18 août 2020

Le fleuve de la mort

Enlisés jusqu’au cou, ce n’est pas le moment de baisser la tête...

La navigation sur la voie maritime du Saint-Laurent : 
il faut adapter l’industrie au fleuve, non pas adapter le fleuve à l’industrie.

«Malgré tout ce que les gens disent, à long terme, y’a pas de place pour les animaux sur terre avec nous. Malgré tout ce qu’on dit, y’a pas de place pour les arbres non plus. Y’a pas de place pour rien d’autre que nous et ce que nous faisons, et ce que nous détruisons. L’être humain détruit, change, aménage, il humanise tout.» ~ Serge Bouchard, anthropologue, écrivain et animateur radio

Photo de base : IStock. Les humains, en masse, ne représentent que 0,01 % de la vie sur la planète. Pourtant, malgré notre apparente insignifiance, notre influence sur le reste de la vie terrestre est indéniable. Changements climatiques, déforestation et surpêche sont tous des exemples cités couramment. Le groupe qui occupe le premier rang est… notre bétail! Environ 60 % des mammifères sur Terre sont des animaux d’élevage, tels que le bœuf, le porc et les autres animaux de la ferme.

En octobre 2019, le premier ministre François Legault vantait l’un de ses pires projets de développement économique : «le projet GNL Québec permettrait une réduction très importante des émissions de GES de la planète et il y aurait création de milliers d’emplois très payants en région».

Rien de bon ne peut résulter de ce fantasme, absurde à tout point de vue. Les élus, souffrant de glaucome environnemental, continuent de soutenir le projet sous la pression des lobbyistes; celui-ci devrait aller de l’avant avec ou sans l’approbation sociale.  

Une quarantaine d’économistes québécois ayant de sérieux doutes sur ses retombées économiques ont dénoncé le projet GNL Québec. À leur avis, il n’est pas crédible de soutenir que le gaz remplacera des énergies plus polluantes comme le charbon, en Europe et en Chine. D’autre part, les auteurs de la lettre affirment que les quelque 6000 emplois directs et indirects qui seraient créés pendant la phase de construction du projet et les 1100 autres une fois que l’usine de liquéfaction serait en activité risquent en fait d’aggraver la pénurie de main-d’oeuvre dans la région.

Plus de 250 médecins ont aussi exprimé leurs craintes en écrivant au premier ministre. «Nous vous écrivons en tant que médecins et professionnels de la santé au sujet du projet Énergie Saguenay-Gazoduq pour vous demander de prendre en compte les impacts négatifs qu’il pourrait avoir sur la santé humaine, s’il voyait le jour. Tout d’abord, le gaz naturel présente en lui-même un risque important de par sa nature hautement inflammable. Ce risque accompagne chaque étape de manutention du produit, dont le transport et le stockage. Depuis 2008, plus de 500 incidents impliquant des gazoducs relevant de l’Office national de l’énergie ont été répertoriés au Canada, dont certains font état d’explosions.
   C’est un risque dont nous devons tenir compte considérant que le projet Énergie Saguenay implique la construction d’un gazoduc de 782 kilomètres traversant le Québec de part en part, de l’Abitibi-Témiscamingue à Saguenay en passant par la Haute-Mauricie. Il en va de même pour le transport du gaz naturel liquéfié (GNL), dont 11 millions de tonnes seraient exportées chaque année en passant par le fjord du Saguenay dans des navires-citernes. En cas d’accident, le GNL peut former une dilution explosive avec l’air susceptible de s’enflammer et de causer des dommages jusqu’à 3,5 km.
   Une aberration climatique. Ensuite, lorsqu’il est question de changements climatiques, la santé humaine devient un enjeu mondial qui exige un sens des responsabilités transcendant le régionalisme. C’est pourquoi le projet Énergie Saguenay concerne la santé de tous.» [...]

