27 juin 2021

Être millionnaire : un signe de maladie mentale?

Notre société extrêmement laide et égoïste maximise le gain personnel, se dirigeant ainsi droit vers la destruction massive.

Comme on l’a appris, entre 1901 et 1979, ce sont les Sœurs de Saint-Joseph qui ont administré le pensionnat autochtone de Marieval en Saskatchewan, où l’on a découvert 750 sépultures non identifiées. Sur son site internet, la congrégation décrit ainsi sa mission : «Il s’agit de sauver de la décroissance fatale une population nomade réduite à une grande misère, par suite de la diminution rapide de la chasse et de la pêche.»

Pourquoi vivaient-ils dans la misère (et encore aujourd'hui)? Pourquoi cette «diminution rapide» de leurs moyens de substances? Il y a des raisons à tout. Les colonisateurs ont utilisé et utilisent la sélection «naturelle» par l’assassinat silencieux : acculturation/assimilation (civiliser ), métissage, transmission de maladies, dépossession de territoires (donc des sources de nourriture), parcage dans des prisons sans barbelés appelées réserves, etc. La population des Premières Nations de la colonie constituait, pour les Britanniques, un obstacle à sa croissance et à sa prospérité. En vue d’assimiler et de civiliser les Indiens, dans les écoles on forçait les enfants à renoncer à leurs langues, à leurs tenues, à leur religion et à leurs modes de vie traditionnels. C’est ainsi qu’on mit en place, partout au Canada, un réseau de 132 pensionnats de confessions catholique, unie, anglicane et presbytérienne en collaboration avec le gouvernement fédéral. De 1857 à 1996, plus de 150 000 enfants autochtones ont fréquenté les pensionnats.

Dommage que notre ambassadeur québécois des nations autochtones, Serge Bouchard, soit décédé récemment – il ne se serait pas privé de prendre la plume et la parole...

Photo : Serge Bouchard et son ami Jean-Charles Piétacho, chef des Innus d'Ekuanitshi

Les chefs de la Nation innue honorent la mémoire de leur grand ami Serge Bouchard.  «L’auteur, animateur radio et anthropologue a rejoint le monde des esprits et de leurs ancêtres. Il est un ami de longue date des Innus», lit-on dans un communiqué conjoint des chefs.

https://macotenord.com/hommage-des-chefs-innus-a-lanthropologue-serge-bouchard/

Dans la «note de terrain» ci-après et l’extrait du livre «Un café avec Marie», il expose l’une des causes de cette «grande misère» créée de toute pièce par les colonisateurs.

Le dentiste du lion

Serge Bouchard / Note de terrain, Québec Science, 22 septembre 2015

L’idée de pureté est une idée curieuse. Elle suppose une discrimination entre le pur et l’impur, entre le net et le moins net. Lorsque nous pensons protéger une nature vierge, nous la supposons intouchée, inaltérée, pure comme de l’eau de roche. En principe, il ne faudrait pas y poser le pied puisque nous avons le pied aussi sale que la main. Dès lors, cette nature vierge demeurerait inaccessible à jamais, puisque le seul fait d’y pénétrer pour mieux la contempler constitue un viol, une prise de virginité.

Les Américains ont un mot pour désigner les espaces sauvages : wilderness. Ils ont aussi la manière. Au XIXe siècle, ils ont développé leurs parcs nationaux en considérant qu’il fallait protéger ces territoires chastes de l’industrialisation et de la patte de l’homme. En réalité, il s’agissait de mettre de côté des réserves de paradis luxuriants pour le bénéfice des élites et des privilégiés, bien sûr au détriment des classes populaires et des couches inférieures de l’humanité. La nature pure exclut les humains cachés dans ses broussailles; seuls les anges fréquentent le paradis.

La wilderness américaine a même son icône : Theodore Roosevelt. Le président était un chasseur compulsif, tout comme ce dentiste qui a tué récemment au Zimbabwe un lion intouchable. Pouvoir se payer la tête d’un lion, cela indique bien le statut de l’ultra-prédateur. Teddy Roosevelt aimait les armes, la virilité, la race blanche. Ces qualités réunies, il ne lui restait plus qu’à créer des terrains de jeux pour les puissants de ce monde, des lieux sacrés où le prédateur suprême pourrait chasser en paix l’ours et le gros gibier, pêcher la truite à la mouche et le noble saumon, sans être importuné par le menu fretin de la société.

