les yeux à triple tour sur les impacts écologiques, les compagnies pétrolières achètent la paix sociale à coups de réunions d’information dotées de lecteurs DVD, de quelques dollars lâchés par participant, et d’un peu de dinde cuisinée. John O’Connor a parlé de l’Alberta comme d’une république bananière, et de citer en exemple le jeu de chaises musicales entre industries minières et ministères; où les uns passent chez les autres au gré des déconvenues électorales et de juteux contrats; l’ascenseur toujours en position renvoi. 
   Dans le jeu documentaire, à chaque fin de partie, le résultat était identique et sans appel : les joueurs votaient en masse contre l’exploitation pétrolière et Fort McMurray finissait toujours en ville fantôme www.fortmamoney.com .

Les corbeaux, trois hivers à Fort McMoney (BRUT, p. 23...50)

http://situationplanetaire.blogspot.fr/2015/05/fort-mcmoney-suiteconclusion.html

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Nancy Huston, romancière et essayiste; née en Alberta, elle habite aujourd’hui à Paris.

   ... Au mois de juin 2014 ... j’ai visité la région dévastée de l’Athabasca... J’ai rédigé d’une seule traite le texte Alberta : l’horreur «merveilleuse». Je tenais à l’écrire pendant que j’étais sur place dans le registre des émotions fortes. ... Ce texte est donc un document «brut» sur le monde de «brutes» que les compagnies pétrolières ont mis en place pour extraire du «brut».

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Je suis chez moi, et hors de moi. 
   En encourageant le développement à outrance des industries pétrolières albertaines, Stephen Harper, le chef d’État du Canada, met l’humanité en péril. L’humanité de ma province natale, et l’humanité tout court. 
   ... Pour transformer en pétrole cette substance gluante, puante et extrêmement corrosive, il faut encore l’acheminer jusqu’à des raffineries en Chine, au Texas ou au Québec par le truchement de pipelines tentaculaires et forcément fuyants; ainsi les portions de la nappe phréatique épargnées par la fracturation hydraulique pourront-elles être empoisonnées à leur tour. 
   ... Suncor et Syncrude, Shell Chevron Marathon, Cavalier, Teck, BP, CNRL, Imperial Exxon, Southern Pacific, Cenovus, Grizzly, Koch, PetroChina, Stone, Total... des dizaines de compagnies s’arrachent des parts du gâteau. La population de Fort McMurray, son épicentre, est passée ces dernières années de 10 000 à 100 000 et c’est sans compter la «population de l’ombre» de 50 000 personnes (des hommes pour 83%) concentrée dans des camps de travail près des sites d’exploitation. 
   Cent enfants naissent ici chaque mois... 
   ... On a besoin de sucres et de matières grasses – la nourriture est donc grasse et sucrée, indigérable et coûteuse. ... La malbaise est à l’image de la malbouffe, ce que reflète le taux de syphilis à Fort McMurray, le plus élevé de tout le Canada. 
   Comme partout où les hommes se trouvent en surnombre et seuls, les femmes économiquement désavantagées viennent à la rescousse : l’annuaire de Fort McMurray propose 10 pages de services d’escortes; un site internet contient 2000 petites annonces d’hommes, précisant en quelques formules brutales la prestation sexuelle désirée. ... Les couloirs de l’université sont vides, mais la boîte où les «girls» se succèdent en danseuses strip-teaseuses, avant de s’éclipser ouvertement avec les clients pour une brève étreinte tarifiée, est le seul lieu de la ville où, tous les soirs, il y a foule. 
   «Big is beautiful» dorénavant. Plusieurs de mes connaissances ici qualifient les mises en garde des environnementalistes d’«hystérie de masse» et les croient orchestrées par l’Arabie Saoudite, soucieuse de préserver son monopole du marché du pétrole. 
   De plus, étant donné que dans les vastes paysages albertains les ressources semblent infinies, on ne voit vraiment pas l’intérêt de faire attention à leur conservation. Non : force, brutalité, bruit, gaspillage; après moi le déluge. ... Pour la majorité des Albertains, l’écologie semble être un non-sujet, ou alors un sujet pour femmelettes. On ne croit apparemment pas qu’il y ait un problème de pollution ou du moins que cela nous concerne. Chaque repas engendre quantité de déchets en plastique et en polystyrène non biodégradables. Les hommes roulent partout en pick-up, en SUV, en grosse moto, en faisant bien vrombir leur moteur pour que tout le monde sache qu’ils sont là; ou plutôt, pas eux exactement, mais leur véhicule. Plus j’y réfléchis, plus il me semble que les camions, grues et autres engins des mines bitumineuses sont en passe de devenir les symboles sacrés de la nouvelle virilité qui voit le jour en Alberta. 
   Les compagnies pétrolières possèdent la province, le pays, le monde entier. À ceux qui ne trouvent pas d’emploi à l’est du Canada, on dit : mais non, vous n’avez pas droit aux allocations de chômage, car il y a pléthore d’emplois disponibles... dans l’Ouest. On définit le but de la vie : l’argent, et le moyen d’y parvenir : le pétrole. Tout le monde est prié de se prosterner devant las Saint-Trinité : Big-Money-Oil.
   Selon toutes les prévisions sérieuses, si le président Obama approuve la construction du pipeline Keystone XL, au mépris du Sénat qui s’y est opposé en novembre 2014, la quantité de gaz à effet de serre lâchée dans l’atmosphère fera grimper la température de la Terre d’encore 0,5°C. Mais Obama lui-même a été élu grâce aux compagnies de pétrole, et on ne lui permettra jamais de l’oublier. Il n’y a pas de sauveur possible dans la mesure où, partout dans le monde, la puissance politique dépend du dieu pétrole. 
   Nonobstant la palette des attitudes albertaines – qui, hormis les écologistes bien minoritaires, semble aller de l’indifférence à la résignation en passant par l’enthousiasme –, c’est bel et bien l’avenir de l’espèce humaine sur Terre qui se joue aujourd’hui en Alberta.

