Ce qui suit n’est pas la description d'un film d’horreur d’Halloween ou d'une divination de sorcière. C’est la réalité que nous ne voyons pas parce qu’elle est sur notre nez.
La fin est proche
Jean-François Lisée / Le Devoir, 30 octobre 2021
Alors ça va se passer à peu près comme ceci. Autour de l’an 2030, des événements météo catastrophiques vont s’abattre sur une partie importante de la population mondiale. Un incendie ravagera la forêt boréale scandinave et sibérienne, canadienne et québécoise, jetant un nuage de fumée sur tout l’hémisphère nord, nous privant de soleil pour une ou deux saisons. Ou alors le quart de la production céréalière mondiale s’effondrera, provoquant rareté et cherté des aliments, puis des émeutes de la faim. Ou alors la mousson sautera trois années consécutives dans le Sud-Est asiatique, poussant des centaines de millions de personnes à migrer pour se nourrir. Probablement un mélange des trois scénarios.
(Avis aux amateurs de bonnes nouvelles : cette chronique n’est pas pour vous.)
C’est ici que des experts en sciences sociales prennent le relais des climatologues. L’ampleur des catastrophes provoquera un déclic mental mondial. Nous, Terriens, comprendrons simultanément trois choses : d’abord, que notre situation est désormais effrayante; ensuite, que tout ce qui nous est cher est sérieusement à risque; finalement, qu’il est trop tard pour éviter des calamités plus grandes encore.
Article intégral :
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/643923/la-fin-est-proche
Des Québécois sont friands de VUS et de pétrole
Changer le monde ou sombrer avec lui
Alexandre Shields / Le Devoir, 30 octobre 2021
Le rapport met aussi en lumière la nécessité de densifier les villes, de bâtir des quartiers en priorité pour la mobilité active et le transport collectif, de protéger les espaces verts en milieux habités, de favoriser l’agriculture urbaine et de miser sur différentes mesures d’adaptation, notamment les toits verts et les murs végétalisés. Bref, les scientifiques constatent qu’il faut mettre au rancart la vision du développement urbain qui domine depuis des décennies, y compris au Québec.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental) plaide pour un changement sans précédent de notre régime alimentaire, afin que celui-ci s’appuie sur une diète «à base de plantes». Ce virage «peut mener à une réduction substantielle des émissions de GES», de l’ordre de 50 % «par rapport au régime alimentaire occidental» actuel, où les produits d’origine animale sont omniprésents. Les gains environnementaux seraient bonifiés si on réduisait le «gaspillage», qui représente plus du tiers de toute la production alimentaire mondiale.
«Quand on regarde les ventes de véhicules, les achats immobiliers, la prolifération des objets dans les maisons et même l’engouement pour le bacon dans les sandwichs au poulet et d’autres sandwichs, j’ai du mal à déceler le signal que les citoyens sont prêts pour le changement. Au contraire, nous semblons prêts pour davantage.» ~ Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal
Ces nombreuses remises en question du statu quo par la science climatique ont suscité des commentaires négatifs de la part de certains pays qui ont voix au chapitre avant l’adoption du rapport définitif, en mars 2022. L’Arabie saoudite, l’Australie et l’Inde ont notamment plaidé pour une atténuation des recommandations concernant la sortie des énergies fossiles, tandis que le Brésil et l’Argentine ont critiqué les passages axés sur le changement de régime alimentaire.