Nous avons été au Québec à l’avant-scène de cette comédie. La nature sauvage, dont le pays regorgeait, n’appartenait nullement aux petits Canadiens français, et surtout pas, ironiquement, aux Sauvages. La nature appartenait à celui qui avait des loisirs et assez de goût, de raffinement, pour en jouir pleinement. Servir l’Américain, guider ces messieurs, fut notre destin. Nous avions tous le statut de «boy», comme dans les colonies. Autrement, si nous affichions quelque indépendance, si nous tuions l’orignal ou le saumon pour le manger, on faisait de nous des braconniers, des moins que rien, de petits pygmées qu’il fallait chasser des bonnes terres. Bas les pattes! Laissés à nous-mêmes, nous étions capables de détruire les ressources. Nous avions de la pureté à la pelle, mais nous étions trop impurs pour en profiter.

Photo : Henri Menier choisissait les têtes de cerfs du grand Hall.

Monsieur Menier, le riche chocolatier qui devint propriétaire d’Anticosti en 1895, investit une fortune pour développer son île : il en fit une réserve de chasse pour l’élite mondiale désirant se divertir à la manière des rois. Et pour faire les choses proprement, il n’eut de cesse d’en éloigner les Innus et les Cayens, ces parasites de la nature. Le comte de Gobineau, auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, était un grand ami de Menier et un grand amateur de safari. Où l’on voit que tout se tient. Le cercle des bien-pensants s’entendait sur les privilèges des humains supérieurs en face d’une nature qui leur revenait de droit. Terre sauvage, carré de sable des puissants messieurs de ce monde, chasse gardée des seigneurs aryens, nature réservée à l’usage des tenants de l’infériorité des races impures. Expulsons le Massaï du Serengeti, l’Indien de Yosemite, l’Algonquin du parc de La Vérendrye, le Montagnais de sa rivière, expulsons ces peuples de Métis, ces braconniers qui chassent pour manger; ne trouvez-vous pas que l’humain original fait tache dans les décors vierges du paradis terrestre?

Au tournant du XXe siècle, des journalistes américains des magazines de type outdoor cherchaient encore des autochtones «n’ayant jamais vu d’hommes blancs», quelque part au nord du lac Ashuanipi, dans la région de Petisikapau. Car la présence de Sauvages, naturellement, était gage de sauvagerie... Il suffit pourtant d’évoquer les explorations du géologue Henry Youle Hind au Labrador vers 1860, les réflexions du chroniqueur Arthur Buies sur le territoire québécois tout au long des années 1870 ou le fameux essai sur la Côte-Nord du naturaliste Napoléon-Alexandre Comeau, publié en 1909, pour se rendre compte que la nature sauvage, déjà, n’existait plus. Les sportsmen anglais et américains s’étaient donné des privilèges exclusifs de pêche au saumon sur les rivières québécoises depuis au moins 1850. La chasse sportive, la pêche à la mouche, le droit de tirer sur tout ce qui bougeait, du martin-pêcheur jusqu’au huard et à l’ourson, sans oublier le droit de chasser le Sauvage, tout cela avait sonné le glas de la fameuse wilderness.

Le lion doit être tué par un riche dentiste du Minnesota. Cela est dans l’ordre de la nature. Seul le dentiste aux dents plus blanches que blanches a le droit d’entrer nuitamment dans la réserve faunique africaine. Autrement, ce serait le chaos. L’Américain sacrilège a tué le lion à crinière noire, un lion protégé et interdit, le symbole même de la savane pure. L’argent s’est toujours arrogé la part du lion.

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Serge Bouchard a écrit une centaine de chroniques pour Québec Science. L'anthropologue a signé «L’esprit du lieu» de 2009 à 2017 dans laquelle il relatait les origines des noms de différents endroits en Amérique du Nord. Il a ensuite tenu la chronique «Notes de terrain», dans laquelle il livrait, jusqu'en juin 2018, ses impressions du monde.