Enfin, une centaine de professeurs et de chargés de cours de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) ont signé et envoyé au gouvernement une lettre d’opposition au projet d’usine gazière Énergie Saguenay, de GNL Québec. Ils disent redouter les répercussions d’un projet qui ne répondrait pas à «l’urgence climatique» et plaident pour une «transition socioécologique» dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
   «Il est évident que le Québec ne peut pas bâtir son avenir sur des projets fragilisant les écosystèmes, les populations humaines et l’avenir économique tout en provoquant une forte tension sociale régionalement et au Québec», insistent les auteurs de cette lettre envoyée au gouvernement du Québec, au gouvernement fédéral et aux députés de la région.
    «[...] C’est un leurre de croire que de futures infrastructures de transport gazier serviront aux intérêts de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Notre région possède tous les atouts naturels, environnementaux, humains et économiques pour se placer en chef de file d’une transition socioécologique qui désormais n’est plus optionnelle», ajoutent-ils, dans le document signé par 63 professeurs, 38 chargés de cours et 26 professionnels de l’UQAC.
À lire ou relire :

Gazoduq/GNL, en bref (octobre 2019)

Le projet de Gazoduq/GNL vise à exporter 11 millions de tonnes de gaz, principalement du méthane, provenant de l’Alberta. Le tracé de gazoduc risque d’affecter 43 communautés locales québécoises, de même que 5 communautés autochtones tout le long du tracé. Près de 320 passages par années seraient effectués dans le parc marin du Fjord du Saguenay, affectant les bélugas et plusieurs autres espèces marines protégées. De l’extraction jusqu’à la consommation du gaz, le projet émettrait un minimum de 46 millions de tonnes de gaz à effets de serres.


Le gouvernement Legault ne financera pas seul GNL Québec
Alexandre Shields, Le Devoir 14 août 2020

Photo : Alexandre Shields / Le Devoir. Les méthaniers qui exporteraient le gaz naturel d’Énergie Saguenay navigueraient dans le seul parc marin du Québec.

Vendredi, Québec solidaire a donc pressé le gouvernement de rejeter GNL Québec. «Sans injections massives d’argent public, c’est un projet qui ne verra jamais le jour. M. Legault doit tourner le dos à ce projet-là et proposer de vraies alternatives économiques au Lac-Saint-Jean et aux autres régions touchées par le projet», a fait valoir le député Gabriel Nadeau-Dubois.
   Du côté du Parti québécois, on estime aussi qu’il est temps de tourner la page sur cette usine, qui traiterait essentiellement du gaz naturel exploité par fracturation. «Je suis désolé pour les employés touchés, mais ces mises à pied démontrent une fois de plus que ce projet du siècle dernier est difficile à financer et à rentabiliser. La seule option est de passer à autre chose et que le gouvernement prenne un véritable virage vers l’économie verte et les énergies renouvelables, beaucoup plus créatrices d’emplois dans les régions», a expliqué au Devoir Sylvain Gaudreault, porte-parole en matière d’environnement.
   «Assujettir l’avenir d’une région aux aléas des capitaux et marchés étrangers volatils, c’est le contraire du principe de souveraineté économique. La seule et unique certitude de ce projet, ce sont ses effets délétères sur la biodiversité et le climat», a réagi pour sa part la Fondation David Suzuki. Les émissions liées au projet seront surtout produites en Alberta, mais aussi lors du transport du gaz naturel. Selon les évaluations des experts des gouvernements du Québec et du Canada, celles-ci devraient atteindre près de huit millions de tonnes par année.
   La Société en commandite GNL Québec, qui est la société mère responsable du financement des projets Énergie Saguenay et Gazoduq, a toutefois nié jeudi la rumeur qu’elle pourrait mettre un terme au plus important projet industriel de l’histoire du Québec. «Concernant l’avenir des projets, il n’y a aucune décision envisagée en septembre. Les deux projets poursuivent leur développement et le projet Énergie Saguenay s’apprête à franchir une étape cruciale avec la tenue des audiences publiques du BAPE.» Le mandat du BAPE pour ce projet doit débuter le 14 septembre.
   Le gaz naturel qui serait liquéfié par l’usine Énergie Saguenay serait exporté à bord de navires méthaniers qui traverseraient le seul parc marin du Québec, soit celui du Saguenay-Saint-Laurent. Selon les prévisions du promoteur, le projet impliquerait au moins 320 passages chaque année pour des navires de 300 mètres de longueur et 50 mètres de largeur. Ce volet soulève des questions sur la protection de mammifères marins du Saint-Laurent, dont le béluga.


