8 janvier 2020

Si, je juge


Je ne juge pas? Si, je juge, je passe mon temps à juger. Ils m'irritent profondément ceux qui vous demandent, les yeux faussement horrifiés : «Ne seriez-vous pas en train de me juger?» Si, bien sûr, je vous juge, je n'arrête pas de vous juger. Tout être doté d'une conscience à l'obligation de juger. Mais les sentences que je prononce n'affectent pas l'existence des «prévenus». J'accorde mon estime ou je la retire, je dose mon affabilité, je suspends mon amitié en attendant un complément de preuves, je m'éloigne, je me rapproche, je me détourne, j'accorde un sursis, je passe l'éponge – ou je fais semblant. La plupart des intéressés ne s'en rendent même pas compte. Je ne communique pas mes jugements, je ne suis pas un donneur de leçons, l'observation du monde ne suscite chez moi qu'un dialogue intérieur, un interminable dialogue avec moi-même. ~ Amin Maalouf (Les désorientés)

Pour moi, toute cause qui tue cesse de me séduire. Elle s'enlaidit à mes yeux, se dégrade et s'avilit, aussi belle qu'elle ait pu être. Aucune cause n'est juste quand elle s'allie à la mort. ~ Amin Maalouf (Samarcande)

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