Consultez la collection : https://www.quebecscience.qc.ca/categorie/serge-bouchard/

Un café avec Marie

Serge Bouchard / Les Éditions du Boréal 2021

P. 134-135 (Le rêve flou des Taïnos)

[...] L’autre jour, je donnais une visioconférence devant un public de sept cents personnes, gracieuseté de Zoom. J’étais en compagnie de Richard Kistabish, un Anishinabe de renom que je connais depuis des lunes. Ensemble, nous avons parlé pendant trois heures devant cette grande assemblée. Richard est un sage, je dirais : un jongleur, un trickster, ce qui d’ailleurs est la signification de son nom. Durant la conférence, il s’est lancé dans une diatribe aussi touchante que révélatrice. En haussant à peine le ton, il a dit ceci que je reproduis dans mes mots :

    «Pendant neuf mille ans, nous avons vécu ici, dans ce pays. Pendant neuf mille ans, nous avons protégé ce joyau, nous avons gardé ce trésor. On pouvait boire à même l’eau de la rivière, du lac. La forêt était vaste et intacte, les animaux sauvages avaient toute la place nécessaire pour se reproduire, heureux. Nous avions l’intelligence de notre terre, nous en avions toutes les compétences. Nous étions attachés à chacun des arbres de la forêt. Nous parlions aux animaux. Cela fait beaucoup d’attachement. Une branche cassait et nous le savions. Pendant neuf mille ans, nous avons fait de beaux enfants, nous avions des familles, nous avions notre langue, notre savoir, notre foi et notre spiritualité. Puis vous êtes venus, avec vos idées de progrès sous le bras. En l’espace de cent ans, de cent petites années, vous avez détruit les paysages millénaires que nous avions protégés, vous avez coupé à blanc la forêt sacrée. En seulement cent ans, vous avez volé nos enfants pour les maltraiter dans les pensionnats indiens, vous avez tué nos savoirs, vous nous avez enfermés dans des réserves, vous avez pollué tous les cours d’eau. La beauté a disparu, car nous étions beaux, aussi beaux que la nature pouvait être belle. Je dirais même que nous étions parfaits et que nous vivions au paradis sans virus, sans maladie. Comment réparer aujourd’hui les dommages catastrophiques faits à la nature par ce maudit progrès? Nous les Indiens, nous étions des conservateurs de la beauté. Vous, les gens de progrès, vous ne pensez qu’à détruire. Dans ma vie, autour de moi, tout est laid.»

    Discours naïf, manichéen? Bien sûr que non. La présentation de Richard Kistabish a la valeur d’une fable, c’est une fresque métaphorique, qui dépasse largement la question autochtone, celle du von Indien ou du mauvais Indien. C’est un plaidoyer contre la croissance démente, contre l’avidité, contre la dévastation du monde naturel et sauvage. Richard le Jongleur s’adressait à un public québécois et international, il y avait des centaines de personnes à l’écran, des Belges, des Suisses, des Français, des Tunisiens, des Libanais, des Russes. Je ne suis certainement pas le seul à avoir été ébranlé par son discours. La leçon de Kistabish vaut bien celles de plusieurs grands philosophes. Il nous dit que le sauvage est beau. Nous aurions besoin aujourd’hui, nal pris comme nous le sommes, de plus de pensées sauvages, de plus d’espaces sauvages, d’une bonne dose de liberté sauvage. Ne dites jamais «capitalisme sauvage», car cela est une insulte pour le sauvage. Sachons que le capitalisme est démesurément civilisé.

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«Malgré tout ce que les gens disent, à long terme, y’a pas de place pour les animaux sur terre avec nous. Malgré tout ce qu’on dit, y’a pas de place pour les arbres non plus. Y’a pas de place pour rien d’autre que nous, et ce que nous faisons, et ce que nous détruisons. L’être humain détruit, change, aménage, il humanise tout.» ~ Serge Bouchard (1999)

25 juin 2021

Rejetez la foi et embrassez la raison!

Les révélations au sujet de Kamloops venaient à peine de nous jeter par terre, qu’on apprenait l’existence de 751 sépultures non identifiées sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Marieval en Saskatchewan. Un pensionnat géré par des missionnaires oblats de l’Église catholique, a indiqué le chef autochtone Cadmus Delorme. Néanmoins, ce sont les Sœurs de Saint-Joseph, arrivées de Saint-Hyacinthe, qui ont administré le quotidien des élèves autochtones de 1901 à 1979, selon des archives du diocèse de Regina.