Alberta : l’horreur «merveilleuse» (BRUT, p. 53...71)

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Naomi Klein, journaliste et militante canadienne. Son dernier livre, Tout peut changer, est une enquête sur le capitalisme et le changement climatique. Le chapitre rapporte un entretien entre Naomi Klein et Nancy Huston (décembre 2014). 

   Klein : L’un des principaux argumentaires de l’industrie du pétrole et du gaz en ce moment est le suivant : «On ne creuse plus beaucoup de ces horribles mines à ciel ouvert, où tout le monde peut voir à quel point il s’agit d’un processus violent, destructeur et polluant. La terre n’est plus écorchée vive.» En fait ils le font encore, bien sûr, mais de nos jours, la majeure partie de l’expansion est dans les mines in situ. Là, c’est bien mieux caché, n’est-ce pas? parce que c’est sous terre! Il y a cette idée que, bon, maintenant que ça se passe sous la terre, maintenant qu’on ne fait que fendre la terre et injecter de la vapeur sous pression extrême pour forcer le bitume à monter dans les tuyaux, ça ne pose aucun problème! Alors qu’en réalité, c’est beaucoup plus destructeur! 
   Huston : Et il faut encore plus d’eau, encore plus d’énergie pour le faire monter à la surface. Cinq barils d’eau pour chaque baril de bitume! 
   Klein : Du coup, ça crée des déversements qui ne sont même plus des déversements, mais de vraies fentes qui s’ouvrent dans la terre, et d’où le pétrole coule littéralement à flots. C’est ce qui s’est passé sur le site de la compagnie Canadian Natural. Nous étions là quand ils ont découvert ce déversement-là. C’était il y a 18 mois et, au moment de la découverte, ça giclait déjà depuis des mois, donc on a affaire aujourd’hui à un déversement qui dure depuis à peu près deux ans et dont personne ne sait comment l’arrêter. Ce n’est pas comme un tuyau qui se fendille; ils ont littéralement brisé la terre, elle s’est mise à gicler et ils n’arrivent pas à la réparer. Ainsi, cette idée de away fait partie intégrante du concept d’extraction in situ : «On va ensevelir la chose», alors qu’en réalité c’est probablement le type d’extraction le plus dangereux qu’on ait jamais inventé! 
   Huston : ... Les universités forment les cerveaux dont l’économie capitaliste a besoin. Comment espérer voir surgir des dirigeants pleins de sagesse dans un pays où les écoles enseignent ce que le pouvoir leur enjoint d’enseigner? 
   Et tout cela se construit sur la valorisation d’une forme primitive de virilité. On est fier d’être musclé et macho, les Autochtones et les écolos sont de femmelettes. J’ai eu la même impression en Chine : on est fiers d’être bourrus et brutaux. On balancera nos putains de déchets là où bon nous semble! 
   Klein : Cette définition-là de la virilité joue aussi un rôle dans la manière dont on valorise les énergies renouvelables. Ce sont des énergies «efféminées». Les vrais mecs brûlent du pétrole et du charbon! 
   Huston : ... partout sur la planète, fleurissent les valeurs hyper-individualistes du néolibéralisme. Il faudrait une vraie révolution des mentalités. ... Surtout quand on se dit que nous exportons désormais ce modèle en Chine, et qu’il y aura donc un autre milliard et demi de personnes pour qui «réussir sa vie» égale conduire une grosse cylindrée et manger beaucoup de viande! 
   Klein : Au cours d’un reportage à Shenzhen, en Chine, il y a quelques années, j’ai à nouveau été frappée par ce côté rêve américain sous stéroïdes. «Ah bon, vous dites que Walmart est un supermagasin? Eh bien, voici un vrai supermagasin, huit fois plus grand! On va être plus américains que les Américains!» 
   ... Mais la mentalité coloniale, celle de la frontière indéfiniment repoussée, l’idée qu’il y en aura toujours plus, cette image de la terre comme infinie est en effet profondément ancrée dans notre conception du Grand Nord. Même en Alberta, on se représente le Nord comme une sorte de supermagasin surnaturel où l’on peut se servir indéfiniment... C’est à ce fantasme-là qu’on se heurte.