«Si on prend le problème écologique au sérieux, la solution est de produire moins. Donc, pour la première fois, dans ce rapport, on aborde l’idée de base de la décroissance. Il faut qu’on diminue la quantité de matières et d’énergies qu’on utilise, mais aussi la quantité de déchets qu’on va produire. En résumé, ça veut dire produire moins de biens et de services. Tant qu’on ne propose pas cela, on sera très loin du compte.» ~ Yves-Marie Abraham, professeur au Département de management à HEC Montréal
Trois «points de bascule» qui risquent de faire dérailler le climat
La bombe enfouie dans le pergélisol
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est formel : la hausse continue des températures pourrait provoquer un dégel marqué du pergélisol, qui couvre de vastes étendues de l’Amérique du Nord, du Groenland et de la Sibérie. Or, celui-ci renferme d’énormes quantités de gaz à effet de serre (GES), sous forme de méthane et de CO2. Les scientifiques évaluent que le pergélisol, qui a déjà commencé à fondre en raison du réchauffement, contiendrait plus de 1700 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent du double du CO2 déjà présent dans l’atmosphère. Il s’agit donc d’une véritable bombe à retardement pour le climat. Ces émissions potentielles ne sont actuellement pas prises en compte dans les calculs des trajectoires climatiques, mais elles pourraient accélérer la hausse des températures et compromettre les efforts pour éviter le pire. Qui plus est, la fonte du pergélisol et la libération de GES se poursuivront même si toutes les émissions imputables à l’activité humaine cessaient immédiatement.
La forêt amazonienne, émettrice de GES
La région de l’Amazonie abrite les forêts tropicales les plus importantes de la planète. Celles-ci constituent non seulement un écosystème d’une très grande richesse, mais elles absorbent aussi une importante quantité d’émissions de gaz à effet de serre. Selon les données disponibles, les zones boisées et les sols contiendraient plus de 450 milliards de tonnes de CO2. Or, ce «puits de carbone» accuse un «déclin» marqué en raison de la déforestation, des feux provoqués par l’activité humaine et des effets du réchauffement climatique, selon une étude publiée en juillet dans la revue scientifique Nature. Les impacts sont tels que la portion sud-est de cette forêt est devenue émettrice «nette» de CO2, conclut cette même étude. Cette situation «remet en cause la capacité des forêts tropicales à séquestrer à l’avenir de larges volumes de CO2 produits par la combustion des énergies fossiles», selon le climatologue Scott Denning, de l’Université d’État du Colorado. Une autre étude récente, utilisant une autre méthodologie, est parvenue à la conclusion que l’Amazonie brésilienne a rejeté entre 2010 et 2019 près de 20 % de plus de CO2 qu’elle n’en a absorbé.
Fonte des glaces et hausse du niveau de la mer
Le niveau des océans, qui a déjà gagné 20 centimètres depuis 1900, pourrait encore monter d’environ 50 centimètres d’ici 2100, même en supposant de limiter le réchauffement à 2 °C, selon le GIEC. La hausse risque de dépasser «un mètre» si le réchauffement atteint les 3 °C, ce qui est actuellement très plausible. Cette montée du niveau des océans devrait provoquer une dégradation accélérée des milieux côtiers, une amplification de l’effet des tempêtes et des fortes marées, mais aussi un recul des côtes. Ces phénomènes risquent d’affecter des centaines de millions de personnes au cours des prochaines décennies. Les habitants des zones côtières, qui sont aujourd’hui plus de 680 millions, devraient être plus d’un milliard en 2050. «Des millions de personnes» pourraient donc être forcées de quitter ces régions, à titre de réfugiés climatiques, selon le GIEC. La fonte du Groenland, qui perd chaque année plus de 275 milliards de tonnes de glace, est en partie responsable de la hausse du niveau des océans. Cette fonte accélérée devrait d’ailleurs se poursuivre, sous le coup du réchauffement. Qui plus est, cet apport massif en eau douce dans l’Atlantique Nord perturbe progressivement le Gulf Stream, ce courant océanique qui influence notamment le climat de l’Europe. Par ailleurs, le GIEC évalue que l’Antarctique perd chaque année 155 milliards de tonnes de glace. Dans le cas de ce continent, la fonte de la glace qui se poursuivra inexorablement «a le potentiel de conduire à une hausse de plusieurs mètres au cours des prochains siècles».
Article intégral :
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/643905/changer-le-monde-ou-sombrer-avec-lui
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