Les preuves physiques des tentatives de génocide sortent enfin au grand jour. «Il fallait tuer l’Indien dans l’enfant», clamait-on. Et John A. McDonald souhaitait littéralement les rayer de la carte. En 1883 il autorisa donc la création du système de pensionnats indiens. Les pensionnats avaient pour mission de retirer les enfants indiens à leurs parents afin  de les soustraire à leur culture : «Les enfants indiens devraient être retirés le plus possible de l’influence de leurs parents, et la seule manière d’y arriver est de les placer dans des écoles industrielles où ils vont acquérir les habitudes et les pratiques des Blancs.» (J. A. McDonald) En 1892, le fédéral signa un accord officiel avec l’Église catholique, lui confiant la gestion des pensionnats. En 1920 le surintendant général adjoint des Affaires indiennes, Duncan Campbell Scott, rendit les pensionnats obligatoires pour les enfants de 7 à 16 ans; les récalcitrants étaient emmenés de force et les parents emprisonnés.

Les connivences entre État et religion ont toujours des répercussions abjectes et injustes. On le savait que l’Église catholique était pas belle, mais là, j’espère que les fervents catholiques vont se réveiller et cesser d’enrichir cet immonde réservoir de d’hypocrites qui prêchent l’amour et la pauvreté, mais qui refuse d’admettre ses responsabilités et de s’excuser parce que ça va lui coûter trop cher; pourtant les coffres de l’État du Vatican débordent (1). Les protestants, les anglicans et les évangélistes ne sont pas mieux.

 
 
Photo : entre 1962 et 1971, dans le cadre de la politique d’assimilation et d’un programme d’adoptions forcées appelé Sixties Scoop, ce sont des milliers d’enfants indiens qui ont été enlevés à leurs familles. On évalue officiellement le nombre d’enfants à 20 000.

«Le délire de la suprématie chrétienne et occidentale, de l’élimination des hérétiques, n’est pas nouveau chez les catholiques. Et le caractère durable de cette philosophie ressemble à un véritable credo, un véritable objectif.

    Entre 1890 et 1996, ce sont de 50 à 100 000 enfants qui sont morts dans ces endroits lugubres. [...] Et puis, il y a eu la politique de stérilisation. Des centres de stérilisation ont existé, dans lesquels les jeunes gens étaient drogués et stérilisés, surtout s’ils n’étaient pas chrétiens. Mais tous les registres concernant ces stérilisations ont été détruits à partir de 1995, quand l’enquête de l’État a démarré. Les garçons étaient parfois mis devant des rayons X intensifs afin d’être rendus stériles, ou bien on leur faisait boire des poisons. Royce White Calf, un ancien Lakhota qui a été juge au Tribunal concernant ces pensionnats en juin 1998 à Vancouver, estime qu’entre un tiers et la moitié de toutes les femmes aborigènes du Canada Ouest et de l’Alaska ont été stérilisées par des méthodes intrusives physiques ou chimiques autour de 1980. [...] Quand les bébés, souvent le fruit de viols par les pasteurs et compagnie, naissaient, on les tuait.

    En avril 2008, Kevin Annett a distribué aux médias du monde entier une liste de 28 charniers contenant les restes des enfants qui sont morts dans ces pensionnats indiens. De fait, les enfants à avoir vu le personnel des pensionnats enterrer des camarades, ou à avoir vu des cadavres, sont nombreux. Un des hommes de dieu qui a frappé à mort et enterré un gamin inuit battu à mort finissait toujours ses sermons du dimanche par souviens-toi : le seul bon indien est un indien mort 

On a souvent dit que ces allégations étaient exagérées. Eh bien là on commence à comprendre qu’il ne s’agit aucunement de fabulations. Si vous voulez avoir une idée claire de l’ampleur du génocide délibéré, lisez ce dossier extrêmement bien documenté :

https://www.siwel.info/le-canada-demande-pardon-aux-peuples-autochtones-lindescriptible-histoire-des-pensionnats-indiens_7337.html