La politique de la terre brûlée – Dialogue (BRUT, p. 73...100)

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Rudy Wiebe, romancier canadien né en Saskatchewan en 1934. Dans une nouvelle prémonitoire, écrite en 1982, il inscrivait Fort Mac dans l’atlas des lieux du désastre. 

   ... L’usine géante, dont il connaissait chaque boulon et chaque tuyau, s’étalait entre lui et la rivière; ... et il savait que le pétrole coulait là, se glissant par des milliers d’orifices secrets, ruisselant à travers des tuyaux et tous les joints à la numérotation précise, doux et clair comme du miel brun-or. 

L’ange des sables bitumineux (BRUT, p. 107) 

Autres sujets brûlants

«Le choix du feu»

LES RADICALITÉS CONVERGENTES 
Source : Homo Vivens

Deux livres-clé

Philippe Grasset ou les identités contre le Système
Par Mario Pelletier

Voici une grande fresque historique qui explique aussi bien les catastrophes écologiques que les guerres actuelles en montrant comment le choix, au début de la révolution industrielle, d'un développement basé sur l'énergie fossile, a été déterminant, comment une logique de feu, de puissance, via l'Allemagne d'abord puis via les États-Unis a prévalu contre une logique de perfection d'origine latine, comment enfin la guerre de 1914-1918 a marqué cette époque. 

Qui désespère de trouver un sens à la folie guerrière répandue sur la planète en ce moment - cent ans après la grande tuerie de la Première guerre mondiale -, aurait intérêt à lire Philippe Grasset.
   Sans prétendre résoudre l'énigme du futur qui nous attend, cet auteur et fin observateur nous montre clairement comment le monde en est arrivé là. Pourquoi les pires barbaries sévissent au Moyen-Orient et ailleurs, malgré les «progrès» de l'humanité, et pourquoi la planète, menacée déjà par des catastrophes écologiques sans précédent, se trouve au bord d'un affrontement nucléaire apocalyptique entre la Russie et les États-Unis.
   Oui, pourquoi l'humanité en est-elle encore revenue là, c'est-à-dire revenue en situation de guerre mondiale, après des décennies où on a tant vanté les progrès de la démocratie, de la liberté et des droits de l'homme dans le monde? Comme dit Philippe Grasset, «un cataclysme intellectuel et spirituel nous a frappés». 
   C'est la crise ukrainienne, le printemps dernier, qui m'a fait découvrir Philippe Grasset. Sur son site DeDefensa.org, il observe et commente, jour après jour, les menées de plus en plus chaotiques d'un système d'hégémonie mondiale courant vers son autodestruction. Et justement, pour lui, le coup d'État en Ukraine - avec la crise qui s'est ensuivie - est l'une des étapes majeures d'autodestruction du Système. (L'irruption d'un califat sauvage à cheval sur l'Irak et la Syrie en est une autre, qui s'y rattache de près.)