Une baleine blessée dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent
Alexandre Shields, Le Devoir 14 août 2020


Photo : Florent Tanlet. Un rorqual commun photographié le 7 août dans le parc marin. Le cétacé aurait été sévèrement mutilé sur le dos par l’hélice d’un moteur ou l’étrave d’un bateau.

Une baleine d’une espèce en péril aurait récemment été blessée dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, a appris Le Devoir. Mais la confusion règne sur cet incident, selon ce qui se dégage des informations transmises par Parcs Canada, qui a changé sa version des faits en cours de journée vendredi.
   Selon les informations envoyées par courriel vendredi en avant-midi par les autorités du parc marin, un zodiac d’excursion de Croisières AML aurait heurté le 29 juillet «une baleine» dans le parc marin. L’incident est survenu «alors que les conditions de navigation étaient difficiles dû au brouillard. Le pied du moteur du bateau pneumatique aurait possiblement frappé un rorqual commun alors que le pilote était en route vers le quai», a-t-on précisé dans une première réponse, fournie à la suite d’une demande envoyée mardi.
   Une photo prise le 7 août au large de Tadoussac, dans le parc marin, et obtenue par Le Devoir, montre justement un rorqual commun qui aurait été sérieusement mutilé sur le dos par l’hélice d’un moteur ou l’étrave d’un bateau au cours des derniers jours. La blessure était très récente, mais elle ne menacerait pas la vie de l’animal.
   Dans sa réponse détaillée sur l’incident du 29 juillet transmise vendredi en avant-midi, Parcs Canada ne confirmait toutefois pas que le rorqual pris en photo le 7 août est la même baleine que celle qui aurait été heurtée par le zodiac d’AML. Fait à noter, le rorqual photographié mutilé et le cétacé qui aurait été frappé par le bateau se trouvaient tous deux dans le parc marin, où les rorquals communs sont très peu nombreux.
   Toutes les espèces de baleines qui fréquentent le Saint-Laurent sont susceptibles d’être heurtées par des bateaux. Certaines portent d’ailleurs des cicatrices de collisions ou de lacérations par des hélices de moteurs. Dans le parc marin du Saguenay -Saint-Laurent, une aire marine mise en place pour protéger les cétacés, les baleines sont aussi susceptibles d’être heurtées mortellement par des navires cargos, des pétroliers ou des porte-conteneurs.   


La baleine de Montréal sans doute tuée par un navire
Alexandre Shields, Le Devoir 11 juin 2020

[...]  
Pas moins de 7000 navires transitent chaque année sur le Saint-Laurent, notamment directement dans l’habitat des 13 espèces de cétacés qu’on peut retrouver dans l’estuaire et le golfe. Et les projets d’expansion portuaire à Montréal et à Québec, mais aussi sur le Saguenay, devraient accroître ce trafic maritime.
   Chaque année, des cétacés sont tués dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, principalement en raison d’empêtrements dans des engins de pêche ou parce qu’ils sont frappés par des navires commerciaux. La quasi-totalité de ces cas n’est jamais médiatisée, voire jamais rapportée. Ils concernent pourtant parfois des espèces en voie de disparition, comme le rorqual bleu, dont la population adulte est estimée à seulement 250 individus. Depuis 2017, pas moins de 20 baleines noires ont également été retrouvées mortes dans le golfe du Saint-Laurent. Certaines avaient été frappées par des navires.
   En plus des risques de collisions, la circulation maritime entraîne une pollution sonore constante qui peut s’avérer nuisible aux cétacés. Le bruit généré par les navires commerciaux sur le Saint-Laurent peut se propager sur plus de 100 kilomètres.


Définition du jour : idiocratie

Le terme idiocratie est utilisé pour décrire un gouvernement qui est régi par un ensemble de personnalités incapables, particulièrement sottes et n'ayant manifestement aucune compétence pour gouverner. Exemple : Le pays fonce vers le désastre, gouverné comme il l'est par une idiocratie.
   Mais, il ne faut jamais désespérer des abrutis...

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