«Qu’y a-t-il de mal à susciter une aversion intense contre la religion si les activités de cette religion sont tellement scandaleuses, irrationnelles ou à l’encontre des droits de l'homme qu'elles méritent d'être intensément détestées?» ~ Rowan Atkinson

Mes pensées de plus sincère de dégoût aux églises chrétiennes et je leur souhaite la damnation éternelle (telle qu’elles la conçoivent)!

https://www.siwel.info/le-canada-demande-pardon-aux-peuples-autochtones-lindescriptible-histoire-des-pensionnats-indiens_7337.html


Photo : Bibliothèque et Archives Canada. Pensionnat de Brandon, Manitoba 1946

Que sont devenus les enfants arrachés à leur famille?

Par Marcelline Boivin-Coocoo *

[Extraits]

J’avais fait ma première communion cet été-là. Quelques jours avant le départ, mes parents me mirent au courant. Cette fois-ci, j’allais faire partie du voyage moi aussi. Cela m’inquiétait un peu, car j’allais vers l’inconnu et je ne savais pas ce qui m’attendait. Cela m’excitait aussi car je me sentais assez grande pour partir avec ma sœur et mon frère. Mes parents préparaient notre départ. Un terrible silence commençait à s’installer dans l’atmosphère de la maison. On me faisait beaucoup de recommandations. Mes parents m’avaient acheté du linge et des articles de toilette ainsi qu’une petite valise. J’étais très fière de toute cette attention. []

    Une fois rendu à Amos, le train s’est arrêté et on s’est préparés à débarquer. Un gros camion avec une boîte en arrière est venu se placer devant la porte du train et on nous a poussés comme des animaux, sans que l’on ait le temps de mettre le pied à terre. C’est dans ce camion que nous nous sommes dirigés vers le pensionnat situé douze milles plus loin. Rendus là, ç’a été le tri, les garçons d’un bord et les filles de l’autre. Je regardais mon frère s’en aller avec les autres garçons et moi je tenais la main de ma sœur et on s’en allait du côté des filles. On nous a amenés dans une autre grande salle et on s’est assises sur des bancs tout autour de la grande salle et là on s’est toutes mises à pleurer. Les religieuses s’occupaient de nous, elles nous parlaient des règlements, nous donnaient des numéros pour nos casiers et notre linge qui étaient identifiés avec ces mêmes numéros qu’on devait porter durant toute l’année. Je ne me souviens pas quelle heure il était quand on est arrivées. Encore là, on nous a séparées : les petites, les moyennes et les grandes.

    Ensuite ce fut la cérémonie de l’épouillage. Très dégradant. Il y avait des tables devant nous, des bassines d’eau et aussi un peigne fin en fer et des produits contre les poux. Les religieuses et quelques filles qui travaillaient là se mirent à nous peigner la tête avec le peigne fin en fer, pour voir si on avait des poux. Elles n’y allaient de main morte. Ça faisait très mal sur le cuir chevelu. Elles nous mettaient aussi je ne sais quel produit sur la tête, contre les poux je suppose. Ensuite, c’était la coupe des cheveux. Elles ne nous demandaient  même pas si on voulait se faire couper les cheveux. On voyait nos cheveux tomber par terre. Je sais que moi, j’ai pleuré lors de cette cérémonie.

    Ensuite, on nous a amenés vers les douches pour le nettoyage corporel. C’était une petite salle avec plusieurs douches communes, même pas de rideaux pour s’isoler, c’était vraiment écœurant. Elles nous brossaient tout le corps avec une petite brosse semblable à celle qu’on prend pour les ongles. Je suppose qu’elles essayaient d’enlever notre bronzage pour qu’on soit plus blanches. Ensuite, on nous a désigné notre dortoir et notre lit. À chaque endroit, il y avait une série de règlements qui allaient avec. Je ne me souviens pas si on nous avait donné quelque chose à manger depuis notre arrivée. Voilà, c’est l’accueil auquel j’ai eu droit quand je suis arrivée la première fois au pensionnat.