Le déchaînement de la matière et l'idéal de puissance

Dans son livre La Grâce de l'histoire – qu'il a commencé à publier en feuilletons sur son site dès 2009 et dont le premier tome est paru sur papier cette année –, Philippe Grasset illustre fort bien les tenants et aboutissants de la crise de civilisation qu'on connaît. Pour lui, cette crise est l'aboutissement d'une dynamique historique qu'il appelle «le déchaînement de la matière». Une dynamique remontant à la fin du XVIIIe siècle. Plus précisément, à la Révolution industrielle, où on a fait le «choix du feu».

Article intégral :
http://encyclopedie.homovivens.org/documents/philippe_grasset_ou_les_identites_contre_le_systeme

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En marge de «La généalogie de la violence» de Gilles Bibeau
Par Jacques Dufresne

Un livre nécessaire, écrit par un anthropologue itinérant dont la culture est vraiment universelle et qui connaît bien les régions du monde dont il parle : l’Amérique et l’Europe, le Moyen Orient, l’Afrique. Tout journaliste, tout professeur appelé à commenter les grands événements actuels dans le monde devrait s’inspirer d’un tel livre ou d’un autre de même niveau… s’il s’en trouve en ce moment.

Dans le sillage d’Homère

La notion de guerre asymétrique, qui occupe une place centrale dans le livre, est aussi importante pour la compréhension du monde actuel que ne l’était celle de guerre froide pour la compréhension de la seconde moitié du vingtième siècle. Le terrorisme d’état, autre notion adoptée résolument par Gilles Bibeau, jette un doute radical sur l’hypothèse simpliste selon laquelle, les démocraties occidentales défendent innocemment la liberté, le droit, la civilisation contre la barbarie des terroristes. Ces démocraties pratiquent en réalité un terrorisme d’état consistant à s’attaquer à la population civile d’un pays souverain, sans avoir déclaré la guerre à ce pays, et sans avoir reçu l’aval des Nations Unies, ce qu’a fait Barack Obama lui-même, cent fois par année plutôt qu’une. Si d’un côté on décapite l’ennemi, de l’autre on le déchiquète au moyen de drones.

Article intégral :
http://encyclopedie.homovivens.org/documents/en_marge_de_la_genealogie_de_la_violence_de_gilles_bibeau  

25 mai 2015

Dilemme richesse / pauvreté

«Lorsqu'on songe aux inégalités économiques, la plupart des gens se concentrent sur la façon de mettre fin à la pauvreté. Je pense qu'il est plus important de mettre fin à la richesse.» ~ Robert Jenson

Plain Radical: Living, Loving, and Learning to Leave the Planet Gracefully
Site : Resilience; Building a world of resilient communities

Ou peut-être devrions-nous dire, finissons-en avec notre perception que l'argent constitue la richesse et reconnaissons la vraie richesse : Mère Nature, avec sa capacité de régénération infinie – expopermaculture.com 

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L’enrichissement personnel est-il une valeur sûre?

   Réelle richesse  
   «Qu'est-ce que la richesse? D'où vient-elle? Pouvons-nous associer abondance et durabilité? Notre économie actuelle a-t-elle créé la richesse? 
   Pendant qu'une minorité accumule les possessions matérielles, la vaste majorité des gens vivent dans de terribles conditions de pauvreté, et de vastes zones de la planète sont devenues des déserts. Tandis que j’étudiais les écosystèmes il m’était impossible de dissocier les conséquences écologiques des systèmes économiques. J’ai pleinement réalisé la valeur des écosystèmes.»

~ John Liu (auteur de la vidéo)  

Que veulent-ils au juste?

[...] si tout homme avait la possibilité d'assassiner clandestinement et à distance, l'humanité disparaîtrait en quelques minutes.
~ Milan Kundera (La valse aux adieux)

   Ma foi, avec les drones, nous y sommes!

Photo : ICI Radio-Canada/Bouchra Ouatik. Accueil de réfugiés à Minawao.

Depuis plus d’un an, le groupe islamiste Boko Haram sévit dans les pays du bassin du lac Tchad. Au Cameroun, la province de l’Extrême-Nord subit des attaques répétées du groupe. Mais cette région accueille aussi des dizaines de milliers de réfugiés du Nigeria voisin.
   Un récit de Bouchra Ouatik
   Le même scénario se répète à travers l’Extrême-Nord du Cameroun. Des villages sont pillés, des habitants sont tués, des maisons sont brûlées. La situation est telle que certains villages sont aujourd’hui déserts. (...) 
   Comme bien des victimes de Boko Haram, Luka ne comprend pas les motivations du groupe. «Ils sont d’abord venus pour détruire toutes les écoles de l’État de Borno. Ensuite, ils ont commencé à brûler les églises. Ils tuent maintenant des gens dans les mosquées. Nous ne sommes pas capables de dire ce qu’ils veulent vraiment.» ~ Luka Isaac, réfugié nigérian

Article intégral :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2015/05/boko-haram/index.html

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Je lis des ouvrages et des articles (en espérant que les topos soient fiables) pour essayer de mieux saisir les enjeux de ces conflits à multiples ramifications et paliers. Mais, comme le dit A. Baricco, «les barbares ont leur propre logique»... Les allégeances confessionnelles et l’éradication des impies ne sont que des prétextes. Le scénario de base est toujours le même : domination, et appropriation (vol) des ressources d’une nation, que l'action se déroule au Cameroun ou en Syrie...  

Ces ignominies me ramènent immanquablement aux ouvrages d’Ahmadou Kourouma, cet écrivain d’une stupéfiante lucidité qui n’hésitait pas à utiliser l’humour noir (sans jeu de mots!) pour nous aider à comprendre. À lire ou relire. 

Quelques citations empruntées à Babelio :

Ahmadou Kourouma (1927-2003) 

La politique n'a ni yeux ni oreilles ni coeur : en politique, le vrai et le mensonge portent le même pagne, le juste et l'injuste marchent de pair, le bien et le mal s'achètent et se vendent au même prix.

Les Soleils des indépendances
Éditeurs : Presse universitaire1968; Seuil 1970 et Points 1995

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Quand on dit qu'il y a une guerre tribale dans un pays, ça signifie que des bandits de grand chemin se sont partagé le pays.
Ils se sont partagé la richesse; ils se sont partagé le territoire; ils se sont partagé les hommes.
Ils se sont partagé tout, et tout le monde entier les laisse faire.
Il y avait au Liberia quatre bandits de grand chemin : Doe, Taylor, Johnson, El Hadji Koroma et d'autres fretins de petits bandits.
Les fretins bandits cherchaient à devenir grands.

On ne discute pas avec un visionnaire.

Allah fait ce qu’il veut; il n’est pas obligé d’accéder à toutes les prières des pauvres humains. Les mânes font ce qu’ils veulent; ils ne sont pas obligés d’accéder à toutes les chiaderies des prieurs.

Dans toutes les guerres tribales et au Liberia, les enfants-soldats, les small-soldiers ou children-soldiers ne sont pas payés. Ils tuent les habitants et emportent tout ce qui est bon à prendre. Dans toutes les guerres tribales et au Liberia, les soldats ne sont pas payés. Ils massacrent les habitants et gardent tout ce qui est bon à garder. Les soldats-enfants et les soldats, pour se nourrir et satisfaire leurs besoins naturels, vendent au prix cadeau tout ce qu'ils ont pris et ont gardé. 
   C'est pourquoi on trouve tout à des prix cadeaux au Liberia. De l'or au prix cadeau, du diamant au prix cadeau, des télévisions au prix cadeau, des 4 X 4, cadeau, des pistolets et des kalachnikovs ou kalach, cadeau, tout et tout au prix cadeau.

Ingérence humanitaire, c'est le droit qu'on donne à des États d'envoyer des soldats dans un autre État pour aller tuer des pauvres innocents chez eux, dans leur propre pays, dans leur propre village, dans leur propre case, sur leur propre natte.

L'énorme machine de l'ONU sert l'intérêt des toubabs européens colons et colonialistes, et jamais l'intérêt du pauvre nègre noir sauvage et indigène.

J'étais un enfant de la rue. Et quand on n'a plus personne sur terre, ni père ni mère ni frère ni sœur, et qu'on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s'égorge, que fait-on ? Bien sûr on devient un enfant-soldat.

J'ai tué beaucoup d'innocents au Liberia et en Sierra Leone où j'ai fait la guerre tribale, où j'ai été enfant-soldat, où je me suis bien drogué aux drogues dures.

Les gars qui étaient sur la moto avaient cru que c'étaient des coupeurs de route. Ils ont tiré. Et voilà le gosse, l'enfant-soldat fauché, couché, mort, complètement mort. Walahé! Faforo!