    Le premier soir, une fois que l’on a été couchées chacune dans son lit, une personne a commencé à pleurer, puis une autre, et une autre : pour finir tout le monde pleurait dans le dortoir. C’était comme ça chaque année. Nous étions trois à notre arrivée : mon frère était du côté des garçons, ma sœur était chez les grandes et moi chez les petites. Nous étions tous séparés. Même nos parents étaient loin.

   La vie dans le pensionnat n’était pas facile, la discipline était très sévère. Il fallait obéir au doigt et à l’œil. J’ai subi toutes sortes de violences : verbale, physique et psychologique. J’ai été rabaissée, ridiculisée, contrôlée, battue et même harcelée sexuellement par un prêtre dans le confessionnal. Il nous faisait entrer là où le prêtre s’assied habituellement pour confesser et il nous tripotait les fesses, le salaud. J’ai été brisée dans tout mon être : physiquement, mentalement, affectivement et spirituellement. Depuis que je suis sortie du pensionnat, je ne pratique plus ma religion. Il fallait aller à la messe tous les jours, se confesser chaque semaine et prier à peu près trois fois par jour.

    La nourriture qu’on mangeait était infecte. Une fois, j’ai été témoin d’une chose qui m’a révoltée au plus haut point, mais je ne pouvais rien faire car j’étais trop petite. J’ai vu une petite fille qui ne voulait pas manger ce qu’il y avait dans son assiette. Je ne sais pas si elle était malade ou si elle n’aimait pas ça, elle pleurait et ne voulait pas manger. Une religieuse la forçait à manger. Soudain, la petite fille a vomi dans son assiette et la religieuse a continué, en lui faisant manger son vomi. Écœurant. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs du temps que j’ai passé dans ce pensionnat, mais ceux qui me reviennent m’ont marquée pour le reste de ma vie. Le jour où on nous a dit qu’on ne reviendrait plus dans ce pensionnat, on a toutes lancé un grand cri tellement on était contentes.

    L’autre pensionnat que j’ai connu était moins pire que le premier, en tout cas j’étais en mesure de me défendre. La discipline était aussi sévère, la nourriture aussi infecte, encore beaucoup de prières, mais au moins je n’y ai pas subi d’abus sexuels, car j’aurais été capable de me défendre. Je sais qu’il y en a eu là aussi. C’étaient toujours les plus jeunes qui étaient ciblés. J’ai vécu dix ans dans deux pensionnats. [D’abord le pensionnat d'Amos en opération de 1955 à 1973, puis le pensionnat de Pointe- Bleue en opération de 1960 à 1973.] 

* Née à Wemotaci (Mauricie) en 1950, Marcelline Boivin-Coocoo est aujourd’hui conseillère pédagogique dans sa communauté. [] Plusieurs de ses textes qui ont circulé surtout chez les Atikamekw, concernent les abus dans les pensionnats et les autres sources de problèmes sociaux présents à Wemotaci. []

Source :

Littérature amérindienne du Québec; Écrits de langue française, rassemblés et présentés par Maurizio Gatti; Société d’édition Bibliothèque Québécoise, 2009

La vie dans un pensionnat :

http://www.racontemoilhistoire.com/2017/05/pensionnats-autochtones/

Citation du jour :

 «Si l'on examine les généalogies de nombreuses "vieilles familles", on découvre des épisodes de trafic d'esclaves, de contrebande d'alcool, de trafic d'armes, de commerce de l'opium, de revendications territoriales falsifiées, d'acquisition violente de droits sur l'eau et les minéraux, d'extermination de peuples indigènes, de vente de marchandises de mauvaise qualité et dangereuses, d'utilisation de fonds publics pour des spéculations privées, d'opérations frauduleuses sur des obligations et des bons d'État, et de paiements pour des faveurs politiques. On trouve des fortunes bâties sur le travail d'esclaves, le travail sous contrat, le travail en prison, le travail des immigrants, le travail des femmes, le travail des enfants et le travail des briseurs de grève, le tout soutenu par la force meurtrière des voyous armés et de la milice. Le 'vieil argent' n'est souvent guère plus que de l'argent sale blanchi par plusieurs générations de possession.

    Le principe directeur des élites dirigeantes était – et est toujours : «Quand le changement menace de régner, alors les règles sont changées».   