Quand un Krahn ou un Guéré arrivait à Zorzor, on le torturait avant de le tuer parce que c'est la loi des guerres tribales qui veut ça. Dans les guerres tribales, on ne veut pas les hommes d'une autre tribu différente de notre tribu.

Tous les villages étaient abandonnés, c'est comme ça dans les guerres tribales : les gens abandonnent les villages où vivent les hommes pour se réfugier dans la forêt où vivent les bêtes sauvages. Les bêtes sauvages ça vit mieux que les hommes... 

Balla m'expliquait que cela n'avait pas d'importance et intéressait personne de connaitre sa date et son jour de naissance vu que nous sommes tous nés un jour ou un autre et dans un lieu ou un autre et que nous allons tous mourir un jour ou un autre et dans un lieu ou un autre pour être tous enfouis sous le même sable.

Partout dans le monde une femme ne doit pas quitter le lit de son mari même si le mari injurie, frappe et menace la femme. Elle a toujours tort. C'est ce qu'on appelle les droits de la femme.

Allah n'est pas obligé
Éditeurs : Seuil 2000 et Points 

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Dans les foyers polygamiques, toutes les femmes ne sont pas égales. Il y en a une qui est aimée plus que les autres, c’est la préférée. Les enfants de la préférée sont souvent aimés plus que les autres enfants. C’est pourquoi en Afrique existe l’expression : aimer un petit comme l’enfant de sa préférée.

Le système de travaux forcés est simplement un esclavage qui ne dit pas son nom. Cet esclavage sans le nom est l'institution la plus condamnable, la plus honteuse, la plus contraire aux droits de l'homme de la colonisation. Les jeunes devenaient des conscrits qui, une fois recrutés, étaient sous bonne garde pendant les mois de travaux forcés. Ils étaient envoyés au Sud dans des wagons de marchandises fermés sous 45 de chaleur. Les mêmes wagons, la chaleur en moins, dans lesquels les Allemands envoyaient les juifs aux travaux forcés pendant la dernière guerre. Le système des travaux forcés assure une main d’œuvre de qualité et bon marché aux paysans français qu'on a fait venir de France.

Dans une guerre, les adversaires tiennent compte des droits de l’homme de la Convention de Genève. Dans un conflit tribal, on tue tout homme qui se trouve en face. On se contrebalance du reste comme de son premier cache-sexe.

Quand on refuse on dit non
Éditeurs : Seuil 2004 et Points

22 mai 2015

Dans une pseudo-démocratie près de chez vous

Encore des élections!

Promesses durables : 
   Happiness is just one purchase away.
   Happiness is just one election away.
   Happiness is just one war away.

“All propaganda is lies, even when one is telling the truth. I don’t think this matters so long as one knows what one is doing, and why.” (14.3.1942)
~ George Orwell   (Orwell diaries 1938-1942) http://orwelldiaries.wordpress.com/

Allez hop! dans le nuage. (Artiste : Pkuczy)

«En réaction au besoin humain de se connecter à quelque chose de plus profond et de plus satisfaisant que les convoitises suicidaires de nos sociétés, des individus du monde entier font preuve de créativité, de courage et d’intelligence pour s’extirper de leurs façons de vivre conditionnées. Dans un sens, on peut les dire à contre-culture, dans un autre sens, ils se sont engagés à suivre un impératif culturel plus profond, enraciné dans l’appréciation de la terre, de la vie et de la beauté des choses simples. ... Suis-je un anarchiste, un fauteur de trouble, un rebelle, un agitateur, parce que je veux participer à quelque chose de totalement nouveau? Si oui, alors, je suis un ‘anarchiste, non-violent et compatissant’.» (William Martin)

L’article suivant se rapporte à la campagne préélectorale américaine, mais on peut facilement se l’approprier.

Propagande
Par William Martin

[Extraits, traduction/adaptation maison]  

(...)
La propagande consiste essentiellement à associer des images à charge émotive et des mots à une idée politique ou économique qui, en réalité, n'a rien à voir avec les images et les mots utilisés. Imaginez une publicité politique montrant des enfants adorables qui jouent sur du gazon vert (au ralenti, bien sûr, avec fond de musique douce) et un parent concerné disant : «Je veux que mes enfants aient un avenir sûr, une bonne éducation, et la chance d’avoir une vie heureuse (plus d'images d'enfants en train de jouer ou assis sur les genoux de leurs parents ou qui vont à l'école). J’ai travaillé très fort pour assurer leur sécurité et je crains (notez l’émotion associée à ‘je crains’) qu'ils la perdent.» À la fin, le message est relié à : votez pour ...

Cette mini pièce de théâtre a évoqué l'enfance, la sécurité, le bonheur, l'éducation, et l'inquiétude. Rien d'essentiel n’a été dit, et les financiers derrière la pub se fichent très probablement de vos enfants, de leur éducation ou de leur sécurité. En fait, ils pourraient très probablement couper les budgets de l’éducation, couper le soutien aux enfants défavorisés, et siphonner votre argent durement gagné pour renflouer des guerres et l'exploitation. Mais peu importe – vos émotions ont déjà été subtilement biaisées de sorte que vous pensez que les enfants heureux et vos propres craintes sont liés à votre vote. La même annonce pourrait, bien entendu, vendre presque n’importe quoi.
(...)

L’acharnement politique sera pénible durant la période électorale toujours plus longue. Les peurs, les scénarios angoissants, les messages haineux et les convoitises dissimulées seront suscités à coups de milliards de dollars de propagande sophistiquée parodiant la démocratie. N’y faites pas attention. Éteignez, n’écoutez pas, sortez-la de votre radar. À la place, concentrez-vous sur la vie autour de vous. Regardez votre communauté à travers votre compassion innée. Laissez tomber vos peurs et le conditionnement d’autoprotection. Touchez, goûtez, écoutez la musique de la nature. Vous pourriez décider de voter pour quelqu'un parce que vous avez écouté la vie au lieu des medias. Vous pourriez décider de ne pas voter du tout. Si oui, ne le faites pas par désespoir ou apathie, mais par engagement profond à quelque chose de Nouveau. Quelque chose qui serait un pas vers une révolution transformatrice de la communauté, motivé par de la compassion envers notre monde.

Article intégral : http://www.taoistliving.com/?p=628

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Aujourd’hui, avec Internet, les partis politiques n’ont plus besoin d’agences de publicité pour leurs campagnes préélectorales. N’importe quel twit peut diffuser son baratin home-made sur le web à peu de frais. 
   Un équivalent du watchdog PRWatch devrait être créé pour nous aider à différencier l’authentique du toc  – The Center for Media and Democracy (CMD) is a national non-profit watchdog organization that conducts transformative investigative research and reporting. CMD's niche is investigating and exposing the undue influence of corporations and front groups on public policy, including PR campaigns, lobbying, and electioneering, research it has pursued since its founding in 1993. http://www.prwatch.org/cmd/

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LES BARBARES
ESSAI SUR LA MUTATION
Alessandro Baricco
Gallimard, 2014 (Publication d’origine : 2006)

7. Démocratie 

   Si l’avènement de la démocratie avait été un des signes avant-coureurs de l’invasion barbare? (...) 
   Que pensez-vous de l’idée que, très probablement, aux États-Unis, ces dernières années et les prochaines, deux familles ont occupé et occuperont le pouvoir, les Bush et les Clinton? N’est-ce pas une forme perverse de nostalgie pour les bonnes vieilles dynasties? Et choisir démocratiquement, comme on l’a fait en Italie, d’être dirigé tout simplement par l’homme le plus riche du pays : n’est-ce pas là une forme infantile de déni de soi nostalgique, de regrets tardifs? Au nom de quelle formule absurde  de dégénérescence embrasse-t-on, sans l’avouer, l’ennemi qu’on a vaincu? (...) 
   Mais on a souvent l’impression que même les principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondèrent l’idée de démocratie ont coulé à pic, et que la seule valeur effective de la démocratie est la démocratie. Lorsqu’on limite les libertés individuelles au nom de la sécurité. Qu’on transige avec les principes moraux pour exporter la démocratie par la guerre. Quand on résume la complexité des nuances politiques en opposition entre deux camps qui, au fond, se disputent une poignée d’indécis coincés au milieu. N’est-ce pas le triomphe de la technique sur les principes? Et cela ne ressemble-t-il pas de façon surprenante au même éventuel délire barbare qui risque de sanctifier une simple technique pour en faire une divinité reposant sur une absence de sens? Fixez dans les yeux la démocratie et la barbarie : vous y verrez la même tendance à devenir des mécanismes parfaits qui se déclenchent à intervalles réguliers sans jamais en produire d’autre qu’eux-mêmes. Des montres qui fonctionnent à la perfection, mais sans faire bouger l’aiguille.  (p. 185/188) 