    L'objectif d'une bonne société est de structurer les relations et les institutions sociales de manière à ce que les impulsions coopératives et généreuses soient récompensées, tandis que les impulsions antisociales sont découragées. Le problème du capitalisme, c'est qu'il récompense au mieux la pire partie de nous-mêmes : les pulsions impitoyables, compétitives, complices, opportunistes et cupides, en accordant peu de récompenses pour l'honnêteté, la compassion, le fair-play, l'amour de la justice et le souci de ceux qui sont dans le besoin. ~ Michael Parenti  

http://www.michaelparenti.org/quotes.html

Michael Parenti (né en 1933 à New York) est historien, politologue et critique culturel américain. Il a enseigné dans des universités américaines et étrangères. Ses écrits ont été traduits dans de nombreuses langues.

(1) «Certains hommes vénèrent le rang, d'autres les héros, d'autres le pouvoir, d'autres encore Dieu, et sur ces idéaux ils se querellent et ne peuvent s'unir – mais ils vénèrent tous l'argent.» ~ Mark Twain, Notebook

    Depuis le 13 mars 2013, le Pape François est le nouveau chef de file de l’Église catholique. Celui qu’on surnomme le «Pape des Pauvres» a notamment déclaré le 16 octobre dernier (2015) qu’il fallait que «l’humanité renonce à idolâtrer l’argent». Pourtant, l’État de la Cité du Vatican, nation du Saint-Siège, peut se targuer d’être l’un des pays les plus riches au monde alors qu’il ne compte en 2015 que 921 habitants!

    Il est difficile de connaître avec précision les avoirs d’une entité religieuse chargée de venir au soutien des pauvres et des nécessiteux, mais qui affiche un train de vie qui peut sembler aux antipodes des valeurs qu’elle déclare défendre.

    Le principal poste de recettes reste le don des fidèles. Près de 368 millions de dollars chaque année. Ramené aux presque 2,5 milliards de fidèles, cela reste malgré tout peu : moins de 15 centimes de dollars par chrétien et par année. Il faut ajouter à cela 213 millions de recettes commerciales (souvenirs, timbres) et 130 millions de recettes provenant des seules entrées des Musées des Vatican. Enfin, 35 millions proviennent des dons récoltés dans les diocèses et envoyés au Vatican.

    Mais le Vatican, ce n’est pas qu’une grande boutique de produits dérivés et de musées somptueux. C’est aussi un très grand propriétaire immobilier et financier. Ainsi, 182 millions proviennent de loyers et produits financiers quand 75 millions sont des dividendes versés directement par la banque du Vatican, l’Institut pour les œuvres de religion. Car la banque du Saint-Siège est une institution puissante.

Article intégral :

https://www.exemplaire.com.ulaval.ca/dossiers/eledoss/les-richesses-cachees-du-vatican/

8 juin 2021

Des photos émouvantes à pleurer

L’église catho refuse d’assumer sa substantielle part de responsabilité. Donc, pas d’excuses ni demande de pardon car ce serait admettre ses fautes. L’État du Vatican craint sans doute de perdre beaucoup d’argent en dédommagements.

En photos / Une fin de semaine de recueillement à Kamloops

Photographe : Renaud Philippe / Le Devoir 7 juin 2021

De vendredi à dimanche, le site de l’ancien pensionnat autochtone à Kamloops en Colombie-Britannique, a accueilli des centaines de personnes, jeunes et moins jeunes, venues faire leur deuil et honorer la mémoire des 215 enfants dont les restes ont été retrouvés sur le site le 27 mai dernier. Retour en photos sur une fin de semaine chargée d’émotions.

https://www.ledevoir.com/societe/608469/en-photos-une-fin-de-semaine-de-recueillement-a-kamloops

Dimanche, une foule s’est réunie devant l’ancien pensionnat pour accueillir un groupe de coureurs ayant parcouru 215 km, à la mémoire des 215 enfants. Le groupe de jeunes coureurs arrive aux abords de l’ancien pensionnat.

Sur la route Yellowhead, qui mène au site de l’ancien pensionnat, des croix revêtues d’habits d’enfants ont été installées.  