13. Hélice

   (...) Dès lors qu’on accepte l’idée d’une mutation et qu’on s’écarte joyeusement pour la laisser passer, il faut se préparer à la perte sèche de toute hiérarchie préexistante, à l’écroulement de notre galerie de monuments. Quelque chose restera certainement debout, mais aujourd’hui nul ne saurait dire quoi. La terre tremblera et c’est seulement après, quand tout se sera de nouveau figé sous la belle forme durable d’une nouvelle civilisation, que nous regarderons autour de nous et que nous verrons ce qui, des paysages de notre mémoire, est encore là. (p. 206/207)

Épilogue. La grande muraille 

   (...) Il n’est nulle mutation qui ne soit gouvernable. Abandonner le paradigme du choc des civilisations et accepter l’idée d’une mutation en cours ne signifie pas qu’il faille prendre ce qui arrive tel quel, sans y laisser la trace de nos pas. Ce que nous deviendrons demeure la conséquence de ce que nous voudrons devenir. Le soin, l’attention, la vigilance sont donc particulièrement importants. Il est aussi inutile et grotesque d’élever de prétentieuses murailles sur une frontière qui n’existe pas qu’il serait utile, au contraire, de naviguer intelligemment dans le courant, avec l’idée d’une direction et des compétences de marin. Ce n’est pas le moment de s’effondrer comme des sacs de pommes de terre. Naviguer, telle est notre tâche. (p. 222) 

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Complémentaire

La bible de la propagande, par Edward Bernays (en français) :
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=21

De la préface de Normand Baillargeon, professeur en sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), essayiste et chroniqueur à ICI Radio-Canada Première :  

– On pourra prendre une mesure de l'influence des idées de Bernays en se rappelant la percutante remarque d'Alex Carey, suggérant que «trois phénomènes d'une considérable importance politique ont défini le XXe siècle». Le premier, disait-il, est «la progression de la démocratie», notamment par l'extension du droit de vote et le développement du syndicalisme; le deuxième est «l'augmentation du pouvoir des entreprises»; et le troisième est «le déploiement massif de la propagande par les entreprises dans le but de maintenir leur pouvoir à l'abri de la démocratie». L'importance de Bernays tient précisément au fait qu'il a, de manière prépondérante et peut-être plus que quiconque, contribué à l'articulation et au déploiement de ce troisième phénomène.

– Par-delà ces exposés, où il est parfois difficile de ne pas entendre le ton du bonimenteur, cette ambitieuse œuvre de propagande en faveur de la propagande fournit l'occasion, à un personnage au parcours atypique, d'exposer et de défendre sa solution au problème de la démocratie contemporaine tel qu'il le conçoit. Et c'est peut-être justement par les idées qu'il expose à ce sujet, par la transparence avec laquelle il dévoile certaines des convictions les plus intimes qui prévalent au sein d'une large part des élites de nos sociétés et de ses institutions dominantes, que cet ouvrage constitue un incontournable document politique. 

«Heureusement, la propagande offre au politicien habile et sincère un instrument de choix pour modeler et façonner la volonté du peuple.» (E. Bernays) 

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Citations du jour :

«Méfiez-vous des gens qui commencent toutes leurs phrases en employant cette expression : ‘pour être franc et honnête...’. Ces gens-là ont quelque chose à cacher.»
~ Serge Bouchard (De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs)

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«On commence à se méfier de la ‘transparence’, elle cache trop de choses. Quand ils parlent de transparence, les hommes politiques oublient d'être clairs.»
«Les corrupteurs s'en tirent toujours mieux que les corrompus.»
~ Yvan Audouard

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«La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.»
~ Paul Valéry

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Réinventer le lien
Un être humain est une partie de l’ensemble que nous appelons univers, une partie limitée dans le temps et l’espace. Il fait l’expérience de lui-même, de ses pensées et de ses sentiments comme quelque chose de séparé du reste, une sorte d’illusion d’optique de sa conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous limitant à nos désirs personnels et à l’affection pour quelques proches de nous. Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes et l’ensemble de la nature...
~ Albert Einstein