Une carte sur laquelle est écrit «I know you had a hard time there. But things will be better because we are standing up for you», déposée parmi des centaines de fleurs et d’objets, en face de l’ancien pensionnat.

4 juin 2021

Fitzgibbon... suite et fin

Mise à jour 5 juin 2021

Fizgibbon restera en conflit d’intérêts à son retour, dit l’opposition

Patrice Bergeron et Caroline Plante / Le Devoir 4 juin 2021

Pierre Fitzgibbon va réintégrer le cabinet, mais ce sera un ministre de l’Économie vendu «pour un million», toujours en conflit d’intérêts, a fait valoir l’opposition vendredi... Mais pour l’opposition officielle, Pierre Fitzgibbon est loin d’être blanchi pour autant. Car il sera redevable à l’acheteur qui lui aura rendu service en achetant ses parts, pour ainsi lui permettre de réintégrer le Conseil des ministres.

«Il est prêt à vendre ses actions pour un million de dollars, tout le monde est au courant qu’il n’est temporairement plus ministre de l’Économie et qu’il est à vendre pour un million, parce qu’une fois qu’il aura son million, il redevient ministre de l’Économie, c’est la définition même du conflit d’intérêts», a dénoncé le porte-parole libéral en matière de justice, Marc Tanguay.

Article intégral :

https://www.ledevoir.com/politique/quebec/607737/la-caq-rejette-le-rapport-de-la-commissaire-a-l-ethique-imposant-des-sanctions-a-fitzgibbon

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Les manquements à l’éthique sont aussi répandus que la corruption, ça fait partie des tactiques mercantiles ultra-capitalistes que tout le monde accepte sans sourciller. Avec une majorité de sièges en Chambre, un gouvernement peut remporter tous les votes qu’il désire, il suffit que ses députés suivent la «ligne» de parti comme des moutons. Le tam-tam électronique a dû se faire aller entre caquistes ces jours derniers! Parlez-moi d’une démocratie... L’opposition n’avait aucune chance. Parce contre, ça prouve une chose : M. Legault n’hésite pas à se fendre en quatre pour sortir ses amis du merdier. Ce serait génial s’il en faisait autant pour protéger l’environnement!

La CAQ incarne les idées de droites du pouvoir, et la pensée de Legault est d’abord une pensée économique $$$.

«Pourquoi héritons-nous de tels dirigeants? L’une des raisons est la manière dont les multinationales squattent depuis des décennies le système éducatif canadien. Les universités forment les cerveaux dont l’économie capitaliste a besoin. Comment espérer voir surgir des dirigeants pleins de sagesse dans un pays où les écoles enseignent ce que le pouvoir politique leur enjoint d’enseigner?» (Nancy Huston; BRUT, Lux Éditeur, 2015)

«Sont-ils simplets ou amoraux, ces gens innombrables qui admirent ou adulent les vainqueurs et méprisent les vaincus sans se soucier un seul instant de distinguer les gentils et les bons des salopards et des crapules?» Romain Guilleaumes

«Il ne peut concevoir ce qu'est le vice, celui qui ignore tout de la vertu.» Romain Guilleaumes

Caricature : Pascal / Le Devoir / 4 avril 2021

Aux dernières nouvelles, il semble que M. Fitzgibbon retrouvera son poste de ministre de l'Économie très bientôt et pourra continuer de solliciter des investisseurs pour soutenir les projets les plus écocidaires possibles - déforestation dans les réserves fauniques et les parcs de villégiature, GNL Québec, exploitation minière, gazière et pétrolière sur les rives du fleuve Saint-Laurent, forages dans les lacs et les rivières, et j'en passe.

La CAQ a réussi à nous enfariner... une fois de plus.

La Presse canadienne / ICI Radio-Canada Info, 4 avril 2021

Comme il l'avait annoncé, le gouvernement Legault a voté contre le rapport de la commissaire à l'éthique qui imposait des sanctions au député de Terrebonne, Pierre Fitzgibbon, pour ses manquements répétés au code d'éthique

Pour que le rapport soit entériné, il aurait fallu que les deux tiers des parlementaires votent en faveur, or la Coalition avenir Québec est majoritaire en Chambre, avec 75 sièges sur 125, donc elle a remporté le vote contre les trois partis d'opposition.